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Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />

société. À cet égard, l’étude prospective « Sénégal 2015 » est pleine d’enseignements<br />

quand elle dit que les femmes ont été au service de projets politiques, de projets et d’investissements<br />

collectifs qui n’ont pas pris en compte leurs propres préoccupations. Ce<br />

processus de modernisation, en s'accommodant <strong>du</strong> clientélisme politique, a placé les<br />

femmes au cœur des transactions politiques, certes, mais toujours au service d’entrepreneurs<br />

politiques. Et le fort taux d’analphabétisme et la non-autonomie financière ont<br />

beaucoup contribué à un état de fait laissant la République sans citoyennes.<br />

C'est pourquoi il en est découlé, pour aller très vite, une « modernisation sans modernité<br />

». L’Etat postcolonial en Afrique a simplement entériné le processus sexué mis<br />

en place par la colonisation, avec une intégration dans l’économie monétaire par la culture<br />

de rente, et une intégration dans l’administration et la bureaucratie par l’é<strong>du</strong>cation<br />

occidentale. <strong>Les</strong> représentations des rôles des femmes et des hommes sont restées quasiidentiques.<br />

<strong>Les</strong> relations de pouvoir à l’intérieur des ménages, en restant inchangées, ont<br />

tracé les contours de la citoyenneté et de ses manquements, avec l’homme comme chef<br />

de famille et acteur de droit de la sphère publique, et la femme sous tutelle et confinée<br />

à l’espace privé. Là aussi on voit que l’accès à la terre, à l’é<strong>du</strong>cation, aux ressources économiques<br />

est lié intrinsèquement à ce statut.<br />

J’aurais pu prendre comme exemple le Code de la famille <strong>du</strong> Sénégal qui a voulu<br />

moderniser, mais sans les remettre en cause, les relations de pouvoir dans la société,<br />

dans la famille. C’est une analyse qu’on peut étendre à beaucoup de systèmes juridiques<br />

africains, en tout cas de la sous-région.<br />

D’une manière générale, il est évident que dans notre sous-région les femmes et les<br />

hommes, <strong>du</strong> fait de facteurs socioculturels, religieux et politiques, n’ont pas un égal<br />

accès à ces aptitudes déclinées comme étant l’aptitude à être en bonne santé, bien<br />

nourri, bien logé, intégré dans la communauté, à participer à la vie publique et à bénéficier<br />

de l’estime de soi. J’ai envie de dire : peut-on pro<strong>du</strong>ire <strong>du</strong> développement et surtout<br />

<strong>du</strong> développement humain <strong>du</strong>rable en faisant fi de l’égalité et de l’équité ? Peut-on<br />

parler d'efficience <strong>du</strong> développement quand ce dernier pro<strong>du</strong>it de l’inégalité et de l’exclusion<br />

? Peut-on parler de développement quand la pauvreté exclut y compris de la citoyenneté<br />

? Et comment réarticuler le développement par la citoyenneté et donc par une<br />

reconfiguration des relations de genre à l’intérieur de la société ? Il est évident que ces<br />

questions se posent aussi à la lumière de tout ce qui a été dit ici à propos de nouvelle<br />

géopolitique mondiale.<br />

Voilà pourquoi je parle d’une inclusion par la citoyenneté et le genre dans le développement.<br />

J'ajoute que la séquence démocratique a élargi des espaces de liberté mais<br />

sans subvertir cependant le paradigme de l’exclusion qui confine les femmes aux périphéries<br />

de l’espace politique. On me dira que les choses changent. Oui, mais peut-être<br />

pas assez vite. En effet, les représentations <strong>du</strong> politique sont encore fortement structurées<br />

par un imaginaire politique masculin, et restent donc tributaires de la mise à<br />

l’épreuve des frontières qui dessinent les limites <strong>du</strong> privé et <strong>du</strong> public, lesquelles se font<br />

de moins en moins rigides. <strong>Les</strong> assauts répétés de la crise économique expulsent les<br />

femmes de la sphère domestique. On se trouve devant un phénomène apparemment<br />

contradictoire exprimant à la fois une féminisation de la pauvreté sur le plan économique,<br />

et une plus grande affirmation des femmes sur le plan social et politique.

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