Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

Session 1 - Deuxième partie 93
Le rôle des femmes dans la lutte pour la démocratie
et le développement durable en Afrique
D r Aminata Diaw Cissé
Professeur à la faculté des lettres et sciences humaines
de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Je veux d'abord expliquer l’angle par lequel je vais traiter mon sujet, à savoir le rôle
des femmes dans la lutte pour la démocratie et le développement durable. J’ai eu le privilège
de voir un court-métrage de Ousmane Sembène intitulé Héroïsme au quotidien,
inspiré de son dernier film. On y voit des femmes en conflit avec leurs hommes et qui,
sous la conduite de l'une d'entre elle, vice-présidente du Conseil rural, mènent une
double lutte.
Une lutte, d'abord, pour la survie, avec la question de l’eau et de l’autosuffisance
alimentaire. Et une autre lutte pour recouvrer leur voix, recouvrer leurs droits, leur dignité
et, surtout, gagner leur place dans l’espace public. Ces femmes luttent parce que
leur horizon s'est ouvert grâce à un poste de radio qui est en train de changer les rapports
de pouvoir entre hommes et femmes au sein du village. Et les hommes, dans une
tentative vaine et désespérée de stopper ce processus, décident de brûler tous les postes
de radio.
Je tire de tout cela un certain nombre de leçons. Et d'abord celle-ci : l’Afrique ne
peut peser dans la nouvelle géopolitique mondiale qu’en cherchant des réponses endogènes,
ce qui ne signifie pas exclusion de l’autre. Deuxième leçon, et cette précision est
importante, il faut à l’Afrique une élite politique et intellectuelle ayant une claire
conscience des enjeux qui se dessinent et des défis qui s’imposent à elle.
Car pour son développement l’Afrique devra compter sur une ressource qu’elle a
ignorée jusqu’à présent, qu’elle n’a pratiquement jamais pris en charge. Cette ressource
c'est la citoyenneté et Mamadou N’Diallo en a déjà parlé. Je ne vais pas essayer de faire
de la prospective. Je vais plutôt essayer de m’inscrire « dans le terrain », dans le quotidien
et dans le présent, dans ce que j’appelle le « temps court ».
Il ne s’agira pas ici de refaire l'histoire mais plutôt de reprendre de manière critique
l'interaction qui doit lier de manière efficiente, genre, citoyenneté et développement.
En effet, si le développement africain est dans l’impasse aujourd’hui et exige des alternatives,
comme l’indique par exemple le thème de la 11 e Assemblée générale du CO-
DESRIA tenue à Maputo en 2005, n’est-ce pas parce qu’il n’a pas su prendre en charge
de manière inclusive la question de la citoyenneté et du genre ?
La fameuse formule souvent entendue, « Silence, développement en cours », n’estelle
pas révélatrice d’un mode de gouvernance qui a peu fait cas du rôle important
qu’auraient dû jouer la citoyenneté et le genre dans le développement ? Cette conception,
cette pratique du développement n'ont-elles pas provoqué, tout à la fois, une crise
du développement et une crise de la citoyenneté ? On voit dans les années quatre-vingtdix
par l’entremise des conférences nationales, et surtout dans les pays francophones,
une nouvelle géographie politique se mettre en place, faite de libéralisation politique et
de décompression autoritaire, avec un nouveau jargon. Ce dernier se décline avec les