Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
86<br />
Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />
<strong>Les</strong> syndicats africains et la géopolitique mondiale<br />
Evelyn Benjamin Sampson<br />
Coordinatrice des luttes en faveur de la jeunesse et contre la discrimination sexuelle,<br />
Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA, Ghana)<br />
Le mouvement syndical africain issu des luttes ouvrières, fer de lance de la conquête<br />
de l'indépendance d'un certain nombre de pays <strong>du</strong> continent, poursuit sa lutte. <strong>Les</strong><br />
syndicats ont réussi à survivre au monopartisme ou aux dictatures militaires, aux fastidieux<br />
programmes d'ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque mondiale,<br />
et à la démocratie multipartite.<br />
À l'heure actuelle, les tendances majoritairement néolibérales de la mondialisation<br />
ont fini par générer de l'insécurité, une dégradation des conditions d'emploi et une escalade<br />
de la pauvreté dans la plupart des pays <strong>du</strong> monde, l'Afrique étant la région la plus<br />
touchée. Même dans ce contexte critique, les syndicats africains progressent régulièrement<br />
et stratégiquement. Le fait que le mouvement syndical soit parvenu à faire face<br />
aux problèmes considérables que ces circonstances lui ont posés au cours de différentes<br />
époques, et à y survivre, l'a parfaitement préparé aux défis posés par les nouveaux développements<br />
géopolitiques.<br />
Je commencerai par évoquer le passé, notamment l'époque <strong>du</strong> colonialisme, de l'indépendance<br />
et les années qui ont suivi, indispensables pour comprendre les expériences<br />
et les prises de position des syndicats africains ; puis j'aborderai les effets des bouleversements<br />
géopolitiques sur les travailleurs africains et les mesures adoptées par l'OUSA<br />
pour remédier à la situation.<br />
L'ÈRE COLONIALE<br />
Dans les années cinquante, alors que de nombreux pays africains étaient des colonies<br />
françaises, anglaises et portugaises, l'orientation farouchement capitaliste ou mercantile<br />
des relations de travail a poussé les syndicats à se mobiliser pour défendre les<br />
droits des ouvriers, l'amélioration des conditions de travail et la justice sociale. Ces colonialistes<br />
ne pouvaient qu'être attirés par l'Afrique, source de près <strong>du</strong> tiers des ressources<br />
mondiales en matières premières, où ils voulaient développer des réseaux ferrés<br />
et routiers et d'autres infrastructures et appliquer une politique, non pour améliorer le<br />
bien-être de la population, mais pour tirer parti des richesses des pays et les exporter vers<br />
leurs métropoles. Le Ghana (qui s'appelait alors la Côte-de-l'Or), par exemple, présentait<br />
un intérêt économique et commercial majeur pour les Britanniques. La relative<br />
médiocrité des conditions de travail et la discrimination dont souffrait la main-d'œuvre<br />
indigène ont déclenché une série de conflits avec l'administration coloniale dans la<br />
plupart des pays. La lutte pour l'amélioration des conditions de travail, entamée par les<br />
ouvriers, a fini par déboucher sur la revendication de l'indépendance politique. Parmi<br />
les leaders syndicaux notoires qui ont œuvré en faveur de cette indépendance, citons Julius<br />
Nyerere en Tanzanie, Modibo Keita au Mali, Sékou Touré en Guinée et Kenneth<br />
Kaunda en Zambie. D'autres, tels que le Kényan Tom Mboya, malheureusement assassiné<br />
par des opposants politiques, sont devenus des ministres qui ont marqué leur<br />
époque.