Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Session 1 - Première partie 73<br />
même été décisive pour leur malheur. On pourrait en dé<strong>du</strong>ire que, la cause identifiée, il suffirait<br />
de rompre le lien avec elle pour que tout s’arrange. C’est à mon avis plus compliqué.<br />
Ce n’est pas parce que ce lien a bloqué le développement qu’il ne peut être transformé ; c’est<br />
sur lui qu’il faut travailler, sur l’articulation d’espaces de développement à des niveaux différents<br />
pour faire en sorte que surgissent de nouvelles relations entre eux.<br />
Je préfère de beaucoup la maîtrise de la souveraineté. Elle n’exclut pas le lien avec l’autre,<br />
tout en veillant à conserver le contrôle de marges de liberté. Prenons par exemple la<br />
dette. De nombreux pays <strong>du</strong> tiers-monde ont, à un moment de leur vie économique, besoin<br />
d’un apport financier pour boucler leur budget. L’endettement est souvent présenté comme<br />
la meilleure solution. Mais il in<strong>du</strong>it un cercle vicieux, car l’emprunt est libellé en dollars et<br />
doit être remboursé dans cette devise. Le tiers-monde n’en émettant pas, il se voit contraint<br />
de convertir ses appareils pro<strong>du</strong>ctifs en direction des marchés extérieurs. L’endettement international<br />
est la façon la plus insidieuse d’amener le tiers-monde à satisfaire les besoins erratiques<br />
de l’économie mondiale en lui faisant favoriser les secteurs exportateurs. C’est ainsi<br />
qu’il exporte ses “avantages naturels” : les matières premières, pillées, et le travail, surtout celui<br />
des enfants. C’est toute la structure de l’économie qui est modifiée pour rembourser l’emprunt.<br />
Lorsque des pays <strong>du</strong> sud décident de commercer les uns avec les autres en utilisant une<br />
autre monnaie, c’est un pas vers l’autonomisation, que Sophie Bessis a raison de préférer à<br />
l’autarcie. Car il existe des pays partis de très peu et qui ont su modeler leurs relations avec<br />
l’environnement international, y compris en adoptant des mesures protectionnistes courageuses,<br />
pour s’insérer à leur avantage dans l’économie mondiale. La Corée <strong>du</strong> Sud a tout<br />
fait sauf jouer le jeu libéral. Plus mauvais élève <strong>du</strong> FMI, elle a réussi à se développer à un<br />
niveau remarquable par rapport à celui qui était le sien voilà cinquante ans. Il ne faut pas<br />
se figer dans une posture, mais, à chaque instant, voir quelle opportunité peut se présenter<br />
dans une relation pour en tirer le meilleur profit possible. »<br />
Mansour Sy (Sénégal) : « Je voudrais soulever une autre question que celle des APE et<br />
de l’autarcie : celle de l’État africain. Hérité de la colonisation, il se trouve aujourd’hui passablement<br />
secoué. Ses rapports avec la Chine, l’Inde, l’Europe et les États-Unis ne passent aujourd’hui<br />
que par les dimensions sécuritaire et commerciale. La globalisation est<br />
incontournable ; les rapports avec d’autres régions <strong>du</strong> monde sont inévitables, mais il faut<br />
les refonder sur la base de la coopération. <strong>Les</strong> APE ne doivent pas masquer les problèmes<br />
intérieurs de l’Afrique. »<br />
Penda Cissé (Sénégal) : « Nos gouvernements devraient tirer profit de la querelle sinoeuropéenne<br />
en Afrique pour développer notre économie. Comment disposer d’in<strong>du</strong>stries performantes<br />
? Il faut approfondir les programmes de mise à niveau avec l’Union européenne,<br />
mais ce n’est pas une raison pour oublier l’agriculture et l’artisanat. J’aurais aimé que M. Lu<br />
Shaye fût encore présent pour entendre ma réponse à son panégyrique de la présence chinoise<br />
en Afrique. Certes, les pro<strong>du</strong>its chinois sont à la portée des bourses africaines. Mais les fameuses<br />
chaussures dont il parle sont de très mauvaise qualité. J’en ai moi-même acheté une<br />
paire à ma fille : la semelle s’est décollée dès le lendemain en allant rendre visite à ma mère !<br />
À 2 500 FCFA la paire, cela revient cher à l’année s’il faut en acheter tous les jours ! Ne nous<br />
tournons pas vers l’extérieur pour pro<strong>du</strong>ire ce genre de biens. Encourageons plutôt les<br />
cordonniers locaux, au savoir-faire extraordinaire. Donnons-leur les moyens d’accéder au