Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />
L’UA a remporté une grande victoire en empêchant que cette affaire ne soit déjà<br />
réglée. À la Commission et au Conseil, personne ne s’y attendait. J’avais assisté à une discussion<br />
entre des présidents de groupes, des représentants de la Commission, et la présidence<br />
portugaise avant la conférence de décembre dernier. Ils étaient très sereins ; aujourd’hui, ils<br />
sont déstabilisés. Mais les intérêts et les contraintes des règles de l’OMC négociées par les dirigeants<br />
européens en 1994 sont tels que ce bras de fer est très <strong>du</strong>r. Il nous faut parvenir à<br />
convaincre nos opinions publiques respectives de notre intérêt commun à ne pas signer un<br />
chèque en blanc à la logique libérale. Il nous faut renégocier, et obtenir des modifications sensibles<br />
sur des points où c’est possible, en particulier sur cette prétention à aller au-delà des accords<br />
de l’OMC en matière de libéralisation des échanges, des marchés publics, et de<br />
dérégulation des mouvements de capitaux. C’est dans le cadre <strong>du</strong> débat public que résident<br />
les espoirs de changement. »<br />
Mamadou Lamine Diallo (Sénégal) : « Il est certain qu’il ne fallait pas signer, mais<br />
pas simplement pour gagner <strong>du</strong> temps. Nous savions depuis 2000 que la période transitoire<br />
allait <strong>du</strong>rer huit ans. Force est de reconnaître que nous n’avons pas fait grand-chose pendant<br />
cette période. Cette question ne doit pas non plus masquer la mauvaise gestion des finances<br />
publiques au Sénégal. Car ce qui est en jeu, c’est l’aide européenne donnée chaque<br />
année à l’Afrique en fonction de certaines réformes économiques proposées. Que renégocier ?<br />
Il nous faut à mon avis reparler prioritairement de la question migratoire, de la mobilité<br />
des hommes. Je ne crois pas à la délocalisation des entreprises européennes en Afrique,<br />
car elle aurait déjà été effective depuis longtemps. L’UE ne fera pas pour l’Afrique ce qu’elle<br />
a fait pour l’Espagne ou l’Irlande.<br />
De ce point de vue, je suis d’accord avec M. Ndiaye : il nous faut penser en dehors des<br />
cadres logiques pré-tracés, mais pas pour nous diriger vers l’autarcie, je n’y crois pas non plus.<br />
Le constat global montre la prédominance d’États-continents dans le monde. Que pèsent le<br />
Sénégal ou la Gambie, face à la Chine ou l’Inde ? <strong>Les</strong> élites africaines doivent comprendre<br />
qu’il nous faut aller vers un État-continent. Nous devons nous extirper de nos égoïsmes pour<br />
poser objectivement et concrètement la question de l’intégration politique. Il n’y aura pas<br />
de salut pour nous en dehors de cela. »<br />
Sophie Bessis (France) : « L’autarcie n’est pas un gage d’indépendance. Référons-nous<br />
aux expériences <strong>du</strong> XX e siècle en la matière : le Cambodge des Khmers rouges et la Corée <strong>du</strong><br />
Nord aujourd’hui. Je ne pense pas qu’il faille les repro<strong>du</strong>ire, mais plutôt s’efforcer d’augmenter<br />
les marges de manœuvre africaines par rapport aux grandes et moyennes puissances. Effectivement,<br />
la Gambie ou le Sénégal ne pèsent rigoureusement rien au niveau mondial. Il<br />
convient donc d’opérer des regroupements régionaux et de dépasser les égoïsmes nationaux,<br />
ce qui est assez paradoxal dans le cas d’États qui ne sont pas encore des États-nations.<br />
Comment modifier les rapports de force ? Avec quels outils ? La question reste ouverte,<br />
mais la négociation des APE est intéressante en ce qu’elle prouve qu’il est possible de modifier<br />
les rapports de force. »<br />
Michel Rogalski (France) : « On peut comprendre les raisons qui militent en faveur<br />
de l’autarcie. La plupart des freins au développement de l’Afrique et <strong>du</strong> tiers-monde proviennent<br />
de leurs relations avec l’économie mondiale. Leur intégration au système dominant a