Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

Discussion
Session 1 - Première partie 71
Falilou Kane (Sénégal) 1 : « L’opinion sénégalaise est très préoccupée en ce moment par
les APE. J’aimerais demander à Francis Wurtz, avec qui j’ai beaucoup travaillé la question
à Bruxelles comment le Parlement européen et l’assemblée paritaire ACP-UE peuvent
nous aider, eux qui contrôlent l’exécution des accords de Cotonou révisés en 2005 à Luxembourg.
Il faut aussi noter que la réception de ces APE varie, puisque le Pacifique est sur le
point de signer, et que le processus avec les Caraïbes est bien engagé. Tout le monde doit se
mobiliser pour qu’à la fin, les accords conclus bénéficient à l’Afrique, et surtout, accroissent
les échanges intercontinentaux qui ne représentent que 10 % des échanges de la CEDEAO,
alors qu’ils s’élèvent à 60 % au sein de l’UE. »
Issa Ndiaye (Mali) : « Il me semble que plusieurs intervenants ont tourné autour de la
question centrale sans oser l’aborder. Car il existe en effet un véritable terrorisme intellectuel
qui interdit de penser hors des champs habituels. Cette frilosité théorique se manifeste par
la dictature de certains concepts, comme le réalisme. Aujourd’hui, la mondialisation semble
incontournable, tout comme les relations commerciales Afrique-Europe. Or, quels que
soient les politiques projetées, les actions menées, le monde, et l’Afrique en particulier, ne
trouveront pas de remède à leurs maux s’ils demeurent dans le système actuel. Ne conviendrait-il
pas de développer des stratégies de rupture pour qu’elle occupe une nouvelle place
dans le monde ? L’autarcie, y compris interne, au niveau local, doit être envisagée, car les menaces
qui pèsent sur nous ne sont pas seulement internationales. Nos États font bien souvent
courir de grands risques à leurs populations. Nous devons explorer de nouvelles voies. “Soyons
réalistes, demandons l’impossible.” »
Francis Wurtz (France) : « Pour répondre à M. Kane, je dirai que le pouvoir de l’assemblée
paritaire dans la négociation des APE est limité. Il n’est que consultatif, pas
décisionnaire. Les forces progressistes et le groupe de la Gauche unitaire européenne ne peuvent
que relayer au sein des institutions les rapports de force du débat public. En 2006,
Louisa Morgantini, de notre groupe, a présidé la Commission du développement. Nous avons
de la sorte pu obtenir qu’elle rédige un rapport sur l’impact potentiel des APE sur les ACP,
contribuant ainsi à clarifier les enjeux de ces accords. En septembre dernier, la GUE a organisé
une audition sur la question, ouverte à tous les parlementaires, aux ONG, et à des
acteurs publics. Ce fut un succès. Nous avons aussi pu arracher la capitale Commission du
commerce extérieur, que préside Helmut Markov ici présent, pour la deuxième moitié de la
législature. L’une de nos motivations principales était précisément de pouvoir peser dans ce
débat sur les APE. Car cette commission est la plus imbibée d’idéologie capitaliste, et pour
ne rien arranger, son interlocuteur à la Commission européenne est le commissaire Mendelson,
plus féroce partisan de la conception libérale des APE. Nous nous efforçons donc d’être
présents dans tous les lieux où la question est abordée pour relayer l’opinion des acteurs publics
des ACP et des pays européens, et c’est pourquoi j’ai appelé tout à l’heure à ce que tous
se mêlent de cette confrontation.
1 Voir en annexe la liste indicative des participants au colloque.