Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />
miques ou diplomatiques à long terme. Naguère critiquée, cette façon chinoise<br />
de faire <strong>du</strong> business en Afrique est discrètement reprise par les pays occidentaux.<br />
- Le financement des infrastructures est revenu au goût <strong>du</strong> jour grâce à la Chine :<br />
la Banque mondiale et plusieurs bailleurs bilatéraux lui trouvent dorénavant certaines<br />
vertus.<br />
- <strong>Les</strong> pays occidentaux, qui, par l’action des institutions financières internationales,<br />
avaient largement rogné les prérogatives des États, semblent prêts à les réhabiliter<br />
au nom de leur centralité dans les relations internationales, ce que la<br />
Chine a toujours défen<strong>du</strong>.<br />
C’est en cela que, malgré leurs dénégations, les pays européens ont eu vite fait d’organiser<br />
un sommet Europe-Afrique en décembre dernier pour ne pas laisser l’Afrique<br />
à la Chine, selon le mot de la chancelière allemande Angela Merkel. Ils ont même ravalé<br />
leur opposition à la présence de Robert Mugabé. De la même manière, tout en<br />
poursuivant sa rhétorique antiterroriste, George Bush s’est mis à l’école de la conquête<br />
des cœurs et des esprits africains en finançant d’importants projets pour la promotion<br />
de la bonne gouvernance et pour la lutte contre le sida. Sa récente visite sur le continent<br />
participe d’une volonté de containment, d’endiguement de la Chine et de remise<br />
en question de ce qui se profile comme une pax china en Afrique.<br />
<strong>Les</strong> critiques prétendent que la Chine n’a pas encore beaucoup investi en Afrique,<br />
que le volume de ses interventions financières ne dépasse pas 5 % des investissements<br />
jusqu’ici <strong>du</strong>s aux pays occidentaux et qu’elle attise les conflits en étant l’un des plus<br />
grands exportateurs d’armes vers l’Afrique (plus de 1,3 milliard de dollars en 2003). <strong>Les</strong><br />
plus féroces affirment qu’elle n’est en Afrique qu’en tant que nouvelle puissance colonisatrice.<br />
De telles accusations ne peuvent pas être balayées d’un revers de main, car :<br />
- la Chine est encore en troisième position sur le plan des échanges commerciaux,<br />
derrière les États-Unis et la France ;<br />
- les dettes qu’elle a annulées sont en deçà de celles supprimées, notamment à Gleeneagles,<br />
par le G8 au profit <strong>du</strong> continent ;<br />
- ses investissements ne sont pas encore aussi massifs que les effets d’annonce peuvent<br />
le laisser penser ;<br />
- sa soudaine entreprise de sé<strong>du</strong>ction ne manque pas de dérouter ceux qui avaient<br />
observé le brutal retrait, dans la foulée de la révolution culturelle, de ses docteurs<br />
et de ses ouvriers aux pieds nus qui parcouraient les villes et les villages <strong>du</strong> continent<br />
pour dispenser une aide alors fortement appréciée par les populations.<br />
Sa recherche effrénée de ressources naturelles, y compris en les captant à travers le<br />
contrôle d’actifs énergétiques et miniers pour ne pas trop dépendre des cours fluctuants<br />
<strong>du</strong> marché, n’est pas sans exprimer une nouvelle forme de colonisation virtuelle, ou, à<br />
tout le moins, d’une ambition hégémonique.<br />
Si on ajoute à cela le fait que les hommes d’affaires, les diplomates et les hommes<br />
politiques chinois se distinguent souvent par une arrogance, un cynisme et surtout une<br />
froide ignorance des forces civiles dans leur relation avec le continent et ses populations,<br />
on ne peut qu’avoir des réserves sur l’influence grandissante de la Chine en<br />
Afrique.