Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />
Cela signifie-t-il la réactualisation imminente <strong>du</strong> vieux jeu de balancier géopolitique<br />
qui avait naguère permis à l’Afrique de profiter <strong>du</strong> <strong>du</strong>el entre le monde occidental<br />
et le défunt bloc communiste ? Même si, entre l’Occident et la Chine, la compétition<br />
est moins idéologique en raison des motivations principalement économiques et diplomatiques<br />
de l’actuelle ambition chinoise en Afrique, le résultat est déjà le même que<br />
celui issu de la guerre froide.<br />
À nouveau courtisée par des soupirants décidés à accéder à ses ressources naturelles,<br />
à son marché intérieur et à ses promesses géopolitiques, l’Afrique n’est plus cette fille esseulée,<br />
pour ainsi dire délaissée par ceux qui l’avaient désertée à la fin de la guerre froide.<br />
Le « fait chinois»,pour parler comme l’ancien ministre des Affaires étrangères de<br />
Grande-Bretagne, Jack Straw, a créé le déclic.<br />
Qu’il suscite des réactions contrastées, entre sinophobie et sinomania, n’est pas essentiel<br />
pour l’Afrique. Ce qui l’est, en revanche, c’est l’urgente nécessité de dégager une<br />
perspective africaine pour éviter que la relation sino-africaine ne continue d’être, comme<br />
cela a été le cas jusqu’à présent, une relation unilatéralement dirigée par Pékin.<br />
L’Afrique peut tirer profit de la montée en puissance de la Chine, mais à la condition<br />
qu’elle s’en donne les moyens conceptuels et programmatiques. Il faut aussi que la<br />
discussion soit franche, que les Chinois se départissent de leur discours trop policé.<br />
Après l’avoir laissé entrer largement à son insu, l’Afrique doit garder un œil sur le<br />
dragon asiatique.<br />
UNE PRÉSENCE MASSIVE ET DIVERSIFIÉE<br />
La présence chinoise frappe tout visiteur qui parcourt ce continent. Un exemple,<br />
dans la ville de Dakar, suffit pour le confirmer. Se promener sur ce qui s’appelle encore<br />
officiellement boulevard Général-de-Gaulle permet de mesurer facilement la prégnance<br />
de la Chine au Sénégal. Envahie par les commerçants chinois, l’avenue mériterait de<br />
changer de nom pour celui de Mao Zedong. Il faudrait, en vérité, songer à créer plusieurs<br />
boulevards Mao tant les Chinois ont essaimé à travers le continent ces dix dernières<br />
années. Ils sont partout, et dans tous les métiers.<br />
Entre 800 000 et 1 million d’entre eux vivent en Afrique. On les retrouve dans les<br />
raffineries <strong>du</strong> Soudan, dans les projets routiers ou urbains de l’Angola, dans les quartiers<br />
populaires <strong>du</strong> Togo au Bénin, dans les chantiers portuaires, aéroportuaires ou ferroviaires<br />
au Nigeria, ou au bas des buildings administratifs qu’ils construisent dans<br />
maints pays <strong>du</strong> continent.<br />
Ils pro<strong>du</strong>isent des disques, rivalisent, à l’occasion, avec les vedettes de la musique<br />
africaine, font des beignets au Cameroun, sont dans l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> pagne africain où les<br />
mama-benz <strong>du</strong> Togo sont laissées au bord de la route… Ils se lancent dans la lutte traditionnelle<br />
au Sénégal et fixent même les normes de l’in<strong>du</strong>strie de la prostitution en important<br />
des prostituées chinoises qui, par exemple, dominent désormais les nuits de<br />
plusieurs villes comme Douala.<br />
Cette présence humaine importante, ou dois-je dire ce péril jaune, n’est pas la seule<br />
caractéristique qui différencie la projection <strong>du</strong> pouvoir chinois sur le continent de celles<br />
de précédents intervenants extérieurs, notamment les forces coloniales européennes qui<br />
ont mis la main sur l’Afrique par des ports, des forts, et en y envoyant des soldats, des<br />
missionnaires et des fonctionnaires.