12.07.2013 Views

Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

La nouvelle donne chinoise en Afrique<br />

Adama Gaye<br />

Journaliste<br />

Session 1 - Première partie 51<br />

La Chine demeure une nation énigmatique. Portée par une civilisation de plus de<br />

cinq mille ans, elle constitue de ce fait l’État-nation le plus ancien au monde. Aujourd’hui,<br />

elle s’impose comme l’une des puissances respectées, voire craintes, en raison<br />

tant de son poids démographique que de ses atouts économiques susceptibles de la<br />

propulser, d’ici à 2040, au premier rang mondial de la compétition économique,<br />

comme le prédit la banque d’affaires américaine Goldman Sachs, que l’on ne saurait suspecter<br />

de complaisance à son égard.<br />

Martin Wolf, l’un des plus brillants analystes de l’économie mondiale, n’hésite pas<br />

à écrire dans le Financial Times que « la Chine change le monde entier ».<br />

L’historien Niail Fergusson, lui, ne craint pas de placer l’émergence de la Chine<br />

dans une perspective globale qui voit l’Occident chuter après un sanglant XX e siècle et<br />

une réorientation <strong>du</strong> monde vers l’Est.<br />

Le réveil de la Chine est un phénomène unique dans l’histoire mondiale par son ampleur.<br />

Le seul exemple qui s’y apparente, de loin, est la montée en puissance de l’Amérique<br />

après sa guerre civile.<br />

L’Afrique, bien sûr, est concernée par ce tsunami des temps modernes. Or le débat<br />

sur la problématique chinoise en Afrique fait encore défaut, bien qu’elle constitue un<br />

extraordinaire retournement de tendance sur le continent. Voici quelques années, en<br />

effet, à la fin <strong>du</strong> XX e siècle, la Chine n’était plus considérée comme un acteur important<br />

sur la scène africaine, au point que beaucoup l’en avaient hâtivement rayée. Pourtant,<br />

outre sa rapidité, la montée en puissance de la Chine sur le continent engendre des<br />

conséquences, négatives ou positives, sur la configuration actuelle de l’Afrique et sur ses<br />

perspectives, immédiates et à long terme.<br />

L’irruption <strong>du</strong> dragon asiatique s’accompagne ainsi d’une offre alternative de développement,<br />

que certains nomment « consensus de Pékin ». Auréolée des succès enregistrés <strong>du</strong><br />

fait de ses réformes économiques internes, elle a le vent en poupe au moment où s’essoufflent<br />

les modèles et recettes occidentaux qui régnaient naguère sur le continent. En<br />

somme, la Chine a mis fin à la pensée unique imposée par le monde occidental à l’Afrique<br />

à partir des années 1980 et, surtout, au lendemain de la fin abrupte de la guerre froide.<br />

Le temps est révolu où le développement de l’Afrique n’était analysé qu’à travers le<br />

seul prisme des politiques néolibérales centrées sur la ré<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> rôle de l’État promues<br />

par les pays occidentaux et leurs relais technocratiques, à savoir les institutions de<br />

Bretton-Woods. Rassemblées dans un corpus de prescriptions économiques que l’économiste<br />

Jon Williamson désigna, en 1989, comme le Consensus de Washington, elles<br />

étaient prolongées par l’exigence d’un ajustement politique : la démocratisation.<br />

Avec l’entrée de la Chine, le continent africain peut compter sur ce que, faute de<br />

mieux, il est convenu d’appeler modèle chinois, tant il est composé d’ingrédients répudiés<br />

par la vulgate néolibérale. L’Afrique manquait d’un tel levier depuis l’obsolescence<br />

de la principale alternative dont elle disposait à travers le modèle soviétique. Elle n’est<br />

plus orpheline de la Guerre froide.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!