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Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />

L’Afrique de Sarkozy : <strong>du</strong> mépris culturel à la méprise géopolitique<br />

Sémou Pathé Gueye<br />

Professeur de philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar,<br />

directeur <strong>du</strong> Laboratoire d’études et de recherches philosophiques et sociales<br />

contemporaines sur l’Afrique et le monde (LERPSCAM),<br />

membre <strong>du</strong> Conseil scientifique de la <strong>Fondation</strong> <strong>Gabriel</strong> <strong>Péri</strong><br />

L’une des préoccupations qui sous-tend l’organisation de la présente rencontre,<br />

pour les chercheurs <strong>du</strong> moins, c'est l’accumulation d’éléments qui puissent être exploités<br />

pour jeter les bases d’une prospective africaine, c’est-à-dire d’une science <strong>du</strong> futur<br />

africain qui renverse la perspective en pensant désormais le monde à partir de l’Afrique<br />

et non l’inverse. Cela signifierait pour la pensée politique et sociale africaine une révolution<br />

copernicienne, pour ne pas dire une révolution épistémologique.<br />

C’est dans cette perspective que je me suis proposé d’analyser le discours prononcé<br />

il y a quelques mois à Dakar par le président de la République française Nicolas Sarkozy.<br />

Ce discours, on le sait, avait en son temps suscité – et continue à susciter – beaucoup<br />

de débats empreints d’indignation. Des intellectuels africains lui ont, par exemple,<br />

reproché d’avoir été inspiré par le mépris culturel, par un certain racisme dont il croit<br />

pouvoir trouver l’inspiration dans les Leçons sur la philosophie de l’histoire de Hegel.<br />

L’interprétation de ces lignes <strong>du</strong> philosophe allemand qui fait de ce dernier un raciste<br />

ne résiste pas à une confrontation sérieuse avec l’ensemble de son projet philosophique.<br />

Ce n’est pas le lieu d’en débattre. Je voudrais plutôt dire pourquoi il faudrait<br />

aller au-delà de cette lecture, somme toute primaire, <strong>du</strong> discours <strong>du</strong> président Sarkozy<br />

pour pouvoir en saisir la véritable signification historique car, derrière celui-ci, se profile<br />

en filigrane l’esquisse d’un nouveau contexte géopolitique qui influence beaucoup<br />

la manière dont la France se situe désormais dans le monde et conçoit ses rapports avec<br />

lui. Pour aller vite, c’est le discours d’un pays dont l’apparente richesse actuelle masque<br />

la réalité d’une puissance en voie de décadence, obligée pour cette raison de renoncer<br />

à ses antiques prétentions impériales pour se comporter de plus en plus en relais et en<br />

appendice de l’hégémonie mondiale des États-Unis.<br />

Vue sous cet angle, la politique africaine de la France telle qu’elle s’exprime à travers<br />

ce discours qui s’est voulu de rupture, reflète les mutations historiques suivantes :<br />

- l’épuisement de la rente de situation politique et surtout économique que son<br />

passé colonial valait à l’Afrique ;<br />

- les effets des politiques néocoloniales pratiquées après l’indépendance qui ont<br />

non seulement démobilisé les peuples africains en gaspillant leur potentiel de développement,<br />

mais aussi découragé les couches sociales européennes qui étaient<br />

les plus favorables au continent ;<br />

- l’accession au pouvoir en France et en Europe d’une nouvelle génération<br />

d’hommes politiques qui n’a pas connu la colonisation et ne se sent donc pas<br />

concernée par les crimes et les fautes qui donnaient mauvaise conscience à leurs<br />

parents, ni le sentiment que l’Afrique était victime d’elle-même, des facéties de<br />

ses dirigeants comme Bokassa et Idi Amine Dada qui gaspillaient l’aide en la

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