Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />
Ainsi fut préparé gra<strong>du</strong>ellement le passage de « l’esprit de Lomé » à la logique de<br />
Cotonou. On brisa le tabou de la non-réciprocité entre partenaires inégaux. On loua<br />
les vertus <strong>du</strong> libre-échange au service <strong>du</strong> développement. Après la création de l’OMC,<br />
devant la montée des inquiétudes <strong>du</strong> côté ACP, la Commission s’efforça d’ancrer dans<br />
les esprits de nos partenaires l’idée de l’avènement inéluctable de la logique libérale, les<br />
nouveaux slogans s’appellent alors « non discrimination », « règle de la nation la plus favorisée<br />
». Tout au plus les dirigeants de l’Union européenne acceptaient-ils de rassurer<br />
ceux qui étaient toujours censés être leurs « partenaires privilégiés » sur le fait que les règles<br />
de Lomé seraient néanmoins tolérées jusqu’au terme de la Convention, soit le 19 février<br />
2000.<br />
C’est dans ce climat ten<strong>du</strong> que fut négocié l’Accord de Cotonou et qu’on commença<br />
à parler des APE, tout en évoquant une période transitoire agréée par l’OMC.<br />
<strong>Les</strong> contestations furent immédiates et vives de la part de nos partenaires ACP. Ils multiplièrent<br />
les interpellations sur les conséquences d’un tel choc sur leurs économies fragiles,<br />
et notamment sur le budget, la balance des paiements, les maigres flux<br />
commerciaux régionaux, la pro<strong>du</strong>ction agricole et in<strong>du</strong>strielle.<br />
Rien n’y fit. <strong>Les</strong> négociateurs européens promirent, grâce aux APE, la croissance<br />
économique et la ré<strong>du</strong>ction de la pauvreté. À aucun moment, l’Union n’a tenté, à<br />
l’OMC, de faire prévaloir une approche prenant en considération les exigences <strong>du</strong> développement<br />
– par exemple en demandant la révision de l’article 24 <strong>du</strong> GATT régissant<br />
les accords régionaux. Elle ne le fera même pas en 2001, à Doha, pourtant<br />
pompeusement appelé « cycle <strong>du</strong> développement ».<br />
Sous la pression des ACP, la Commission commandita pourtant en 1998 de premières<br />
études d’impact des APE et de l’application <strong>du</strong> principe de réciprocité à chacune<br />
des 6 régions ACP. Leurs conclusions furent plus que mitigées, soulignant :<br />
- que les effets positifs des investissements atten<strong>du</strong>s n’étaient pas garantis,<br />
- que le régime actuel était plus favorable aux PMA (Pays les moins avancés),<br />
- que les ACP non PMA seraient perdants dans l’affaire, notamment dans leur<br />
commerce régional où ils seraient concurrencés par l’Europe,<br />
- qu’une division pouvait en résulter entre pays ACP…<br />
Ces études furent mises sous le boisseau et l’Accord de Cotonou fut signé comme<br />
prévu le 23 juin 2000. Son article 34-2 en résume bien l’esprit radicalement nouveau :<br />
« le but ultime de la coopération commerciale et économique est la transition vers l’économie<br />
mondiale libéralisée ». Exit le développement.<br />
L’article 36, précise, quant à lui : « les parties conviennent de conclure de nouveaux accords<br />
compatibles avec les règles de l’OMC en supprimant progressivement les entraves aux<br />
échanges entre elles ».<br />
L’Accord de Cotonou prévoyait ainsi la mise en place dès le 1 er janvier 2008 des<br />
APE, entraînant :<br />
- non seulement la fin de la non réciprocité<br />
- mais le conditionnement d’une partie de l’aide aux performances économiques<br />
- tout le processus étant assorti de réexamens réguliers de la « capacité (des pays<br />
ACP) à ajuster leurs économies au processus de libéralisation ».