Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Session 1 - Première partie 31<br />
La stratégie européenne en Afrique :<br />
le cas des Accords de partenariat économique (APE)<br />
Francis Wurtz<br />
Eurodéputé, président <strong>du</strong> groupe Gauche unitaire européenne - Gauche verte nordique<br />
Je ne résiste pas au plaisir de saluer, chez lui, mon vieil ami Amath Dansokho, qui<br />
m’a souvent servi d’éclaireur au cours <strong>du</strong> quart de siècle écoulé depuis ma découverte<br />
<strong>du</strong> continent.<br />
Rassurez-vous : je ne vais pas basculer dans la nostalgie ! Bien que… C’est un fait<br />
que la période <strong>du</strong>rant laquelle je me suis intéressé aux relations Europe-ACP, que les<br />
nouvelles contraintes liées à la présidence <strong>du</strong> GUE-NGL <strong>du</strong> Parlement européen ne<br />
m’ont pas permis de poursuivre avec la même intensité après 1999, a été jalonnée d’expériences<br />
particulièrement marquantes et formatrices.<br />
Je n’étais pas peu fier de me voir affublé par l’un des hérauts de la droite colonialiste<br />
des années quatre-vingt-dix, le Français Guereur, <strong>du</strong> sobriquet d’« ACP d’honneur »<br />
parce que je votais par trop souvent à ses yeux contre mon « camp». Il ne pouvait pas<br />
comprendre, le pauvre, que celui-ci n’était pas a priori celui de l’Europe, mais celui de<br />
la justice, de la solidarité, de la coopération, de la dignité humaine, un « camp » qui n’est<br />
ni blanc, ni noir, ni jaune, mais un peu de tout cela à la fois.<br />
Je vais évoquer l’un des épisodes de cette période, parce qu’il est en rapport direct<br />
avec les enjeux qui nous occupent aujourd’hui. Il me permet, en effet, de resituer, dans<br />
l’histoire des rapports ACP-Union européenne, le tournant que représentent les APE.<br />
En 1989-1990, j’avais été chargé, au sein de l’Assemblée paritaire CEE-ACP, d’un<br />
rapport assez explosif sur « les effets de l’achèvement <strong>du</strong> marché unique sur les relations<br />
CEE-ACP ». Politiquement, c’était le temps <strong>du</strong> capitalisme triomphant et de la « fin de<br />
l’histoire ». De hauts fonctionnaires de la Commission n’hésitaient même plus à dire aux<br />
représentants des pays ACP que, la donne géopolitique ayant changé, la Communauté<br />
européenne serait amenée à revoir sa stratégie vis-à-vis de ses partenaires <strong>du</strong> Sud. Économiquement,<br />
c’était la période des négociations de l’Uruguay Round qui allait déboucher<br />
en 1994 sur les Accords de Marrakech et la création de l’OMC.<br />
C’est dans ce contexte que fut signée la quatrième et dernière Convention de Lomé,<br />
pour une <strong>du</strong>rée de 10 ans : 1990-2000. Déjà était amorcé le tournant qui con<strong>du</strong>ira au<br />
projet d’APE. La Commission européenne intro<strong>du</strong>isit dans Lomé une clause d’appui<br />
aux programmes d’ajustements structurels <strong>du</strong> Fonds monétaire international et de la<br />
Banque mondiale. Elle organisa l’érosion des marges préférentielles des pro<strong>du</strong>its ACP<br />
sur le marché européen, édicta des normes de plus en plus sévères, appliqua de façon<br />
stricte les règles d’origine. Par ailleurs, les protocoles « banane » et « sucre » étaient déjà<br />
sur la sellette en raison des règles préférentielles qui les régissaient.<br />
Dès les premières années de mise en œuvre de Lomé IV, la Commission a pris appui<br />
sur les faibles résultats de sa politique antérieure en matière de développement pour<br />
mettre en cause le principe même <strong>du</strong> régime préférentiel CEE-ACP.