Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

Session 3 239
que les textes régissant les partis politiques, la presse, les échéances politico électorales,
furent tous élaborés et fixés unilatéralement. Bien que d’inspiration démocratique, la
constitution a été vidée de sa substance par le rajout frauduleux de l’article 104 après
le vote référendaire et qui remettait au goût du jour l’ensemble des ordonnances répressives
prises par le régime d’exception.
Pratiquement, toutes les consultations électorales (de 1992 à 2001) ne seront qu’une
chronique de putschs électoraux déjà annoncés ! Les pitoyables anecdotes rapportées sur
les pratiques frauduleuses des thuriféraires du régime, aboutissant à des résultats préfabriqués,
mais souvent absurdes, ont mis à nu le caractère grotesque de ces triturations
électorales.
Sur le front des libertés publiques, les espaces ouverts par la constitution ont été
constamment refermés par un arsenal de textes répressifs, en violation de la lettre et de
l’esprit de la loi fondamentale du pays.
Outre l’absence totale du respect du principe de séparation des pouvoirs, le conseil
constitutionnel, le conseil supérieur islamique et la cour des comptes demeuraient des
institutions purement formelles, qui tournaient à vide. Tandis que l’accès aux médias
d’Etat était toujours obstinément refusé à l’opposition légale, la presse indépendante se
réduisait pour l’essentiel à des titres qui paraissent comme ils pouvaient, c'est-à-dire irrégulièrement,
selon les aléas de la censure. L’article 11 de la loi sur la presse fut interprété
à volonté pour faire disparaître temporairement ou définitivement toute
publication jugée indésirable.
Des institutions qui tournent à vide
Depuis la mise en vigueur de la constitution de juillet 1991, ouvrant la voie à des
élections pluralistes, jusqu’au coup d’État du 3 août 2005, la Mauritanie a connu trois
élections législatives (1992, 1996 et 2001). Les élections législatives de 1992 avaient été
boycottées par l’opposition. Ce boycott fut diversement apprécié, mais nombreux sont
les observateurs qui ont considéré que ce fut une erreur de l’opposition. L’absence d’une
solution alternative efficace a sans doute accentué cette impression. Avec le recul, nous
pensons que ce qui est important c’est de tirer les leçons d’un boycott comme d’une participation.
À la veille des élections législatives en 2001, bien que refusant toujours le dialogue
avec l’opposition, face au désintérêt des populations et aux pressions extérieures, le régime
de l’époque était contraint de faire quelques concessions mineures pour sortir de
l’impasse démocratique. C’est ainsi que l’introduction frileuse d’une proportionnelle limitée
à trois circonscriptions aux élections législatives de 2001, en était devenue la
condition. L’opposition avait gagné 11 sièges sur 81 que comptait l’Assemblée nationale.
Les résultats enregistrés par l’opposition avaient fait dire à certains milieux, souvent
à l’instigation de la propagande du régime, que les élections d’octobre 2001 avaient
été transparentes. Mais, il doit être clairement entendu que les maigres avancées relatives
aux élections de 2001 ne s’enracinaient dans aucune forme institutionnelle, d’où
cette impression générale de fugacité, presque de futilité.