Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

Session 3 237
Évolution politique et avancées démocratiques en Mauritanie
Hamidou Baba Kane
Vice-président de l’Assemblée nationale de la République islamique de Mauritanie, premier
vice-président du Rassemblement des forces démocratiques, consultant international.
La circonstance qui nous réunit à travers ce thème : « l’Afrique et l’Europe dans la
nouvelle géopolitique mondiale » nécessite de ma part quelques considérations : On
n’oublie trop souvent que les États aussi vivent et meurent. De façon pratique, nous devons
interroger l’État dans ses fondements ou ses fondations par un examen minutieux
des conditions de production de la norme. Quelle est la valeur d’une constitution ou
d’un code électoral taillés sur mesure ? Ce qui est légal, n’est pas nécessairement légitime.
Cette interrogation sur l’État, qui détient comme dirait Max Weber « le monopole
de la violence physique légitime » devra également porter sur l’examen de ce que les structuralistes
appellent les fonctions manifestes et latentes de l’État. Poussons aussi la réflexion
sur la question de savoir au profit de qui ces fonctions sont-elles assumées par
l’État et donc ses relations avec le citoyen et son environnement ?
En Afrique, l’État moderne tel que nous le connaissons précède la nation. Ce
constat renvoie à la problématique des questions nationales et de la citoyenneté posant,
à leur tour, le problème de la coexistence et de l’intégration des différentes communautés
et des hommes dans un État unitaire. Partageant le même destin, dans quelle
mesure et de quelles façons les différents groupes sociaux sont-ils associés à la gestion
du pouvoir ? On sait que l’exercice du pouvoir politique secrète l’allocation des ressources.
Or, dans un contexte de pauvreté aggravé par le défi écologique, c’est de la réponse
qui sera apportée aux tensions sociales nées de la pression des demandes, que
dépendront dans une large mesure, les succès et/ou échecs des politiques de développement
mises en œuvre.
Par conséquent, puisque le politique surdétermine les autres secteurs en exerçant
une primauté sur l’État, en tant que responsables de partis politiques, ce thème nous
interpelle doublement, tant au plan de la réflexion politique qu’à celui de nos institutions,
de nos pratiques et de nos valeurs.
Par conséquent, vous me permettrez de vous faire partager l’expérience de la Mauritanie.
Il reste entendu que parmi les défis à relever figure celui de l’intégration sousrégionale
et régionale, d’où la nécessité de prolonger toute réflexion prospective à
l’environnement de nos pays.
L’examen de ces différents points nous permet de préciser ce qui mérite de retenir
notre attention : j’aborderai les grandes lignes de l’évolution politique récente de la
Mauritanie et je partagerai avec vous quelques éléments de réflexion sur les défis de la
démocratie et du développement.
Au plan géopolitique, force est de constater que la Mauritanie se situe sur un arc
de crises qui traverse l’Afrique d’est en ouest. Les pays de l’arc de crises (Éthiopie, Soudan,
Tchad, Niger, Mali et Mauritanie) ont certes connu des fortunes diverses, mais à
des degrés divers et selon les époques, le choc des cultures, masquant souvent des intérêts,
a provoqué des violences d’une rare intensité dès les premières années d’indépendance.
L’illustration la plus radicale a conduit à la scission de l’Éthiopie en deux États