Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

Le cas du Cameroun
Samuel Mack-Kit,
Président de l’Union des populations du Cameroun
Session 3 233
La définition que donne le dictionnaire de la démocratie – « la doctrine politique
d’après laquelle la souveraineté doit appartenir à l’ensemble des citoyens. » - ressemble à celle
de Montesquieu dans L’Esprit des lois (Livre II, chapitre XI) : « Lorsque dans la République,
le Peuple en corps à la souveraine puissance, c’est une démocratie ».
Pour certains constitutionnalistes français, on pourrait la définir comme un régime
dans lequel le pouvoir vient du peuple, s’exerce par et pour le peuple, ou encore comme
le gouvernement auquel le plus grand nombre participe.
Le mot démocratie est formé de deux racines grecques. Demos : peuple ; et kratos :
règne, gouvernement, pouvoir. La notion de démocratie appelle nécessairement la notion
de liberté sur laquelle elle s’appuie, car sans liberté de pensée et d’expression ouverte
à tous, la démocratie devient un leurre.
Situé au fond du Golfe de Guinée, comptant une superficie de 475 000 km2 et une
population estimée à près de 20 millions d’habitants, le Cameroun comprend 200 ethnies
utilisant pour communiquer 220 langues en plus du français et de l’anglais. L’espérance
de vie y est de 46 ans ! Malgré son important potentiel agricole, minier et
humain, le pays est considéré comme PPTE.
Les contacts entre Camerounais et Européens ont historiquement toujours été
conflictuels. Ainsi en est-il de la présence allemande entre 1872 et 1916. La minorité
allemande débarquée sur les côtes tente alors d’imposer sa volonté au peuple, sans succès.
Pendant cette période, il n’y a donc ni démocratie, ni liberté. Lors de la présence
franco-britannique de 1916 à 1960, les minorités européennes ont le pouvoir et gouvernent
sans la participation du peuple. La lutte pour l’indépendance avait fait penser
que le peuple camerounais, après plusieurs décennies, allait enfin jouir de la liberté et
vivre dans une démocratie. Mais de 1960 à nos jours, le processus démocratique est demeuré
douloureux.
Plusieurs forces dont les partis politiques et parmi ceux-ci l’UPC, le plus important
d’entre eux à l’époque, avaient lutté pour l’indépendance du pays. L’idéal démocratique
prescrivait qu’à l’avènement de celle-ci, la majorité des forces participeraient à la
gestion du pays. Ce ne fut pas le cas.
La France et la Grande Bretagne, puissances tutrices, s’organisèrent avec la complicité
agissante de l’ONU, pour remettre le pouvoir d’État à une minorité de Camerounais,
acquis à la défense de leurs intérêts. Entre 1960 et 1966, la minorité complice des
intérêts franco-britanniques et la majorité de la population du pays s’affrontèrent. Mais
le soutien militaire des puissances coloniales a fait la différence. C’est ainsi que Monsieur
Ahmadou Ahidjo, fait président de la République, imposa son parti politique,
après avoir embastillé des leaders d’opposition à son projet.
1 Voir la carte « Allègement de la dette des PPTE », in P. Jacquet, L. Tubiana, Regards sur la terre (c)
Presses de Sciences Po, 2007, p. 145.