Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

Le processus électoral au Sénégal
Session 3 227
Moustapha Niasse
Ancien premier ministre du Sénégal, secrétaire général de l'Alliance des forces de progrès,
président du Centre d'études et de recherches sur l'Afrique moderne
Sur l’ensemble du continent, la problématique de la démocratisation soulève une
question fondamentale : L’alternance démocratique au travers d’élections transparentes
régulières est-elle réellement possible ?
Chaque processus électoral fait apparaître une partie visible et invisible. La première
est constituée d’une Commission électorale nationale autonome ou indépendante
d’un code électoral voté par l’assemblée nationale et de ces décrets subséquents,
que l’on brandit pour garantir la légalité, la régularité et la transparence des élections.
La partie invisible est formée par un staff présidentiel composé d’hommes et de
femmes de l’ombre qui travaillent en permanence grâce à des mécanismes de remplacement.
Par ailleurs, le gouvernement dispose d’un arsenal informatique perfectionné doté
des NTIC (Nouvelles technologies de l’information et de la communication), acquis
avec les moyens de l’Etat.
Le ministère de l’intérieur est muni d’un mandat dont l’application détermine la
longévité des ministres. Le ministre lui-même prépare les résultats six mois avant le
scrutin. Le pourcentage du vainqueur fait l’objet d’un marchandage, et lui-même le
décide avant.
Le vainqueur a également à sa disposition une cassette bien fournie, le budget électoral
est illimité et lié aux fonds souverains. On peut y puiser lorsque la situation du
chef de l’Etat est menacée.
Il possède une grande large influence sur les fonctionnaires de l’administration territoriale
qui peuvent voir leur plan de carrière totalement remis en cause s’ils ne le soutiennent
pas. En cas de défaite, ils peuvent être mutés à des postes isolés.
Une officine en éveil prépare le mode d’annonce du pourcentage obtenu.
La carte électorale, au sens géographique, à savoir l’ensemble des sites prévus des bureaux
de vote, est un document qui doit être porté à la connaissance de tous et affiché
dans les mairies avant le scrutin. Or, au Sénégal, à la veille des élections, les votants ne
savaient pas où aller déposer leur bulletin.
Ousmane Ngom, ministre de l’Intérieur du Sénégal, avait promis que chaque électeur
serait inscrit sur les listes, cela a finalement été refusé. J’ai moi-même été inscrit
lorsque je me suis présenté pour la quatrième fois, le préfet de ma région a ensuite été
muté ! Il aurait fallu mettre des photos sur les registres et les cartes pour éviter la fraude.
Par ailleurs, le bulletin de vote unique présentant les candidats avec leur photo afin
de faciliter leur identification par une population encore souvent analphabète, a été refusé.
On assiste à l’élaboration d’une ingénierie de la fraude électorale. Les observateurs
ne sont là que pour entériner et crédibiliser les résultats.