Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

Session 3 195
Problème crucial qui décrédibilise les élections et auquel on peine à trouver la solution
: la non-fiabilité de la liste électorale.
La majorité de la population ne disposant ni d’acte d’état civil ni de carte d’identité,
et la plupart des agents recenseurs étant d’un niveau approximatif, mal formés et
soumis aux influences des forces politiques, la voie se trouve ouverte à toutes les dérives :
fausses inscriptions, inscriptions multiples, inscriptions de mineurs, inscriptions d’étranger,
etc.
La nécessité d’une Liste électorale permanente informatisée (LEPI) est apparue
très tôt. Le projet fut conçu dès 1998 et on attendait cette liste sécurisée pour les
élections présidentielles de 2006. Malheureusement, le projet ne connut qu’un début
d’exécution, l’argent alloué ayant été détourné à d’autres fins. Le ministre responsable
fut déféré devant la Haute Cour de justice et écroué.
Dans l’impossibilité de réaliser la LEPI pour les élections législatives de 2007,
on y substitua le projet RAVEC (Recensement administratif à vocation d’état civil) qui
vise à délivrer au plus grand nombre des jugements supplétifs à l’issue d’audiences foraines.
Ce projet est toujours en cours.
Il reste cependant qu’un jugement supplétif n’est pas une pièce d’identité et
que le problème demeure entier, surtout lorsque l’on sait que les listes électorales s’élaborent
dans la précipitation et ne sont presque jamais affichées avant le scrutin (la loi
prescrit pourtant qu’elles le soient un mois avant le scrutin).
Par ailleurs, l’argent occupe une place de plus en plus importante dans la campagne
électorale. La loi réglemente l’utilisation de l’argent par les partis et les candidats dans
le cadre des élections mais personne ne respecte la loi. L’hypocrisie est générale. Il n’est
nullement exagéré de dire que l’argent est devenu le principal argument du débat politique,
ce qui permet à des personnes peu recommandables, à des gens qui doivent des
milliards à l’État et qui sont en quête d’immunité de se faire élire députés ou maires.
Autre obstacle au bon déroulement des processus électoraux, la mauvaise formation
des agents électoraux, conséquence des conditions de précipitation dans lesquelles s’effectue
la préparation des élections.
La mise en place du matériel électoral se heurte en outre à de nombreuses difficultés.
En 2007, le gouvernement, arguant de sa volonté de réduire le coût des élections
qui reviennent trop cher au budget national, fit appel d’autorité, contre l’avis de la
CENA, à l’armée pour la mise en place du matériel électoral. Par ailleurs, on note parfois
plusieurs heures (pouvant aller jusqu’à une demi-journée et plus) de retard dans la
mise en place du « matériel sensible » le jour du scrutin.
La non-fiabilité de la cellule informatique caractérisée par sa vétusté, le mauvais
entretien du matériel informatique et l’incompétence des opérateurs de saisie engendrent
perte et manipulation des données, d’autant que la fourniture de l’énergie électrique
est irrégulière.
Enfin, des pratiques immorales fragilisent la démocratie. La subornation des élus
pour constituer une majorité hétéroclite sans aucune cohésion politique sur la base
d’intérêts privés est une pratique qui tend malheureusement à se banaliser, ternissant
ainsi l’image de la démocratie.
Pour conclure, disons le mot : le désordre voire la pagaille qui caractérise l’organisation
et le déroulement des élections favorisent les contestations pouvant dégénérer en