Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

190
Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?
France, disant « ça suffit ». L'exemplarité du Bénin ne se réduit pas simplement au bon
fonctionnement des institutions, notamment celles qui ont en charge la régularité du
scrutin comme la Cour constitutionnelle.
Les pouvoirs se livrent aujourd'hui aux mêmes pratiques pour vider de leur substance
les règles les plus élémentaires à observer dans une démocratie pluraliste, dans le
seul but de rendre improbable toute éventuelle alternance. Derrière des apparences
démocratiques, c'est-à-dire l'organisation d'élections, le fonctionnement des institutions
parlementaires et judiciaires, de structures électorales autonomes, une presse
pluraliste, l’extension de l'espace public, tout est mis en œuvre, avec l'aide du parti et
ses relais dans la société, pour qu’il se pérennise au pouvoir et instrumentalise le mode
constitutionnel de dévolution du pouvoir.
La dérive présidentialiste observée depuis quelques années, illustrée jusqu'à la
caricature par une longévité au pouvoir tout à fait exceptionnelle en Afrique, est incontestable.
La fourchette oscille entre plus de quarante ans (Gabon, Togo) et vingt-cinq
ans pour les plus jeunes (Burkina Faso). Il faut convenir que dans un nombre croissant
d'Etats, les garde-fous érigés par les constituants dans la décennie 90 pour encadrer juridiquement
et politiquement les attributions du président de la République - instauration
de la dualité de l'exécutif, limitation du nombre et de la durée des mandats - ont
pratiquement tous disparu, laissant la place à une sorte de césarisme démocratique pour
reprendre une formule utilisée par un de nos chefs d'État. Un peu partout, la fonction
présidentielle marque son empreinte sur tout l'édifice institutionnel.
Le fonctionnement de l'État dans tous les domaines et dans les moindres détails,
s'ordonne autour de la personne du chef de l'État, et la généralisation de la fonction de
premier ministre parfois même désigné comme chef de gouvernement par certaines
constitutions, n'a en rien modifié les choses, ni installé le moindre équilibrage. Le gonflement
des services de la présidence de la République a, dans les faits, débouché sur la
mise en place de gouvernements bis dont les ficelles sont exclusivement tirées par le
président de la République. Autant dire que, dans cette caricature de séparation et
d'équilibre des pouvoirs, la voie est inévitablement ouverte à toutes les dérives.
Ce tableau serait incomplet si on ne mentionnait pas aussi la faiblesse institutionnelle
et politique de la représentation nationale, ainsi que la fragilité des institutions judiciaires
qui ont souvent beaucoup de difficultés – ce ne sont pourtant pas les
compétences qui manquent – à se défaire de l'emprise du pouvoir politique. Tout en
respectant les procédures prévues par les textes (la majorité qualifiée au parlement pour
la voie de la révision des constitutions, parlement souvent transformé en chambre d'enregistrement
; la voie référendaire), les révisions constitutionnelles qui se succèdent à un
rythme effréné, ont fait sauter les verrous constitutionnels qui avaient été le plus souvent
mis en place pour des raisons de convenance personnelle, ou pour préparer une
succession familiale. Elles émanent en outre de chefs d'État qui s'abritent derrière la volonté
du peuple. Le dernier exemple en date est celui du Cameroun. De toutes les provinces
du Cameroun émaneraient des pétitions qui demandent précisément que le chef