Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Session 1 - Première partie 19<br />
Mutations, enjeux et défis politiques dans le monde d’aujourd’hui<br />
Sophie Bessis<br />
Directrice de recherches à l’Institut de recherches internationales et stratégiques<br />
C’est une lapalissade que de dire que le monde a plus changé en un demi-siècle<br />
que pendant le siècle précédent. Depuis le début des années quatre-vingt, la conjonction<br />
des mutations démographiques, géopolitiques, économiques, technologiques, et<br />
environnementales, s’apparente à une révolution. Il s’agit ni plus ni moins d’un changement<br />
de la relation de l’humanité à son habitus.<br />
Ce serait donc de l’inconscience de n’analyser les bouleversements contemporains<br />
qu’à l’aune de la dimension politique stricto sensu.<br />
Connaissons-nous une nouvelle phase ascendante de l’impérialisme occidental, un<br />
demi-siècle après le grand mouvement de décolonisation ? La réponse est oui, au vu de<br />
la stratégie étatsunienne développée après la Guerre froide.<br />
La décolonisation a entériné le reflux des vieilles puissances européennes, laissant<br />
les États-Unis occuper seuls le rang d’hyperpuissance occidentale. Mais il a fallu deux<br />
autres évènements pour qu’ils reprennent directement à leur compte l’entreprise impérialiste,<br />
en fonction cette fois-ci de leurs seuls intérêts, et non plus de ceux de l’Occident<br />
dans son entier :<br />
- la défaite de l’URSS et <strong>du</strong> « camp socialiste » dans la guerre froide, en grande partie<br />
<strong>du</strong> fait de l’échec intérieur des différentes versions <strong>du</strong> totalitarisme communiste.<br />
Ce revers a laissé le champ libre aux appétits planétaires américains.<br />
- la large déconfiture, pour une série de causes externes et internes, des constructions<br />
nationales postcoloniales : faillites économiques, politiques, et idéologiques<br />
dans de nombreux pays, qui ont préparé le terrain à d’autres offres portées par des<br />
acteurs différents.<br />
Ce nouvel impérialisme est sous-ten<strong>du</strong> par des intérêts et l’existence d’un ennemi<br />
à la fois réel et construit.<br />
<strong>Les</strong> intérêts. L’économie et le mode de vie américains – et plus largement occidentaux<br />
– ont actuellement besoin, pour <strong>du</strong>rer, de deux assurances : celle d’une totale ouverture<br />
des marchés mondiaux aux exportations, et celle d’un approvisionnement sûr,<br />
abondant, et régulier en énergie. <strong>Les</strong> exportations sont en effet indispensables à l’économie<br />
américaine qui vit à crédit et entretient un énorme déficit commercial avec le reste<br />
<strong>du</strong> monde. Quant à l’approvisionnement en énergie, il est d’autant plus vital que les<br />
États-Unis refusent de procéder à tout ajustement énergétique (4 % de la population<br />
mondiale et 25 % de la consommation pétrolière mondiale). En somme, les exportations<br />
et l’approvisionnement énergétique sont les deux obsessions d’un Occident pour qui le<br />
cauchemar serait de voir son niveau de vie stagner, diminuer ou changer de contenu.<br />
L’ennemi. C’est évidemment le terrorisme, menace à la fois réelle et construite. Essentiellement<br />
arabo-musulman aujourd’hui, il est né sur un terreau interne aux États de<br />
la région où, pour diverses raisons, l’islam politique et ses versions les plus extrémistes<br />
se sont substitué à partir des années soixante-dix à un nationalisme laïcisant en déroute.