Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?
Car sa surévaluation a rendu les importations bon marché, au détriment de la production
paysanne locale. Ce n’est pas par hasard qu’au moment de sa dévaluation soient montées au
créneau les petites bourgeoisies urbaines prolétarisées. »
Falilou Kane (Sénégal) : « Le lac Tchad a déjà été réduit au cinquième de sa surface.
Souvenons-nous que la culture du coton a asséché la mer d’Aral en Union Soviétique.
Veillons à ce qu’il ne nous arrive pas la même chose. La prochaine guerre mondiale aura l’eau
pour enjeu.
D’autre part, n’oublions pas que l’UE, lorsqu’elle négocie à l’OMC, est du côté du Nord,
des États-Unis et des subventions. Elle nous assure pourtant toujours qu’elle est avec nous.
C’était la teneur du discours de l’actuel directeur de l’OMC, ancien commissaire au commerce
de la Commission européenne. Mais quand nous l’avons vu à Cancun en 2003, il était
dans le camp de ceux qui voulaient profiter de nous. Nous avons pu heureusement constituer
un front de résistance, avec l’appui d’Attac et d’autres ONG, constitués de l’UA, des pays
d’Amérique latine, du groupe de Cairns et des PMA qui a bloqué les négociations.
Effectivement, les élus ont un rôle important à jouer dans tous ces processus, mais combien
d’élus sénégalais sont là pour nous écouter ? Au lieu de manifester à Bruxelles, ils devraient
se coaliser avec d’autres Africains et des progressistes pour faire pression sur le
Parlement européen et obtenir des APE avantageux. »
Souleymane Massamakan Keita (Mali) : « La vraie sécurité consiste à nous nourrir
nous-mêmes. C’est pourquoi l’agriculture est si utile et qu’il faut lui donner des moyens conséquents.
La souveraineté alimentaire restera longtemps un slogan si l’Afrique ne fait rien
concrètement en ce sens. Le premier acte de la loi agricole promulguée au Mali a ainsi été
de distribuer des tracteurs aux paysans alors que les questions du foncier et des engrais
n’étaient pas résolues. À ce titre, les Journées paysannes ne jouent pas leur rôle. Elles se résument
à des espaces vains où les ingénieurs s’écoutent discourir. »
Mamadou Dansokho (Sénégal) : « Concernant les APE, je souhaiterais revenir sur
l’étude d’impacts qui a été menée au Sénégal. Celle-ci a été financée par l’Union européenne
et commandée à un cabinet d’expertise européen. Par ailleurs, la méthode utilisée révélait
une survalorisation du facteur capital par rapport au facteur travail, et ne prenait pas en
compte les conséquences en termes d’emploi et de hausse du chômage en cas d’application des
accords. Ces aspects nous ont conduits à rejeter le rapport d’évaluation. Nous avons ici le personnel
formé pour effectuer de tels travaux.
Dans les négociations, les enjeux se sont portés sur la protection de l’agriculture industrielle
et vivrière. Mais de nombreuses incertitudes n’ont pas été levées et ont affaibli le pouvoir
de négociation de la CEDEAO. Il aurait fallu préciser de quelle agriculture industrielle
nous parlions, car celle-ci est vaste. Pour les cultures vivrières, le gouvernement du Sénégal
aurait dû établir, comme l’a fait la Côte d’Ivoire, une liste de produits sensibles bénéficiant
d’un régime préférentiel. La CEDEAO n’est en outre, pas parvenue à coordonner les positions
et renforcer sa position dans la négociation.
Les autorités n’ont pas pris leur responsabilité sur ce point et se sont opposées à leur tour
aux APE, devançant les ONG et les organisations de base comme le CNCR, investis depuis
2000 dans la lutte contre ces accords. »