Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Discussion<br />
Session 2 179<br />
Atsutsè Agbobli (Togo) : « La situation actuelle de l’Afrique s’explique d’abord par<br />
l’incapacité des élites africaines à assumer leurs responsabilités. Nous parlons beaucoup, au<br />
cours de ces travaux, de l’Unité africaine. C’est également, de mon point de vue, une nécessité<br />
historique. L’idée de l’Union européenne est née au XVIII e siècle, et les Britanniques s’y sont<br />
toujours opposés. Ne commettons pas la même erreur. Nous sommes, nous, condamnés à nous<br />
unir. Sans cela, nous serons incapables d’aller de l’avant. Cherchons donc, dans les relations<br />
internationales, les forces capables de nous aider à la réaliser, et ainsi à contribuer à la<br />
construction d’un monde plus égalitaire, plus juste. Ceci dit, je trouve que nous n’évoquons<br />
pas assez, dans cette enceinte, notre problème fondamental, à savoir la modernisation in<strong>du</strong>strielle<br />
de nos sociétés. Cela passe d’abord par une révolution agricole menée au moyen de la<br />
modernisation des structures agraires, des techniques de pro<strong>du</strong>ction, et des systèmes d’exploitation.<br />
Il nous faudra ensuite opérer la révolution des transports et des communications. La<br />
révolution in<strong>du</strong>strielle est fondée sur le machinisme, lui-même appuyé sur la révolution<br />
scientifique qui nécessite au préalable une révolution intellectuelle et morale. Celle-ci suppose<br />
à son tour une nouvelle vision <strong>du</strong> monde, une conception combattante de la vie et une<br />
nouvelle méthodologie d’action. <strong>Les</strong> élites africaines ont à ce titre un rôle très important à<br />
jouer. Au lieu de croire que leur salut viendra de l’extérieur, qu’elles profitent de l’expérience<br />
de l’étranger pour bâtir des in<strong>du</strong>stries africaines. Car contrairement à ce que les gens pensent,<br />
les sociétés in<strong>du</strong>strielles ne sont pas <strong>du</strong> tout entrées dans une ère de postmodernité. La<br />
machine reste au cœur <strong>du</strong> processus de pro<strong>du</strong>ction. <strong>Les</strong> Africains doivent aussi comprendre<br />
que nous devons nous allier aux forces progressistes pour que le monde gagne en justice et que<br />
tous les habitants de cette planète, condition d’existence de l’homme, puissent jouir de ses ressources.<br />
C’est à mon avis une ambition fantastique que de lutter pour un monde qui soit la<br />
terre de tous ses enfants. »<br />
Sophie Bessis (France) : « Je voudrais pour commencer réagir aux propos de Jean-<br />
Claude Mairal. Lorsque l’on parle de réforme agraire et de politique agricole nationale, il<br />
faut préciser quelle réforme on a en vue. Car pour le moment, elles ont toutes constitué en<br />
une mise sous tutelle de la paysannerie et ont concrètement signifié la ruine des agricultures<br />
traditionnelles. Il suffit de se référer aux exemples de l’Algérie et de l’Éthiopie. Cela tient au<br />
fait que, dans ces années-là, la question agricole, fondamentale, a été déconnectée de la politique<br />
économique. Pourquoi ? Nous étions alors, dans les années soixante-dix, en plein<br />
mythe in<strong>du</strong>strialiste. Le développement, c’était le nombre de cheminées d’usine, d’où la marginalisation<br />
de l’agriculture. Et les pays socialistes comme les pays capitalistes, sont les enfants<br />
<strong>du</strong> prométhéisme in<strong>du</strong>strialiste de l’Europe moderne. Leur querelle, <strong>du</strong>rant la Guerre froide,<br />
n’a jamais porté sur la nature <strong>du</strong> développement, mais sur la propriété des moyens de pro<strong>du</strong>ction.<br />
Voilà pourquoi la question agraire a été délaissée, et que ses réformes ont toujours<br />
eu pour but de contrôler une population incontrôlable, la paysannerie.<br />
Ensuite, pour le moment, les politiques agricoles nationales sont inexistantes. Comme l’a<br />
souligné Jacques Faye, les gouvernements africains ont volontairement recon<strong>du</strong>it les structures<br />
coloniales afin d’extorquer les surplus paysans pour créer leur bureaucratie.<br />
Pour ce qui est <strong>du</strong> franc CFA, qui ne concerne tout de même qu’un quart de la population<br />
africaine, il s’agit évidemment d’un outil au service des classes dominantes africaines.