Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Session 2 161<br />
le document <strong>du</strong> NEPAD, les politiques agricoles de la CEDEAO, etc. Il faut de la recherche,<br />
des infrastructures, des services publics, de l’é<strong>du</strong>cation, de la formation, et<br />
donc de l’investissement. Mais cela ne suffit pas.<br />
Quelles sont les conditions sociopolitiques d’une révolution verte en Afrique ? Là<br />
se pose de manière tout à fait fondamentale la question de la libéralisation ou de la<br />
protection. Le Sénégal a toujours importé à bas prix et en quantité suffisante. La population<br />
y est habituée. <strong>Les</strong> politiques ont fait ce choix car il leur permet de rester au<br />
pouvoir. En assurant l’alimentation des populations urbaines, et cela au moindre coût,<br />
les gens ne font ni grève, ni manifestation de rue, ni ne dénoncent le fonctionnement<br />
de l’appareil d’Etat. D’une certaine mesure, les gouvernants ont raison. C’est le choix<br />
<strong>du</strong> court terme et de la simplicité pour gagner les prochaines élections.<br />
<strong>Les</strong> populations rurales sont de plus en plus nombreuses à vivre de ces pro<strong>du</strong>its importés.<br />
Le repas sénégalais de base, des familles rurales n’est pas constitué de mil, mais<br />
de riz, qui est importé. Augmenter son prix, c’est donc pénaliser les paysans pauvres.<br />
Par ailleurs, nos élites économiques vivent majoritairement d’importations de pro<strong>du</strong>its<br />
alimentaires. C'est un lobby extrêmement puissant qui a une influence forte sur les décideurs<br />
politiques.<br />
Concernant les populations urbaines, on peut constater certains paradoxes. <strong>Les</strong><br />
gens qui ont manifesté à Bruxelles le 11 janvier 2008, contre les APE, pour protéger leur<br />
agriculture, étaient les mêmes qui demandaient quelques semaines auparavant la suppression<br />
de la TVA sur la farine importée et des taxes à l’importation.<br />
Le problème majeur est donc qu’il n’existe aujourd’hui aucun consensus pour une<br />
protection, qui plus est, élevée, des pro<strong>du</strong>ctions locales, nécessaire à un développement<br />
de notre agriculture. On ne peut esquiver cet obstacle. Qui est d’accord pour protéger ?<br />
Il est difficile de demander aux populations urbaines, dont le pouvoir d’achat est faible<br />
et n’augmente pas, de payer encore plus cher leur nourriture. Ils ne pourront faire face.<br />
Pourtant, la protection constitue une arme efficace, bien qu’elle requière un maniement<br />
habile car on ne peut l’utiliser de façon systématique et massive.<br />
De quoi d’autre disposons-nous ? Des soutiens internes, et sous différentes formes.<br />
Faire ce choix, c’est reconnaître, comme l’Europe et l’Amérique l’ont fait, la multifonctionnalité<br />
de l’agriculture. <strong>Les</strong> paysans sont les protecteurs des ressources naturelles de<br />
nos pays. C’est une activité qu’il faut donc régénérer. Ils protègent un bien public dont<br />
bénéficie l’ensemble des populations. Par conséquent, il faut que l’ensemble des citoyens<br />
acceptent de rémunérer les paysans pour leur rôle de protection des ressources naturelles,<br />
et pour le rôle qu’ils doivent jouer massivement dans l’adaptation au changement<br />
climatique. <strong>Les</strong> soutiens internes permettront d’améliorer leur pro<strong>du</strong>ctivité. Mais la protection<br />
à la frontière ne suffira pas, d’autant que son recours massif sera impossible.<br />
Ensuite, il y a les questions d’orientation stratégique interne. Que veut-on ? S’appuyer<br />
sur l’agriculture familiale ? Développer un entreprenariat agricole ? Développer<br />
l’agrobusiness ? Ce débat en court depuis un certain nombre d’années, et nos politiques<br />
penchent vers l’agrobusiness, et l’entreprenariat agricole. Nos leaders politiques pensent<br />
et sont intimement convaincus que nos paysans sont incapables de moderniser