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Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />

et si bien qu’en concurrence les uns avec les autres, tous les pays <strong>du</strong> Tiers-Monde finissent<br />

par en livrer des quantités excédentaires et contribuent à provoquer la chute de leurs<br />

prix sur le marché international. Cette chute des prix n’est enrayée que lorsque les agriculteurs<br />

<strong>du</strong> Sud renoncent à fournir de tels pro<strong>du</strong>its tropicaux. Cela n’intervient que<br />

lorsque leurs exportations deviennent moins rémunératrices que les cultures vivrières<br />

destinées aux marchés intérieurs. En définitive, la rémunération des pro<strong>du</strong>cteurs africains<br />

de café, cacao, bananes, poivre et autres pro<strong>du</strong>its tropicaux, finit elle aussi par<br />

s’aligner sur celle procurée par les cultures vivrières pour lesquelles les agriculteurs <strong>du</strong><br />

Sud souffrent de la concurrence des pays <strong>du</strong> Nord.<br />

Telle que recommandée par l’OMC et envisagée dans les avant-projets d’Accords<br />

de partenariat économique avec l’Europe, la « libéralisation » des échanges internationaux<br />

vise pourtant à éliminer toutes les formes de protection aux frontières et à supprimer<br />

toutes les taxes ou subventions qui pourraient aboutir à des « distorsions » de<br />

prix sur les marchés nationaux de pro<strong>du</strong>its agricoles. Chacun des pays en concurrence<br />

serait alors amené à spécialiser son économie en fonction de ses propres « avantages<br />

comparatifs ». Mais de quels « avantages comparatifs » peuvent encore disposer les paysanneries<br />

africaines, sachant que les écarts de pro<strong>du</strong>ctivité sont si élevés dans le domaine<br />

agricole et qu’il n’est plus guère possible de créer des emplois en quantité<br />

suffisante dans les villes pour les victimes de l’exode rural prématuré ? Qui donc oserait<br />

aujourd’hui investir dans les villes africaines où les troubles politiques vont directement<br />

de pair avec l’exode rural et la misère croissante qui affecte les nouvelles<br />

populations urbaines ? Le plus « rentable » n’est-il pas devenu pour l’Afrique d’exporter<br />

clandestinement sa force de travail vers l’Europe, puisque les paysans ruinés qui migrent<br />

vers les grandes villes ne parviennent plus à y trouver les emplois et les revenus<br />

qui leur permettraient d’assurer le bien-être de leurs familles ?<br />

La question n'est donc pas seulement de lutter contre les subventions aux exportations<br />

agricoles des pays riches, mais de donner aussi le droit aux nations africaines de<br />

faire ce que les Européens ont fait eux-mêmes avec succès au lendemain de la deuxième<br />

guerre mondiale : protéger leurs agricultures vivrières dans le cadre de marchés communs<br />

régionaux aux droits de douanes conséquents. Il ne pourra en être ainsi que si les<br />

normes fixées à l’OMC s’éloignent des règles <strong>du</strong> « libre-échange » ; et les gouvernements<br />

européens seraient bien inspirés de s’en écarter délibérément lorsqu’ils proposent<br />

des "accords de partenariat économique" aux gouvernements africains. Mais tel n’a pas<br />

été le cas jusqu’à présent, et ces derniers ne devraient donc surtout pas signer ces accords<br />

dans l’état où ils leur sont proposés aujourd’hui avec insistance. Et il va de soi que si les<br />

gouvernements africains doivent logiquement être autorisés à protéger leurs agricultures<br />

de l’importation des surplus européens en pro<strong>du</strong>its vivriers, il faudrait que l’Europe<br />

cesse de vouloir exporter ces derniers à tout prix. D’où l’urgence de la voir réformer<br />

sa Politique agricole commune (PAC) de façon à réorienter son agriculture vers la satisfaction<br />

des besoins manifestés sur son marché intérieur, quitte à y encourager des<br />

processus de pro<strong>du</strong>ction plus artisanaux et plus respectueux de l’environnement.

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