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Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

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Session 2 157<br />

Prenons l’exemple d’un paysan pauvre de la Casamance (sud <strong>du</strong> Sénégal) qui repique<br />

encore son riz à la main. Il ne peut guère repiquer plus d'un demi-hectare par an ;<br />

et sans aucun moyen pour fertiliser sa rizière, son rendement net à l’hectare ne parvient<br />

pas à atteindre une tonne de paddy (grain de riz). Cela ne lui donne pas plus de<br />

500 kg de par actif et par an. À l’opposé, ses concurrents de Camargue ou de Louisiane<br />

qui disposent de tracteurs, de semoirs de grande largeur et de moissonneuses-batteuses<br />

automotrices, parviennent chacun à implanter plus d’une centaine d’hectares par an ;<br />

et avec l’emploi d’engrais chimiques et de pro<strong>du</strong>its phytosanitaires, ils peuvent aisément<br />

obtenir des rendements supérieurs à 5 tonnes à l'hectare, soit un pro<strong>du</strong>it brut<br />

d’au moins 500 tonnes par actif et par an. Même en considérant que les quatre cinquièmes<br />

de leur pro<strong>du</strong>ction servent à couvrir les coûts en semences sélectionnées, intrants<br />

chimiques et usure des matériels, la valeur ajoutée annuelle par actif n'en équivaut<br />

pas moins à 100 tonnes de paddy par an, soit 200 fois plus qu’avec le paysan casamançais.<br />

Sur le marché de Dakar, les riz de Casamance côtoient malheureusement des riz<br />

thaïlandais, européens et nord-américains. Pour pouvoir vendre leur riz aux mêmes<br />

prix que ces concurrents, les paysans sénégalais sont finalement obligés d'accepter une<br />

rémunération de leur travail 200 fois inférieure à celle des exploitants <strong>du</strong> Nord. Comment<br />

pourraient-ils, dans ces conditions, dégager des revenus suffisants pour équiper<br />

davantage leurs exploitations et devenir compétitif à leur tour ?<br />

Pro<strong>du</strong>ctivités comparées <strong>du</strong> travail en Casamance (Sénégal) et en Camargue (France)<br />

Casamance Camargue<br />

Surface/actif/an 0,5 hectare 100 hectares<br />

Rendement à l’hectare 1,1 tonne 5 tonnes/hectare<br />

Pro<strong>du</strong>it brut/actif/an 550 kg de paddy 500 tonnes de paddy<br />

Valeurs per<strong>du</strong>es Semences : 50 kg pour 0,5 ha 4 / 5<br />

Valeur ajoutée/actif/an 500 kg de paddy/actif/an 100 tonnes/actif/an<br />

Le drame est que de tels écarts de pro<strong>du</strong>ctivité existent aussi avec l’arachide, le mil,<br />

le sorgho, le coton, etc. Chacun d’entre nous sait, par exemple, que sur les rayons d’un<br />

quelconque supermarché, en Europe comme à Dakar, un litre d’huile d’arachide se<br />

vend à peu près au même prix que le litre d’huile de tournesol situé à ses côtés. Mais at-on<br />

alors vraiment conscience qu’il y a 200 fois plus de travail agricole dans le premier<br />

que dans le second ? Le drame est que lorsque nous nous échangeons de l’huile d’arachide<br />

et de tournesol au même prix sur le marché international, les Sénégalais offrent<br />

200 fois plus de travail qu’il ne leur en est donné en contrepartie.<br />

Le fait pour les pays des régions intertropicales humides de l’Afrique de spécialiser<br />

leurs économies dans l’exportation de café, cacao, poivre ou bananes, pro<strong>du</strong>its pour<br />

lesquels il n’existe pas de concurrents deux cents fois plus pro<strong>du</strong>ctifs dans les pays <strong>du</strong><br />

Nord, ne semble pas non plus devoir être la solution. <strong>Les</strong> paysans africains rentrent en<br />

effet en compétition avec ceux des pays d’Asie et d’Amérique latine qui, soumis à la<br />

même concurrence des pro<strong>du</strong>its vivriers en provenance des grandes exploitations <strong>du</strong><br />

Nord, ont aussi spécialisé leurs systèmes de pro<strong>du</strong>ction vers ces mêmes pro<strong>du</strong>its. Tant

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