Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />
giés la croissance et le développement des plantes et des animaux sélectionnés dans leurs<br />
écosystèmes d’origine, sans avoir ensuite à remanier de fond en comble ces derniers.<br />
Mais on ne doit cependant pas oublier que les obstacles à l’accroissement des pro<strong>du</strong>ctions<br />
agricoles ne sont jamais d’ordre exclusivement agro-écologique et techniques ;<br />
elles résultent bien davantage des conditions dramatiquement défavorables dans lesquelles<br />
les agriculteurs ont accès aux terres, au crédit, aux intrants et matériels, aux<br />
marchés locaux des pro<strong>du</strong>its et <strong>du</strong> travail. En premier lieu, les paysanneries africaines<br />
les plus pauvres souffrent de leur sous-équipement. Car s’il est vrai qu’un nombre croissant<br />
de familles paysannes a désormais accès à la traction animale et à des outils attelés,<br />
il n’en reste pas moins exact que la très grande majorité des agriculteurs africains<br />
continuent de travailler exclusivement avec des outils manuels : houes, bêches, machettes,<br />
bâtons fouisseurs, etc. Avec ces seuls outils, il leur est quasiment impossible de<br />
pro<strong>du</strong>ire suffisamment de nourritures pour leur propre consommation et/ou de dégager<br />
les revenus monétaires qui leur seraient nécessaires pour acheter de quoi manger. <strong>Les</strong><br />
trois-quarts des gens qui souffrent aujourd’hui de la faim et de la malnutrition sont<br />
ainsi des paysans dont la pro<strong>du</strong>ctivité <strong>du</strong> travail est insuffisante ; le dernier quart est le<br />
fait de ménages qui, faute de pouvoir devenir compétitifs, ont quitté brutalement leurs<br />
villages et ont rejoint prématurément la périphérie des grandes villes sans pour autant<br />
y trouver les emplois espérés.<br />
<strong>Les</strong> techniques qui permettraient aux ménages paysans d’accroître leur pro<strong>du</strong>ctivité,<br />
d’élever leurs propres revenus et de résoudre les problèmes de la faim et de la malnutrition<br />
en Afrique, ne pourront être mises en œuvre que si sont préalablement réunies<br />
un certain nombre de conditions économiques, sociales et politiques, parmi lesquelles<br />
il convient de citer surtout :<br />
- la sécurisation des droits d’accès et d’usage au foncier et aux ressources naturelles<br />
dans les pays et régions où la terre ne fait pas encore vraiment l’objet d’une appropriation<br />
privative (Afrique de l’Ouest et Afrique centrale)<br />
- la redistribution <strong>du</strong> foncier agricole au profit des paysans pauvres dans les pays<br />
et régions où la concentration foncière héritée de l’histoire coloniale fait obstacle<br />
à la justice sociale et à l’intensification <strong>du</strong>rable des systèmes de culture et d’élevage<br />
(principalement en Afrique australe et orientale)<br />
- la protection des agricultures vivrières à l’égard des importations en provenance<br />
des pays à agricultures déjà hautement pro<strong>du</strong>ctives et subventionnées par le biais<br />
de droits de douanes conséquents, afin que les paysans africains puissent très vite<br />
bénéficier de prix plus rémunérateurs, incitatifs et stables.<br />
Il ne faut pas exclure que les prix internationaux des pro<strong>du</strong>its agricoles et alimentaires<br />
soient amenés de nouveau à baisser dans quelques années lorsque les exploitants<br />
agricoles latifundiaires <strong>du</strong> Nouveau Monde (Argentine, Brésil, Australie, États-Unis<br />
d’Amérique, etc.) seront parvenus à élargir sensiblement leurs surfaces cultivées et à accroître<br />
un peu leurs rendements. Le plus urgent sera alors de libérer les paysanneries africaines<br />
de ce que certains appellent le « libre » échange sur le marché mondial des<br />
pro<strong>du</strong>its agroalimentaires et de ne plus les mettre en concurrence avec les exploitants<br />
des divers pays où la pro<strong>du</strong>ctivité agricole est bien supérieure à la leur.