Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />
plus structurelles : un accroissement démographique mondial encore soutenu 2 , la demande<br />
croissante en pro<strong>du</strong>its carnés et laitiers de la part des classes moyennes émergentes<br />
de l’Asie orientale et méridionale 3 , la transformation croissante de pro<strong>du</strong>its<br />
agricoles en agro-carburants, etc. Le fait est qu’une proportion toujours plus importante<br />
des céréales et des oléagineux pro<strong>du</strong>its dans le monde est destinée prioritairement à<br />
nourrir des animaux et abreuver des voitures, au risque de ne plus pouvoir être achetés<br />
par les populations les moins solvables des pays <strong>du</strong> Sud. Et des craintes sérieuses existent<br />
par ailleurs en ce qui concerne les effets prévisibles <strong>du</strong> réchauffement climatique<br />
sur les fluctuations futures de la pro<strong>du</strong>ction céréalière mondiale.<br />
<strong>Les</strong> années prochaines pourraient donc s’avérer fort difficiles pour les nations africaines<br />
qui ne parviennent plus à satisfaire leurs propres besoins en pro<strong>du</strong>its agroalimentaires.<br />
Or, <strong>du</strong> fait <strong>du</strong> peu d’attention portée à l’agriculture par maints<br />
gouvernements et par les bailleurs de fonds internationaux au cours des dernières décennies,<br />
les pays d’Afrique traversent presque tous une crise agraire et rurale d’une extrême<br />
gravité dont les conséquences se manifestent déjà sous de multiples aspects :<br />
diminution des pouvoirs d’achat et des niveaux de vie, malnutrition croissante, décapitalisation<br />
des exploitations, moindre pro<strong>du</strong>ction de biomasse, érosion croissante des<br />
sols, exode rural accéléré et migrations massives vers l’étranger, tensions sociales aiguës<br />
et risques croissants de guerres civiles, etc. Nombreux sont désormais les jeunes a<strong>du</strong>ltes<br />
qui essaient de fuir la misère de leurs régions d’origine et de migrer vers l’Europe ou les<br />
dernières zones forestières encore libres d’accès.<br />
<strong>Les</strong> experts s’accordent aujourd’hui sur le fait que cette crise économique et alimentaire<br />
dont les pays de l’Afrique subsaharienne sont plus particulièrement les victimes<br />
trouve son origine dans la faible pro<strong>du</strong>ctivité et l’insuffisante compétitivité de leurs agricultures.<br />
Faute de revenus suffisants, les paysanneries africaines n’ont guère été jusqu’à<br />
présent en mesure d’équiper leurs exploitations agricoles et d’accroître leur pro<strong>du</strong>ctivité.<br />
La question est donc de savoir quelles sont les conditions socio-économiques qu’il<br />
conviendrait de réunir au plus vite pour que les agriculteurs africains puissent élever sensiblement<br />
cette dernière et soient ainsi en mesure d’assurer par eux-mêmes la sécurité alimentaire<br />
de leurs pays, tout en dégageant des revenus suffisants pour pouvoir vivre et<br />
travailler dignement, sans devoir quitter brutalement leurs régions d’origine.<br />
Sans doute nous faudrait-il tout d’abord ne pas oublier les conditions agro-écologiques<br />
extrêmement contraignantes auxquelles les paysanneries doivent très souvent<br />
faire face : climat semi-aride des régions sahéliennes, sols lessivés et acides des zones les<br />
plus arrosées, terrains exposés à l’érosion sur les pentes montagneuses, etc. De même<br />
conviendrait-il de reconnaître l’exiguïté de nombreuses exploitations agricoles dans les<br />
régions montagneuses les plus densément peuplées de l’Afrique des Grands Lacs<br />
2 De l’ordre de 28 millions de bouches supplémentaires à nourrir tous les ans.<br />
3 La consommation de viande par les Chinois est passée de 20 à 50 kilos par habitant et par an en<br />
moins d’une génération. Cette demande accrue en pro<strong>du</strong>its animaux a des conséquences d’autant<br />
plus importantes sur l’augmentation de la demande en pro<strong>du</strong>its végétaux qu’il faut environ de trois<br />
à dix calories végétales pour fournir une calorie animale.