Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?
culteurs, l’augmentation de la productivité, était capable, grâce à ses performances, de
régler le problème de la sécurité alimentaire et d’enclencher une dynamique de modernisation
des économies et de sociétés vouées à s’urbaniser entièrement.
Je peux témoigner que responsable des questions rurales et agricoles au Comité exécutif
national du PCF au début des années 2000, nous nous heurtions au scepticisme
de responsables politiques de gauche comme de droite et de populations en France et
en Europe majoritairement urbaines, pour qui l’espace rural était devenu, au mieux, un
simple espace de loisirs, de vacances et de résidence, et au plus, un espace en voie de
marginalisation.
L’avenir appartenait désormais à la ville, espace de modernité. C’est ce que l’on a
continué de déclamer sur tous les tons ces vingt dernières années.
Mais si la ville retient beaucoup l’attention, et à juste titre, des décideurs politiques,
par les problèmes qui se posent à elle, une timide prise de conscience commence à se
faire jour sur la nécessité de se préoccuper de l’agriculture et de la ruralité. Ainsi, après
avoir participé au démantèlement des politiques agricoles nationales de très nombreux
pays en développement, la Banque mondiale, dans son dernier rapport, souligne la nécessité
de se préoccuper de ce secteur d’activité, même si l’on peut contester certaines
de ses préconisations.
En effet, 852 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim, ce qui représente
37 millions de plus qu’il y a dix ans. Et c’est sur le continent africain que cette
augmentation a eu lieu.
Paradoxalement, 75 % de ces pauvres sous alimentés sont des ruraux, des paysans
pauvres et des ouvriers agricoles. Les 25 % restant sont des paysans pauvres condamnés
à l’exode par la faim et qui se retrouvent à la périphérie des villes dans des bidonvilles.
Le drame est que cet exode rural représente désormais 50 à 60 millions de personnes
par an qui arrivent dans des villes incapables de leur donner un emploi et des
conditions de vie décentes et dignes de tout être humain. Les grandes concentrations
urbaines se trouvent ainsi aux prises avec d’énormes difficultés : délinquance, criminalité,
pénurie d’eau, manque d’hygiène, etc 1 .
Si rien n’est fait pour freiner ces migrations rurales vers les villes, auxquelles nous
devons ajouter les migrations vers les pays du Nord perçus comme un nouvel Eldorado,
tous les équilibres sociaux et économiques mondiaux vont être bouleversés. Les
villes deviendront invivables et plus de 150 pays sur la planète seraient ingouvernables.
À cela, s’ajouteront les problèmes d’alimentation et de dégradation de l’environnement
puisque de plus en plus serait fait appel, pour nourrir la population mondiale en
augmentation, et du fait de la disparition programmée de l’agriculture familiale paysanne,
à une agriculture industrielle de plus en plus polluante.
On le voit, l’enjeu est vital pour les villes, pour les pays, pour l’Europe et en premier
lieu pour l’Afrique particulièrement concernée. En effet, l’agriculture occupe une
place prépondérante dans l’économie africaine car plus de 70 % de la population est encore
rurale. C’est sur ce continent, selon la FAO, que la proportion de personnes sous
alimentées est la plus forte, que la production vivrière par habitant a reculée, et que
l’écart ne cesse de s’élargir avec les pays développés.
1 Voir la carte Population des bidonvilles, 2005, Atelier de cartographie de Sciences Po, p. 146.