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Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />

les élites ou les peuples qui font l’histoire ? Si nous attendons que les peuples réalisent l’intégration<br />

politique, cela prendra mille ans. <strong>Les</strong> élites doivent prendre leurs responsabilités. En<br />

premier lieu pour construire une capacité scientifique et technique, ce que l’Inde, la Chine<br />

ou le Brésil ont réussi à mettre en place, mais qui est à mon avis impossible dans l’un de nos<br />

États seul. Or sans cette capacité, il n’y a pas d’in<strong>du</strong>strialisation non plus. Deuxièmement,<br />

la géopolitique mondiale met aux prises des États-continents. Si l’Europe va dans ce sens, si<br />

en particulier la France a abandonné sa politique <strong>du</strong> franc fort d’arrimage au mark pour<br />

donner naissance à l’euro, c’est parce qu’elle a compris que c’était la taille adaptée au monde<br />

contemporain. Comment se diriger concrètement vers l’unité africaine ? L’UA repose pour le<br />

moment sur le principe de subsidiarité. Qu’est-il possible de mettre en œuvre aux niveaux<br />

continental, sous-régional, étatique, et local ? Malheureusement, le gouvernement continental<br />

qui pourrait prendre en charge les questions où un consensus est possible (lutte contre les<br />

pandémies, recherche scientifique), n’emporte pas encore les suffrages des élites africaines. »<br />

Amath Dansokho (Sénégal) : « L’unité politique africaine peut paraître utopique,<br />

mais des avancées en ce sens ont été enregistrées. Le récent forcing en faveur de l’élection<br />

d’un président de l’Union africaine ne plaide certes pas en ce sens. Faute de concertation, il<br />

a échoué, et ce dans la patrie de son père fondateur et parce que certains chefs d’État ont flatté<br />

la vanité de Kadhafi. Ils voulaient présider coûte que coûte le continent. Ceci dit, j’ai le sentiment<br />

qu’en Afrique, on cherche toujours à construire sur la tête. Nous avons ainsi commencé<br />

par mener une longue réflexion sur les institutions. L’UE, elle, a d’abord travaillé sa base matérielle<br />

avec la CECA. <strong>Les</strong> structures économiques ont progressé dans la foulée, et les peuples<br />

ont eu le temps de vérifier que leurs conditions de vie, malgré le caractère classiste de l’ensemble,<br />

s’amélioraient. Lorsque j’ai visité le Portugal en 1978, il n’y avait que des pistes pour<br />

relier la capitale au centre universitaire, exactement comme en Afrique ! Même chose en<br />

Grèce. Ici, on a fait une constitution, des lois, et on a été arrêté net il y a deux ans au Parlement<br />

de la CEDEAO car l’exécutif ne voulait pas être contrôlé. On nous a demandé de<br />

réfléchir au renforcement <strong>du</strong> pouvoir de l’assemblée, ce que nous avons fait, et tout a été annulé<br />

<strong>du</strong> jour au lendemain. Le président de l’assemblée, panafricaniste, a même été chassé :<br />

il gênait le secrétariat exécutif.<br />

L’arrêt de la CEDEAO est dû au fait que l’exécutif ne pouvait être contrôlé. Voilà le problème<br />

à mon avis : comment, étant donné une telle arriération, une telle misère <strong>du</strong> peuple,<br />

peut-on le convaincre que l’Union est utile ? On a salué les mesures facilitant la circulation<br />

des personnes. On a loué le Bénin pour avoir, le premier, instauré le passeport de la CE-<br />

DEAO. Mais dès le lendemain de l’adoption de ces mesures, les Nigérians étaient chassés de<br />

Cotonou. <strong>Les</strong> petits commerçants, jusqu’aux prostituées, se sentaient concurrencés. La misère<br />

complexifie les choses. Sans amélioration rapide des conditions de vie, l’adhésion d’une large<br />

base à ce projet est difficile. Or, ce sont bien les marges qui font l’histoire. »<br />

Issa Ndiaye (Mali) : « Nous naviguons dans des certitudes théoriques qui ont con<strong>du</strong>it<br />

à des impasses pratiques. Un certain mysticisme se développe autour de notions comme l’unité<br />

africaine. Je fais partie de ceux qui n’y croient pas, en tout cas pas de la façon dont elle est<br />

aujourd’hui pensée. Je reviens sur le concept d’autarcie que j’évoquais hier. Si la chine se<br />

trouve là où elle est aujourd’hui, c’est bien parce qu’elle a pris soin, à un moment de son histoire,<br />

de se couper <strong>du</strong> monde. Elle ne faisait partie ni des Nations unies, ni <strong>du</strong> FMI, ni de

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