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Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

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Session 1 - Troisième partie 139<br />

Amadi Amidien (Sénégal) : « M. Bazika, de Brazzaville, nous a parlé des limites de<br />

la lutte contre la pauvreté. Voilà un thème révélateur <strong>du</strong> peu d’ambition des organisations<br />

qui le portent : elles devraient plutôt lutter pour l’enrichissement des populations. Un économiste<br />

classique parlait de la richesse des nations, pas d’appauvrissement, car il s’agit d’un<br />

processus, et non pas d’un état. En plus, ceux qui en parlent en sont le plus souvent les responsables.<br />

Il en va ainsi de la Banque mondiale et <strong>du</strong> FMI, qui promeuvent la TVA, taxe<br />

énorme et injuste, puisqu’indifféremment payée par riches et pauvres. Ces organisations internationales<br />

nous ont fait adopter un système fiscal inique, ce sont de véritables pompiers<br />

pyromanes. Pourquoi ne nous intéressons-nous pas à ceux qui s’enrichissent ?<br />

De même, elles parlent de croissance, mais pas de développement. Or, ce qui importe,<br />

c’est que nous puissions exporter. Malheureusement, les Africains sont obnubilés par les ajustements<br />

structurels, “pour établir les grands équilibres macroéconomiques”. Mais quand vous<br />

leur demandez de quoi il s’agit, ils sont incapables de vous répondre ! Le but <strong>du</strong> FMI et de<br />

la Banque mondiale n’est autre que de mettre les pays en situation de rembourser la dette.<br />

C’est la raison pour laquelle ils nous ont fait tourner nos économies entièrement vers l’export,<br />

pour faire rentre des devises. Ainsi, le Sénégal privilégie ses activités <strong>du</strong> bord de l’océan ; il<br />

est « maritimisé ». Le continent est devenu inutile.<br />

Pour rebondir sur la suggestion de M. Mack-Kit, je dirai que j’ai moi-même longtemps<br />

été panafricain, mais l’unité n’est pas une fin en soi. Je suis toutefois de plus en plus sceptique<br />

sur cette question, car la pensée africaine a <strong>du</strong> mal à dépasser le cadre de la famille et <strong>du</strong> village.<br />

Or même les pays développés n’ont pas réussi à mettre sur pied un gouvernement continental.<br />

Le panafricanisme, je le rappelle, est une idéologie de la diaspora ; il n’est pas<br />

endogène. C’est de la naïveté de prétendre que sa réalisation ne tient qu’à une volonté politique.<br />

Faute de pouvoir agir sur le réel, on ne fait que <strong>du</strong> volontarisme. Il faut donc tenir<br />

compte des groupes sociaux qui y ont intérêt. La population est enferrée dans le quotidien,<br />

ce n’est pas son problème. L’organisation unitaire des peuples africains ne veut rien dire pour<br />

moi. Si le projet n’est pas porté par des groupes sociaux, on sera généreux, utopique, mais on<br />

n’arrivera à rien. Il nous faut trouver des leviers politiques, sociaux et culturels.<br />

Je conclurai en m’inspirant de Cheikh Anta Diop. C’est l’un des rares penseurs culturalistes<br />

à évoquer l’in<strong>du</strong>strialisation de l’Afrique, thème aujourd’hui délaissé. Il était convaincu<br />

que l’Afrique devait devenir prométhéenne, scientifique, transformer la nature et ne plus y<br />

être immergée. En bon colbertien, il avait compris qu’il fallait nous in<strong>du</strong>strialiser pour dominer<br />

la nature, et non plus seulement les hommes. Or nous n’avons pas encore de groupes<br />

intéressés par cela. Nous devons être critiques envers nous-mêmes, et non plus nous valoriser<br />

continuellement en répétant que nous avons été les premiers à faire ceci ou cela. Nous nous<br />

voilons nos défauts. Le Japon a reconnu les siens, et c’est ainsi qu’il a pu les corriger. Si on<br />

est parfait, on est le bon Dieu, et il n’y a plus rien à faire ; ça ne m’intéresse pas. »<br />

Lamine Diallo (Sénégal) : « Mon oncle vient de dire des choses qui me paraissent importantes.<br />

<strong>Les</strong> États-Unis d’Afrique ne sont en effet pas une idée populaire, contrairement à<br />

ce qu’affirmait tout à l’heure Hamidou Dia ; les Africains n’y croient pas. J’ai pu le mesurer<br />

lorsque j’étais directeur <strong>du</strong> cabinet <strong>du</strong> président Konaré et que je m’occupais de cette question.<br />

Un ambassadeur africain m’a même dit un jour : “Tu nous embêtes avec cette histoire, tu<br />

sais bien qu’un pauvre plus un pauvre égalent deux pauvres.” Ce point de vue est largement<br />

partagé en Afrique. Compte tenu de cela, il faut se poser la question suivante : sont-ce

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