Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Session 1 - Première partie 13<br />
L’un des rôles d’un organisme comme le nôtre doit être, par conséquent, de valoriser<br />
le travail scientifique visant à contredire ces idées reçues, ces présupposés idéologiques.<br />
Il est temps de faire savoir aux responsables politiques et aux décideurs, qui<br />
continuent visiblement de l’ignorer, que l’Afrique contribue à la civilisation depuis l’apparition<br />
de l’homme ; qu’avant la colonisation, les échanges étaient, de la côte swahilie<br />
à Dakar, d’une forte intensité ; que les villes connaissent un métissage bien plus<br />
ancien que d’autres villes d’Europe et de France.<br />
Car ces préjugés, tout comme les lectures ethnicistes des conflits africains – le Darfour<br />
et le Kenya plus récemment en fournissent des exemples - ne servent qu’à éluder<br />
les problèmes fondamentaux qui ont trait à la responsabilité politique des gouvernants<br />
et des acteurs extérieurs, que ce soit des États ou des entreprises.<br />
Le pôle que je conçois doit soutenir les visions progressistes visant le développement<br />
humain, la ré<strong>du</strong>ction des inégalités, et l’avènement de la justice sociale.<br />
Comment pourrait-on alors souscrire à ce que nous propose encore une fois l’équipe<br />
française au pouvoir, qui crée un ministère de l’immigration, de l’identité nationale et<br />
<strong>du</strong> co-développement ? L’UE met au premier plan de ses relations avec l’Afrique la gestion<br />
des flux migratoires par la constitution d’une Europe « forteresse », tout en organisant<br />
avec la carte bleue instaurée depuis octobre 2007, un « échanges de<br />
compétences », ce qui peut bien enten<strong>du</strong> favoriser la fuite des cerveaux. La France, en<br />
tête de pont, organise son immigration choisie, et expulse les sans-papiers par milliers<br />
pour atteindre les chiffres fixés par la présidence. Des femmes, des hommes et des enfants<br />
sont entassés dans des centres de rétention gardés par des bataillons de CRS. Tout<br />
cela sans consultation, sans contrôle parlementaire. L’approche régressive des migrations<br />
s’est encore consolidée avec la question de l’instauration des tests ADN.<br />
À l’évidence, on ne peut traiter ainsi de telles questions. Dans les conditions actuelles<br />
<strong>du</strong> développement, les migrations <strong>du</strong> Sud vers le Nord ne s’inverseront pas, bien<br />
au contraire.<br />
Le projet de co-développement qui nous est proposé comme solution se révèle,<br />
d’une part, en déconnexion totale avec les réalités et les besoins ; d’autre part, il sert de<br />
prétexte pour ré<strong>du</strong>ire l’aide publique au développement de la France, et a fortiori de<br />
l’Europe, et à l’aide au retour des migrants dans leur pays d’origine. La France se dédouanerait<br />
ainsi de toutes les coopérations d’envergure qu’elle a la responsabilité de<br />
mener envers l’Afrique.<br />
Nous abordons ici un autre thème fondamental pour le partenariat qui unirait l’Europe<br />
et l’Afrique : l’aide publique au développement 2 . Force est de constater que, là encore,<br />
les conditions d’un contrat « gagnant-gagnant » entre l’Europe et l’Afrique sont<br />
loin d’être réunies. La France, par exemple, n’a versé en 2007 que 0,42 % de son PIB<br />
à l’APD alors qu’elle avait pris l’engagement d’y consacrer 0,5 % de ses ressources. Elle<br />
est « à la traîne », derrière l’Espagne, l’Allemagne, les pays scandinaves. Pour autant, les<br />
efforts européens doivent être relativisés. En effet, en 2006, les annulations de dette,<br />
2 Voir la carte « Aide publique au développement (pays bénéficiaires) », Atelier de cartographie de<br />
Sciences Po, p. 146.