Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Session 1 - Troisième partie 129<br />
Approche comparative des constructions européenne et africaine<br />
Bienvenu Okiemy<br />
Maître de conférences, Université de Reims<br />
Depuis leur création, les institutions européennes ont vu leurs compétences et leurs<br />
pouvoirs profondément renforcés, au fur et à mesure que l’Europe s’élargissait et que<br />
les politiques communautaires se diversifiaient, donnant de la sorte au monde 1’image<br />
d’un modèle original générateur de puissance économique. Le modèle est devenu désirable,<br />
d’autant plus qu’il a réussi à établir un système apte à imposer un arrangement<br />
régulier et harmonieux de l’espace qu’il régit. La perspective réelle ainsi tracée en 1957<br />
avec la signature <strong>du</strong> traité de Rome organisant les relations économiques entre six États<br />
autour <strong>du</strong> charbon et de l’acier ne pouvait pas manquer d’intéresser le continent africain,<br />
alors encore pris dans les fers <strong>du</strong> colonialisme et qui voulait compter dans le système<br />
international.<br />
La charte d’Addis-Abeba de 1963 créant l’Organisation de l’unité africaine de même<br />
que l’acte constitutif de l’Union africaine <strong>du</strong> 12 juillet 2000 répondent à cet impératif<br />
: permettre au continent africain d’occuper une place plus importante dans les relations<br />
internationales. Est-il pour autant possible de soutenir l’argument selon lequel<br />
l’UA et UE, à l’image de Janus, la divinité italique et romaine aux deux visages tournés<br />
en sens contraire, ne seraient rien de moins que les deux faces d’un même corps présentant<br />
des organes divergents ou convergents, mais cheminant vers une direction commune<br />
? Pour tenter de répondre à cette question, l’observateur doit emprunter deux<br />
voies. La première le con<strong>du</strong>ira à se demander si ces cadres institutionnels, sans cesse en<br />
mouvement et appelés à s’approfondir encore et encore, ont une identité propre et s’ils<br />
portent en eux des enjeux identiques, face aux revendications d’un plus grand pouvoir<br />
démocratique par leurs sujets respectifs. Dans la seconde, il s’interrogera sur les idées,<br />
les axes privilégiés, de part et d’autre, pour faire émerger ces ensembles régionaux.<br />
Dans le cadre d’une vision comparée, l’intégration africaine, à l’image de la<br />
construction communautaire, donne l’impression de n’être saisie et comprise que par<br />
les élites. <strong>Les</strong> Africains et les Européens, dans leur grande majorité, semblent quelque<br />
peu perplexes. <strong>Les</strong> peuples paraissent bien loin de cette préoccupation qui paraît conditionner<br />
leurs places dans le système international.<br />
UNE APPROCHE CONSTITUTIVE DIFFÉRENCIÉE<br />
Au sortir <strong>du</strong> second conflit mondial, l’Europe est habitée par une double préoccupation<br />
: se réconcilier avec elle-même et se remettre sur le sentier de la création de richesses.<br />
Le sentiment national étant encore exacerbé, une union politique immédiate<br />
n’était pas envisageable. Seule restait l’économie comme axe de construction d’une<br />
communauté de destin sur le vieux continent, avec, en arrière-plan, une idée chère à<br />
Montesquieu : « Le commerce guérit des préjugés destructeurs ; et c’est presque une règle générale<br />
que partout où il y a des mœurs douces, il y a <strong>du</strong> commerce ; et partout où il y a <strong>du</strong><br />
commerce, il y a des mœurs douces 1 .»L’Afrique, elle, lors <strong>du</strong> lancement <strong>du</strong> processus<br />
1 L’Esprit des lois, partie IV, livre XX, chap. I.