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Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

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Session 1 - Troisième partie 125<br />

les palinodies et arguties, dont on a vu qu’elles n’ont encore rien pro<strong>du</strong>it de significatif.<br />

Quant aux références sur le processus de la construction européenne, elles ne me paraissent<br />

pas pertinentes. L’Afrique n’est pas l’Europe ; elle peut parvenir à sa<br />

construction par des voies originales et, ensuite, nous ne voulons pas faire de l’Afrique<br />

une nouvelle Europe. Référence pour référence, je préférerais qu’on interrogeât notre<br />

propre histoire. Ainsi, il faut rompre avec les mimétismes, se déprendre de l’influence<br />

des vestiges de l’anthropologie coloniale qui nous dit qu’il n’y a de vérité qu’occidentale<br />

et revisiter, dans un mouvement de réappropriation de notre histoire, qui passe,<br />

comme dit Ngugi, par une décolonisation de nos esprits extravertis, marqué par une défaite<br />

vociférante de la pensée et l’incapacité, <strong>du</strong> fait de nos élites, de pro<strong>du</strong>ire une pensée<br />

neuve et de reprendre le droit à l’initiative selon la belle formule de Césaire. Dans<br />

ce recours aux sources et dans le cadre <strong>du</strong> débat sur l’unité de l’Afrique la réflexion sur<br />

la charte <strong>du</strong> mandé peut nous être d’un compagnonnage utile.<br />

La Magna Carta ou Grande Charte, fut octroyée le 15 juin 1215, à Runnyme près<br />

de Windsor, de par le roi Jean d’Angleterre, dit Jean sans Terre, aux barons anglais qui,<br />

dans leur révolte, vont prendre Londres le 17 mai 1215.<br />

Symbole de la lutte contre le pouvoir absolu, la Grande Charte est le premier texte<br />

constitutionnel anglais.<br />

Elle codifie en détail les relations entre le roi et les barons ; instaure un contrôle de<br />

l’impôt par le Grand Conseil <strong>du</strong> royaume tout en garantissant les libertés de l’église et<br />

des villes contre les abus <strong>du</strong> pouvoir royal. Son annulation par le même Jean sans Terre<br />

en 1216 va déclencher une guerre civile de quatre ans obligeant Henri III, successeur<br />

de Jean d’Angleterre, à la confirmer définitivement en 1265.<br />

La Magna Carta est à l’origine de l’habeas corpus ad subjicien<strong>du</strong>m, « que tu aies ton<br />

corps pour le présenter [devant le juge] », voté 12 ans plus tard en 1679.<br />

L’habeas corpus est, comme on le sait, le fondement historique des libertés civiles<br />

anglaises. Son article fondamental (l’article 39) dispose que : « aucun homme libre ne<br />

sera pris et emprisonné, ni dépossédé ni exilé ni ruiné de quelque manière que ce soit, ni<br />

mis à mort ou exécuté, sauf à la suite d’un jugement loyal de ses pairs et par les lois <strong>du</strong><br />

pays ».<br />

Ce n’est qu’en 1297 que la Magna Carta aura sa version définitive et sera solennellement<br />

adoptée par le Parlement. Si au départ la Grande Charte ne lie que le roi et les<br />

barons, sous l’influence de Sir Edward Coke, le Parlement présente à Charles I er une requête,<br />

appelée pétition des droits, revendiquant, pour tous les hommes libres, les garanties<br />

octroyées par la Charte.<br />

La Grande Charte et son prolongement l’habeas corpus constituent aujourd’hui le<br />

socle irré<strong>du</strong>ctible de la démocratie anglo-saxonne. Elle a fait suite à des guerres (dont<br />

celle de Bouvines) et à de longues luttes de la baronnie anglaise excédée par l’absolutisme<br />

royal de droit divin. Elle a permis à l’Angleterre de faire l’économie d’une révolution<br />

violente aux résultats contrastés comme en connaîtra la France un siècle plus<br />

tard.<br />

Au moment même où l’Angleterre se donnait la Magna Carta comme facteur de<br />

paix et de cohésion sociale, par un de ses clins d’œil dont l’Histoire a le secret, et de manière<br />

tout à fait indépendante, le fils <strong>du</strong> lion et <strong>du</strong> b@uffle, proposait, dans le même<br />

esprit, un pacte semblable : la Charte <strong>du</strong> Mandé.

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