Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />
Réflexions sur l’idée d’un gouvernement continental<br />
Hamidou Dia<br />
Philosophe et écrivain<br />
L’Afrique est une mosaïque de pays confrontée depuis des siècles à divers traumatismes<br />
(esclavage, colonisation, indépendances truquées pour certains) et apparemment<br />
vouée à toutes les calamités (naturelles, économiques, politiques etc.). Mais l’Afrique<br />
reste debout comme « un cœur de réserve » là où d’autres peuples ont disparu en même<br />
temps que le tarissement de leur sueur. Je pense notamment aux Amérindiens. C’est<br />
qu’elle a en elle-même des ressources inépuisables encore insuffisamment exploitées.<br />
L’Afrique est riche de la qualité de ses enfants, de ses ressources minières, agricoles etc.<br />
et sa population dans sa diversité ethnique, culturelle et religieuse et en dépit de tensions<br />
irrédentistes somme toute marginales, est entrain de s’édifier comme Peuple et de<br />
se construire comme Nation. Et un jour, comme l’écrivait Lumumba, elle se réconciliera<br />
avec sa propre histoire, ses propres résistances et « elle sera <strong>du</strong> nord au sud <strong>du</strong> Sahara<br />
une histoire de gloire et de dignité ». Cela relève désormais de l’urgence et l’urgence<br />
est un concept <strong>du</strong> temps, surtout à un moment où des signes avant-coureurs d’une remise<br />
en cause de ses équilibres fondateurs – <strong>du</strong> fait d’un contexte mondialisé – se font<br />
jour de ci, de là ; il faut, plus que jamais, rester « vigiles et alertes ». Elle peut représenter<br />
l’espérance <strong>du</strong> monde, son nouveau souffle si les Africains le veulent bien, renoncent<br />
aux discussions byzantines, aux querelles stériles et refusent la fatalité sous ses<br />
diverses formes et les oripeaux et euphémismes dont la recouvre les afro-pessimistes,<br />
« en se ceignant les reins comme un vaillant homme ».<br />
« L’Afrique n’est pas démunie ; elle est désunie » ; l’Afrique n’est pas pauvre ; elle est<br />
appauvrie. C’est pourquoi le débat sur son unité, en plus de son impérieuse nécessité,<br />
n’est pas vain et doit mobiliser toutes nos énergies, ressources, imagination et une réflexion<br />
critique, prospective, rigoureuse, décomplexée et innovante dans l’esprit <strong>du</strong><br />
texte fondateur de ce mouvement d’idées qui a pour nom panafricanisme. Un panafricanisme<br />
revitalisé, revisité à l’aune de l’actuelle configuration <strong>du</strong> monde. La pensée<br />
doit précéder l’action. Une action doit nécessairement être éclairée. Pour en prévenir les<br />
errements et, au besoin, en rectifier les dérives. Une pensée qui tourne sur elle-même<br />
est vide ; une action non éclairée est aveugle.<br />
Si tout le monde est d’accord avec l’unité, les voies pour y accéder divergent et deux<br />
points de vue s’affrontent : les tenants d’une unité par étapes, par intégrations progressives,<br />
reprenant par là même la thèse senghorienne des cercles concentriques ; les tenants<br />
de l’unité immédiate par la création d’un état fédéral.<br />
<strong>Les</strong> arguments des tenants de la première thèse ne sont pas ridicules qui excipent<br />
souvent d’ailleurs de l’expérience européenne. Seulement depuis 1963, date de la création<br />
de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), les cercles concentriques sont dangereusement<br />
immobiles et le bilan est bien maigre.<br />
Nous avons trop atten<strong>du</strong>, tergiversé. Il faut maintenant accoucher l’État fédéral –<br />
promis depuis 1963 sur une proposition de Nkrumah – aux forceps de l’orage. Certes,<br />
ce ne sera pas facile, mais une fois la barrière placentaire rompue, les vagissements passés,<br />
le nouveau-né, lavé et parfumé, sera beau et grandira dru – si nous laissons de côté