Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri
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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />
L’Afrique, la science et la technologie<br />
Mary Teuw Niane<br />
Professeur de mathématiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal<br />
<strong>Les</strong> fondements de la construction de l’Afrique sont l’œuvre des Africains convaincus<br />
et qui ont choisi de confondre leur projet de développement indivi<strong>du</strong>el avec celui<br />
<strong>du</strong> continent. Loin de moi l’idée de minimiser l’apport de la diaspora : elle a joué un<br />
rôle de premier plan dans l’éveil des consciences et occupera une place centrale dans les<br />
transferts de technologies, le rayonnement intellectuel <strong>du</strong> continent et la réorientation<br />
d’une partie significative des flux financiers vers l’Afrique. Cependant, une évidence<br />
s’impose : le champ de construction de l’Afrique, c’est la terre africaine.<br />
Lorsque René Maheu, premier directeur de l’Unesco, affirme fort justement que «le<br />
développement, c’est la science devenue culture », nous ne pouvons que constater l’énorme<br />
retard accusé pendant ces presque cinquante années d’indépendance par l’Afrique. Il<br />
nous faut dès lors mesurer le saut gigantesque qui reste à accomplir. <strong>Les</strong> historiens et<br />
les archéologues nous enseignent que l’Afrique est à la base de l’histoire moderne grâce<br />
à l’invention de la science et de la technique en Égypte pharaonique. C’est d’ailleurs ce<br />
qui fait dire au Pr Cheikh Anta Diop dans son ouvrage, Civilisation et Barbarie, que<br />
« c’est en toute liberté que les Africains doivent puiser dans l’héritage intellectuel commun<br />
de l’humanité en ne se laissant guider que par les notions d’utilité, d’efficience », cet héritage<br />
étant aussi l’œuvre de leurs ancêtres.<br />
Le niveau de développement atteint par l’Asie <strong>du</strong> Sud-Est devrait nous pousser à investir<br />
dans la science et la technologie. Car ces pays, dont le PNB était pour la plupart<br />
inférieur à celui <strong>du</strong> Sénégal dans les années 1960, concurrencent aujourd’hui avec succès<br />
la France, la Belgique, et même les États-Unis dans la pro<strong>du</strong>ction de biens de très<br />
haute technologie. Et ils supplantent de plus en plus l’Afrique dans la pro<strong>du</strong>ction de<br />
pro<strong>du</strong>its agricoles fortement consommés dans le Nord, comme le café et le cacao. Ils<br />
récoltent depuis quelques années les fruits de leur politique à long terme axée sur l’é<strong>du</strong>cation<br />
et sur la formation, et privilégiant la science et la technologie.<br />
La détérioration des termes de l’échange hérités de la division coloniale <strong>du</strong> travail<br />
– la matière première aux pays en développement et la transformation aux pays développés<br />
– serait minime face au déséquilibre créé par des biens incorporant de grandes<br />
quantités de pro<strong>du</strong>its <strong>du</strong> savoir aux matières premières africaines. La science et la technologie<br />
représentent la seule voie d’évitement de la perpétuation de la faiblesse de<br />
l’Afrique dans le commerce international.<br />
Nous devons prendre en considération l’évolution de l’Occident sur certaines questions<br />
sensibles comme l’esclavage, le travail des enfants et l’environnement. Si les idées<br />
nouvelles concernant les droits attachés à l’homme, à la femme, à l’enfant et à l’environnement<br />
sont autant d’avancées dans la prise de conscience des méfaits que le développement<br />
de l’Occident a causés à l’humanité, elles ont cependant été promulguées<br />
parce que l’Occident a accompli le saut technologique lui permettant de ranger ses<br />
vieilles méthodes parmi les curiosités de l’histoire.