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Les actes complets du colloque - Fondation Gabriel Péri

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Afrique et Europe : néocolonialisme ou partenariat ?<br />

Pour que le partenariat avec l’Europe apparaisse à l’Afrique comme une nécessité,<br />

il faut d’abord clarifier la compréhension que ces deux entités ont de leur histoire commune,<br />

donner à voir la vision que l’Afrique a d’elle-même dans la mondialisation<br />

– c’est en cela, principalement, que notre <strong>colloque</strong> espère être utile – et s’entendre sur<br />

les fondements d’une telle alliance.<br />

Il est ensuite indispensable de définir les objectifs de ce partenariat et les choix stratégiques<br />

auxquelles souscriraient les deux parties prenantes.<br />

En fait, il ne s’agirait pas d’un partenariat exclusif, imposé avec autorité par l’Europe,<br />

auquel cas le projet serait voué à l’échec, mais d’un contrat humaniste, progressiste<br />

qui aurait l’ambition réelle et les moyens de relever les défis de l’Afrique qui sont<br />

aussi ceux <strong>du</strong> monde : Défis démographiques, écologiques, sociaux, économiques ; défi,<br />

également, de la paix.<br />

Ce n’est pas une affaire symbolique : les fondements d’un éventuel projet commun<br />

de ce type sont marqués <strong>du</strong> sceau de l’idéologie. Or il est à craindre – la France pesant<br />

d’un poids encore essentiel dans l’Union européenne – que les orientations idéologiques<br />

prises par Nicolas Sarkozy à l’égard de l’Afrique (et qu’il a exprimées avec clarté<br />

à l’université Cheick Anta Diop le 26 juillet dernier) fragilisent d’emblée toute perspective<br />

de partenariat avec le continent.<br />

Alors que la France s’apprête à prendre la présidence de l’UE, il faut veiller à ce que<br />

la stratégie de Lisbonne adoptée en décembre dernier lors <strong>du</strong> sommet Europe-Afrique<br />

ne véhicule pas les mêmes présupposés idéologiques et les mêmes idées reçues.<br />

Sémou Pathé Gueye, philosophe, ici présent, se livrera en séance à une explication<br />

de texte <strong>du</strong> discours <strong>du</strong> président français, qui a suscité de nombreuses réactions virulentes<br />

d’historiens africains comme Achille Mbembe, Ibrahima Thioub, Mamadou<br />

Diouf. Car on ne peut éprouver que colère et indignation quand le président Sarkozy<br />

prétend, je cite, que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire » ; quand il<br />

ajoute que dans l’imaginaire naturaliste africain, il n’y a, je cite, « pas de place pour l’idée<br />

de progrès ». Et quand il assène que le malheur de l’Afrique fut longtemps de ne pas participer<br />

au grand métissage de l’esprit humain.<br />

Ce discours témoigne d’une terrible ignorance de l’histoire, de sa complexité et de<br />

la diversité des sociétés, de la géographie et des pratiques africaines. Je ne citerai, en<br />

exemple, que l’ingéniosité des paysans africains qui ont su, par leur inventivité et leur<br />

connaissance, issues de leurs terroirs, s’adapter aux milieux les plus hostiles.<br />

Ce discours nourrit une tendance régressive et réactionnaire en France, plus importante<br />

qu’on ne le croît, et qui s’était déjà manifestée avec la volonté de députés de<br />

l’UMP de reconnaître par la loi « les aspects positifs de la colonisation ».<br />

Rejeter consciemment l’Afrique dans l’immobilisme, ignorer l’histoire, privilégier<br />

une vision folklorique et entretenir « l’afro-pessimisme » pour condamner le continent<br />

au fatalisme et au traditionalisme structurel : tout cela permet aux pays occidentaux de<br />

justifier la domination qu’ils subissent. Le pôle unissant l’Afrique et l’Europe doit au<br />

contraire se fonder sur le respect et l’égalité.<br />

Je le dis clairement : l’Europe doit contribuer loyalement à la valorisation de cette<br />

histoire africaine si mal connue, et à la compréhension de sa complexité. Toutes choses<br />

indispensables pour permettre à l’Afrique de prendre toute la place qu’elle mérite dans<br />

la mondialisation.

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