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COURRIER DES LECTEURS<br />
À PROPOS<br />
DE L’ARTICLE<br />
« L’HOMME QUI RÊVA<br />
LES JEUX »<br />
Spécialiste <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> coubertiniennes,<br />
le professeur Yves<br />
Boulongne, après avoir lu I’article<br />
de Cyril Bracegirdle<br />
«L’homme qui rêva les Jeux»<br />
dans la Revue Olympique N o<br />
284 » nous a adressé certaines<br />
précisions historiques sur l’origine<br />
de la rénovation <strong>des</strong> Jeux<br />
que nous publions ici :<br />
«<br />
N<br />
ul ne conteste au docteur Brookes<br />
d’avoir organisé à Wenlock en 1890,<br />
<strong>des</strong> joutes olympiques (1). Pas plus Coubertin<br />
qui lui rendit hommage (2) que I’auteur<br />
de ces lignes, qui, le premier, dans la<br />
littérature francophone, signala son apport<br />
(3). Et il est vrai que Coubertin, présent à<br />
Wenlock en 1890, à l’invitation du docteur<br />
Brookes avec qur il entretenait une correspondance<br />
suivie depuis plusieurs années<br />
dans le cadre de sa croisade pour l’internationalisation<br />
du sport, trouva là matière à se<br />
réjouir. Pour la première fois, il voyait la<br />
réalisation concrète, - mais à l’échelon<br />
local, et la précision est de taille - de ce à<br />
quoi il aspirait pour la jeunesse du monde<br />
à l’échelle internationale. Les références à<br />
I’Olympisme ancien, à la chevalerie médiévale,<br />
dans le sillon de la muscular christianity<br />
anglicane, étaient celles-là même que<br />
Coubertin avait déjà fait siennes, et qu’il<br />
allait exposer en détail, dès 1892, puis en<br />
1894, en Sorbonne.<br />
Faire sur ce point précis un procès de<br />
plagiat à Coubertin est tout à fait inacceptable.<br />
La vérité historique est tout autre, plus<br />
multiple, et plus complexe, que ne l’écrit<br />
l’éminent Cyril Bracegirdle.<br />
C’est que l’idée olympique et la fête<br />
<strong>des</strong> Jeux Olympiques ne furent jamais<br />
absentes de la mémoire occidentale, au<br />
cours <strong>des</strong> siècles qui suivirent l’édit de<br />
Théodose (392). Le souvenir <strong>des</strong> Jeux se lit<br />
dans les écrits <strong>des</strong> moines copistes du<br />
moyen âge, <strong>des</strong> hommes de la Renaissance,<br />
<strong>des</strong> moralistes et <strong>des</strong> écrivains de<br />
l’époque classique. On en trouve la trace<br />
vivace chez les encyclopédistes français,<br />
les « philanthropinistes » allemands. Les<br />
fouilles sur le site d’Olympie par Abel<br />
Blouet, puis par les grands archéologues<br />
prussiens, concrétisent ce puissant courant<br />
d’intérêt pour Olympie et les jeux anciens.<br />
En outre, au cours <strong>des</strong> XVIe, XVIIe,<br />
XVIIIe, XIXe siècles, <strong>des</strong> jeux olympiques,<br />
locaux ou nationaux parfois nationalistes,<br />
furent organisés à l’occasion de foires traditionnelles<br />
ou d’expositions en Irlande,<br />
Ecosse, Grande-Bretagne, Suède, Pologne,<br />
Grèce. Par le phénomène bien connu de<br />
diaspora, de telles joutes essaimèrent au<br />
Canada, aux Etats-Unis, en Australie, en<br />
Nouvelle-Zélande. En France même, Ferdinand<br />
de Lesseps, Philippe Daryl, contemporains<br />
de Coubertin, préconisèrent <strong>des</strong><br />
jeux olympiques mais français. Au séminaire<br />
du Rondeau, près de Grenoble, <strong>des</strong><br />
jeux « olympiques » (qui comportaient une<br />
course en sac) furent organisés durant presque<br />
tout le XIXe siècle. Pour autant, les<br />
archevêques de Grenoble doivent-ils être<br />
considérés comme les pères putatifs <strong>des</strong><br />
Jeux Olympiques modernes ?<br />
Faire un procès à Coubertin, quand à<br />
la paternité <strong>des</strong> jeux modernes, est un faux<br />
problème, car l’idée était dans l’air, et de<br />
façon marquante et symptomatique, durant<br />
tout le XIXe siècle marqué par la naissance<br />
du sport moderne et le regain de développement<br />
du principe <strong>des</strong> nationalités. Coubertin<br />
aurait donc pu n’être qu’un <strong>des</strong> multiples<br />
initiateurs de jeux olympiques nationaux,<br />
«à la française ». Il n’en fut rien, et<br />
heureusement pour l’humanité.<br />
Le génie de Coubertin fut en effet de<br />
vouloir que les Jeux Olympiques modernes<br />
fussent internationalisés, «au service de la<br />
jeunesse du monde ».<br />
Pour structurer le jeune mouvement<br />
qu’il créait il fit appel à <strong>des</strong> personnalités<br />
<strong>des</strong> arts et <strong>des</strong> lettres, de l’Université, de<br />
l’armée, de la gentry internationale, de<br />
telle sorte que, fort de l’idée, le Mouve-
ment olympique survécut à deux guerres<br />
mondiales, aux révolutions communistes,<br />
et se révèle encore aujourd’hui parfaitement<br />
adapté aux mutations brutales du<br />
monde contemporain.<br />
Beaucoup plus! Coubertin eut I’intuition<br />
géniale, fidèle en cela aux leçons de<br />
l’histoire, d’inscrire l’Olympisme moderne<br />
dans le sillage conceptuel de la démocratie<br />
libérale cosmopolite. C’est là à jamais titre<br />
de gloire, personne ne peut le contester,<br />
car il est bien le seul, en effet, à avoir doté<br />
l’Olympisme de son corpus théorique et<br />
éthique. L’« esprit olympique », même souvent<br />
mis à mal par les marchands du Temple,<br />
c’est à Coubertin que l’humanité le<br />
doit.<br />
Rendons lui sans partage cet hommage.<br />
Et que cessent <strong>des</strong> coups de griffe<br />
qui ne grandissent pas leurs auteurs.<br />
L’histoire, elle, a tranché : depuis longtemps.<br />
»<br />
Y.B.<br />
Nous avons également<br />
reçu une lettre de M. Uhri Simri<br />
de Herzliyah-B (ISR) rectifiant<br />
certains points de l’article de<br />
Don Anthony «Sessions du CIO<br />
en Grande-Bretagne, à vol d’oiseau<br />
» paru dans le N o 285 de<br />
la Revue Olympique. Nous en<br />
avons retenu les passages suivants<br />
:<br />
«Je souhaiterais exprimer un point de<br />
vue différent sur deux points soulevés par<br />
M. Don Anthony dans son article sur les<br />
« Sessions du CIO en Grande-Bretagne »<br />
publié dans la Revue Olympique de juillet<br />
1991. M. Anthony indique que « les femmes<br />
furent admises en voile » à la session de<br />
1948 comme si aucune femme jamais<br />
n’avait concouru avant cela dans <strong>des</strong><br />
régates olympiques. Le fait est qu’une<br />
femme britannique participait déjà aux Jeux<br />
en 1908 et fut suivie par <strong>des</strong> compatriotes<br />
en 1920, 1928 et 1936. La France fut également<br />
représentée en voile par une femme<br />
en 1928 et la Suède par deux en 1936. Ces<br />
femmes ont remporté <strong>des</strong> médailles olympiques<br />
en 1908, 1920, 1928 and 1936. En<br />
fait, le congrès olympique de 1930 à Berlin<br />
interdit les compétitions open aux Jeux,<br />
mais l’IYRU ne souscrit pas à ce règlement.<br />
Le CIO céda et accepta que les compétitions<br />
de voile en 1948 soit déclarées open.<br />
Par ailleurs, M. Anthony oublie de<br />
mentionner que le Comité Olympique de<br />
Palestine qui était reconnu depuis 1935<br />
n’avait que <strong>des</strong> officiels juifs... Le Comité<br />
demandait simplement l’approbation pour<br />
son changement de nom, ce qui lui fut<br />
refusé... »<br />
1) Le centenaire <strong>des</strong> Jeux de Much Wenlock a donné lieu à <strong>des</strong><br />
festivités au cours <strong>des</strong>quelles Geoffroy de Navacelle à renouvelé<br />
le geste d’amitié de son grand-oncle Pierre de Coubertin<br />
en plantant un chêne sur les mêmes lieux 76 ans plus tard. Il<br />
voulait aussi rappeler I’estime que «le rénovateur <strong>des</strong> Jeux»<br />
portait au Docteur Brookes dont l’inspiration rejoignait la<br />
sienne.<br />
2) Coubertin (Pierre de) -A typical englishman Dr W.P.Brookes of<br />
Wenlock in Shrophire. (American Review of Reviews. Janvier<br />
1897-Pages 62-65)<br />
3) Boulongne (Yves Pierre). «La vie et l’oeuvre pédagogique de<br />
Pierre de Coubertin. 1863-1937. » Leméac éditeur Montreal<br />
1975 Distributeur pour la France: Actes Sud.<br />
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