dimanche 4 août

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w» DIMANCHE-ILLUSTRÉ IIIIIIIIIIIIIIIIIIlllllllllllllllllllllllllllllllItlIlIUlllllllllItlIlIlllllllllllllMUIIIIIIl Ç llll^llllllllllll^llllllllllllHllllllllllIlll^llllllllm»»"^'»"»'•' , » , "" ,I,, """ l """"" 1 " LE 4 AOUT 1929 UN CONTE D'ACTION LE CERCUEIL DE LISSA JE fus submergé par l'horreur que me causa la condamnation ; elle m'enveloppa comme la nuit enveloppe la terre et sonna le glas de mon existence. Je demeurai anéanti, muet, devant la gravité de la sentence. Mes yeux ne virent presque plus les juges vêtus de leurs robes noires, m tandis que je me levais et qu'on m'emmenait hors de la salle pour faire place à un autre malheureux. ; Au dehors, la nuit était venue et contribuait à augmenter mon découragement, car je n'entrevoyais aucune lueur d'espoir. J'étais condamné, condamné à mourir sous la torture, la lente torture du cercueil de fer ! Les derniers mots que les inquisiteurs avaient prononcés, résonnaient lourdement dans mon cerveau engourdi. Les effets du premier choc s'atténuèrent lentement, et je repris conscience de ce qui m'entourait. Les geôliers nie conduisaient à travers un long couloir, à l'extrémité duquel quelques chandelles grésillaient sur leurs supports. Au bout d'un instant, je me trouvai devant la porte d'acier de la chambre de torture. Tandis que le lourd battant grinçait sur ses gonds rouflles, la lueur vacillante des chandelles fit danser des ombres menaçantes sur le terrible cercueil posé au centre de la pièce. Cette vue ranima mon horreur et je fus Saisi d'un intense désir de liberté ; mais l'effort que je tentai pour me dégager, fut immédiatement réprimé par mes gardiens qui étaient infiniment plus robustes que moi. Je fus brutalement jeté dans le cercueil dont le couvercle avait été enlevé ; ma tête heurta sa dure paroi et je sombrai dans l'inconscience. A partir de cet instant, je ne me rendis que yaguement compte de ce qui se passa. Lorsque je revins à moi, je me trouvai dans les ténèbres et je demeurai immobile quelques minutes, faisant appel à toutes mes facultés. Mais, malgré tous mes efforts, je n'arrivai pas à percer l'obscurité qui paraissait tourbillonner aevant mes yeux. Je refermai ceux-ci pour goûter un peu de repos, puis, soudain, je songeai à remuer les bras, mais ce mouvement lue causa une vive douleur près de l'épaule, i - Je pensai qu'elle était produite par les crampons dont j'avais souvent entendu parler 'par des personnes qui avaient assisté à des exécutions... A ce moment, le souvenir des derniers événements me s

«Htiiiuii LE 4 AOUT 1929 ■'■< immmHmuiimmiHNmiuimniHiininMimiitiiiniimiiiiiiiiiiimiiiiiiiiiiii f iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiuiliiHliillilillllUHiliiniiiiliiiliir WMANCHE»ILLUSTRÉ UN CONTE D'AVENTURE LES P I R A N H A ZS par EDOUARD DE KEYSER Il sait découvrir à propos les indices imper- Nous nous trouvions au Chiquito, temple basque. Enfouis dans les m ceptibles qui ouvrent une voie. Mais, quand il est sur la piste, le gibier lui appartient. Ses fauteuils qui s'adossent à la mu- yeux... Avez-vous évalué ses yeux ?... Devant raille, devant des cocktails qui Les piranhas sont des poissons carnassiers qui peuplent certains lui, un coupable est fasciné.... S'il n'a que des embuaient le haut des verres, nous jouissions de l'heure, Astrugo fleuves de l'Amérique du Sud. Par un jeu étrange de la destinée, soupçons vagues, Coxwel se contente de regarder l'individu. A-t-il affaire à un innocent, ce etmci, et nous nous efforcions d'oublier qu'outre vont-ils se substituer à la justice immanente ? C'est ce que nous diable de Yankee ne s'y trompera pas. Devant • les aquariums'd'eau opaline, et les chasseurs aux boutons d'or, guettaient les soucis, les Verrons en lisant cette nouvelle d'un intérêt tragique. . lui, un malfaiteur n'a aucune chance de ne pas affaires et les encombrements. Nous regar- se trahir. — Vous l'avez connu au Brésil ?... dions entrer les jolies Parisiennes, voguer les J — Oui... A Sao-Paulo... Je vous le dis, mannequins d'une maison de couture qui charmant compagnon. Il se trouvait là avec achevait d'exhiber ses modèles, et s'affairer les garçons coiffés de la toque américaine quand deux hommes qui entraient, attirèrent était coulé un métal chargé de magnétisme, un autre détective, son élève..., Archibald blanche, qui avait fait fureur sur les plages, mon regard. qui , attirait et retenait comme l'aimant Jonlison... Les Américains du Nord possèdent tout l'été. Ils s'arrêtaient un instant entre les aqua- dompte la limaille. Un métal dur, inflexible. au Brésil des intérêts de plus en plus enche- Les derniers tangos du dancing nous berriums lumineux, pour choisir d'avance leur Cet homme regarda la salle. Quand ses vêtrés. Il n'était donc pas étonnant de l'y çaient et les dames qui sortaient, chattées de table. Si le premier se classait dans la moyenne yeux me touchèrent, je sentis un malaise, trouver. Il parlait d'ailleurs un portugais fourrures, se chargeaient, en passant devant de l'élément masculin, l'autre paraissait immé- comme si l'on avait dardé sur mon échine une correct. hous, de réjouir nos yeux par leur luxe et leur diatement digne d'étude, et je me demande salve de haute fréquence un peu trop violente. Son regard ne quittait pas les élégants pois- minois. Lorsque ce divertissement fut terminé, quel peintre eût pu rendre exactement, dans Il reconnut Astrugo, lui fit signe de laniain. sons qui évoluaient dans les aquariums et comme Astrugo, perdu dans des souvenirs toute sa puissance, la valeur de ses traits. «Puis il alla^'asseoir à l'autre bout de la salle, opalins. brésiliens, s'obstinait à garder le silence, je me — Hi !... Rex Coxwell... murmura Astrugo. et nous tourna le dos. •— Ils ont la grandeur des truites, dit-il tout mis à regarder les vitraux supérieurs de la — Vous le connaissez ? Je suppose que J'aimais mieux ça. à coup. Par Nossa Senhora de la Penha ! salle, noirs et.blancs, dans le goût moderne. c'est du plus grand que vous parlez ?... — Votre Coxwell m'épouvante, dis-je au d'ici, on dirait des piranhas... La lumière, peut-être unique féerie de notre —• Oui... le plus grand... Brésilien. Ce brusque changement de sujet me surprit : époque, incorporait dans les fonds des pâtes — Hî... Il n'est méchant que pour ceux qui — Qu'est-ce que vos piranhas ? m'écriai-je. O çTonyx et d'agathe, injectant en eux je lie le méritent. Le meilleur garçon du monde... Il Et pourquoi me parlez-vous de ces poisspns aime s'amuser... Mais il a du malheur. Aucune alors que nous discutons golice ? gavais quelle matière précieuse. Parfois, j'y voyais une étoile d'argent, une poudre de OUT ai dévisageant l'homme, je remarqua femme ne veut de lui... — Parce que tout, dans la vie, a son enchaî- platine. J'étais heureux, béatement, de ne que je n'étais pas seul à le faire. Serré — Je comprends ça... Dès qu'il la regarde... nement. Si vous étiez au Brésil, vous vous penser à rien, —■ chose si rare à Paris—, de T dans un pardessus marron à martingale, — Elle prend peur... Hî... étomieriez de voir pousser Sur un arbre vingt m savoir qu'eu baissant les yeux je découvrirais, le cou entouré d'un foulard feuille morte, il — Qu'est-ce qu'il fait dans la vie, ce plantes aussi éloignées de son essence qu'une pans cette salle qui donnait l'illusion d^un coin n'avait d'autre élégance que cet air véritable- Yankee ?... Car je présume qu'il se drape dans piranha d'un détective. Pourtant, ce que jVe pasque sous l'invasion anglo-saxonne, dix ment yankee, qui, je l'avoue, apporte quelque les stars and stripes... vais ypus raconter... nouvelles beautés de ce Paris définitif et mon- distinction à une bonne moitié des Etats-Unis. — Policier, mon cher. ! — Notez encore que j'ignore au juste ce dial, qui a pour limite la Madeleine et pour De son» visage, je notai vaguement un nez — J'en aurais tenu le pari... qu'est une piranha. Axe les Champs-Elysées. assez fort, une bouche droite, une courbe — Et je parierais, moi, que votre Panam, -— Un joli poisson. Rien d'autre, cher ami... . , Lorsque je considérai à nouveau la salle, il pleine, dénotant la vigueur..^ Mais les yeux.. qui ne le connaissait pas encore, pourrait bien Pas plus grand que ceux de cet aquarium, et r en avait, éparpillées aux tables devant des Quels yeux!... Je me demande encore ce qui entendre parler de lui, sous peu. Il ne se rend aussi fin, aussi rapide, Mais il a, du point de \erres glacés d'or et croquant des pommes leur donnait cet inquiétant, ce fascinant éclat. jamais dans un endroit du globe sans un motif vue brésilien, deux défauts. Le premier, c'est Chips avec les plus jolis doigts du monde, deux Ces yeux n'étaient pas grands, d'une couleur grave. Le huitième arrondissement vivra-t-il d'être doté d'une double rangée de dents si fois plus que je n'en attendais. Elles étaient terne que je n'ai pu analyser... Une eau d'étang l'épilogue de quelque drame commencé dans serrées, si pointues, si solides, qu'il tranche ïoses, mignonnes, délicieuses et point maigres. voilée de brouillard ? Du gris vert?... Mais, la cinquième Avenue ?... d'un coup de mâchoires l'os le plus dur, et Vrais articles de Paris. là-dedans, un métal dur. Pas de l'acier. Nous — D'après ce que vous me dites, le flair de qu'une mince barre de métal n'y résiste pas. -Parmi les hommes, surtout des Américains en avons tous connu, des regards acérains... votre Coxwell égalerait celui des limiers les Le second, c'est d'exercer ces mâchoires vax flu ïsford -et des Anglais. J.e me rappelle celui du général Gouraud, plus fameux. • dépens de tout ce qui passe à sa portée. Quelques types caractéristiques, qui n'au- terrible dans sa pâleur. — C'est-à-dire... il réunit en lui plusieurs — Une bête féroce, votre piranha ! raient pas fait mal à l'écran, eu policeinen de Que tous les criminels remercient le diable qualités qui, chez les autres, existent seules. — Un peu plus, même... Car ces poissons Chicago. Aucune physionomie digue d'arrêter de n'avoir pas fait de Gouraud un juge d'ins- Sherlock Holmes n'est qu'un déducteur génial. vivent par bandes nombreuses. La proie, l'attention par son intelligence, le reflet exact truction... Qu'aurait-il donné si une affaire l'avait trans- attaquée, est entamée sur cent points à la fois. de sentiments extrêmes, la profondeur ou la Eh bien ! le regard de Gouraud pouvait orté loin de Londres, dans une colonie, jeté Eî»ts*^e :rt lç mot exact... La piranha ne force des pensées. J'allais me borner à l'étude passer pour indifférent et candide auprès de Ees méditations dans la lutte ardente, pour sa îles poupées mondaines à colliers de perles, celui de Coxwell. Au fond de ces pupilles peau... Rex Coxwell déduit bien. Il est fin. (Lire la suite page 10, 3e colonne.) • Arrête-loi donc, fit Coxwell. Où veux-tu aller î Tu sais bien que je dois te mener an bagne.» Domino reculait plus m. D'un bond, xl avait sauté sur les caisses qui encombraient l^poupe.

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UN CONTE D'ACTION<br />

LE CERCUEIL DE LISSA<br />

JE fus submergé par l'horreur que me<br />

causa la condamnation ; elle m'enveloppa<br />

comme la nuit enveloppe la terre<br />

et sonna le glas de mon existence. Je<br />

demeurai anéanti, muet, devant la gravité<br />

de la sentence. Mes yeux ne virent<br />

presque plus les juges vêtus de leurs<br />

robes noires, m tandis que je me levais et<br />

qu'on m'emmenait hors de la salle pour faire<br />

place à un autre malheureux.<br />

; Au dehors, la nuit était venue et contribuait<br />

à augmenter mon découragement, car je n'entrevoyais<br />

aucune lueur d'espoir. J'étais condamné,<br />

condamné à mourir sous la torture,<br />

la lente torture du cercueil de fer !<br />

Les derniers mots que les inquisiteurs<br />

avaient prononcés, résonnaient lourdement<br />

dans mon cerveau engourdi.<br />

Les effets du premier choc s'atténuèrent<br />

lentement, et je repris conscience de ce qui<br />

m'entourait. Les geôliers nie conduisaient à<br />

travers un long couloir, à l'extrémité duquel<br />

quelques chandelles grésillaient sur leurs<br />

supports. Au bout d'un instant, je me trouvai<br />

devant la porte d'acier de la chambre de torture.<br />

Tandis que le lourd battant grinçait sur ses<br />

gonds rouflles, la lueur vacillante des chandelles<br />

fit danser des ombres menaçantes sur le<br />

terrible cercueil posé au centre de la pièce.<br />

Cette vue ranima mon horreur et je fus<br />

Saisi d'un intense désir de liberté ; mais l'effort<br />

que je tentai pour me dégager, fut immédiatement<br />

réprimé par mes gardiens qui étaient<br />

infiniment plus robustes que moi. Je fus brutalement<br />

jeté dans le cercueil dont le couvercle<br />

avait été enlevé ; ma tête heurta sa dure paroi<br />

et je sombrai dans l'inconscience.<br />

A partir de cet instant, je ne me rendis que<br />

yaguement compte de ce qui se passa. Lorsque<br />

je revins à moi, je me trouvai dans les ténèbres<br />

et je demeurai immobile quelques minutes,<br />

faisant appel à toutes mes facultés. Mais,<br />

malgré tous mes efforts, je n'arrivai pas à<br />

percer l'obscurité qui paraissait tourbillonner<br />

aevant mes yeux. Je refermai ceux-ci pour<br />

goûter un peu de repos, puis, soudain, je<br />

songeai à remuer les bras, mais ce mouvement<br />

lue causa une vive douleur près de l'épaule, i<br />

- Je pensai qu'elle était produite par les<br />

crampons dont j'avais souvent entendu parler<br />

'par des personnes qui avaient assisté à des<br />

exécutions...<br />

A ce moment, le souvenir des derniers événements<br />

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