Les Carabiniers, de Jean-Luc Godard
Les Carabiniers, de Jean-Luc Godard
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suit <strong>de</strong> sa main la jambe qui sort <strong>de</strong> l'eau, sa main parcours l'écran, comme sondant une réalité<br />
immatérielle. Sa silhouette se <strong>de</strong>ssine sur la clarté <strong>de</strong> l'écran, dans la salle on distingue la tête <strong>de</strong> sa<br />
voisine, bizarrement immobile et sans réaction, comme pour laisser intact l'émerveillement que peut<br />
susciter l'image. De nouveau, Michel-Ange saute puis essaye <strong>de</strong> mettre son pied dans la pièce où est<br />
le bain. Mais nous ne sommes pas dans une fiction comme La Rose Pourpre du Caire et la toile se<br />
décroche, Michel-Ange tombe <strong>de</strong>rrière l'écran, alors que le film continue à être projeté sur un mur.<br />
La musique s'est arrêtée, et Michel-Ange se relève désabusé avant <strong>de</strong> jeter la rapi<strong>de</strong> regard vers la<br />
source <strong>de</strong> son illusion : le projectionniste.<br />
Nous avons donc pu voir l'initiation d'un jeune homme naïf au cinéma. <strong>Godard</strong> nous suggère<br />
ainsi toute la force <strong>de</strong> ce moyen d'expression, oubliant un instant la trame <strong>de</strong> son histoire pour une<br />
scène qui semble échapper au temps du récit, comme la projection d'un film nous fait sortir du<br />
temps pour nous en faire découvrir un autre, nous imposant une attitu<strong>de</strong> contemplative où nous<br />
sommes pris par la magie <strong>de</strong>s images. Mais la toile déchirée, l'illusion disparaît. De nouveau l'orgue<br />
<strong>de</strong> barbarie nous entraîne vers <strong>de</strong>s images <strong>de</strong> guerre : morts, désolation et bombes. L'histoire se<br />
poursuit après ce moment <strong>de</strong> répit, pour ne mener finalement qu'à <strong>de</strong>s espérances déçues et à la<br />
mort, seules fins où mènent les guerres.