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III Tue-la-Mort - Bibliothèque numérique romande

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Ainsi arrivèrent-ils le surlendemain à Ena vers les neuf<br />

heures du matin. C’était, jour de marché et <strong>la</strong> voiture dut<br />

s’arrêter juste devant le cabaret de Bertomieu. On se rend facilement<br />

compte de <strong>la</strong> curiosité qu’excita aussitôt le mystérieux<br />

véhicule : toute transaction fut aussitôt suspendue et les éventaires<br />

furent immédiatement abandonnés.<br />

Tibério se dressa sur son siège comme un char<strong>la</strong>tan sur son<br />

tréteau un jour de foire, et il annonça à <strong>la</strong> foule, avec un orgueil<br />

bien excusable et une satisfaction d’autant plus compréhensible<br />

qu’il voyait autour de lui bien des gens qui avaient raillé cruellement<br />

son infortune, il annonça, disons-nous, <strong>la</strong> grande nouvelle<br />

qui le vengeait à <strong>la</strong> fois et de <strong>la</strong> Chiffa et des méchants :<br />

– C’est ma femme que je vous ramène !<br />

Aussitôt <strong>la</strong> caisse derrière lui se mit à se trémousser, plus<br />

terriblement que jamais, les coups contre l’une des portières retentirent<br />

comme des coups de « bélier » et presque aussitôt on<br />

entendit deux explosions qui firent reculer les plus avancés.<br />

C’étaient les deux pneus d’arrière qui crevaient, à bout de<br />

leurs forces, et rendaient tout leur souffle. En même temps, <strong>la</strong><br />

portière, cédant à tant d’assauts répétés, se fendait, se brisait !<br />

et de là, sortait… sortait <strong>la</strong> furie antique… habillée, ou plutôt<br />

déshabillée, à <strong>la</strong> dernière mode de Paris !…<br />

À <strong>la</strong> mode, elle l’était plus que jamais, « M me Tibério » ! car<br />

si son décolletage avait, en quittant <strong>la</strong> capitale, encore des limites,<br />

ces dernières avaient été franchies par le fait d’une gymnastique<br />

inconsidérée. Les quelques <strong>la</strong>mbeaux de soie qui <strong>la</strong><br />

couvraient encore <strong>la</strong>issaient à découvert une poitrine gonflée<br />

d’une fureur sombre et ses jambes nerveuses, gantées de bas<br />

transparents, se voyaient jusqu’à <strong>la</strong> jarretelle, sous une dernière<br />

loque vo<strong>la</strong>nte… Quel spectacle pour Ena !… Les cheveux dénoués<br />

de <strong>la</strong> Chiffa rou<strong>la</strong>ient leurs serpents autour d’une figure<br />

de Gorgone de Montmartre… Ses yeux, comme ceux de <strong>la</strong> Furie,<br />

semb<strong>la</strong>ient vouloir changer tous ceux qui l’entouraient en<br />

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