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III Tue-la-Mort - Bibliothèque numérique romande

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vociférations, dont on ne pouvait démêler le sens à travers le<br />

capitonnage et les volets de fer, vinrent troubler le silence de <strong>la</strong><br />

haute futaie.<br />

Tibério et son compagnon achevèrent en hâte leur déjeuner<br />

et l’on repartit en vitesse. Autant que possible, ils évitaient de<br />

traverser les villes car ils avaient remarqué que, lorsque <strong>la</strong> voiture<br />

rou<strong>la</strong>it sur le pavé, « <strong>la</strong> dame de l’intérieur », sans doute<br />

avertie, par cette particu<strong>la</strong>rité, que l’on se trouvait dans un milieu<br />

habité, se livrait, avec une ardeur nouvelle, à ses manifestations<br />

tumultueuses si dangereuses pour les ressorts et pour les<br />

pneus, cependant que d’une gorge éraillée, mais infatigable, elle<br />

<strong>la</strong>nçait des appels déchirants.<br />

À plusieurs reprises, dans des endroits bien déserts et <strong>la</strong><br />

nuit, plus particulièrement, Tibério qui, après tout, n’était pas<br />

un monstre et qui comprenait qu’au cours d’un voyage aussi<br />

long on doit avoir besoin de temps à autre de prendre l’air, renouve<strong>la</strong><br />

<strong>la</strong> charitable tentative de <strong>la</strong> forêt. Il fit stopper et proposa<br />

à <strong>la</strong> prisonnière une petite promenade de cinq minutes si elle<br />

consentait à se calmer. Mais ouais ! ce n’étaient là paroles que<br />

pour déchaîner <strong>la</strong> tempête. Et, devant cette obstination de<br />

l’ouragan, Tibério n’avait garde de lui ouvrir <strong>la</strong> porte. Il était<br />

comme Éole « gourmandant les autans, repoussant les nuages<br />

et, dans un noir cachot, enchaînant les orages ».<br />

Au surplus il savait que sa femme ne mourrait de faim<br />

qu’autant qu’elle le voudrait bien et que <strong>Tue</strong>-<strong>la</strong>-<strong>Mort</strong> avait pensé<br />

à tout. Il y avait dans cette auto, qui était vraiment de luxe, tout<br />

ce qu’il fal<strong>la</strong>it pour voyager aussi confortablement que dans un<br />

wagon présidentiel et avec moins de danger : provisions nécessaires<br />

et meubles utiles. Depuis qu’elle remuait si bien sa petite<br />

cage et mettait sens dessus dessous ses capitonnages, <strong>la</strong> Chiffa<br />

avait eu le temps de s’apercevoir que rien ne lui manquait ;<br />

quant à l’air, il se renouve<strong>la</strong>it par le truchement d’un étroit venti<strong>la</strong>teur<br />

installé dans <strong>la</strong> partie supérieure de <strong>la</strong> voiture.<br />

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