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III Tue-la-Mort - Bibliothèque numérique romande

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Ces choses se rapportaient naturellement à <strong>Tue</strong>-<strong>la</strong>-<strong>Mort</strong>, à<br />

<strong>la</strong> puissance occulte dont l’aubergiste disposait dans un pays qui<br />

eût dû lui être entièrement soumis à lui, Graissessac, alors que,<br />

depuis longtemps « le bandit du Petit-Chaperon-Rouge »,<br />

comme il pensait et même comme il disait dans ses moments de<br />

fureur et d’éc<strong>la</strong>t, « avait sa p<strong>la</strong>ce aux galères ! » (textuel).<br />

Si l’on considère qu’à ces raisons de haute politique qui lui<br />

faisaient haïr <strong>Tue</strong>-<strong>la</strong>-<strong>Mort</strong>, M. Graissessac croyait pouvoir en<br />

ajouter une autre plus intime, celle, par exemple, que le contrebandier<br />

aurait été <strong>la</strong> cause de <strong>la</strong> ruine du commerce de<br />

M me Graissessac, on admettra que le secrétaire de <strong>la</strong> mairie<br />

d’Ena avait bien des excuses à sa <strong>la</strong>tente irritation, génératrice<br />

des plus fâcheux emportements.<br />

À <strong>la</strong> vérité, M me Graissessac, qui tenait sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de <strong>la</strong><br />

Mairie, à Ena, un petit magasin de bonneterie et de dentelles,<br />

n’avait point le génie des transactions et sa modeste entreprise,<br />

pour péricliter, n’avait pas attendu <strong>la</strong> contrebande de <strong>Tue</strong>-<strong>la</strong>-<br />

<strong>Mort</strong>. Mais <strong>la</strong> nature humaine est ainsi faite qu’elle cherche toujours<br />

chez autrui les causes de son propre désastre, qui sont<br />

souvent à domicile.<br />

Donc, M. Graissessac se taisait. Il trouvait qu’il avait déjà<br />

trop parlé devant des étrangers. Car M. Graissessac n’était point<br />

dénué de prudence. Au fond, c’était un timide qui, de temps à<br />

autre, faisait explosion quand le bouillonnement de ses sentiments<br />

intimes avait été trop longtemps comprimé.<br />

– Avez-vous fait bonne pêche ? demanda Filippi.<br />

Il ne répondit point. Sa pensée était ailleurs qu’à <strong>la</strong> truite<br />

de montagne. On avait dû, dans <strong>la</strong> journée, l’entretenir de<br />

quelque nouveau coup de <strong>Tue</strong>-<strong>la</strong>-<strong>Mort</strong> et, visiblement, il se contenait.<br />

Mais tout à coup ce fut plus fort que lui… L’injure jaillit de<br />

ses lèvres comme une <strong>la</strong>ve d’un volcan qui s’entrouvre : « Gibier<br />

– 15 –

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