michel rolland nantes allez les filles longueur d'ondes marta ... - Spirit
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œil en faim<br />
38 • <strong>Spirit</strong> le CaraCtère Urbain<br />
l’abanDon De la<br />
Palette sUr le PoUf<br />
<strong>marta</strong> Jonville est non peintre. Plutôt blonde et française certains jours impairs, bordelaise perruquée<br />
certains autres, dans le désordre, dans l’organisation, l’artiste est performeuse.<br />
La perf est [ …] instant<br />
de fuLgurance teLs Le haïku<br />
intraduisibLe, La gifLe saLutaire<br />
ou L’affront profanateur<br />
La performance est – généralement – une<br />
forme de représentation brève, un moment de<br />
vie détricoté par un artiste, en vue de décaler<br />
ou transgresser l’ordinaire pour offrir un regard<br />
neuf. Poétiquement, dangereusement, douloureusement<br />
ou avec truculence et exagération,<br />
la perf est un raccourci aux moyens techniques<br />
réduits, une synthèse que ni une peinture, ni<br />
une caricature d’art, ni une pièce ou un opéra<br />
ne sauraient égaler, instant de fulgurance tels le<br />
haïku intraduisible, la gifle salutaire ou l’affront<br />
profanateur. Les lectures en sont divergentes,<br />
<strong>les</strong> émotions nul<strong>les</strong> ou en pilo-érection, horripilation<br />
ou moment de grâce. Comme en peinture,<br />
il existe des publics selon <strong>les</strong>quels il ne<br />
faudrait pas représenter YHWH (1) et son (ses)<br />
prétendu(s) prophète(s), ni une Vierge cul nu, ni<br />
l’origine du monde… La performance est, par<br />
essence, un art éphémère que la photographie<br />
et la vidéo rapportent au mieux, traces et témoignages<br />
qui ne restitueront pas <strong>les</strong> ambiances<br />
volati<strong>les</strong> et non reproductib<strong>les</strong>, créées spécifiquement<br />
pour ce moment.<br />
Administratrice ou cofondatrice de groupes<br />
et troupes qui sentent bon le phalanstère et la<br />
production raisonnée (avec) d’autres créateurs,<br />
Marta Jonville est « performeuse », toute seule<br />
ou avec Julien Blaine & Carole L., et Joël Hubaut<br />
sans Carole B., c’est-à-dire une riche héritière<br />
de Fluxus, des Incohérents et Hydropathes du<br />
XIX e siècle, des dadaïstes et de Claude Cahun,<br />
des deux manifestes des 343, des Mnouchkine<br />
et des Niki de Saint-Phalle. Elle n’a pas fini de<br />
régler ses droits de succession, d’ailleurs elle<br />
n’a pas tout déclaré, ce qui est fréquent chez<br />
<strong>les</strong> jeunes femmes diplômées des Beaux-Arts.<br />
Manquent <strong>les</strong> Artaud et Vitrac, Chris Burden<br />
ou le Living Theater, et la liste à suivre serait<br />
copieuse. Elle sera rattrapée un jour ou l’autre,<br />
n’en doutons pas.<br />
Blonde, elle ne s’en cache pas, et scénariste,<br />
saltimbanque, meneuse de troupe ou de revue,<br />
à l’occasion. Et troub<strong>les</strong> à l’ordre public, au<br />
sens où la commedia dell’arte l’accompagne<br />
aussi sûrement qu’un groupe de militantes<br />
déterminées à en découdre, au risque de pantalonnades<br />
savantes, tragiques ou méchamment<br />
bouffonnes, voire « bruta<strong>les</strong> ». Les publics<br />
qu’elle approche ne sont pas nécessairement au<br />
fait du monde des arts actuels, et donc parfois<br />
vivement réactifs, ou même hosti<strong>les</strong>. Qui choisit<br />
d’exercer l’art de la performance sait que <strong>les</strong><br />
regardeurs et spectatrices ne sont pas que de<br />
vieil<strong>les</strong> anglaises aquarellistes…<br />
Elle est également opératrice-facilitatrice d’expos,<br />
de recherches et créations d’art au sein<br />
du groupe Point-Barre, cousin des Zebra 3 et<br />
Bruit du frigo, tous regroupés et souvent associés<br />
dans <strong>les</strong> murs de la Fabrique Pola, scènes<br />
et ateliers nichés – avant expropriation – au bout<br />
de la rue Bourbon, près du Bassin à flot ; une pépinière,<br />
une mine de matériaux rares en attente<br />
d’engagements municipaux et cubiens pour un<br />
relogement productif.<br />
Marta Jonville, en compagnie de Tomas Matauko,<br />
porte enfin un projet d’art géopolitique<br />
singulier. Sur une période de deux ans, installés<br />
en résidence à Cracovie, invitant mensuellement<br />
des artistes, universitaires chercheurs<br />
et architectes de l’Europe unie, ils visent à<br />
ressusciter la voie ferrée reliant Varsovie à Bucarest,<br />
fractionnée lors du démantèlement de<br />
l’Empire soviétique, réunissant pacifiquement<br />
l’Europe centrale après le morcellement de<br />
l’Empire austro-hongrois au sortir de la Première<br />
Guerre mondiale.<br />
Un pont retrouvé par là-bas, mais aussi un<br />
nouveau de l’Atlantique d’ici à la mer Noire.<br />
Cette résidence, « Mécanismes pour une entente<br />
», est d’ores et déjà joliment soutenue par<br />
des crédits européens. Bruxel<strong>les</strong> et Strasbourg<br />
ont aimé la pertinence de cette aventure. Les<br />
Beaux-Arts de Bordeaux et Cracovie aussi, Pola<br />
et autres partenaires pertinents, idem. Ville et<br />
Région se prononceront bientôt, sans doute…<br />
« Patiences, attentes et déplacements », par ailleurs<br />
titre de l’aperçu des pérégrinations de Marta<br />
Jonville, photos et vidéo, visib<strong>les</strong> tout cet été<br />
au Caillou, café, restaurant et terrasse du Jardin<br />
botanique. gil<strong>les</strong>-ch. réthoré<br />
1- YHWH est le Tétragramme, traduit par <strong>les</strong><br />
chrétiens en « Yahvé » ou « Jéhovah » aka Le<br />
Seigneur.<br />
« Patiences, attentes et déplacements », Le<br />
Cailllou, Jardin botanique, Bordeaux, mais aussi<br />
www.pola.fr