Reims. L'oppidum et les débuts de la ville gallo-romaine

Robert Neiss, Ph. Rollet
Reims. L’oppidum et les débuts de la ville gallo-romaine
La question des origines pré-romaines, puis de la romanisation des sites urbains de la Gaule du
Nord bénéficie de données nouvelles grâce au nombre grandissant de fouilles faites en ville ces deux
dernières décennies. Les découvertes ont mis en évidence que ces processus étaient somme toute assez
mal connus jusqu’ici, ou du moins abordés sous un angle très particulier et peut être insuffisamment
représentatif de la réalité que l’on cherchait à saisir. En effet, le développement du phénomène urbain a
généralement été appréhendé à partir de recherches menées en milieu rural sur des sites dont la
particularité est qu’ils n’ont généralement pas survécu à la Conquête. Ainsi toute la thématique sur la
civilisation des oppida en Europe occidentale est construite sur des observations et des fouilles de sites
aujourd’hui désertés. Ces derniers sont plus faciles à identifier dans le paysage et se prêtent à des
recherches approfondies selon des approches programmées. Mais la nature des sources archéologiques de
ces sites n’est pas équivalente de celle des grandes villes gallo-romaines.
C’est le développement de l’archéologie préventive qui a ouvert les portes à l’exploitation d’une
documentation longtemps restée inaccessible car scellée dans les strates bimillénaires des villes actuelles.
Or la plupart des villes qui se sont développées dans les provinces occidentales, sous l’Empire romain, et en
particulier les chefs-lieux de cité sont aujourd’hui de grandes villes. Outre Reims, Metz et Amiens, qui nous
intéressent plus particulièrement ici, on peut citer aussi bien des villes comme Bourges, Autun, Paris ou
Besançon et Langres. La genèse de ces agglomérations, qui nous intéressent au premier chef, est
généralement mal connue car les vestiges sont conservés dans des couches profondes, difficilement
accessibles. Ils ont également été soumis aux aléas de 2000 ans d’aménagements urbains, souvent
destructeurs et ne sont révélés qu’à l’occasion de fouilles préventives dont l’emplacement ne peut être choisi
en fonction d’une problématique scientifique prédéfinie.
En ce qui concerne Reims, les données, recueillies dans l’espace urbain et sa périphérie, restent
fragmentaires mais il est désormais possible de caractériser les principales étapes du processus de
formation de la ville. Il est possible également de mettre en évidence un schéma de développement
spécifique à cette agglomération.
Le modèle, généralement admis pour l’Europe occidentale, est celui d’une évolution irrégulière,
faisant se succéder une phase de développement des agglomérations ouvertes, une période de construction
d’oppida de hauteurs, sur des sites différents, parfois hérités d’une tradition ancestrale mais contrôlés par
une nouvelle aristocratie, et un retour aux agglomérations de plaine après la Conquête.
Il apparaît désormais que ce schéma n’est qu’un modèle possible, parmi d’autres, et que les cas
différents apportés par les agglomérations les plus importantes présentent, au contraire, des exemples de
développement continu sur un site parfois occupé anciennement: c’est le cas de Besançon et de Metz,
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Fig. 1 - Reims. Situation géographique de la ville, au centre de la cuvette entourée des hauteurs de la côte de l’Ile de France
et des buttes témoins, à l’est.
probablement aussi Langres, toutes chef lieux de cités. C’est également le cas de Reims dont l’exemple
nous permet d’illustrer ce modèle de développement particulier.
A Reims, des occupations sporadiques sont connues depuis l’époque néolithique mais les premiers
indices d’une colonisation agglomérée apparaissent au milieu du IIe siècle av. n. è., à la fin de La Tène
moyenne ou encore à la limite de la période La Tène C2 /D1.
Entre cette date, qui voit se constituer la première agglomération, et la fin de l’époque augustéenne,
nous pouvons distinguer quatre phases successives qui s’individualisent très clairement par la forme
d’organisation et de délimitation de l’espace occupé: axes de circulation, orientation des constructions,
périmètre urbain, etc. Les datations restent encore sujettes à variation mais, dans l’ensemble, leur précision
est plutôt satisfaisante.
Le site de Reims est celui d’une cuvette naturelle drainée par une modeste rivière, la Vesle. A la
côte de l’Ile de France qui borde le bassin au sud-ouest, répondent les buttes témoins qui marquent, très
discrètement le paysage sur les autres côtés. Cet espace fermé par un horizon régulier forme un ensemble
quasi circulaire, de 10 km de rayon, dont tous les points sont visibles du point central où s’est formée
l’agglomération, sur la rive droite de la Vesle (fig. 1).
Phase 1: L’agglomération ouverte
Les plus anciens indices archéologiques disponibles, et qui se rapportent à une occupation tant soit
peu développée, indiquent une colonisation, timide mais réelle, dans le courant du IIe siècle. Les traces de
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construction sont très rares mais un certain nombre
de structures annexes aux zones habitées,
essentiellement des fosses dépotoirs, ont été
mises au jour à divers emplacements du centre
de la cuvette naturelle du futur site urbain. La
carte de répartition de ces découvertes semble
même fixer l’extension de l’occupation à l’espace
délimité ultérieurement par l’oppidum (fig. 2).
Il est difficile de rattacher cette fondation
à des circonstances historiques particulières où
à une évolution des équilibres politiques ou
économiques régionaux connus. Les découvertes
archéologiques, elles mêmes, n’offrent pas
les vestiges habituellement attendus d’une activité
artisanale ou commerciale qui pourrait expliquer
un développement particulier.
On a déjà montré que le monde celtique
a connu, à cette époque, le début d’une ère de
prospérité, fondée en partie sur sa capacité à
produire d’importantes ressources vivrières. Mais
les fouilles faites en Champagne, en particulier,
ont montré que les cultures céréalières s’étaient
développées à grande échelle, bien plus tôt, dès
La Tène ancienne. Il est habituel de mettre au
jour des ensembles de silos à grains dont la
capacité dépasse largement les besoins d’une
collectivité villageoise 1 . La production de surplus
à écouler n’est donc pas une nouveauté au IIe
siècle.
En revanche, il se produit un phénomène
assez particulier à cette époque, que les sources
Fig. 2 - Reims. Les occupations de l’époque de la Tène C2/D1.
archéologiques seules sont susceptibles de
mettre en évidence. Il s’agit de la transformation
de l’occupation de l’espace rural, du moins dans les environs proches de l’agglomération en cours de
formation, dans le bassin de Reims, délimité par les hauteurs environnantes et couvrant une superficie dont
le rayon atteint une douzaine de kilomètres.
Un recensement général des découvertes faites dans cet espace, depuis le début du XXe siècle,
mais plus abondamment dans la dernière décennie, fournit les éléments d’un constat assez net, même s’il
reste soumis aux aléas des découvertes faites dans les conditions de l’archéologie préventive. Mais le
nombre des observations recensées et leur répartition assez régulière, lui offre les avantages d’une
prospection thématique tout en validant les identifications chronologiques par la réalité des prélèvements de
mobilier sur le terrain.
Il apparaît, dans cette enquête, que si on distingue deux périodes se situant respectivement avant et
après la date d’émergence de l’agglomération rémoise, soit La Tène ancienne et moyenne, période A, d’une
part, et La Tène récente, période B, d’autre part, deux types d’occupation de l’espace apparaissent
clairement sur une carte de répartition.
1 VILLES 1981; VILLES 1982.
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Fig. 3 - Reims. La répartition des sites d’occupation pour les deux
périodes concernée (LT ancienne et moyenne). A Reims même, 14 sites
sont recensés.
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La carte illustrant ce phénomène (fig.
3) réunit les indices recueillis dans les
fouilles et observations anciennes et récentes
dont la détermination chronologique
reste généralement assez globale.
Sur un total de cinquante lieux caractérisés
pour la période allant de La Tène
ancienne jusqu’à la Conquête:
- 27, soit près de 54%, appartiennent
à la première période
- 23, soit 46%, se situent dans la
deuxième période.
La répartition entre les deux périodes
considérées s’avère donc assez équilibrée.
Mais un phénomène très net se dessine
sur la carte si l’on prend en considération
la localisation de ces sites:
Pour la période ancienne, trois découvertes
seulement se situent près du
centre, l’espace occupé plus tard par
l’oppidum. Les autres, soit 90% de l’échantillon, couvrent, de manière assez bien répartie, le reste de
l’espace. Il s’agit d’habitats et de nécropoles qui sont parfois associés pour former des entités assez
importantes mais il y a également des établissements plus modestes et isolés, correspondant sans doute à
des exploitations de faible envergure. Souvent, dans ces installations, on trouve des silos à grains,
caractéristiques de ces établissements ruraux de plaine.
En revanche, pour la période récente, environ 64% des sites se trouvent au cœur de la zone, dans
l’agglomération centrale. Le pourcentage s’élève à 78% si l’on englobe les sites de la périphérie proche.
Le déséquilibre entre les deux périodes est particulièrement prononcé et ne peut être entièrement dû
au hasard des découvertes ou à l’approximation des données chronologiques recueillies. Tous les indices
d’un regroupement important et relativement rapide sont ainsi réunis, alors que la périphérie du bassin
semble désertée.
Ce phénomène peut s’illustrer par l’exemple d’un site qui a fait l’objet d’une fouille approfondie et qui
a fourni des données chronologiques assez précises et fiables. Il s’agit de l’habitat de Bétheny, Les
Equiernolles, fouillé par Ph. Rollet en 1998 2 . L’exemple est très démonstratif car il concerne un
établissement rural important qui comportait d’importantes constructions en matériaux légers et un grand
nombre de silos qui révèlent l’activité principale de l’exploitation et l’équipement de base destiné au stockage
et à la commercialisation de la production. Or la fin de l’occupation de ce site correspond sensiblement à la
date de formation de l’agglomération de Reims au courant ou vers la fin du IIe siècle.
Cet exemple, tout comme les indications de la carte de répartition, tend à mettre en évidence une
concentration du peuplement sur le site central de Reims.
Toutefois, l’évidence du phénomène de regroupement, tel qu’il ressort de la carte de répartition ne
se confirme pas directement dans les observations sur place en ce qui concerne la phase initiale. Les
structures mises au jour ne sont pas très denses et, mis à part quelques silos, les traces d’activités
artisanales sont peu explicites (fig. 4).
De la sorte, il est très difficile de caractériser l’agglomération qui se forme dans le courant du IIe
siècle. Peu d’informations sur la nature des constructions et leur architecture, ni sur la densité de
2 BSR 1998, 67–68.

R. Neiss, Ph. Rollet – Reims. L’oppidum et les débuts de la ville gallo-romaine
Fig. 4 - Reims, 57 rue des Capucins. Structures d’habitat de la Tène D1 sous la levée de terre du rempart.
l’occupation, encore moins sur d’éventuels espaces publics occupés par des sanctuaires, comme au
Titelberg par exemple (Metzler 1995 et 2000), ou par des espaces à usage collectif comme on pense les
interpréter à Villeneuve-Saint-Germain 3 . De nouvelles découvertes sont à espérer dans un avenir proche.
La naissance de l’agglomération se situe bien dans un contexte, de mieux en mieux connu 4 d’une
agriculture riche, capable de dégager des excédents et d’alimenter les échanges régionaux et
interrégionaux. Le commerce lointain semble cependant peu développé car le mobilier d’importation
méridional est encore mal représenté.
En ce qui concerne l’évolution de la structure sociale et politique, la concentration de la population
sur un site central au milieu d’un espace géographique, occupé auparavant de manière plus diffuse, semble
bien caractériser l’intervention d’une autorité centralisatrice cherchant à regrouper, peut être en un lieu
proche des voies de communication, tant terrestres que fluviales, le centre des activités alimentant les
échanges et les exportations.
Carte de répartition des sites selon les deux périodes A et B (fig. 3)
Reims intra muros:
01 B - parvis de la cathédrale: foyers gaulois (DEMITRA 1910, 9)
02 B - angle des rues Cérès et de Nanteuil, à 7 mètres de profondeur, monnaies gauloises des Lingons,
des Senons,… (DEMITRA 1910, 11)
03 B - rue du gal Sarrail (1990-91): fossé de La Tène finale (NEISS 1999, Reims Y, Berthelot F.)
04 B - rue du gal Sarrail (1994): fosses de LT finale (Neiss 1999, Reims, Z, Balmelle A.)
05 B - place Drouet d’Erlon (1992): maisons de LT C2/D1 (NEISS 1999, Reims M, ROLLET 2002)
06 B - rue de l’Ecu 2002 (NEISS ET AL. 2010, 296)
07 B - 6-8, rue des Moissons (1993): fossé de LT C2 (NEISS 1999, Reims Q, Rollet Ph.)
08 B - 15, boulevard de la Paix 1977
09 B - rue Carnot (1995): fosses de LT D2 (NEISS 1999, Reims G, Rollet Ph.)
10 B - rue Rockefeller (1999-2002): fosses et niveaux de LT D2 (BALMELLE, SINDONINO 2004, 24–28)
11 B - 7 bis, rue d’Anjou (1994): niveaux d’occupation LT D1/D2 (NEISS 1999, Reims A, Rollet Ph.)
3 BRUN, CHARTIER, PION 2000; PION 2004.
4 BUCHSENSCHUTZ 2000; BUCHSENSCHUTZ 2004.
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12 B - rue Chanzy (1997): fosses de LT D2 (BALMELLE, NEISS 2003, 37)
13 B - 57, rue des Capucins, rue Boulard (1992/93): constructions LT D1 (NEISS 1999, Reims E, Balmelle
A.)
14 B - rue de l’Equerre.
Reims périphérie:
15 A - La Noue Saint-Antoine et au lieudit Longues Royes, aux abords de la rue de Courcelles: cimetière
gaulois, avec bracelets ou torques (DEMITRA, 1910 , 9)
16 B - rue Danton: pièce gauloise en electrum et autres monnaies dans le faubourg de Laon (DEMITRA,
1910, 9)
17 B - rue de Neufchâtel, sur la partie haute où passait le chemin de la Justice, lieudit les Trois Piliers:
cimetière gaulois, avec de belles poteries et des monnaies des Catalaunes (DEMITRA 1910, 8; SCHMIT
1926-1927 et 1927-1928, 227–233)
18 B - usine des Trois-Piliers, 400 monnaies d’argent et de potin (Gaule Belgique)
19 A - rue Rivart-Prophétie, n° 3, près de l’avenue de Laon, en 1906, plusieurs sépultures gauloises, à
rapprocher de celles de la rue de Neufchâtel (DEMITRA 1910, 8)
20 A - rue des Courtes-Martin, lieudit Le Rouet et la Fosse Saint-Denis, un cimetière gaulois (le cinquième)
(DEMITRA 1910, 16)
21 B - La Haubette, partie haute: des foyers mais pas d’objets (DEMITRA 1910, 11)
22 A - Les Cendres Graveleuses, au sud, entre la route de Châlons et le chemin de Saint-Léonard:
cimetière gaulois dans les fouilles d’Orblin, avec beaucoup de vases, des armes en fer, des objets en
bronze, en 1906. Tous les corps des fosses étaient sans tête et le reste de os bouleversé. Mais les
pieds et le mobilier alentour étaient intacts. (DEMITRA 1910, 9-10)
23 A - Champ Dolent, sur la butte de tir, cimetière fouillé anciennement (DEMITRA 1910, 10)
24 A - Reims, rue des Capucins: Fosses de La Tène ancienne (NEISS 1999, Reims, F, Rollet Ph.)
25 A - 52, rue des Capucins, angle rue Boulard (1987): fosse Hallstatt (NEISS 1999, Reims D, Berthelot F.)
26 A - rues des Capucins, Hincmar, Clovis (1989): fosse de LT1a (NEISS 1999, Reims F, Rollet Ph.).
Hors Reims-ville
27 A - Betheny, Les Equiernolles: Etablissement agricole de la Tène moyenne (ROLLET 1998)
28 A - Bezannes: silo de LT ancienne (THOMAS 2003)
29 B - Bezannes: silo et puits et LT D2 (THOMAS 2003)
30 A - Caurel, le Puisard (ZAC): Habitat de LT ancienne (TRUC 2002)
31 A - Caurel Le Puisard (ZAC): nécropole LT ancienne (BONNABEL 2001)
32 A - Cernay: Habitat de La Tène ancienne (BOSTEAUX 1889)
33 A - Champfleury et Villers-aux-Noeuds TGV: Greniers, fosses, silos Ve-IIe s. (BOQUILLON, SAUREL
2003a)
34 B - Champfleury: habitat, enclos LTIII et GR (BOQUILLON, SAUREL 2003)
35 A - Champfleury-Villers aux Nœuds, RN51: nécro LT A et silos et fosses LT (BOCQUILLON, SAUREL
2002a)
36 A - Cormontreuil, Les Blanc Monts: Habitat LT ancienne et moyenne (?) (STOCKER 2001)
37 A - Les Mesneux, Bezannes TGV: Enclos Bronze et Hallstatt, fosses et silos LT (IIIe s.)
(BOQUILLON, SAUREL 2003b)
38 A - Puisieux, La Cuche silo LT ancienne (SAUREL 2002)
39 A - Reims, Allée du Vignoble (1994): habitat, silos, fosses du Hallstatt final (NEISS 1999, Reims 3,
Zangato E.)
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40 B - Reims, La Neuvillette, boulevard des Tondeurs (1993): constructions de LT finale (NEISS 1999,
Reims 0, Jolly J.L.)
41 A - Reims, La Neuvillette: nécropole LT ancienne (DESENNE, BONNABEL 2001)
42 A - Taissy, Mont de la Cuche: 18 silos de LT (BAIA 2002)
43 A - Thillois, Parc Millesime: Bâtiment sur poteaux fin Hallstatt et début LT (DESBROSSE 2002)
44 A - Thillois, Croix-Rouge RD 275: Silos de la LT ancienne (RIQUIER 2002)
45 A - Villers-aux-Nœuds RN5: tombes LT Ancienne et moyenne? (BONNABEL 2003)
46 A - Vrigny, Les Côtes Chéries: Etablissement du Hallstatt (BOCQUILLON, SAUREL 2002b)
47 A - Vrigny, Les Cumines Basses: établissement du Hallstatt (BOCQUILLON, FESCHNER, DUNIKOWSKI
2002b)
48 A - Vrigny: Nécropole LT ancienne (NEISS 1981)
49 A - Witry- lès-Reims: Habitat La Tène ancienne (BOSTAUX 1898)
50 A - Witry-lès-Reims, Les Commelles: nécropole de LT ancienne (ROBERT 1997)
Phase 2: L’oppidum
La deuxième phase de développement de l’agglomération
est marquée par la construction du rempart.
L’agglomération ouverte se transforme en oppidum, au
sens d’agglomération fortifiée (fig. 5). Cet événement
semble s’inscrire dans la continuité de l’occupation
initiale en pérennisant une situation qui s’était installée
plus d’un demi siècle auparavant. L’implantation de
l’oppidum se situe en plaine, près d’une voie navigable et
sur un itinéraire probablement déjà important reliant le
centre du bassin parisien au pays des Trévires à l’est.
Elle se différencie ainsi de l’exemple des sites de
hauteurs, difficiles d’accès et retirés des zones de passage.
Sans doute l’impératif de défense n’était pas le but
recherché mais plutôt l’ostentation de la puissance et
davantage encore de l’opulence qui s’est déjà installée
dans le contexte économique de l’époque.
Les caractéristiques de l’enceinte (fig. 6):
- Elle enclot une vaste surface de 90 ha, ce qui la
situe nettement au-dessus de la moyenne des
exemples connus en Gaule du Nord.
- L’ouvrage est imposant. C’est surtout le fossé
qui donne une idée de la taille de la fortifications:
il s’ouvre sur 45 m dans les parties les plus
larges et des sondages signalés au début du
XXe siècle, indiquent une profondeur dépassant
10 mètres.
- Comparable au type de Fécamp, l’enceinte se distingue donc du modèle à murus gallicus mais des
observations ponctuelles indiquent que les pentes extérieures du talus étaient garnies d’un
revêtement de pierres, posées à plat, donnant à l’ouvrage un aspect à la fois massif et architecturé.
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Fig. 5 - Reims. L’enceinte reconnue de l’oppidum et les
occupations contemporaines.

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Fig. 6 - Reims, 57 rue des Capucins. Coupe sur la levée du rempart et le début du fossé, à droite (cl. A. Balmelle).
L’occupation
Elle se regroupe principalement à l’intérieur de l’enceinte et se répartit sur l’ensemble de la surface
enclose. Mais des établissements ont été fouillés ou signalés à l’extérieur, aussi bien vers la Vesle que près
des grandes voies de sortie de l’agglomération, même sur la rive occidentale de la Vesle. L’organisation de
l’agglomération était vraisemblablement tributaire des axes de circulation orthogonaux générés par les
portes.
Une forme géométrique régulière a vraisemblablement présidé à l’implantation foncière,
apparemment structurée en parcelles délimitées par des clôtures palissadées comme on a pu en déceler, un
peu plus tard, rue des Capucins (îlot Hincmar, Capucins, Clovis), à l’instar de ce qui a pu être mieux observé
sur d’autre sites, tels Condé-sur-Suippe/ Variscourt 5 ou Villeneuve-Saint-Germain 6 . Des installations
respectant la nouvelle orientation ont pu être décelées au 15 7 et au 21 du boulevard de la Paix 8 , à proximité
d’un ancien chemin d’époque précoce. Si la comparaison avec d’autres sites connus peut valider
l’hypothèse, il reste toutefois à la confirmer réellement à Reims.
Les maisons étaient toutes construites en matériaux légers, le bois et la terre. Les traces de trous de
poteau et de sablières attestent systématiquement cette réalité. Les unités d’habitation semblent
généralement peu étendues même si aucun ensemble complet n’a pu être mis au jour. Elles s’inscrivent
dans les parcelles clôturées, à côté d’espaces découverts, cours ou jardins, et d’appentis ou de greniers.
Chronologie
Pour la chronologie, les données actuellement disponibles, fondées essentiellement sur le mobilier
céramique, situent la construction de l’oppidum à La Tène D2, c'est-à-dire à partir des années 80/70 av. n.è.
Le terminus post quem est assuré par des installations de La Tène D1 recouvertes par la levée du rempart.
Le terminus ante quem est moins clair en l’absence de liaisons stratigraphiques entre les contextes de la
Tène D2a, donc antérieurs à la Conquête, et la fortification. Mais l’absence de témoins de La Tène D2
tardive dans les séries d’ensembles clos appartenant aux horizons anciens renforce l’hypothèse d’un
établissement remontant au milieu de la première moitié du siècle.
Si cette étape importante précède la Conquête, comme nous le pensons, elle serait contemporaine
de la date à laquelle les sites voisins et peut-être concurrents de Variscourt, chez les Rèmes, au nord de
Reims 9 , et de Villeneuve-Saint-Germain 10 , chez les Suessions, sont abandonnés, comme l’ont montré les
recherches menées sur ces deux sites. Cette correspondance chronologique peut rendre compte d’une
modification importante dans les équilibres politiques régionaux.
Par l’édification d’un oppidum important, face aux Suessions, les Rèmes, qui diront plus tard, à
César (Guerre des Gaules, II, 3) qu’ils avaient le même chef et les mêmes lois, marquent peut être, par ce
5 PION 2004.
6 DEBORD, LAMBOT, BUCHSENSCHUTZ 1989.
7
D.R.A.H. 1977.
8
NEISS 2009, n° C30.
9
PION 2004.
10
DEBORD 2004.
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Fig. 7 - Reims. La ville précoce. Occupation et tracés
reconnus.
moyen, leur pouvoir et leur autonomie. L’alliance conclue
avec les Romains aurait alors été le moyen de conforter
cette montée en puissance encore à ses débuts.
Ce qui frappe dans les vestiges archéologiques
mis au jour, c’est la rareté, sinon l’absence de traces
d’activités artisanales. Ce n’est donc probablement pas la
production d’objets manufacturés qui peut être à l’origine
de la constitution et du développement de
l’agglomération. En revanche, la position de Reims dans
un secteur de plaine où les productions céréalières
semblent importantes, la découverte d’un certain nombre
de silos dans les contextes qui nous intéressent pour
cette période et les témoignages ultérieurs attestant
l’existence d’une production lainière, à l’époque romaine,
permettent de penser que Reims a pu développer une
vocation de commerce et d’échange régional et plus
lointain.
Le contrôle sur les échanges aurait pu être à la
base de l’enrichissement et, par la suite, de la prééminence
politique de Durocortorum. Il semble que cette
fonction de centre politique soit bien établie au moment
de la Guerre de Gaules, comme César (Guerre des
Gaules, VI, 44, 1-3) semble l’attester par la convocation
de l’assemblée des Gaules de 53 et par la dénomination
utilisée dans laquelle il associe le nom de la ville à celui
du peuple, Durocortorum Remorum.
Phase 3: L’agglomération gallo-romaine précoce
Les études portant sur les résultats des fouilles récentes ont bien pu mettre en évidence l’existence
de cette phase qui s’intercale entre l’oppidum de l’Indépendance et la ville augustéenne. Les preuves
archéologiques sont apportées par des tronçons de rue, quelques vestiges de constructions et de nombreux
témoignages d’activités artisanales (fig. 7).
Les indices chronologiques, donnés par la céramique et la numismatique situent le développement
de cette agglomération de manière encore assez large entre la Conquête et la première partie du règne
d’Auguste, soit entre les années 50 à 30 av. n. è.
Comme pour la phase précédente, c’est la continuité qui est de règle sur le plan urbanistique: il
s’agit du même site, avec le même centre, les mêmes contours, du moins au début et, vraisemblablement,
les mêmes axes directeurs.
Les caractéristiques nouvelles
Les caractéristiques spécifiques à cette phase portent sur l’organisation des rues, l’apparition d’une
architecture nouvelle et sur le développement économique et démographique notable.
Des rues à disposition orthogonale ont été bien mises en évidence. Alignées sur les deux axes
principaux, elles reprennent vraisemblablement les orientations anciennes à l’intérieur du périmètre de
l’oppidum. Les constructions sont orientées comme ces tronçons de rue qui ne correspondent pas au
carroyage ultérieur qui sera tracé au milieu du règne d’Auguste.
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Il est désormais certain qu’un carroyage
précoce a structuré la ville dans l’espace délimité
par l’enceinte de l’oppidum.
Puis rapidement l’habitat semble avoir
débordé les limites dessinées par l’enceinte en
raison du manque d’espace disponible à l’intérieur
des remparts. Plusieurs points d’observation à
l’extérieur de l’enceinte, au nord et au sud, près
de la gare 11 et rue de Venise 12 , ont mis au jour
des orientations différentes. Les constructions s’y
alignent sur l’axe du fossé passant à proximité.
C’est la marque d’un urbanisme spontané qui
déborde le périmètre de l’oppidum à l’intérieur
duquel le schéma foncier avait encadré la
structure de l’habitat.
Dans les constructions, l’usage de la
maçonnerie de pierre fait son apparition. La rareté
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Session: Le rôle de Durocortorum (Reims) capitale de la cité des Rèmes dans la romanisation de la Gallia Belgica
de la pierre dans la région restreint son usage aux fondations et au soubassement des murs. Les élévations
sont faites de briques crues dont des vestiges ont été retrouvés en fouille sans que des plans de maisons
aient pu être relevés. Rue Chanzy 13 , on a découvert des caves plus anciennes qu’une rue de la fin du Ier s.
av. n.è. et dont le comblement a livré de la céramique des années 30 à 10 av. J.-C. Ces caves présentent
toutes les caractéristiques de celles qui ont été construites à l’époque romaine et surtout elles contenaient
des remblais de démolition provenant de constructions à murs maçonnés. La présence de tels murs est le
signe d’une romanisation précoce des modes de construction, traditionnellement conçus à base de bois et
de torchis.
Au delà de cette couronne périphérique proche de l’enceinte, s’est développé un quartier artisanal
où la production de poterie semble représenter l’activité principale (fig. 8). C’est au sud, près de la rue de
l’Equerre, que s’installe ce quartier des potiers où des fours précoces attestent la production de vases en
terre rouge, la terra rubra, dont les formes sont directement inspirées de modèles italiens, manifestement en
vogue à cette époque. Ces productions attestent une pénétration certaine de la mode méridionale, importée
par des artisans qui ont pu séjourner dans la région et par des consommateurs italiens, fonctionnaires
d’Empire ou hommes d’affaires, installés très tôt à Reims.
L’extension de l’habitat et la présence d’activités artisanales développées illustrent une forte
croissance démographique et un enrichissement certain. Les découvertes monétaires confirment
l’importance que prend Durocortorum dès les
premières décennies de l’occupation romaine. Un
atelier monétaire celtique tardif, a émis au nom
d’ATISIOS REMOS, peut-être dès avant 35. Attesté
par la découverte de flans, de lingotières et de
monnaies fautées 14 , il a produit les espèces
nécessaires au commerce à l’intérieur du pays rème
après la Conquête (fig. 9). Ces émissions en cuivre
circulent à l’échelle de la cité, indiquant toujours
Reims comme le chef-lieu. Cette monnaie circule en
même temps que le numéraire proprement romain,
Fig. 9 - Reims. Monnaie d’Atisios Remos (A. Bodson del.).
11 NEISS ET AL. 2002, 101.
12 ROLLET, BERTHELOT, BALMELLE, NEISS 2001, 41–42.
13 BALMELLE NEISS 2003, 40.
14 DOYEN 2010, 120.
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Fig. 8 - Reims, rue de l’Equerre. Four de potier d’époque précoce
(cl. Ph. Rollet).

R. Neiss, Ph. Rollet – Reims. L’oppidum et les débuts de la ville gallo-romaine
Fig. 10 - Reims. Le revers de la monnaie de Germanvs Indvtilli (Cabinet des
Médailles de Bruxelles).
Une deuxième étape
dans l’évolution du statut
politique de Reims gallo-romain,
nous est connue par le passage
de Strabon (Géographie, IV, 3,
5) où il indique que Reims,
capitale des Rèmes, le plus
important des peuples de la
régiion, sert de résidence aux
gouverneurs romains:
Il est difficile de dater
l’accession de la ville au rang de
capitale de province mais cet
événement constitue sans doute
une étape importante dans
l’histoire et le développement de
Reims. A cette interrogation
s’ajoute celle de savoir à quel
point la nouvelle transformation
urbaine, que connaît la ville
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les deniers républicains et les asses de
Lyon et de Narbonnaise, illustrant ainsi les
contacts avec le Sud et le monde
méditerranéen.
Phase 4: La ville augustéenne
Les sources, peu loquaces, nous
donnent deux informations essentielles.
La première, Pline l’Ancien, rapporte le
statut de cité fédérée dont bénéficient les
Rèmes. Cette qualité semble être acquise
peu après la Conquête. Reims dispose
alors des prérogatives de chef-lieu de
cette cité comme le montre la diffusion
des émissions au nom d’Atisios et surtout
le passage de Pline l’Ancien (H N, IV,
106) qui précise que les Rèmes jouissent
du statut de fédérés.
sous le règne d’Auguste, correspond à la promotion politique. Si ce lien pouvait être confirmé, il serait aisé
de proposer une date plus ancienne que celle qui est généralement admise, au règne de Tibère.
Plusieurs indices intéressants semble désigner une période assez brève au cours de laquelle se
produisent des changements significatifs.
La récente étude sur la circulation monétaire à Reims 15 , apporte des informations intéressantes en
mettant bien en évidence des modifications dans les émissions et la circulation du numéraire.
15 DOYEN 2007.
Fig. 11 - Reims. La cité des Rèmes et l’emprise de la province de Belgique (d’après J.-L.
Collart).

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Session: Le rôle de Durocortorum (Reims) capitale de la cité des Rèmes dans la romanisation de la Gallia Belgica
En premier lieu, des émissions de GERMANVS INDVTILI (fig. 10) apparaissent peu avant -12. Ces
monnaies circulent, cette fois-ci, sur l’ensemble de l’aire de la Belgique, liant de manière nette Reims à
l’ensemble du territoire de la province (fig. 11).………………………………………………………………………
Puis, dans la dernière décennie
du siècle, des monnaies
proprement romaines sont frappées
à Durocortorum à l’effigie d’Auguste:
les semisses au taureau (fig. 12). Et,
en même temps, les asses de Lyon
apparaissent plus nombreux, probablement
en raison de l’arrivée de
nouveaux résidents, peut-être du
personnel entourant le praeses.
En plus de cet indice révélateur,
nous pouvons rappeler l’édification
du monument commémoratif,
dédié aux princes de la jeunesse 16 Fig. 12 - Reims. Semis à l'effigie d'Auguste, frappé à Reims (cl. J.-M. Doyen).
,
et qui pouvait bien trouver sa place
sur le forum, construit à ce moment là (fig. 13 a et b). La célébration de la mémoire des princes de la
jeunesse n’est certes pas réservée aux capitales provinciales. La seule cité de Reims a bien des raisons de
Fig. 13a - Reims. Le monument dédié aux princes de la jeunesse, présenté au musée Saint-Remi.
Fig. 13b - Reims. Le monument dédié aux princes de la jeunesse, présenté au musée Saint-Remi. Dessin et restitution de l’inscription
(R. Neiss del.)
16 NEISS 1982a.
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R. Neiss, Ph. Rollet – Reims. L’oppidum et les débuts de la ville gallo-romaine
rappeler sa loyauté à l’égard de Rome mais l’apparition d’un monument fortement symbolique dans le
paysage urbain souligne l’importance de l’étape que la ville est en train de franchir.
Or toutes les études stratigraphiques récentes tendent à dater de la fin du siècle la transformation
profonde que connaît la ville: une refondation très ambitieuse qui se manifeste par la création d’une nouvelle
trame urbaine se superposant à l’organisation antérieure en débordant très largement l’ancien périmètre
urbain.
Bien qu’il ne soit pas indispensable de lier la transformation de la forme urbaine au changement de
statut politique de la ville, il n’en demeure pas moins vrai que tous les événements importants connus et
intéressant la ville se produisent à peu près au même moment, indiquant une étape marquante de l’évolution
de la ville à peu près au milieu du règne d’Auguste, à une date relativement précoce.
Voilà, en termes assez synthétiques, le schéma qu’il est désormais possible de proposer pour la
succession et l’individualisation des grandes étapes de la naissance et du développement de la ville de
Durocortorum.
Ce schéma a pu être dessiné grâce aux découvertes récentes et aux travaux menés par un
ensemble de chercheurs dont je me fais le porte parole ici. Il s’agit bien de données récemment mises en
forme et en grande partie encore inédites que nous sommes heureux de présenter ici.
Bibliographie
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Robert Neiss
conservateur en chef du Patrimoine
E-mail: robert.neiss@wanadoo.fr
Ph. Rollet
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