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Les nouvelles sources du droit commercial ... - unesdoc - Unesco

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La REVUE INTERNATIONALE DES<br />

SCIENCES SOCIALES assure, en accord<br />

avec les intéressés, la publication ollicielle des<br />

Actes et documents concernant les organisations<br />

internationales suivantes :<br />

Conseil international des sciences sociales;<br />

Association internationale des sciences économiques<br />

;<br />

Association internationale de science politique;<br />

Association internationale de sociologie;<br />

Association internationale des sciences juridiques;<br />

Association mondiale de recherches sur l'opinion<br />

publique (WAPOR) ;<br />

Comité international de documentation dans les<br />

sciences sociales.<br />

Vol.<br />

Vol.<br />

Vol.<br />

Vol.<br />

Vol.<br />

Vol.<br />

DERNIERS NUMÉROS PARUS<br />

XIII,<br />

XIV,<br />

XIV,<br />

XIV,<br />

XIV,<br />

XV,<br />

n° 4<br />

n° i<br />

n° 2<br />

n° 3<br />

n° 4<br />

n° i<br />

La profession parlementaire<br />

Images de la femme dans la société<br />

Communication et information<br />

Changements dans les structures familiales<br />

Aspects économiques de l'é<strong>du</strong>cation<br />

Étude des opinions dans les pays en<br />

voie de développement<br />

<strong>Les</strong> articles signés n'engagent que leurs auteurs.<br />

La repro<strong>du</strong>ction gratuite des articles de ce numéro est autorisée après<br />

accord avec la rédaction.<br />

Toute correspondance relative à la présente revue doit être adressée au<br />

rédacteur en chef de la Revue internationale des sciences sociales, <strong>Unesco</strong>, place<br />

de Fontenoy, Paris-7 e .<br />

PRIX ET CONDITIONS D'ABONNEMENT [A]<br />

Prix <strong>du</strong> numéro : 6 F; $2; io/- (stg.)<br />

Abonnement annuel : 20 F; $6.50; 32/6 (stg.)<br />

Adresser les demandes d'abonnement aux agents généraux de l'<strong>Unesco</strong> {voir<br />

liste), qui vous indiqueront les tarifs en monnaie locale. Toute notification<br />

de changement d'adresse doit être accompagnée de la dernière bande<br />

d'expédition.<br />

O <strong>Unesco</strong> 1963 SS.63/1.59/F Imp. Crété Paris


U N E S C O<br />

REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

REVUE TRIMESTRIELLE<br />

VOL. XV, N° 2 , I963<br />

TABLE DES MATIÈRES<br />

PREMIÈRE PARTIE<br />

COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

In memoriam Alfred Métraux 173<br />

Intro<strong>du</strong>ction, par Alfred Métraux 175<br />

Le compromis dans la société primitive, par Robert H. Lowie. . . .188<br />

Compromis et résolution des conflits dans les civilisations occidentales, par<br />

Charles Morazé 238<br />

DEUXIÈME PARTIE<br />

LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

I. ÉTUDES EN COURS ET CENTRES DE RECHERCHE<br />

<strong>Les</strong> <strong>nouvelles</strong> <strong>sources</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international, par Clive<br />

M . Schmitthoff 267<br />

Colloque international sur l'enseignement de la sociologie dans les universités<br />

et autres établissements d'enseignement supérieur, Princeton, 10-13 septembre<br />

1962, par F. J. Stendenbach 273<br />

Centre latino-américain de recherches en sciences sociales, programme<br />

pour 1963-1964 292<br />

Institut des sciences sociales de Barcelone 295<br />

Institut canadien de recherches pour la paix 296<br />

Laboratory of Personality Assessment and Group Behavior, Psychology<br />

Department, Champaign, Université de l'Illinois, Urbana (Illinois). . 297<br />

II. DOCUMENTS DES NATIONS UNIES ET CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE<br />

Documents et publications des Nations Unies et des institutions spécialisées . 300<br />

Chronique bibliographique 318<br />

Livres reçus 326


III. INFORMATIONS<br />

V e Congrès mondial de sociologie, Washington D. C, 2-8 septembre 1962. 336<br />

Douzième stage international de criminologie, Jérusalem, 2-20 septembre<br />

1962, par Israel Drapkin 341<br />

Quatorzième congrès de ¡'American Orthopsychiatric Association, Washington,<br />

6-9 mars 1963 344<br />

Sixième stage d'études sur les sciences économiques, organisé sous le patronage<br />

de l'Association américaine de sciences économiques, Université <strong>du</strong> Colorado,<br />

Boulder (Colorado), 27 juin - 28 août 1963 346<br />

Publications <strong>du</strong> Groupe d'ethnologie sociale 347<br />

Vingtième congrès de l'Institut international de sociologie . . . . 348<br />

ONT COLLABORÉ AU PRÉSENT NUMÉRO<br />

Israel DRAPKIN, Hebrew University of Jerusalem.<br />

tRobert H. LOWIE, University of California, Berkeley.<br />

fAlfred MÉTRAUX, École pratique des hautes études, Paris.<br />

Charles MORAZÉ, École pratique des hautes études, Paris.<br />

Clive M. SCHMITTHOFF, The City of London College, Londres.<br />

F. J. STENDENBACH, Université de Cologne.


P R E M I È R E P A R T I E<br />

COMPROMIS<br />

ET RÉSOLUTION DES CONFLITS


IN MEMORIAM ALFRED METRAUX<br />

1902-1963<br />

Ce numéro de la Revue internationale des sciences sociales dont Alfred Métraux avait<br />

suggéré l'idée, et qui contient une de ses dernières études, est sorti des presses<br />

quelques jours après sa mort. Puisse-t-il constituer un modeste hommage à la<br />

mémoire de ce maître incontesté prématurément disparu.<br />

Alfred Métraux était à la fois un remarquable ethnologue, un administrateur<br />

international averti et un homme au grand cœur que tous ceux qui l'ont approché<br />

et connu ont aimé et apprécié, surtout à cette Revue qui lui doit tant et à laquelle<br />

il portait un affectueux intérêt.<br />

D'autres diront ailleurs ce que fut l'œuvre exemplaire de cet eminent savant<br />

doublé d'un « homme de terrain » incomparable, servi par des dons de chercheur<br />

enthousiaste et par la fraîcheur d'une inspiration naïve qui lui permettait d'établir<br />

un contact immédiat et intime avec les êtres les plus divers chez lesquels il discernait<br />

l'éternel humain. Ils évoqueront l'aventure intellectuelle qui con<strong>du</strong>isit Alfred<br />

Métraux des Tupi-Guarani aux Chipayas pour le diriger ensuite vers l'île de Pâques,<br />

début de sa célébrité, le ramener aux Aymarás et aux Quechuas, puis à ses études<br />

sur le Vaudou haïtien et les Incas, aventure jalonnée d'oeuvres maîtresses dont<br />

certaines sont désormais des classiques : thèse de 1928 sur les Tupi-Guarani; contribution<br />

permanente aux Handbook of the American Indians, Vaudou haïtien (1958),<br />

et, tout récemment encore, l'ouvrage si vivant et si humain sur les Incas (1962).<br />

On voudrait seulement évoquer ici quelques grands jalons de sa carrière au<br />

Secrétariat de l'<strong>Unesco</strong> où, de 1947 à 1961, il a animé un certain nombre d'activités<br />

qui font honneur à l'Organisation : Études sur l'Amazonie en 1947, mission<br />

anthropologique de la vallée de Marbial à Haïti, en 1948-1950. Alfred Métraux<br />

met au point des études qui non seulement ont une vaste portée théorique, mais<br />

préfigurent des activités qui, plus tard, sous le nom d'assistance technique, de<br />

programme de participation connaîtront une singulière fortune. Au Département<br />

des sciences sociales, le nom d'Alfred Métraux restera indissolublement lié à la<br />

défense des <strong>droit</strong>s de l'homme et à la lutte contre le racisme sous toutes ses formes.<br />

A cet égard, l'<strong>Unesco</strong> lui doit plus de vingt monographies d'une haute tenue scientifique<br />

réparties dans les trois collections qu'il dirigeait avec autorité : « Race et<br />

société », « La question raciale devant la science moderne », « La question raciale<br />

et la pensée moderne». Celles-ci ont conquis et gardé dans le monde entier la faveur<br />

des savants, des é<strong>du</strong>cateurs, des hommes d'action et de réflexion, de tout le public<br />

cultivé.<br />

Le souvenir demeure de cet homme eminent, travailleur infatigable, consciencieux<br />

et profond, à la curiosité universelle, <strong>du</strong> collègue délicat et courtois, à la sensibilité<br />

exquise et malicieuse, mais dont l'ironie s'exerçait sur lui-même plus que sur<br />

les autres, et dont la bonté et la bienveillance ne se démentaient jamais. Ses collègues,<br />

ses amis <strong>du</strong> monde entier, les américanistes, ressentiront cruellement sa disparition,<br />

et sa perte laissera un vide immense pour tous ceux qui ont eu le bonheur<br />

de l'approcher et qui conserveront de lui un souvenir très pur.<br />

S. FRIEDMAN,<br />

rédacteur en chef.


INTRODUCTION<br />

ALFRED MÉTRAUX<br />

Parmi les enquêtes entreprises par l'<strong>Unesco</strong> sur le plan international<br />

figurent celles qui, dans plusieurs de ses programmes, apparaissent sous<br />

l'étiquette de « tensions ». Cette série de recherches concernant les divers<br />

aspects des tensions qui sont à l'origine des conflits entre indivi<strong>du</strong>s et<br />

sociétés convenaient particulièrement à une organisation dont la principale<br />

fonction est de contribuer au maintien de la paix.<br />

Deux des articles publiés dans le présent numéro sont le résultat d'une<br />

de ces enquêtes, axée non pas sur les conflits mais sur les procédés utilisés<br />

pour les éviter ou les résoudre. C'est le Conseil international des sciences<br />

sociales, dont le secrétaire général était alors le professeur Claude Lévi-<br />

Strauss, qui a été chargé de la mener à bien et en a établi le plan. Le problème<br />

consistait à circonscrire et à analyser les moyens, souvent subtils et<br />

obscurs, qui, dans diverses civilisations, sont mis en œuvre pour atténuer<br />

la virulence des multiples divergences de points de vue ou d'intérêts,<br />

inhérentes à la vie sociale. Parmi les mécanismes auxquels les groupes<br />

humains ont recours pour maintenir leur cohésion, l'enquête devait retenir<br />

le compromis et estimer la valeur attribuée par diverses sociétés à l'arbitrage<br />

ou à l'esprit de conciliation.<br />

Sur l'invitation <strong>du</strong> professeur Claude Lévi-Strauss, le professeur R. H. Lowie,<br />

de l'Université de Californie, accepta de réunir les éléments de l'enquête.<br />

Il avait été convenu que le problème <strong>du</strong> compromis serait examiné<br />

dans le monde dit « primitif», dans les civilisations musulmane, indienne,<br />

chinoise, ainsi que dans le cadre de notre propre civilisation in<strong>du</strong>strielle.<br />

Le professeur Lowie, se conformant à l'usage de l'<strong>Unesco</strong>, sollicita la coopération<br />

de savants spécialisés dans l'étude de ces civilisations, à l'exception<br />

des cultures primitives qu'il s'était, comme il est naturel, réservées. Ses collaborateurs<br />

furent : pour l'islam, M M . Pedro Dib et Emile Tyan (Université<br />

de Beyrouth), pour l'Inde, M . N. K. Bose (Université de Calcutta),<br />

pour la Chine, M . Kung-chuan Hsiao (Département de l'Extrême-Orient<br />

de l'Université de Washington, Seattle, EU A), enfin, pour le monde occidental,<br />

M . Charles Morazé (École pratique des hautes études, Paris).<br />

Le professeur R. H. Lowie devait mourir avant d'avoir pu donner au<br />

projet sa forme définitive. Il avait cependant reçu les principales contributions<br />

demandées et rédigé la partie de l'ouvrage qui lui incombait.<br />

175


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

L'<strong>Unesco</strong> a hésité à publier ces matériaux qui n'étaient pas encore intégrés<br />

dans un ensemble cohérent. Elle a estimé, néanmoins, rendre hommage à<br />

l'oeuvre <strong>du</strong> grand ethnologue disparu en faisant connaître le chapitre<br />

consacré aux « primitifs ». Dans l'état actuel de l'anthropologie, il est<br />

peu probable qu'un autre savant puisse, sans des années d'efforts, dégager<br />

de l'immense littérature ethnographique des exemples de compromis.<br />

Depuis la publication de ce classique de l'anthropologie sociale qu'est le<br />

Traité de sociologie primitive, Lowie avait montré à quel point il était familiarisé<br />

avec les institutions primitives dans les sociétés les plus diverses. Il<br />

était servi non seulement par l'ampleur de ses lectures mais par une intelligence<br />

analytique très aiguë et une compréhension très fine des conditions<br />

de vie chez les peuples archaïques. Le sujet qui lui étaitproposé était difficile<br />

car il correspondait rarement à des institutions nettement définies.<br />

Pour diagnostiquer le sens de la conciliation et <strong>du</strong> compromis, il lui fallait<br />

recourir à une interprétation générale de certaines coutumes et, plus souvent<br />

encore, à des cas particuliers, reflétant des attitudes traditionnelles.<br />

C'est souvent à travers Vethos d'une culture, c'est-à-dire son échelle des<br />

valeurs, que s'expriment la volonté d'apaisement et le souci d'équilibre.<br />

Pour donner sa véritable portée à l'étude <strong>du</strong> professeur Lowie, conçue<br />

comme le chapitre initial d'un ouvrage collectif, on a jugé utile de la faire<br />

suivre <strong>du</strong> chapitre final, dû à la plume d'un eminent sociologue et historien<br />

français, M . Charles Morazé. Ainsi le problème <strong>du</strong> compromis se<br />

trouve présenté sous forme de diptyque, chez les « primitifs » et dans la<br />

civilisation occidentale moderne. Il ne saurait faire de doute qu'en mettant<br />

en contraste le monde primitif et l'univers contemporain on apporte<br />

une solution à l'une des hypothèses qui justifient le projet tout entier. Il<br />

est, en effet, légitime de se demander, comme ceux qui l'ont conçu, si les<br />

exemples de compromis que les civilisations les plus diverses nous fournissent<br />

peuvent être classés sous une même rubrique ou si les phénomènes<br />

considérés comme des formes reflétant un esprit de conciliation appartiennent<br />

véritablement à des catégories identiques. Si, dans les cultures<br />

primitives comme dans la nôtre, nous reconnaissons, sous la diversité des<br />

apparences, des attitudes et des phénomènes analogues, l'interprétation<br />

des faits sociaux se sera enrichie d'une perspective nouvelle.<br />

Dans cette intro<strong>du</strong>ction, nous nous sommes efforcé de reconstituer le<br />

dessein général de l'ouvrage projeté en résumant et en commentant le<br />

contenu des chapitres consacrés à l'islam, à l'Inde et à la Chine.<br />

Parmi les commentaires que le professeur Lowie nous a laissés sur l'ensemble<br />

des travaux qui lui avaient été soumis, nous avons trouvé des considérations<br />

sur le principe de réciprocité dans les sociétés primitives, qu'il<br />

estime ne pouvoir être dissocié de la notion de compromis. L'analyse des<br />

structures sociales, notamment chez les « primitifs », révèle une tendance<br />

<strong>du</strong>aliste très nette. Ce ne sont pas seulement les relations entre membres<br />

d'une même famille qui sont réglées par la tradition culturelle, mais les<br />

relations entre « moitiés ». Même là où nous avons affaire à un système<br />

clanique complexe, on constate l'existence de groupements par paires.<br />

176


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

L'organisation <strong>du</strong>aliste est si fortement ancrée dans les habitudes de certains<br />

peuples que, même lorsqu'ils renoncent à leurs « moitiés » exogamiques,<br />

ils les rétablissent sous une autre forme.<br />

Ces relations dyadiques résultent <strong>du</strong> principe de réciprocité. Leur rôle<br />

dans le jeu des institutions sociales a été mis en lumière par Mauss, Thurnwald<br />

et Lévi-Strauss, ce dernier en ayant fait la base même de son interprétation<br />

des systèmes de parenté. Cette attitude de la pensée primitive qui<br />

imprègne de nombreuses institutions est essentielle à l'harmonie sociale et<br />

c'est à ce titre qu'elle peut être invoquée dans une analyse sociologique<br />

<strong>du</strong> compromis.<br />

On a voulu limiter la portée <strong>du</strong> principe de réciprocité en faisant valoir<br />

que l'autocratie ou le pouvoir détenu par un indivi<strong>du</strong> ou une classe sociale<br />

en était, en quelque sorte, la négation. Des indivi<strong>du</strong>s n'étaient-ils pas<br />

astreints à des prestations pour lesquelles ils ne recevaient rien en retour ?<br />

Cependant, de telles situations sont rares. Même dans les cas qui peuvent<br />

nous paraître des exemples caractérisés d'exploitation, on peut discerner<br />

la loi de l'échange. Souvent ceux qui peinent pour un maître attendent<br />

aide et protection et se rebiffent lorsqu'ils ont conscience qu'ils ne reçoivent<br />

rien en retour. Redevances et corvées ne sont oppressives que lorsqu'elles<br />

ne sont pas la contrepartie d'avantages précis. <strong>Les</strong> dieux eux-mêmes ne<br />

sont l'objet d'un culte qu'à condition de favoriser les fidèles. L'échange,<br />

comme Mauss l'a si brillamment démontré, se présente non comme une<br />

transaction mais comme des dons réciproques qui favorisent des relations<br />

sociales dans toutes sortes de domaines. « Le jeu savant des échanges,<br />

écrit Lévi-Strauss dans <strong>Les</strong> structures élémentaires de la parenté (p. 69), consiste<br />

en un ensemble complexe de manœuvres, conscientes ou inconscientes,<br />

pour gagner des assurances et se prémunir contre des risques sur le double<br />

terrain des alliances et des rivalités. » On pourrait parler également <strong>du</strong><br />

« jeu des échanges » à propos des procé<strong>du</strong>res de compromis.<br />

Englober les « primitifs » dans une catégorie spéciale a toujours été une<br />

entreprise arbitraire, puisque cette étiquette s'applique à des sociétés dont<br />

le mode de vie est très différent et qui, le plus souvent, n'ont en commun<br />

que des traits négatifs. Le professeur Lowie en a été conscient et il a'cherché<br />

à justifier l'emploi de ce terme. On peut faire abstraction de l'infinie diversité<br />

des techniques et des usages qui séparent les sociétés dites primitives<br />

pour ne considérer que les contrastes les plus frappants entre leur monde<br />

et le nôtre.<br />

On a longtemps opposé la pensée primitive à notre logique, en raison de<br />

la part, souvent considérable, qui y est faite à l'affectivité et aux croyances<br />

mystiques. Dans l'ouvrage célèbre où il a cherché à définir cette mentalité,<br />

Lévy-Bruhl avait pris soin d'indiquer que, dans la vie courante, les<br />

« primitifs » obéissaient à une logique identique à la nôtre, puisqu'ils<br />

étaient capables de résoudre des problèmes pratiques semblables à ceux<br />

qui se posent à nous. Sans un mode de pensée rationnel, ils n'auraient pu<br />

survivre en s'adaptant aux milieux géographiques les plus variés. D'autre<br />

part, il était injuste d'établir un parallèle entre les représentations collec-<br />

177


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

tives des sociétés archaïques et la logique acérée des savants et des philosophes<br />

de la civilisation occidentale. L'homme moderne est loin d'obéir<br />

à la pure logique sans jamais céder à l'irrationnel. La rigueur de la pensée<br />

scientifique ne se manifeste que dans des domaines restreints et à l'occasion<br />

d'activités déterminées. Elle ne caractérise point nos contemporains. Entre<br />

les préten<strong>du</strong>s primitifs et nous, il n'existe aucune solution de continuité et,<br />

sur le plan de l'intelligence, notre supériorité sur les sauvages ne tient à<br />

aucun caractère génétique. Dans leur comportement comme dans leur raisonnement,<br />

ces derniers font preuve tour à tour de rationalisme et d'irrationalisme<br />

à des degrés divers. Cependant, la gamme des situations qui,<br />

dans notre société in<strong>du</strong>strielle, répondent à des motifs rationnels est plus<br />

éten<strong>du</strong>e que dans les groupes primitifs.<br />

Si, dans les sociétés archaïques, les progrès sont infiniment plus lents, on<br />

ne saurait parler, à leur propos, de complète stagnation. Des changements,<br />

souvent imperceptibles, ne cessent de se pro<strong>du</strong>ire et la plupart des cultures<br />

« primitives » sont l'aboutissement d'une longue évolution. Il est vrai que<br />

les « sauvages » ne font pas d'efforts conscients et systématiques pour améliorer<br />

leur équipement technique. Ils ne cherchent pas non plus à modifier<br />

constamment leurs procédés de fabrication afin d'obtenir un meilleur<br />

rendement. Nous ne rencontrons nulle part chez eux l'équivalent des institutions<br />

qui suscitent et accélèrent l'invention, comme c'est le cas dans<br />

notre civilisation occidentale. <strong>Les</strong> innovations entraînent dans les groupes<br />

primitifs des bouleversements profonds et leur adoption nécessite généralement<br />

une période de rajustement. A cet égard, ils ne diffèrent pas de nous<br />

mais il leur manque les rouages divers, dont parle M . Morazé, qui s'emploient<br />

à rétablir l'harmonie brisée.<br />

La conception que les primitifs se font de l'univers n'est pas sujette à<br />

revision, bien que la plupart des groupes primitifs comptent parmi leurs<br />

membres des indivi<strong>du</strong>s qu'on peut qualifier de penseurs et de philosophes<br />

et qui apportent des solutions originales aux mystères de la nature ou<br />

altèrent les rituels ou les mythes pour y intro<strong>du</strong>ire des éléments nouveaux.<br />

La quête de la vérité unique, qu'elle soit religieuse ou scientifique, est<br />

étrangère aux primitifs. Sur ce point encore, ils peuvent être opposés à<br />

l'Occident, où la préoccupation de l'unité <strong>du</strong> dogme a, pendant de nombreux<br />

siècles, pesé sur la conscience humaine. La cosmogonie, chez les<br />

Africains ou les Indiens, peut se prêter à plusieurs interprétations, entre<br />

lesquelles personne n'est contraint de choisir. Si, dans un groupe, quelques<br />

indivi<strong>du</strong>s se croient en possession de connaissances plus profondes que les<br />

profanes, ils auront tendance à en faire mystère. Par contre, la stricte<br />

observance des rituels est imperative. La moindre déviation est imputée<br />

à crime, comme contraire au bien commun, tandis que les divergences de<br />

vues sur des questions de foi ou de théorie mystique sont acceptées ou écartées<br />

comme de simples excentricités. Si le conformisme dans le comportement<br />

est très marqué, la plus grande liberté est laissée aux indivi<strong>du</strong>s, dans<br />

la manifestation des opinions.<br />

178<br />

Pour différentes que les civilisations primitives soient de la civilisation de


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

l'Occident in<strong>du</strong>strialisé, elles se trouvent, comme cette dernière, exposées<br />

aux tensions et aux conflits qui menacent constamment la cohésion des<br />

groupes sociaux. L'exercice de la force peut naturellement contraindre une<br />

des parties à céder, mais cette solution extrême ne va pas sans inconvénients.<br />

Le ressentiment de ceux qui ont été déboutés de leurs prétentions<br />

risque, à la longue, d'entamer l'unité <strong>du</strong> groupe. Il arrive que les mécontents<br />

se retirent sur l'Aventin, mais une telle sécession est funeste, aussi bien<br />

à ceux qui partent qu'à ceux qui restent, puisque les uns et les autres sont<br />

également affaiblis.<br />

<strong>Les</strong> Indiens des Grandes Plaines des États-Unis étaient conscients des<br />

dangers que des querelles intestines faisaient courir à l'ensemble de la tribu.<br />

C'est pourquoi la tradition s'était établie chez eux que des médiateurs<br />

devaient s'interposer pour calmer les passions. Ceux-ci s'efforçaient, par<br />

l'appel aux bons sentiments indivi<strong>du</strong>els, d'aboutir à un véritable compromis.<br />

Donc, même chez un peuple où le respect de la liberté de chacun était<br />

poussé à son plus haut degré, la crainte d'un acte qui pût porter préjudice<br />

à l'ensemble <strong>du</strong> groupe provoquait une intervention immédiate de la part<br />

de tiers. Sans mécanisme de compromis, la vie en communauté est difficilement<br />

concevable. Il est donc naturel que, dans toutes les sociétés, on retrouve<br />

des moyens traditionnels de restaurer l'équilibre social, lorsqu'il est rompu<br />

<strong>du</strong> fait d'antagonismes internes.<br />

Tels sont les commentaires que suggère la comparaison des articles de<br />

M M . Lowie et Morazé. Il nous reste maintenant à dégager, des travaux<br />

inédits des autres collaborateurs de l'enquête, l'importance que d'autres<br />

civilisations ont accordée au compromis. Nous commencerons par l'islam,<br />

dont M M . P. Dib et E. Tyan, de l'Université de Beyrouth, ont tracé un<br />

tableau sociologique et historique fort complet.<br />

Toutes les sociétés sont donc tenues de faire une part plus ou moins large<br />

au compromis. Elles diffèrent, néanmoins, par la latitude que leurs institutions<br />

et leur idéologie laissent aux indivi<strong>du</strong>s et aux groupes d'arranger<br />

leurs affaires à l'amiable. En d'autres termes, il existe, selon les traditions<br />

culturelles, des degrés dans la valeur que les sociétés attribuent à la conciliation<br />

et à la flexibilité des coutumes et des lois. Si cet aspect particulier des<br />

rapports sociaux avait été mieux étudié, nous pourrions répartir les civilisations<br />

en plusieurs catégories, selon leur tendance à favoriser les concessions<br />

réciproques et leur adaptabilité aux événements. Dans cette classification<br />

hypothétique, le monde islamique se situerait, à première vue,<br />

parmi les civilisations qui n'ont pas réservé une très large part à la notion<br />

de compromis. Cela tient sans doute à l'origine religieuse de la plupart de<br />

ses institutions. L'une des caractéristiques les plus frappantes de l'islam est<br />

son adhésion au principe d'unicité. Ce n'est pas seulement Dieu qui est un,<br />

mais aussi Voumma, la communauté des croyants. Le pouvoir émanant de<br />

Mahomet, l'islam est à la fois État et religion. Le Prophète est la source<br />

de tout commandement religieux, civil ou militaire. En dehors de lui,<br />

aucune institution ne possède de valeur propre qui soit légale. Il représente<br />

le pouvoir législatif, puisque c'est par lui que la révélation divine s'est trans-<br />

179


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

mise à la masse des fidèles. L'autorité des livres saints (le Koran et la Sunna,<br />

ou tradition), ainsi que Yijma (c'est-à-dire les décisions unanimes de la<br />

communauté), règlent dans leurs moindres détails les relations entre indivi<strong>du</strong>s<br />

et entre ceux-ci et l'État. La législation reflétant la volonté divine a<br />

été, pendant longtemps, interprétée de façon très stricte. Le scrupule religieux<br />

a visiblement gêné les maîtres <strong>du</strong> <strong>droit</strong> musulman. En théorie <strong>du</strong><br />

moins, il ne saurait y avoir de doute sur la solution à apporter à chaque cas<br />

juridique. Tel était le caractère sacré des lois dictées par Dieu que le pouvoir<br />

législatif échappait, en principe, aux califes, puisqu'ils ne pouvaient<br />

les modifier. Tout au plus leur était-il permis d'interpréter les textes et de<br />

prévoir certaines réglementations. Leurs décisions étaient d'ordre doctrinal<br />

et n'avaient pas, théoriquement <strong>du</strong> moins, force obligatoire.<br />

La communauté des croyants est conçue comme une entité religieuse et<br />

politique dont la fonction est de propager la foi. Le consensus de cette<br />

communauté a force de loi, le prophète ayant dit : « Ma communauté ne<br />

sera pas unanime à consacrer une erreur. » Dans son souci d'assurer la<br />

cohésion de cette communauté, la législation islamique a multiplié les<br />

articles réglementant la vie <strong>du</strong> musulman, afin de minimiser les chances<br />

de conflit, même sur le plan indivi<strong>du</strong>el. Le sentiment d'appartenance à la<br />

communauté est encore entretenu par de nombreuses pratiques et, en plus,<br />

cimenté par le contrôle sévère de la conscience sociale. Au sein de Youmma<br />

(communauté), les fidèles doivent rester unis et organisés pour faire face à<br />

l'incré<strong>du</strong>lité. La guerre sainte — obligation qui l'oppose aux autres peuples<br />

— renforce encore la structure de cette communauté.<br />

Caractère sacré de la législation, exaltation de la communauté, ces deux<br />

facteurs auraient pu faire naître une intransigeance qui n'est pas, cependant,<br />

un des aspects marquants de la civilisation musulmane examinée à la<br />

lumière de son histoire. Le Prophète lui-même, en grand politique, a su<br />

transiger chaque fois qu'il l'a cru nécessaire et, même en matière religieuse,<br />

il s'est montré conciliant envers les traditions les plus anciennes des peuples<br />

arabes. L'esprit de tolérance dont il a fait preuve à l'égard des religions<br />

chrétienne et juive se retrouve dans l'attitude de l'islam vis-à-vis des coutumes<br />

des peuples africains qui se sont convertis. La facilité avec laquelle<br />

il accepte que les néophytes conservent les coutumes qui leur sont chères a<br />

beaucoup contribué au succès de sa propagande.<br />

L'implantation de l'islam sur les territoires des civilisations byzantine et<br />

perse a forcément intro<strong>du</strong>it des innovations importantes dans l'administration<br />

et même dans la législation. <strong>Les</strong> institutions de tribus nomades ne<br />

pouvaient convenir à des populations sédentaires et urbanisées. <strong>Les</strong> successeurs<br />

de Mahomet ont transformé l'autorité qu'ils tenaient de Dieu et de<br />

l'élection en un pouvoir héréditaire.<br />

De même que Mahomet avait fait de larges emprunts au judaïsme et au<br />

christianisme, ses successeurs ont subi l'influence des empires byzantin et<br />

persan et se sont inspirés, dans l'organisation de leurs États, des traditions<br />

bureaucratiques et despotiques de leurs voisins. Si puissants que fussent les<br />

califes et si arbitraires que fussent souvent leurs décisions, ils n'ont pas cru<br />

180


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

pouvoir se passer de l'avis des jurisconsultes. Ceux-ci ont toujours préten<strong>du</strong><br />

garder un minimum d'indépendance à l'égard <strong>du</strong> souverain, qui pouvait<br />

lui-même être tra<strong>du</strong>it en justice par les particuliers, sans être juge et partie à<br />

la fois. D'ailleurs, les contradictions ou les obscurités <strong>du</strong> Coran ont ren<strong>du</strong> de<br />

plus en plus nécessaire l'intervention des juristes.<br />

L'attitude de Mahomet lui-même envers les infidèles est révélatrice d'un<br />

désir de compromis, puisqu'il a eu soin de distinguer les païens des peuples<br />

<strong>du</strong> Livre, juifs et chrétiens : ces derniers, les « scripturaires », ont <strong>droit</strong> à<br />

certains égards et peuvent garder leur religion, à condition d'accepter la<br />

domination musulmane et de payer la capitation. Pour leur conversion, le<br />

Coran recommande d'user de persuasion. A la lumière d'une interprétation<br />

moderniste <strong>du</strong> Coran, lejihad ne suppose pas forcément la guerre sanglante :<br />

il consisterait bien en une obligation de lutte, mais de lutte pacifique, dont<br />

l'arme principale serait la persuasion. Le soldat cède le pas au missionnaire.<br />

<strong>Les</strong> groupes non musulmans étaient d'ailleurs admis à vivre dans l'État islamique<br />

et assurés de la protection de leurs personnes et de leurs biens.<br />

La rigueur de la loi coranique est tempérée par diverses dispositions que<br />

dicte un véritable esprit de conciliation. <strong>Les</strong> rapports entre indivi<strong>du</strong>s sont<br />

conçus de façon à maintenir entre eux une certaine réciprocité, qui permet<br />

d'éviter les injustices trop criantes. Cette tendance se manifeste même dans<br />

les dispositions relatives à la condition de la femme, qui a toujours été considérée<br />

comme très désavantagée par rapport à celle de l'homme. Si le Coran<br />

consacre incontestablement la primauté de l'homme, il prescrit des égards<br />

envers la femme et lui reconnaît l'égalité sur le plan métaphysique. En cas<br />

de mésentente, les conjoints peuvent recourir à deux arbitres, choisis respectivement<br />

dans la famille <strong>du</strong> mari et dans celle de la femme. <strong>Les</strong> rapports<br />

entre époux doivent être « convenables » et, s'il est exigé de la femme<br />

obéissance à son époux, celui-ci est tenu de témoigner à sa femme affection<br />

et mansuétude. La faculté que le Coran donne au mari de se séparer de sa<br />

femme en prononçant une simple formule de répudiation peut apparaître<br />

comme l'expression la plus nette de l'inégalité entre les sexes. Mais, dans ce<br />

cas comme dans beaucoup d'autres, l'usage abusif qui pourrait être fait de<br />

la loi est entravé par un passage <strong>du</strong> Coran, où il est déclaré en termes très<br />

précis que, parmi les choses permises, le divorce est ce qu'il y a de plus détestable<br />

aux yeux de Dieu. En outre, un délai de trois mois est prévu pour le<br />

cas où le mari se raviserait et celui-ci n'est d'ailleurs pas dégagé de ses obligations<br />

envers l'épouse répudiée. Malgré la primauté absolue que la loi<br />

concède à l'homme, la condition de la femme n'a pas été aussi <strong>du</strong>re et humiliée<br />

que la seule interprétation des textes pourrait amener à le penser. La<br />

monogamie a été de règle dans les classes pauvres, où la femme a toujours<br />

joui d'une certaine liberté. Son influence n'a d'ailleurs pas été négligeable<br />

dans l'ensemble de la société islamique et certains casuistes modernes ont<br />

voulu interpréter plusieurs passages <strong>du</strong> Coran comme une discrète invite à<br />

la monogamie. Si peu convaincants que soient leurs arguments, ils n'en sont<br />

pas moins intéressants, dans la mesure où ils témoignent d'un esprit de<br />

compromis.<br />

181


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

La législation musulmane comporte de très nombreuses dispositions qui<br />

témoignent d'un souci évident de prévenir les conflits et d'assurer la<br />

concorde entre les membres d'une communauté. Elle contient des prescriptions<br />

minutieuses concernant les détails de la vie courante. Par contre,<br />

les tendances nationales et supranationales qui dominent l'islam sont à l'origine<br />

de certaines hésitations, que l'on perçoit lorsqu'il s'agit de déterminer<br />

ces deux <strong>droit</strong>s essentiels de l'homme : la liberté et l'égalité. « Souvent aussi,<br />

l'islam se contente de jeter les bases d'une organisation — celle de l'État,<br />

par exemple — ou même d'entamer simplement certaines questions. Cela,<br />

joint aux domaines qui n'ont point fait l'objet d'une réglementation quelconque,<br />

laisse une certaine place à l'intro<strong>du</strong>ction d'éléments, voire de<br />

conceptions <strong>nouvelles</strong>. C'est ainsi qu'ont pu se frayer passage les courants<br />

de pensée contemporaine, lesquels, unis aux forces unificatrices que recèle<br />

en lui l'islam, apporteront, certes, une précieuse contribution à l'œuvre de<br />

rapprochement sur le plan international. »<br />

Il est aisé de glaner, dans la longue histoire de la civilisation — ou plus<br />

exactement des civilisations — de l'Inde, des faits qui témoignent d'un profond<br />

esprit de compromis. Celui-ci s'explique, dans une certaine mesure,<br />

par les efforts d'adaptation auxquels ont été contraints des peuples de<br />

langues et de cultures diverses, pour vivre côte à côte sans trop de heurts.<br />

En effet, depuis les temps les plus reculés, la société indienne nous apparaît<br />

comme nettement stratifiée et composée d'éléments différenciés à l'extrême.<br />

Aussi, rien de surprenant si de nombreuses méthodes de conciliation ont été<br />

élaborées dans son sein, afin de régler les conflits, petits et grands, qui pouvaient<br />

surgir sur un terrain particulièrement propice. Si forte qu'ait été<br />

cette tendance à trouver des formules d'apaisement et de compromis, elle<br />

n'a pas exclu l'esprit de conquête et l'agressivité. Si l'Inde a eu ses guerriers<br />

et ses rois avides de gloire militaire, elle n'en a pas moins connu une tradition<br />

très ancienne, qui exigeait « l'acceptation des points de vue les plus<br />

opposés — tradition qui s'est accompagnée d'un effort bien défini pour<br />

découvrir ce qu'il pouvait y avoir de commun entre eux, afin de rendre la<br />

conciliation possible». En présence de courants si opposés, on ne saurait<br />

proclamer que telle ou telle tendance est plus spécifiquement indienne<br />

qu'une autre. Tout au plus peut-on constater la faveur plus ou moins<br />

grande dont chacune a pu bénéficier. De longue date, la sagesse populaire<br />

avait reconnu que chacun possède une parcelle de vérité et que, pour parvenir<br />

à la pleine vérité, il importait de chercher ce qui, dans l'affrontement<br />

de deux attitudes ou de deux conceptions, n'était pas sujet à discussion.<br />

Le prestige dont le bramine — c'est-à-dire le sage — était entouré a toujours<br />

été supérieur à celui <strong>du</strong> chef et <strong>du</strong> guerrier. <strong>Les</strong> rois des premiers âges<br />

n'étaient pas des législateurs. La loi était contenue dans des livres sacrés,<br />

dont l'interprétation était précisément l'affaire des bramines qui, à cet<br />

égard, peuvent se comparer aux jurisconsultes arabes. La justice était administrée<br />

en conformité avec le <strong>droit</strong> coutumier, tel qu'il s'était transmis par<br />

les décisions des conseils de village ou des corporations de métier. L'esprit<br />

182


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

même dans lequel la justice était ren<strong>du</strong>e est tout imprégné par le souci <strong>du</strong><br />

compromis. <strong>Les</strong> Mahrattes qui ont régné sur l'Inde au xviir 8 siècle font<br />

figure de patriarches qui, dans l'administration de la justice, se préoccupaient<br />

moins des termes stricts de la loi que de la possibilité de régler les disputes<br />

par des arrangements à l'amiable. Ils se montraient patients dans la<br />

présentation d'un cas et laissaient aux parties le temps nécessaire pour exposer<br />

leur cause. Ce qui nous intéresse ici plus particulièrement est le soin<br />

qu'ils prenaient de ne pas créer chez les perdants d'une cause un degré<br />

d'amertume tel que toute réconciliation ultérieure soit ren<strong>du</strong>e impossible.<br />

<strong>Les</strong> amendes étaient proportionnées à la fortune de ceux auxquels elles<br />

étaient infligées.<br />

Dans les villages, la justice était ren<strong>du</strong>e par des sortes de conseils locaux,<br />

appelés panchayat. Il y en avait également pour les castes et les corporations<br />

de métier. Leur principale fonction était de régler les affaires locales et surtout<br />

d'apaiser les conflits entre membres d'une communauté, d'une caste ou<br />

d'une corporation. <strong>Les</strong> villageois avaient généralement recours à l'arbitrage<br />

en cas de querelles de bornage. Lorsque les <strong>droit</strong>s des contestants étaient<br />

douteux, la terre en litige était partagée entre eux ou confisquée par le roi.<br />

Quelle que fût l'organisation de la caste, celle-ci reposait sur le principe de<br />

l'étroite solidarité de ses membres — solidarité qui devait être maintenue à<br />

tout prix. Le conseil de la caste intervenait en cas de dispute entre membres<br />

de celle-ci et, si son verdict n'était pas accepté, l'affaire était portée devant<br />

le chef de la caste, dont la décision était sans appel. Si l'affaire était épineuse,<br />

on demandait l'avis des bramines, mais cette démarche n'était pas<br />

obligatoire. L'indivi<strong>du</strong> qui ne se soumettait pas au verdict de la caste était<br />

excommunié.<br />

La mansuétude qui inspirait ces conseils s'est, paraît-il, per<strong>du</strong>e.<br />

A l'époque contemporaine, les autorités villageoises tendent à sévir plus<br />

sévèrement. On attribue ce <strong>du</strong>rcissement au fait que les panchayat ont beaucoup<br />

per<strong>du</strong> de l'autorité dont ils étaient jadis investis.<br />

L'esprit de conciliation et de tolérance que nous avons constaté dans les<br />

institutions s'est affermi grâce à certains courants religieux très anciens qui,<br />

aujourd'hui, n'ont rien per<strong>du</strong> de leur force. La tradition la mieux ancrée<br />

dans la civilisation indienne est celle <strong>du</strong> salut, auquel on parvient par la<br />

purification, laquelle s'obtient par un effort constant, impliquant la souffrance,<br />

source de pureté. La mortification n'est pas une expiation des péchés,<br />

mais un moyen d'attirer la bienveillance des dieux ou de se purifier intérieurement<br />

en échappant ainsi à l'emprise <strong>du</strong> corps. Or, nous voyons<br />

l'ascèse se transformer en moyen d'obtenir justice. Le créancier qui ne pouvait<br />

se faire rembourser s'asseyait devant la porte de son débiteur et jeûnait.<br />

Un tel acte attirait immédiatement une foule naturellement portée à sympathiser<br />

avec celui qui s'infligeait une telle souffrance, sans se soucier de la<br />

justice de sa cause. Cette façon d'agir, appelée dharma, a donné lieu à des<br />

abus et est devenue, en diverses occasions, un procédé de coercition.<br />

La notion de sainteté qui s'est formée dans la civilisation indienne servait<br />

la cause de la conciliation. Celui qui répond par l'amour à la haine, à la<br />

183


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

colère par le calme, ne rend-il pas toute querelle impossible ? Certes, un tel<br />

idéal est difficile à atteindre, mais ceux qui y parviennent sont entourés de<br />

respect et leur con<strong>du</strong>ite est proposée comme modèle.<br />

La doctrine de la non-violence et de l'ascétisme avait été conçue pour<br />

assurer le salut spirituel de l'indivi<strong>du</strong>. Elle devait trouver une expression<br />

nouvelle au début de ce siècle, grâce à l'action et à l'influence de Gandhi.<br />

Reprenant une ancienne tradition, le mahatma s'était convaincu que le<br />

meilleur moyen d'affirmer une vérité que l'on croit posséder est de souffrir<br />

plutôt que de faire souffrir autrui pour elle.<br />

Tout homme a <strong>droit</strong> à sa conception de la vérité, mais il est vain de<br />

l'imposer aux autres par la force. Cette attitude ne doit pas, cependant,<br />

con<strong>du</strong>ire à l'indifférence ou à la neutralité. Il faut lutter contre le mal, non<br />

seulement en se refusant à toute coopération avec lui, mais aussi par des<br />

moyens non violents. Le mensonge et l'injustice ne triomphent que parce<br />

que les hommes les acceptent activement ou passivement. Celui qui souhaite<br />

vivre selon la vérité doit apporter à ceux qui la nient la tapsya, ou souffrance<br />

volontaire. Le sage ne cherche pas à imposer son point de vue à autrui, mais<br />

à l'amener à reconnaître une base commune sur laquelle les adversaires,<br />

même les plus irré<strong>du</strong>ctibles, peuvent finir par s'entendre. La vérité n'est<br />

atteinte que si l'on découvre ce qui, dans des opinions divergentes, ne fait<br />

l'objet d'aucune opposition.<br />

La résistance passive — la satyagraha — a trouvé son application dans<br />

divers domaines, à propos de conflits politiques, sociaux et économiques.<br />

Cependant, la mise en œuvre de cette méthode n'a pas toujours été couronnée<br />

de succès, car l'opinion publique restait divisée, en certains cas, sur la<br />

part de vérité contenue dans la cause pour laquelle on avait recours à la<br />

satyagraha. Ghandi essaya même d'intro<strong>du</strong>ire ce principe sur le plan international.<br />

Il espérait que la paix entre nations pourrait être obtenue par les<br />

méthodes dont il s'était inspiré dans son action sociale et politique. Même<br />

en cas d'agression, la non-violence pouvait avoir raison d'un conquérant<br />

avec lequel le peuple se refuserait à coopérer. Gandhi, jusqu'à sa mort, ne<br />

cessa jamais d'affirmer que tout conflit entre peuples pouvait être résolu par<br />

la satyagraha, à condition que ceux qui l'appliqueraient pussent faire preuve<br />

d'un courage supérieur à celui des guerriers. L'Inde, avec ses traditions religieuses<br />

et son organisation en communautés rurales, lui paraissait en meilleure<br />

position que n'importe quel autre pays pour réaliser cet idéal.<br />

La Chine ancienne, riche d'une longue expérience, avait élaboré diverses<br />

méthodes pour empêcher les conflits internes de s'envenimer au point de<br />

porter atteinte à la bonne marche des institutions et de troubler la paix<br />

publique. Dans cet immense empire dont, en raison des distances, l'administration<br />

était difficile, les causes de conflit ne manquaient pas. Ils étaient provoqués<br />

par les différences ethniques et les rivalités entre « résidants » et<br />

« étrangers », entre représentants de groupes ethniques différents et entre<br />

villages. <strong>Les</strong> chroniques et documents historiques font constamment allusion<br />

aux querelles entre villageois qui s'affrontaient, non seulement à propos de<br />

184


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

<strong>droit</strong>s d'irrigation ou de propriété, mais aussi par esprit de jalousie ou<br />

d'orgueil. <strong>Les</strong> clans qui parvenaient à maintenir l'harmonie entre leurs<br />

membres étaient en état d'hostilité avec d'autres clans. A ces heurts entre<br />

groupes s'ajoutaient ceux qui éclataient entre indivi<strong>du</strong>s pour de multiples<br />

raisons. <strong>Les</strong> luttes entre propriétaires terriens et tenanciers étaient particulièrement<br />

fréquentes et âpres. <strong>Les</strong> paysans, forcés de s'endetter, nourrissaient<br />

des sentiments de haine envers les commerçants. <strong>Les</strong> privilèges et les abus<br />

des classes favorisées, ainsi que l'arbitraire des mandarins, soulevaient des<br />

protestations et provoquaient des révoltes. La levée des impôts, qui donnait<br />

lieu à de véritables exactions de la part des hauts fonctionnaires, était la<br />

cause la plus fréquente de ces émeutes. Cependant, telle était l'autorité de<br />

l'empereur que ceux-là mêmes qui se soulevaient contre ses représentants<br />

protestaient de leur loyauté envers lui. Bon nombre de conflits ne pouvaient<br />

naturellement pas faire l'objet de compromis. S'il y avait eu mort d'homme<br />

ou lorsque deux communautés en venaient aux mains, le gouvernement se<br />

devait d'intervenir pour sévir, sans qu'un arbitrage ou un compromis pût<br />

être envisagé. Cependant, il existait toute une gamme de conflits pour lesquels<br />

on estimait que la paix pouvait être rétablie par des procé<strong>du</strong>res de<br />

médiation. Selon les cas, il pouvait s'agir de l'intercession d'amis communs<br />

ou de personnes influentes. Ces arbitres bénévoles se livraient alors à un jeu<br />

compliqué pour amener les deux parties à s'entendre à mi-chemin. L'habileté<br />

de ces négociateurs les con<strong>du</strong>isait parfois à s'occuper de situations considérées<br />

comme étant <strong>du</strong> ressort exclusif de l'autorité. Lorsque les notables<br />

locaux étaient impuissants à apaiser une querelle, on s'adressait aux chefs<br />

d'autres communautés dont l'impartialité était reconnue. Dans beaucoup<br />

de cas, c'étaient les fonctionnaires de haut rang qui intervenaient comme<br />

arbitres dans les conflits opposant un mandarin de moindre rang à ses administrés.<br />

Ils s'efforçaient alors de rétablir la paix en obtenant des deux parties<br />

des concessions substantielles. <strong>Les</strong> mandarins coupables d'exactions étaient<br />

transférés ailleurs, les impôts ré<strong>du</strong>its, mais les chefs des émeutiers étaient<br />

<strong>du</strong>rement châtiés. La tradition <strong>du</strong> compromis était donc fort ancienne en<br />

Chine, puisqu'on en trouve de nombreuses traces à l'époque féodale.<br />

Le gouvernement impérial fut animé de tout temps par un souci clairement<br />

exprimé de maintenir l'harmonie entre ses sujets. Des décrets enjoignaient<br />

aux habitants de l'empire de maintenir la bonne entente entre eux.<br />

Parmi les mesures prises pour inculquer au peuple le goût et le désir de<br />

l'harmonie, figuraient des conférences organisées dans les villes et les villages<br />

sur le thème de la concorde. <strong>Les</strong> conférenciers qui faisaient connaître au<br />

public la teneur des décrets impériaux étaient souvent les agents <strong>du</strong> gouvernement,<br />

choisis comme arbitres et médiateurs.<br />

Dans la constitution de Chou (xn e siècle), il est spécifié que la réconciliation<br />

entre adversaires est un devoir qui incombe au gouvernement. Il<br />

est également fait mention de fonctionnaires qui avaient pour devoir de<br />

restaurer la paix. Certes, nombre de disputes ne pouvaient être tranchées<br />

que par les tribunaux officiels mais, comme les décisions des juges ne mettaient<br />

pas toujours fin aux querelles et qu'elles contribuaient même à accen-<br />

185


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

tuer les antagonismes, le gouvernement avait tendance à dissuader les<br />

parties en litige de recourir à la justice. <strong>Les</strong> empereurs établirent ainsi, en<br />

dehors des cadres administratifs, des fonctions de médiateurs et d'arbitres.<br />

<strong>Les</strong> magistrats eurent à leurs côtés des collègues qui, sans occuper de poste<br />

officiel, suppléaient à l'action des juges et les déchargeaient d'une partie de<br />

leur tâche. Parmi ces « collègues non officiels » figuraient les « anciens » ou<br />

chefs de communauté. Bien que n'appartenant pas à la bureaucratie de<br />

l'État, ils étaient désignés par les fonctionnaires. Leur intervention s'imposait<br />

chaque fois qu'une querelle risquait de dégénérer en conflit ou de<br />

troubler la paix publique.<br />

La procé<strong>du</strong>re d'arbitrage ne visait pas à établir les torts respectifs des<br />

deux parties mais uniquement à procéder à une réconciliation. Si le cas<br />

était examiné, ce n'était pas pour démêler les responsabilités mutuelles et<br />

faire triompher la cause de l'innocent, mais dans le seul dessein d'aboutir à<br />

un règlement à l'amiable. Le médiateur se proposait de rétablir les bonnes<br />

relations entre les adversaires en diminuant la portée de leurs réclamations<br />

et en s'efforçant d'apaiser le ressentiment de ceux qui, à tort ou à raison, se<br />

considéraient comme lésés. Il n'était donc pas question de dédommagement,<br />

mais uniquement de concorde. La seule punition qu'on infligeait<br />

parfois à celle des parties dont les torts étaient trop évidents était de payer<br />

les frais de la fête de la réconciliation. Cependant, il était plus aisé de mettre<br />

un terme à une querelle que de rétablir des relations cordiales entre indivi<strong>du</strong>s<br />

ou groupes qui s'étaient affrontés. La société chinoise, surtout dans les<br />

campagnes, souffrait d'un mal interne : l'animosité latente entre indivi<strong>du</strong>s<br />

ou groupes, qui créait un état de discorde à peine contrôlé extérieurement.<br />

<strong>Les</strong> techniques de compromis se révélaient utiles pour empêcher les disputes<br />

de dégénérer en conflits qui auraient nui à la paix publique et suscité<br />

ainsi des situations dangereuses pour l'ordre social, mais la véritable harmonie,<br />

celle des esprits, était loin d'être réalisée. La concorde à tout prix ne<br />

s'obtenait que par des dénis de justice, puisque celle-ci était une considération<br />

secondaire par rapport à la bonne entente, toute de surface. <strong>Les</strong> médiateurs<br />

devaient donc établir un compromis entre la justice absolue et les<br />

contingences, mais ils n'y parvenaient que si leur impartialité était au-dessus<br />

de tout soupçon. Dans la mesure <strong>du</strong> possible, ils tenaient compte de<br />

l'opinion publique ainsi que des désirs et des sentiments des parties opposées.<br />

Il convient de ne pas oublier, cependant, que la conciliation n'était<br />

possible que lorsque le conflit n'assumait pas un caractère de gravité spéciale.<br />

Le compromis faisait donc partie intégrante de la civilisation chinoise<br />

et, si imparfait qu'il fût, il a contribué à modérer les tensions qui, autrement,<br />

auraient déchiré la société de ce vaste empire. En contraste avec les moyens<br />

mis en œuvre par la société indienne pour éviter les disputes, la tradition<br />

chinoise se caractérise par son sens des réalités et par sa volonté de résoudre<br />

les problèmes sur un plan uniquement laïque. Aucun principe métaphysique<br />

n'était invoqué et il n'était pas question d'idéalisme ou d'altruisme.<br />

En Chine, comme dans l'Inde ancienne, la sagesse traditionnelle ne visait<br />

186


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

pas à la justice absolue, mais se déclarait satisfaite par les compromis qui<br />

assuraient la paix publique.<br />

De ce bref aperçu des manifestations de l'esprit de compromis, on peut<br />

conclure que toutes les sociétés, anciennes ou modernes, sont, avant tout,<br />

soucieuses de leur existence et qu'elles estiment que celle-ci ne peut être<br />

maintenue que par la cohésion et l'harmonie <strong>du</strong> groupe. Si les hommes ne<br />

vont pas jusqu'à préférer l'injustice au désordre, il est certain qu'ils renoncent<br />

facilement à l'application d'une étroite justice lorsque l'ensemble de la<br />

société doit en pâtir. Même les primitifs savent qu'il est difficile de distinguer<br />

le faux <strong>du</strong> vrai et que tous les torts sont rarement d'un seul côté. Notre<br />

civilisation occidentale a su créer, à l'instar de la Chine ancienne, des organismes<br />

de conciliation. Pour éviter les troubles que les conflits <strong>du</strong> travail<br />

font subir à la vie économique et politique, la plupart des États modernes<br />

ont recours à des juridictions et à des institutions spéciales. Dans plusieurs<br />

pays même, la conciliation est, pour certains cas, obligatoire en matière<br />

de <strong>droit</strong> civil. Une action en justice ne peut être déclenchée sans tentative<br />

préalable de conciliation. <strong>Les</strong> terribles dangers que le moindre conflit fait<br />

courir aujourd'hui à la communauté des nations ne cessent de donner une<br />

force accrue à la notion de médiation et de compromis, sur un plan toujours<br />

plus vaste. <strong>Les</strong> peuples semblent avoir reconnu le bien-fondé <strong>du</strong> conseil de<br />

Grotius qui, dans son De jure belli ac pacis (1625), déclarait qu'il valait<br />

beaucoup mieux renoncer à son bon <strong>droit</strong> que poursuivre une juste guerre.<br />

187


INTRODUCTION<br />

LE COMPROMIS<br />

DANS LA SOCIÉTÉ PRIMITIVE<br />

ROBERT H. LOWIE<br />

Dans toute société, les relations entre indivi<strong>du</strong>s et entre groupes sont<br />

sujettes à des perturbations qui, si on les laissait se développer, risqueraient<br />

fort de détruire complètement cette société. Pour se protéger, les sociétés<br />

ont mis au point des processus de compensation et des techniques de normalisation<br />

destinées à prévenir les catastrophes. Cet effort d'adaptation peut<br />

prendre différentes formes, selon qu'il va plus ou moins loin. Pour employer<br />

la terminologie sociologique actuelle, les adversaires peuvent en venir simplement<br />

à se « tolérer » mutuellement, sans se faire de concessions, mais ils<br />

peuvent aussi parvenir à un « compromis », chacun renonçant à une part<br />

de ses prétentions théoriques et préparant ainsi la voie à une coopération<br />

féconde 1 . Dans la présente étude, nous examinerons ces différents processus,<br />

tels qu'on les observe dans les sociétés « primitives ». Le terme « primitif»<br />

n'est pas très satisfaisant, puisqu'il n'est pas pris ici dans un sens chronologique<br />

; si nous le remplaçons par le mot « sauvage », on pourra objecter<br />

que nombre des populations considérées sont manifestement de mœurs très<br />

douces. Cependant, le langage courant n'offrant pas d'expression sémantiquement<br />

plus acceptable, nous emploierons indifféremment l'un ou l'autre<br />

terme pour désigner des groupes sans écriture, n'ayant pas dépassé un<br />

niveau de développement technologique relativement rudimentaire.<br />

C'est un lieu commun de l'ethnographie de dire que les sociétés sauvages<br />

sont trop différentes les unes des autres pour être groupées sous une dénomination<br />

unique. Si l'on considère l'absence d'écriture comme le critère<br />

par excellence de la « primitivité », il apparaît bientôt que l'ensemble des<br />

sociétés humaines ne présente pas de distinction tranchée entre sociétés<br />

« primitives » et sociétés « civilisées », mais plutôt une gradation continue,<br />

dans laquelle il n'est pas rare que des populations techniquement évoluées<br />

se situent bien au-dessous des normes généralement associées à l'idée de<br />

civilisation, alors que nombre de peuples sans écriture approchent, ou<br />

* <strong>Les</strong> références de bas de page sont complétées par la bibliographie, en fin<br />

d'article,<br />

i. Von Wiese, vol. i, p. 135-141; Ogburn et Nimkoff, p. 369-391.<br />

188


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

même atteignent, ces normes. C'est ainsi que diverses monarchies africaines<br />

sont supérieures, par la complexité de la structure politique et par l'intégration<br />

sociale, aux communautés Gheg <strong>du</strong> nord de l'Albanie.<br />

QUELQUES TRAITS DISTINCTIFS DE LA SOCIÉTÉ PRIMITIVE<br />

Toutefois, de même qu'il est permis d'affirmer que les femmes sont plus<br />

petites que les hommes, malgré l'existence des géantes de cirque, on peut,<br />

avec les réserves appropriées, tracer une image d'ensemble des sociétés<br />

illettrées par opposition aux sociétés civilisées. Sans chercher ici à dresser<br />

un inventaire exhaustif, nous porterons notre attention sur certains traits<br />

qui, en règle générale, sont beaucoup plus caractéristiques des sociétés<br />

primitives que des groupes civilisés.<br />

Parenté<br />

C'est Maine qui, dans Ancient law (1861), a donné son expression classique à<br />

la théorie selon laquelle ce sont les liens de parenté — et eux seuls — qui<br />

assurent leur cohésion aux sociétés les plus anciennes et les plus simples : « A<br />

l'origine de l'histoire des idées politiques, écrit-il, on trouve le principe que<br />

la parenté par le sang est la seule base possible d'une communauté politique;<br />

et aucun des bouleversements affectifs que nous appelons solennellement<br />

révolutions n'est aussi extraordinaire et complet que le changement qui se<br />

pro<strong>du</strong>it lorsqu'un autre principe, celui <strong>du</strong> voisinage par exemple, s'affirme<br />

pour la première fois comme la base d'une action politique commune. »<br />

Plus loin, Maine ajoute : « L'idée qu'un certain nombre d'indivi<strong>du</strong>s<br />

doivent exercer des <strong>droit</strong>s politiques en commun simplement parce qu'ils<br />

se trouvent vivre à l'intérieur des mêmes limites topographiques était tout à<br />

fait étrange et monstrueuse pour l'antiquité primitive 1 . »<br />

Dans l'état actuel de nos connaissances, la distinction générale établie par<br />

Maine reste valable, mais il est devenu nécessaire de l'assortir d'une réserve<br />

importante. Si le lien de parenté est souvent dominant dans les groupes<br />

primitifs, celui <strong>du</strong> voisinage n'en est probablement jamais tout à fait absent.<br />

C'est ce qui ressort clairement des conclusions de deux excellents observateurs<br />

qui avaient commencé par signaler des faits exactement conformes à<br />

la théorie de Maine, mais qui ont été amenés par la suite à reviser leurs<br />

conceptions.<br />

Dans sa première étude sur les Indiens Yurok (nord-ouest de la Californie),<br />

le professeur Kroeber déclare : « Il n'existe pas, chez eux, de véritable<br />

sentiment de la communauté dans un village » ; mais « chaque fois<br />

qu'il y a parenté, il existe des liens certains, d'une ville à une autre ou dans<br />

une même ville. Il n'y a pas de délit contre la communauté, pas de devoirs<br />

envers elle, ni <strong>droit</strong> ni pouvoir d'aucune sorte qui lui soient inhérents. »<br />

1. Maine, p. 124, 126.<br />

189


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

Fondamentalement, « même ce qu'on a appelé des « guerres » n'a jamais<br />

été autre chose que des querelles privées entre familles au sens large ». Mais<br />

après de <strong>nouvelles</strong> recherches, plus approfondies, l'auteur écrit, dix-sept ans<br />

plus tard : « <strong>Les</strong> liens de corésidence sont manifestement assez solides,<br />

moins cependant que les liens de parenté 1 . »<br />

La première étude que Barton a faite des Ifugao (à Luçon, dans les<br />

Philippines) aboutit à une conclusion tout aussi excessive : les habitants<br />

non apparentés d'un village ou d'un district semblent n'avoir aucun lien<br />

les uns avec les autres. Mais une étude attentive des nombreux faits cités<br />

par l'auteur montre que cette généralisation est erronée. Le lien territorial,<br />

s'il est masqué par les liens personnels entre parents, existe néanmoins.<br />

« <strong>Les</strong> habitants ne veulent pas voir leur village déchiré par des dissensions<br />

internes et ainsi affaibli dans la con<strong>du</strong>ite de la guerre contre les ennemis. »<br />

Un voleur, pris en flagrant délit, est presque certain d'être tué s'il vient<br />

d'un autre district ; le voisin non apparenté n'est passible que d'une amende.<br />

D'ailleurs, dans un ouvrage postérieur, Barton revient sans ambiguïté sur<br />

sa thèse initiale. Il admet que l'unité locale est « extrêmement importante<br />

», bien que vaguement définie ; dans certains cas, rares il est vrai,<br />

les liens territoriaux peuvent même l'emporter sur les relations consanguines<br />

2 .<br />

Ces réserves faites, il reste vrai que la parenté a une immense importance<br />

dans les sociétés primitives. Par exemple, la responsabilité collective <strong>du</strong><br />

groupe familial est très généralement admise. Un Lobi (bassin de la Haute-<br />

Volta, Afrique occidentale), victime d'un voleur, peut réclamer une indemnité<br />

à la famille <strong>du</strong> coupable, si le malfaiteur est lui-même pauvre. « On<br />

s'adresse donc à ceux qui possèdent et sont tenus pour responsables des<br />

méfaits de l'indivi<strong>du</strong> ayant commis l'infraction. » Dans le même district,<br />

on distingue nettement le dommage causé à l'intérieur <strong>du</strong> groupe familial<br />

et le dommage causé en dehors de ce groupe. Dans la famille élargie, « le<br />

dommage n'existe pas quand il est commis par un parent». En tout cas,<br />

un parent bénéficie d'un traitement particulier. S'il a volé des biens, les victimes<br />

ne demandent que leur restitution, alors qu'ils exigent d'un étranger<br />

le double de la valeur des articles dérobés. Si un homme tue un parent,<br />

avec ou sans préméditation, il ne s'expose qu'à une admonestation <strong>du</strong><br />

patriarche <strong>du</strong> groupe ; il n'y a pas de sanction pénale, mais des sacrifices<br />

doivent être offerts à la divinité de la terre 3 . Dans d'autres domaines de<br />

la vie, la parenté joue également un rôle essentiel ; dans un très grand<br />

nombre de tribus, l'homme doit épouser une femme avec laquelle il a un<br />

lien de parenté déterminé — par exemple la fille d'un oncle maternel.<br />

Il faut donc toujours tenir compte des liens <strong>du</strong> sang, <strong>du</strong> « réseau des<br />

parentés », lorsqu'on étudie les phénomènes de désintégration et les techniques<br />

traditionnellement utilisées pour restaurer l'harmonie dans les<br />

i. Kroeber 1925, p. 14.; Spott et Kroeber, p. 12, 20, 49.<br />

2. Barton 1919; id., 1938, p. 8, 31, 33.<br />

3. Labouret, p. 380 et suiv.<br />

190


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

groupes primitifs. Mais nous devons tenir compte aussi d'autres facteurs qui,<br />

par leur seule existence, tempèrent la puissance des liens de parenté, même<br />

s'ils n'atteignent pas à la prépondérance qui est celle de l'État dans la<br />

civilisation occidentale.<br />

La « confusion primitive » 1<br />

Cette expression est un raccourci commode pour désigner un phénomène<br />

très généralement constaté chez les primitifs : la tendance extraordinaire à<br />

mélanger des aspects de l'existence n'ayant aucun lien rationnel entre<br />

eux. Il peut nous arriver, à nous aussi, de prier pour avoir une bonne récolte,<br />

mais nous n'accomplissons pas des rites à chaque phase des travaux<br />

agricoles pour en assurer le succès et nous ne murmurons pas des incantations<br />

pendant la construction d'un bateau pour qu'il tienne la mer, comme<br />

le faisaient traditionnellement les Maoris (Nouvelle-Zélande). On pourrait<br />

trouver, chez n'importe quel groupe sauvage, des cas analogues de confusion<br />

de valeurs culturelles distinctes. <strong>Les</strong> opérations techniques sont associées<br />

à des incantations et à des prières ; des expéditions guerrières se décident<br />

sur la seule impulsion d'un rêve ; des dessins décoratifs sont inspirés par des<br />

visions ; les phénomènes biologiques s'expliquent par des légendes ; l'histoire<br />

de la tribu se confond avec la généalogie des dieux ou avec des événements<br />

mythiques. Nous ne prétendons pas — ce serait une affirmation<br />

insoutenable — que cette confusion soit, dans tous les cas, un phénomène<br />

primaire ; il est possible de montrer que nombre de telles associations sont<br />

secondaires. Ce qui nous intéresse ici, ce n'est pas leur ancienneté, mais leur<br />

universalité et l'importance incomparablement plus grande qu'elles ont<br />

chez les sauvages. En étudiant l'origine des désordres et le règlement des<br />

différends sociaux chez les primitifs, il faudra donc sans cesse examiner des<br />

phénomènes apparemment sans rapport avec la question.<br />

L'opinion publique<br />

Quelle que soit la puissance <strong>du</strong> qu'en-dira-t-on dans nos petites villes de<br />

province, elle ne peut se comparer à celle de l'opinion publique dans une<br />

société primitive, où elle contribue pour beaucoup à maintenir les gens<br />

dans le <strong>droit</strong> chemin. Lorsqu'un Indien Pied-Noir (nord-ouest <strong>du</strong> Montana<br />

et région voisine de l'Alberta) s'obstine à défier les convenances, les chefs<br />

<strong>du</strong> camp organisent une épreuve publique, qui prend la forme d'une<br />

« conversation générale entre les nombreux tipis, au cours de laquelle on<br />

passe en revue tous les aspects grotesques et odieux de la con<strong>du</strong>ite de<br />

l'intéressé, au milieu de grands éclats de rire. La mortification de la victime<br />

est extrême et la pousse généralement à s'exiler'pour un temps — ou, comme<br />

autrefois, à accomplir quelque acte désespéré sur le sentier de la guerre » 2 .<br />

i. Maclver, p. 479 et suiv. ; Boas 1938, p. 226.<br />

1. Wissler 1911, p. 24.<br />

191


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

La puissance de l'opinion se manifeste même dans une population<br />

aussi simple que les Yaghan (Terre de Feu). Le voleur, par exemple,<br />

s'expose au mépris général et ne parvient pratiquement jamais à se réhabiliter.<br />

La victime a rarement recours à un châtiment corporel, mais l'ostracisme<br />

général affecte le coupable plus douloureusement que ne le feraient<br />

les reproches ou les coups. En généralisant, Gusinde déclare que même la<br />

crainte des sanctions édictées par l'Être suprême influe moins sur la con<strong>du</strong>ite<br />

que l'ambition de passer pour un modèle de fidélité à la morale de la<br />

tribu 1 .<br />

Conditions démographiques<br />

<strong>Les</strong> populations primitives, notamment en Afrique, forment parfois des<br />

unités politiques de plusieurs centaines de milliers, voire de plus d'un<br />

million de membres ; mais, le plus souvent, la situation est très différente.<br />

On se trouve en présence de petites communautés, dont les membres se<br />

connaissent personnellement et sont, pour la plupart, parents par le sang<br />

ou par alliance, ou voisins. <strong>Les</strong> unités territoriales des Murngin (Terre<br />

d'Arnhem, nord de l'Australie) ne comptent que 40 à 50 habitants en<br />

moyenne 2 . Cette circonstance éclaire d'un jour particulier le phénomène<br />

qui nous occupe. Comme l'écrit le professeur Srinivas, à propos d'une caste<br />

<strong>du</strong> Deccan : « Lorsqu'un conflit éclate, il trouble l'harmonie des relations<br />

sociales dans un groupe humain étroitement uni. <strong>Les</strong> oppositions existantes<br />

s'accentuent, il en apparaît de <strong>nouvelles</strong> et des alliances se forment entre<br />

indivi<strong>du</strong>s et entre groupes. » Un père et son fils peuvent se trouver dans<br />

des camps opposés. « En résumé, le système de relations existant se désintègre<br />

et il faut <strong>du</strong> temps pour qu'il s'en constitue un nouveau. En attendant,<br />

régnent le désaccord et la confusion 3 . »<br />

La justice abstraite<br />

L'une des caractéristiques les plus remarquables <strong>du</strong> <strong>droit</strong> coutumier primitif<br />

est l'indifférence à la justice abstraite. C'est là le corollaire évident de<br />

l'obligation reconnue au groupe familial de protéger ses membres délinquants,<br />

à tort ou à raison. Le primitif va encore beaucoup plus loin dans<br />

cette voie, et même les tiers se désintéressent délibérément <strong>du</strong> fond delà<br />

question pour ne se soucier que des moyens de maintenir la paix — considération<br />

qui prime toutes les autres. Quelques exemples empruntés à<br />

l'ethnographie africaine et américaine nous permettront de mieux illustrer<br />

cet aspect de la question.<br />

Le premier devoir d'un prêtre-chef dogon (Afrique occidentale) est précisément<br />

de prévenir les conflits. Il intervient même dans des querelles<br />

1. Gusinde, p. 983L, 1005.<br />

2. Warner, p. 16.<br />

3. Srinivas.<br />

192


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

domestiques, soit en personne, soit par l'intermédiaire d'un messager porteur<br />

d'une canne, symbole d'autorité. La querelle cesse aussitôt et les adversaires<br />

s'expliquent : d'abord l'aîné, puis le plus jeune ; « mais ces explications<br />

ne présentent guère d'importance en elles-mêmes car la sentence...<br />

serait invariable. » Quels que soient les arguments avancés, le prêtre invite<br />

l'aîné des adversaires à pardonner au plus jeune, qui a eu tort d'oublier le<br />

respect qu'il devait à son aîné. Mais la faute essentielle est la perturbation<br />

apportée par les deux hommes à la paix <strong>du</strong> village. Le motif de la querelle<br />

a, en soi, peu d'importance ; si l'on en parle ensuite, c'est uniquement par<br />

goût de la discussion. La sentence ne se fonde jamais sur un examen sérieux<br />

des causes ou des motifs, elle est toujours connue d'avance. Une considération<br />

domine tout et, devant elle, « les intérêts particuliers s'effacent : le<br />

maintien de l'ordre dans le pays». Le même principe s'applique à la<br />

répression des rixes les jours de marché : la surveillance est exercée par les<br />

adjoints <strong>du</strong> chef, devant lesquels comparaissent les intéressés. « Personne<br />

ne cherche à savoir qui avait tort ou raison. » Un seul fait importe : l'ordre<br />

a été troublé et chaque contrevenant doit payer une amende de i ooo cauris<br />

1 . Un cas tout à fait analogue a été signalé récemment dans un village<br />

Idoma (Nigeria). Une enquête avait eu lieu pour savoir si le décès d'un<br />

chef devait être imputé aux maléfices d'un fonctionnaire ou au mécontentement<br />

des ancêtres. A l'audience, diverses accusations furent portées, mais<br />

la décision des juges était prise. Estimant que « l'intérêt de la société tout<br />

entière exige que les fonctionnaires soient protégés », ils ne tentèrent même<br />

pas de discuter les accusations, qui furent repoussées comme « constituant<br />

une menace à l'ordre social» 1 .<br />

Il est une attitude fréquente, bien que nullement universelle, qui est à<br />

peine plus éloignée des modes de pensée modernes : c'est l'indifférence<br />

aux mobiles d'un acte. Vers 1930, un Dogon ayant été accidentellement<br />

tué d'un coup de fusil, l'auteur de l'accident fut banni dans un autre village<br />

; le même châtiment avait été infligé quelque temps auparavant à un<br />

homme qui avait délibérément assassiné un enfant. La population témoignait<br />

plus d'in<strong>du</strong>lgence pour l'auteur de l'homicide accidentel, mais la<br />

sanction fut la même. Cette attitude s'oppose à celle des Ifugao, qui excusent<br />

l'homicide s'il n'y a eu ni préméditation ni imprudence 2 .<br />

CAUSES DE PERTURBATION ET REMÈDES SOCIAUX<br />

Après avoir signalé plusieurs caractéristiques importantes des sociétés primitives,<br />

par opposition aux sociétés civilisées, il nous faut étudier les principales<br />

<strong>sources</strong> de différends et les méthodes mises au point pour rétablir<br />

l'ordre. Nous nous occuperons uniquement ici des conflits internes, et non<br />

des guerres entre unités politiques distinctes. Il convient, cependant, de<br />

1. Paulme, p. 219, 229-232; Armstrong.<br />

2. Paulme, p. 123; Barton 1919, p. 65.<br />

¿»CHI^


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

noter que la distinction n'est pas toujours facile à faire. Comme nous<br />

l'avons vu dans le cas des Yurok, les guerres et les querelles intestines ont<br />

parfois le même caractère. Pour prendre un exemple remarquable, mais<br />

nullement unique en Afrique occidentale, les Tallensi (territoire <strong>du</strong> nord<br />

<strong>du</strong> Ghana) n'ont pas de frontières territoriales nettement délimitées et ne<br />

peuvent d'aucune manière être distingués avec précision des groupes voisins<br />

1 .<br />

<strong>Les</strong> facteurs de perturbation eux-mêmes se caractérisent par une certaine<br />

fluidité, qui empêche de les classer dans un ordre logique. <strong>Les</strong> plus<br />

menaçants pour la tranquillité sont sans doute la sorcellerie, l'homicide,<br />

les différends au sujet de biens ou de femmes, les questions de prestige et<br />

les conflits d'idéologie. Mais, dans la pratique, il n'est pas toujours possible<br />

d'isoler ces différentes causes. L'adoption ou le rejet d'une innovation culturelle<br />

peut dépendre non de principes idéologiques abstraits, mais <strong>du</strong> plus<br />

ou moins grand acharnement des partisans et des adversaires de cette innovation<br />

à affirmer leur rang social. S'il est vrai que, chez les Africains, les<br />

femmes ne sont pas considérées comme un bien meuble, il est tout aussi<br />

vrai que tout conflit à propos de femmes s'accompagne d'un conflit à propos<br />

de biens. Notre classification est donc notoirement approximative ;<br />

chaque cas doit être analysé séparément, si l'on veut en saisir la vraie<br />

nature.<br />

La sorcellerie<br />

Bien que la sorcellerie joue un rôle très important dans de nombreuses<br />

tribus primitives, il n'y a pas lieu de nous y attarder, car c'est là un domaine<br />

qui ne se prête guère à des compromis. Il convient de souligner que les<br />

aborigènes considèrent le détenteur d'un pouvoir surnaturel maléfique<br />

comme un être particulièrement néfaste, un assassin clandestin, donc un<br />

lâche, dont les actes méritent un châtiment sommaire. Signalons à ce propos<br />

que les Ifugao qui, en toute autre circonstance, ont pour principe<br />

qu' « une famille ne peut intenter une action contre un de ses membres »,<br />

n'appliquent pas ce principe dans les cas de sorcellerie. <strong>Les</strong> Indiens Pueblo<br />

(Arizona, Nouveau-Mexique), réputés pour la douceur de leurs mœurs,<br />

autorisaient le chef de guerre à obtenir par la torture les aveux d'un indivi<strong>du</strong><br />

suspect de sorcellerie en le faisant suspendre par les bras à une poutre.<br />

Étant donné qu'un sorcier provoque la maladie et la mort, détruit les<br />

récoltes, attire la sécheresse et les tremblements de terre, les dirigeants ont<br />

le <strong>droit</strong> incontesté de le mettre à mort. Chez les Timbira (nord-est <strong>du</strong><br />

Brésil), le conseil des hommes décrétait la mise à mort sommaire de tout<br />

indivi<strong>du</strong> fortement soupçonné de se livrer à la sorcellerie ; l'interdiction de<br />

ces jugements par le gouvernement brésilien a provoqué un mouvement<br />

d'indignation. « Qu'allons-nous devenir ? se plaignait un chef, les sorciers<br />

vont nous tuer jusqu'au dernier. » En Afrique, la pratique, très répan<strong>du</strong>e,<br />

i. Fortes 1945; id. 1949.<br />

194


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

de l'ordalie était généralement appliquée aussi dans les procès de sorcellerie,<br />

mais, une fois la culpabilité ainsi établie, le châtiment n'était pas<br />

moins rigoureux qu'ailleurs. <strong>Les</strong> Lango (Ouganda), par exemple, assommaient<br />

le sorcier à coups de massue et brûlaient son cadavre, les parents<br />

<strong>du</strong> coupable participant eux-mêmes à l'exécution. <strong>Les</strong> membres des tribus<br />

primitives de Californie et des vallées voisines se faisaient justice eux-mêmes<br />

sans s'embarrasser de formalités légales ; il arrivait souvent qu'un indivi<strong>du</strong><br />

suspect de sorcellerie — par exemple un guérisseur dont plusieurs patients<br />

étaient morts successivement et qui était, par conséquent, soupçonné<br />

d'avoir utilisé son pouvoir surnaturel à des fins maléfiques — fût mis à<br />

mort dans un accès de rage par les parents de sa victime présumée '.<br />

Ces superstitions prennent parfois le caractère d'une obsession qui l'emporte<br />

sur les sentiments familiaux. En Nouvelle-Zélande et aux îles Marquises,<br />

l'initiation à la magie noire comportait pour le novice l'obligation<br />

de démontrer sa compétence en faisant mourir par des moyens surnaturels<br />

un de ses plus proches parents : son père ou son grand-père, par exemple.<br />

<strong>Les</strong> Navaho (Arizona) redoutent moins que leurs voisins Hopi qu'un<br />

membre de leur famille ne devienne un sorcier, mais ils admettent parfaitement<br />

que la sorcellerie peut s'intro<strong>du</strong>ire dans le cercle familial, et quiconque<br />

ne prête pas secours à un frère dans le besoin apparaît suspect. Ce<br />

sentiment prend une forme pathologique chez les Pueblo, pourtant réputés<br />

pour leur sérénité et l'harmonie de leurs relations sociales. Un Hopi, dont<br />

l'autobiographie a été publiée il y a une douzaine d'années, affirme que la<br />

sorcellerie est responsable de la plupart des malheurs de l'humanité et<br />

qu'on ne peut avoir confiance en personne, pas même dans un « très<br />

proche parent » ou un frère rituel. En accord avec ces idées, il soupçonne<br />

sa propre mère, qu'il adorait et qui était « la personne la plus belle et la<br />

plus aimable » qu'il ait connue, d'avoir été sorcière. Dans certaines régions<br />

d'Afrique occidentale, ces sentiments sont encore plus véhéments. Un chef<br />

Ikoi (Nigeria, Cameroun) contraint à maintes reprises ses enfants et ses<br />

femmes à se soumettre à l'épreuve <strong>du</strong> poison ; une vieille femme est accusée<br />

d'avoir tué ses petits-enfants ; des membres d'une tribu s'accusent spontanément<br />

de s'être métamorphosés en serpents ou en crocodiles pour détruire<br />

leur famille 2 .<br />

<strong>Les</strong> sauvages ne sont pas tous également hantés par la crainte de la magie<br />

noire. Même en Afrique, il existe des tribus, comme les Tallensi, chez qui<br />

cette phobie prend une forme relativement anodine, <strong>du</strong> fait de la prédominance<br />

d'autres formes de mysticisme. Dans cette société, les rares cas de<br />

sorcellerie connus sont presque tous <strong>du</strong>s à des conflits entre co épouses :<br />

une mère dont l'enfant souffre d'une maladie incurable accusera une autre<br />

femme de son mari d'avoir jeté un sort au malade. Jadis l'accusée aurait été<br />

i. Barton 1919, p. 70; Parsons, p. 63-67; Nimuendaju 1941, p. 239; Driberg,<br />

p. 241 ; Kroeber 1925, p. 853.<br />

2. Buck 1936, p. 1-19; Kluckhohn et Leighton, p. 172-181, 225; Parsons, p. 63,<br />

108; Simmons, p. 257, 327; Talbot 1912, p. 13-88, 165-200, 230-241, et passim.<br />

195


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

soumise à une épreuve consistant à se frapper en public avec une flèche<br />

empoisonnée ; elle aurait même insisté pour subir cette épreuve, afin de se<br />

laver de tout soupçon et d'échapper à la honte et à l'ostracisme. Maintenant,<br />

la plaignante et l'accusée prêtent serment sur la tombe d'un ancêtre<br />

et la première des deux qui est victime de quelque malheur est considérée<br />

comme parjure. Il n'y a pas de violence physique, mais il n'y a pas non plus<br />

d'accommodement; les deux parties et leurs proches « peuvent continuer<br />

à nourrir leur ressentiment», si bien qu'il y a « discorde perpétuelle» 1 .<br />

Il arrive que l'intransigeance soit absente, même lorsque la crainte de<br />

la sorcellerie est profondément enracinée et sa pratique supposée courante.<br />

Chez les Nootka, « la sorcellerie est la principale forme de criminalité » ;<br />

une maladie inexplicable est régulièrement imputée à la malveillance<br />

d'un sorcier ou d'un ennemi personnel qui s'est acquis les services d'un<br />

sorcier. « Cependant, bien que les parents de la victime soient convaincus<br />

de l'identité <strong>du</strong> chaman ou <strong>du</strong> sorcier, ils ne font généralement rien pour<br />

marquer leur rancune. La vengeance la plus commune consiste à employer<br />

à son tour la sorcellerie contre l'ennemi. » Dans quelques rares cas, le suspect,<br />

sous le coup de la réprobation générale, s'exile volontairement dans<br />

une autre tribu, « craignant peut-être qu'on ne lui fasse <strong>du</strong> mal et probablement<br />

blessé de l'injustice des accusations portées contre lui ». L'extrême<br />

rareté des châtiments violents s'explique par l'absence d'agressivité<br />

des Nootka, qui ont un comportement naturel bien plus paisible que les<br />

Indiens Pueblo, querelleurs (en matière de coutume et de cérémonies)<br />

et constamment en proie aux sorciers 2 .<br />

La mansuétude habituelle des Nootka à l'égard des sorciers n'est évidemment<br />

pas une forme de compromis ou même de tolérance. Mais l'emploi<br />

de moyens occultes étant considéré comme légitime pour conjurer la magie<br />

noire ou triompher d'un groupe hostile, il peut arriver qu'un chef ou un<br />

groupe emploie de tels moyens dans l'intention proclamée de favoriser le<br />

bien-être de son peuple. Une coutume des Indiens Yokut (centre de la Californie<br />

méridionale) illustre bien le caractère ambivalent de la sorcellerie.<br />

Le chef ordonne à son allié, le guérisseur, de rendre malade tout homme<br />

de la tribu qui se dérobe à l'obligation morale de contribuer au financement<br />

des cérémonies traditionnelles. L'ensemble de la population approuve<br />

cette pratique car, s'il est vrai que les alliés s'enrichissent, on estime qu'ils<br />

servent les intérêts de la communauté. En outre, la crainte de la sorcellerie<br />

(de même que dans les tribus <strong>du</strong> sud-ouest des États-Unis) agit comme un<br />

contrôle social pour maintenir les gens dans le <strong>droit</strong> chemin 3 .<br />

Si, en raison de la nature des faits, il ne peut y avoir de compromis entre<br />

les victimes et ceux qui pratiquent la sorcellerie, il peut, en revanche, y<br />

avoir un compromis sur le fond de la question. Dans de nombreuses communautés<br />

en proie à la peur des sorciers, des fétiches et des charmes servent à<br />

i. Fortes 1949, p. 33, 131.<br />

2. Drucker, p. 212-215, 3>3"3I9» 453-<br />

3. Gayton.<br />

196


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

protéger le foyer ou le village contre la magie noire. Allant plus loin dans<br />

cette voie, les Nupe (Soudan) ont une association expressément destinée à<br />

lutter contre les sorciers. Périodiquement, ses membres demandent au roi<br />

d'autoriser des mesures actives contre une préten<strong>du</strong>e épidémie de sorcellerie.<br />

Lorsque la demande est accordée, certains membres de la société<br />

se déguisent en esprits et vont terroriser les femmes dans tous les villages.<br />

Une femme qui est tenue pour coupable est contrainte à gratter le sol, dans<br />

la brousse, jusqu'à ce que ses doigts saignent — ce qui constitue la preuve<br />

de sa culpabilité. <strong>Les</strong> femmes s'enfuient et se cachent, toute la vie <strong>du</strong> village<br />

est interrompue, jusqu'à ce que le chef ait recueilli une certaine somme,<br />

en échange de laquelle le roi consent à rappeler les masques. Autrefois, la<br />

somme totale ainsi extorquée à la population <strong>du</strong> royaume pouvait atteindre<br />

300 livres, dont un tiers allait au roi et le reste à la société des masques. Il est<br />

étrange de constater que les gens se plaignent aujourd'hui que l'administration<br />

coloniale ait dissous la société, les laissant sans défense contre les<br />

sorcières 1 !<br />

L'homicide<br />

Après l'assassinat par maléfices, nous étudierons l'homicide par des moyens<br />

matériels. <strong>Les</strong> attitudes des groupes primitifs à l'égard de cet acte présentent<br />

de grandes différences, mais aussi d'importantes ressemblances. En ce qui<br />

concerne la distinction entre l'homicide volontaire et l'homicide involontaire,<br />

les Dogon et les Ifugao (voir ci-dessus page 190) représentent deux<br />

attitudes opposées. La majorité des tribus sauvages établissent une distinction<br />

nette entre l'assassinat d'un membre de la tribu et celui d'un étranger,<br />

et elles reconnaissent très généralement les <strong>droit</strong>s et les devoirs des proches.<br />

Il est intéressant d'analyser plusieurs conceptions que l'on rencontre dans<br />

le monde primitif.<br />

Jadis, les Dogon bannissaient le meurtrier d'un homme de la tribu pour<br />

trois ans au moins. Le coupable n'avait plus le <strong>droit</strong> de rentrer chez lui. Un<br />

parent lui apportait un bâton et une gourde, symbolisant son existence<br />

désormais errante ; ses proches le considéraient comme mort et partageaient<br />

ses biens ; sa femme était libre de partir à la recherche d'un nouvel époux.<br />

Si le hasard mettait le meurtrier en présence d'un homme de sa famille,<br />

toute conversation était interdite aux deux hommes, qui ne pouvaient communiquer<br />

que par l'intermédiaire d'un tiers. Toutefois, la période minimum<br />

d'exil écoulée, le meurtrier était autorisé à revenir au village, tenant la<br />

queue d'un taureau con<strong>du</strong>it par un de ses parents. Le taureau était mené<br />

devant la maison <strong>du</strong> patriarche, où les anciens se réunissaient pour examiner<br />

l'affaire. L'interdiction était levée au moment où le sang de l'animal<br />

sacrifié s'écoulait ; alors « l'ordre était rétabli », si la personne tuée appartenait<br />

à la famille <strong>du</strong> meurtrier. Sinon, il était indispensable de procéder<br />

à des rites supplémentaires. <strong>Les</strong> parents <strong>du</strong> meurtrier offraient un bœuf<br />

1. Nadel.<br />

!97


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

ou une chèvre pour un sacrifice de purification et la chair de l'animal était<br />

consommée au cours d'un repas pris en commun par les deux groupes<br />

familiaux en cause. En outre, la famille <strong>du</strong> coupable offrait une grande<br />

couverture et une somme très importante en cauris à la partie adverse.<br />

Cette somme remplaçait une parente <strong>du</strong> meurtrier, qui devait, autrefois,<br />

être prise pour épouse par un proche parent de la victime. Le premier fils<br />

né de cette union recevait le nom <strong>du</strong> tué, prenait sa place dans le groupe et<br />

l'esprit <strong>du</strong> mort devenait son ancêtre protecteur. Il en allait de même quand<br />

la victime était une femme ; mais, en ce cas, ce n'était pas au mari mais à<br />

un frère ou à un proche parent de la morte qu'une femme devait être<br />

offerte 1 .<br />

Ces coutumes nous permettent de déceler l'influence de la parenté et le<br />

mélange de notions mystiques et temporelles.<br />

La coutume ifugao contraste, à certains égards, avec celle des Dogon ;<br />

mais, comme chez ces derniers, elle fait apparaître le rôle de la parenté.<br />

En ce qui concerne l'homicide, le principe (non appliqué en cas de sorcellerie)<br />

selon lequel « une famille ne peut intenter d'action contre ellemême»<br />

reste essentiel. Un cas extrême s'est présenté en décembre 1913 :<br />

un homme avait tué son père, dont la prodigalité compromettait l'existence<br />

de la famille ; les habitants <strong>du</strong> village estimèrent que cet acte ne les concernait<br />

pas et, si cela n'avait dépen<strong>du</strong> que d'eux, le parricide n'aurait pas été<br />

inquiété.<br />

Il convient de noter, cependant, que, chez les peuples qui ne sont pas<br />

divisés en clans, la parenté n'est pas toujours nettement définie. Certes,<br />

des frères et sœurs ne peuvent s'intenter de procès et des demi-frères ou des<br />

cousins ne doivent pas se trouver dans des camps adverses. Mais si un<br />

homme est grièvement blessé par un de ses cousins, il peut réclamer une<br />

indemnité, inférieure toutefois à celle qu'il serait en <strong>droit</strong> d'exiger d'un<br />

étranger. <strong>Les</strong> dommages mineurs ne doivent pas entrer en ligne de compte.<br />

<strong>Les</strong> liens résultant <strong>du</strong> mariage compliquent la situation. Si un indivi<strong>du</strong><br />

vole <strong>du</strong> riz à un homme marié appartenant à sa famille, la femme, étrangère<br />

au groupe, a <strong>droit</strong> à une indemnité équivalente à la moitié de l'indemnité<br />

habituelle. En règle tout à fait générale, l'indemnité est ré<strong>du</strong>ite ou<br />

même supprimée lorsque le coupable et la victime sont parents.<br />

Nous avons vu que les Ifugao accordent une grande importance à l'intention.<br />

Si un membre d'un groupe de chasseurs, voulant esquiver un sanglier,<br />

tue accidentellement un de ses compagnons avec sa lance — ce qui arrive<br />

parfois — il n'est pas puni si son innocence peut être établie par des témoins.<br />

Cependant, pour marquer qu'il regrette cet acte, il fournira une contribution<br />

volontaire à la cérémonie des funérailles. <strong>Les</strong> circonstances atténuantes<br />

sont accordées en cas d'homicide non prémédité, par imprudence<br />

ou par erreur — par exemple, si le meurtrier a pris un habitant de son village<br />

pour un ennemi rôdant dans l'obscurité. De même, dans les cas fréquents<br />

de querelles d'ivrognes se soldant par des blessures graves ou même<br />

1. Paulme, p. 116-122.<br />

198


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

entraînant mort d'homme, le coupable peut s'en tirer en plaidant la nonpréméditation.<br />

L'homicide volontaire exigeait, en général, la mise à mort <strong>du</strong> meurtrier<br />

ou d'un membre de sa famille, déclenchant ainsi une guerre privée, alors<br />

que l'homicide involontaire pouvait être réparé par une amende d'un<br />

montant variable selon la condition sociale de la victime : moindre pour<br />

une personne pauvre ou de condition moyenne que pour un homme riche.<br />

Il arrivait que le meurtrier s'endettât pour toute sa vie et transmît sa dette<br />

à ses enfants. Pour la vie d'un homme riche, l'amende comprenait traditionnellement<br />

dix éléments distincts : des animaux pour le repas rituel<br />

destiné à prémunir la famille de la victime contre d'autres accidents <strong>du</strong><br />

même genre, un buffle et des porcs pour le sacrifice des funérailles, des<br />

linceuls, des couvertures pour la famille en deuil, des ornements divers,<br />

enfin, les différents éléments d'un festin destiné à sceller la paix entre les<br />

deux familles...<br />

<strong>Les</strong> Ifugao, qui n'ont ni chefs ni juges, appliquent un barème d'amendes<br />

très détaillé pour différentes sortes de délits. En l'absence d'autorité légale,<br />

la procé<strong>du</strong>re de réparation demeure nécessairement une affaire privée.<br />

En ce qui concerne l'homicide, un Ifugao a l'opinion pour lui s'il tue le<br />

meurtrier d'un de ses parents ou un sorcier, ou encore un débiteur solvable<br />

qui ne s'acquitte pas de sa dette ou un homme pris en flagrant délit d'a<strong>du</strong>ltère.<br />

Cependant, certains cas prêtent à discussion. Étant donné la solidité<br />

des liens de parenté, la famille de la victime peut contester la légitimité de<br />

l'exécution en faisant valoir que les conditions implicites <strong>du</strong> <strong>droit</strong> coutumier<br />

ne se sont pas trouvées remplies : l'accusation de sorcellerie n'a pas été<br />

prouvée, l'homme a<strong>du</strong>ltère a été sé<strong>du</strong>it par l'épouse coupable, le créditeur<br />

s'est montré exagérément impatient. Ainsi les proches de l'homme exécuté<br />

peuvent rejeter le châtiment comme injuste, chercher à se venger et commencer<br />

une guerre privée. <strong>Les</strong> hostilités risquent de <strong>du</strong>rer longtemps si les<br />

adversaires appartiennent à des villages différents, mais se terminent vite,<br />

en règle générale, par une procé<strong>du</strong>re que nous allons examiner, s'ils habitent<br />

le même district. <strong>Les</strong> deux parties prennent les dieux à témoin <strong>du</strong> bienfondé<br />

de leur cause. C'est le meurtrier lui-même qui doit, de préférence,<br />

payer de sa vie, mais un de ses parents ou un habitant <strong>du</strong> même village<br />

peut lui être substitué en vertu <strong>du</strong> principe de la responsabilité collective.<br />

Si anarchique que le système ifugao paraisse à première vue, il comprend<br />

au moins un élément qui préfigure une transaction juridique. Un médiateur,<br />

étranger ou parent éloigné des adversaires, prend sur lui de rétablir<br />

la paix. Il est dépourvu de toute autorité, mais son intervention s'appuie<br />

sur le sentiment général de la solidarité territoriale, qui coexiste avec les<br />

liens familiaux, bien que parfois masqué par eux. « <strong>Les</strong> habitants d'un<br />

même village ou d'un même quartier ne veulent pas voir leur territoire<br />

déchiré par des dissensions internes et, par conséquent, affaibli dans la<br />

con<strong>du</strong>ite de la guerre contre les ennemis. » Une fois, des voisins allaient<br />

en venir aux mains, pour une question de limite entre leurs champs, lorsque<br />

des tiers se sont interposés en criant : « En voilà une manière de régler<br />

199


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

un conflit entre voisins... Rentrez chez vous, faites des enfants, mariez-les<br />

ensemble, donnez-leur les deux champs, et le tracé de la limite n'aura plus<br />

aucune importance. » Effectivement, ces sortes de conflits entre familles<br />

se règlent souvent par des mariages.<br />

C'est grâce à des sentiments de ce genre que le médiateur (monkalun)<br />

peut agir, à la fois pour son compte et pour le bien de la collectivité. Personnage<br />

énergique, il prend sur lui de jouer le rôle de monkalun et de s'interposer<br />

dans tout conflit grave. «Jusqu'à la conclusion d'un règlement<br />

pacifique, il épuise toutes les res<strong>sources</strong> de la diplomatie ifugao. Il enjôle,<br />

cajole, flatte, menace, incite, morigène, insinue... Si le coupable ou l'accusé<br />

n'est pas disposé à entendre raison et s'enfuit ou résiste, le monkalun attend<br />

qu'il rentre chez lui, le suit et, le couteau de guerre en main, s'assied en<br />

face de lui et l'oblige à écouter. » <strong>Les</strong> relations diplomatiques ayant été<br />

rompues entre les adversaires, le monkalun entend ceux-ci séparément, va<br />

de l'un à l'autre, transmettant les exigences et les concessions respectives.<br />

Un médiateur qui réussit dans ses missions se fait une réputation et reçoit<br />

des honoraires de ses clients. On fait aussi appel à lui pour interpréter les<br />

ordalies — par exemple, lorsque le défendeur doit retirer un caillou d'un<br />

récipient d'eau bouillante, pour voir si des ampoules apparaissent sur sa<br />

main et son avant-bras (ce qui serait un indice de culpabilité) 1 .<br />

Bien que très différents des Ifugao par leur organisation économique<br />

et à bien d'autres égards, les Yurok présentent avec eux un certain nombre<br />

d'analogies surprenantes sur le plan quasi juridique qui nous intéresse.<br />

Dans leur cas aussi, nous nous trouvons en présence <strong>du</strong> phénomène étrange<br />

d'une population sans chefs et sans autorités constituées, qui a mis au point<br />

un système détaillé d'amendes pour tous les délits imaginables. Ils attachent<br />

également une grande importance aux <strong>droit</strong>s des proches ; chez eux, les<br />

distinctions de classe se fondent aussi sur la richesse, et les amendes varient<br />

suivant le rang des parties. Ce rang est déterminé pour chacun par le<br />

prix pour lequel sa mère a été obtenue en mariage. Pour nous borner à<br />

la composition payée dans les cas d'homicide, un homme <strong>du</strong> commun<br />

valait dix chapelets de coquillages, plus, parfois, vingt crânes de piverts et<br />

une pirogue. Pour un bâtard, il suffisait de donner cinq ou six chapelets<br />

de coquillages, probablement plus petits, et quelques crânes de piverts.<br />

Pour le meurtre d'un personnage important, le coupable devait payer une<br />

amende de quinze chapelets et, dans certains cas, donner, en outre, une<br />

obsidienne rouge, un bandeau fait de crânes de piverts et d'autres biens,<br />

et enfin une de ses filles. Le montant de l'indemnité n'était pas fonction de<br />

l'âge ou <strong>du</strong> sexe de la victime ; le rang social déterminait seul le prix <strong>du</strong><br />

sang.<br />

L'intention était un facteur essentiel dans la détermination <strong>du</strong> montant<br />

de l'amende. Tout meurtrier, même involontaire, devait une indemnité<br />

aux parents de la victime, mais la préméditation constituait une circonstance<br />

aggravante, exigeant un paiement supplémentaire : au moins un<br />

i. Barton 1919, p. 15, 63, 65, 72-79, 92-99, 105, 120.<br />

200


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

chapelet de dentales. Pour le meurtre prémédité d'une personne riche,<br />

l'indemnité était double de la normale.<br />

Théoriquement, le prix <strong>du</strong> sang était exactement égal au prix payé pour<br />

sa fiancée par le père de la victime ; pratiquement, il était supérieur,<br />

puisque la famille <strong>du</strong> fiancé recevait des dons en échange de ce prix.<br />

Chez les Yurok, « l'acceptation de la compensation complète éteint<br />

toute action, et même le <strong>droit</strong> de nourrir un ressentiment ». Il est intéressant<br />

de noter aussi l'intervention de médiateurs, comme chez les Ifugao,<br />

bien que la procé<strong>du</strong>re diffère naturellement dans le détail. Chaque partie<br />

choisit deux à quatre avocats, qui doivent « être suffisamment impartiaux<br />

pour parvenir à un accord juste ». Pour cette raison, ils ne doivent avoir<br />

aucune parenté avec les plaideurs, et représenter « la modération, la<br />

sagesse et la connaissance <strong>du</strong> <strong>droit</strong>».<br />

<strong>Les</strong> Ifugao et les Yurok avaient donc mis au point un système relativement<br />

efficace de compromis, d'autant plus remarquable qu'il n'existait<br />

pas chez eux d'autorité constituée. Le professeur Trimborn souligne à<br />

juste titre l'importance de la composition comme moyen d'éviter la vendetta,<br />

mais il en voit l'origine au stade pastoral et agricole : à ce stade,<br />

le développement <strong>du</strong> sens <strong>commercial</strong> (kommerzielle Denkweise) con<strong>du</strong>it à<br />

exprimer toutes les valeurs en termes pécuniaires. Comme le montre<br />

l'exemple des Yurok, cette mentalité commerçante peut apparaître même<br />

dans une communauté de pêcheurs et de chasseurs pratiquant une économie<br />

de subsistance 1 .<br />

Certaines notions très courantes de <strong>droit</strong> primitif apparaissent avec une<br />

netteté exceptionnelle chez les Indiens Crow (Montana). Ces derniers se<br />

divisaient en clans matrilinéaires ; chaque clan devait punir les torts<br />

causés à ses membres et les protéger contre toute agression. Si un homme<br />

avait été tué par l'ennemi, le dommage pouvait être réparé par un meurtre<br />

compensatoire. Par exemple, un Crow organisait la grande cérémonie de<br />

la danse <strong>du</strong> soleil pour venger la mort d'un frère tué par une tribu hostile.<br />

Une femme qui avait per<strong>du</strong> son fils venait, en larmes, supplier un guerrier<br />

fameux d'organiser une expédition contre la tribu meurtrière. Si celui-ci<br />

acceptait et réussissait dans son expédition, il disait à la femme de ne<br />

plus pleurer.<br />

Le principe était apparemment le même si un homme de la tribu tuait<br />

un autre Crow, car le clan de ce dernier cherchait à venger le meurtre<br />

dans le sang. Mais, comme chez les Ifugao, des groupes neutres s'interposaient,<br />

en raison des dangers d'une division interne face aux ennemis.<br />

La tradition mentionne une guerre privée, probablement au début <strong>du</strong><br />

xix e siècle, entre le clan « Eau sifflante » et un autre clan, dit « Piegan ».<br />

<strong>Les</strong> autres clans Crow ne voyaient pas d'un bon œil ces hostilités. « C'est<br />

mal, disaient-ils, nous formons un seul peuple. » Des hommes impartiaux<br />

appelaient instamment les deux factions à se réconcilier. Mais le meurtre<br />

d'un « Piegan », au cours d'une rixe précédente, avait soulevé tant de pas-<br />

i. Kroebcr 1926, p. 28, 49; id. 1926; Trimborn.<br />

201


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

sions que le guerrier responsable <strong>du</strong>t quitter le camp principal, accompagné<br />

de trente à quarante familles. Cet événement montra les dangers de la<br />

désunion, car un fort parti de Cheyenne attaqua les dissidents et les extermina<br />

à peu près complètement.<br />

Des expériences de ce genre avaient ren<strong>du</strong> impopulaires les rixes entre<br />

membres d'une même tribu. Il y a cinquante ans encore, les indigènes se<br />

plaisaient à opposer leurs idéaux à ceux des Blancs, « qui veulent tous être<br />

boxeurs professionnels». Même un valeureux guerrier devenait un objet<br />

de risée s'il participait une fois à une rixe. A son approche, les gens s'écartaient<br />

en disant : « Gare ! il pourrait nous frapper. »<br />

La conscience <strong>du</strong> danger que les luttes entre clans représentaient pour<br />

l'ensemble de la population avait amené les Crow à élaborer une procé<strong>du</strong>re<br />

de médiation assez analogue à celle qui existait chez les Ifugao et les Yurok.<br />

Il y avait cependant une différence notable. Chez ces derniers, les médiateurs<br />

n'avaient aucune position ou autorité officielle, tandis que, chez les<br />

Crow, des personnages investis de fonctions officielles servaient de médiateurs<br />

dans certains cas d'urgence — à l'exclusion, toutefois, des affaires <strong>du</strong><br />

meurtre, ce qui ne laisse pas d'être surprenant à notre point de vue. Le<br />

chef de camp Crow et les membres <strong>du</strong> conseil nommés par lui chaque<br />

printemps, pour l'année, usaient de coercition contre ceux qui enfreignaient<br />

la discipline de la marche ou de la chasse au bison, mais le meurtre,<br />

si déplorable qu'il fût, était considéré comme un acte dommageable, non<br />

comme un crime. Par leurs fonctions, le chef et les membres de son conseil<br />

étaient des médiateurs naturels en cas de meurtre ; toutefois, leur rôle en<br />

pareil cas n'était pas de punir le meurtrier ou d'empêcher les proches de<br />

la victime de se faire justice eux-mêmes, mais de persuader les offensés de<br />

s'abstenir de toute action. En règle générale, les parents <strong>du</strong> meurtrier<br />

étaient tout disposés à offrir une forte indemnité pour éviter une vengeance<br />

et leur offre était transmise à la famille de la victime par le chef ou par<br />

d'autres autorités de la tribu. <strong>Les</strong> intéressés signifiaient leur acceptation<br />

en fumant une pipe offerte par le médiateur, qui faisait de son mieux pour<br />

intro<strong>du</strong>ire la pipe entre les lèvres des récalcitrants.<br />

Il convient de citer à ce propos un cas exceptionnel, mais instructif,<br />

d'accommodement. Pendant la célébration d'une victoire, un guerrier<br />

avait tué un jeune garçon qui s'était précipité sur son bouclier. <strong>Les</strong> parents<br />

de la victime allaient mettre à mort le meurtrier, lorsque celui-ci, pour<br />

montrer son repentir, se trancha les doigts, se taillada les jambes et se coupa<br />

les cheveux, en signe de deuil. En outre, les parents de sa femme offrirent<br />

une compensation. En fin de compte, les proches de la victime se contentèrent<br />

de tuer les chevaux <strong>du</strong> meurtrier, laissant à ce dernier la vie sauve*.<br />

Il est intéressant d'étudier les variations d'une même tradition dans une<br />

zone culturellement assez homogène. Chez les Cree de la Prairie (Saskatchewan<br />

et Alberta) les jeunes hommes qui s'étaient distingués à la guerre<br />

formaient la Société des jeunes braves. Lorsqu'une guerre privée menaçait<br />

i. Lowie 1935, p. 9-12; id. 1912, p. 228-231.<br />

202


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

d'éclater, les membres de la société apparentés aux parties adverses réunissaient<br />

leurs proches dans une tente, défaisaient l'enveloppe <strong>du</strong> calumet<br />

sacré et le présentaient à chacun des partisans de la vengeance. « En présence<br />

de cet objet sacro-saint, toutes les querelles devaient être abandonnées<br />

et résolues... La vénération qu'inspirait le calumet suffisait à calmer<br />

les plus acharnés. » En pareil cas, le prix <strong>du</strong> sang n'était pas exigé,<br />

mais un échange de dons était souvent arrangé par les médiateurs. Dans<br />

d'autres cas, les parents <strong>du</strong> coupable payaient le wehrgeld à la famille de<br />

la victime 1 . Là encore, il y avait commutation de la peine en amende,<br />

mais l'élément religieux — le caractère sacré <strong>du</strong> calumet — apparaît<br />

proéminent.<br />

Sur ce point, les idées des Cheyenne (sud-est <strong>du</strong> Montana, ouest de<br />

l'Oklahoma) sont très significatives aussi. « Ce n'était pas la coutume<br />

cheyenne d'admettre une composition pour le sang d'un parent. » Le facteur<br />

religieux est ici prépondérant. On considérait que l'homicide commis<br />

à l'intérieur de la tribu polluait les flèches sacrées, éloignait le gibier et<br />

nuisait au succès des expéditions guerrières. Il était indispensable de laver<br />

la souillure par le rituel <strong>du</strong> renouvellement des flèches, et le meurtrier<br />

était banni pour un certain nombre d'années par le Conseil tribal ou les<br />

sociétés de guerriers. Quels qu'aient été son rang antérieur et son courage<br />

pendant l'exil, le criminel perdait le <strong>droit</strong> d'assister à la cérémonie des<br />

flèches et d'obtenir des récompenses pour faits de guerre ; il lui était interdit,<br />

dans l'enceinte <strong>du</strong> camp, de fumer une pipe cheyenne ou de manger dans<br />

un récipient, de peur qu'il ne les contamine. S'il revenait repentant, après<br />

deux ans ou plus, le conseil pouvait l'autoriser à rester, sous réserve <strong>du</strong><br />

consentement des sociétés de guerriers et des parents de la victime, mais il<br />

restait frappé, en tout cas, pendant une longue période, de certaines incapacités,<br />

équivalant à la privation des <strong>droit</strong>s civiques dans notre système<br />

juridique.<br />

Certes, il arrivait que la famille de la victime voulût se faire justice<br />

elle-même, mais de telles infractions se pro<strong>du</strong>isent aussi assez souvent dans<br />

la civilisation occidentale sans que les normes juridiques admises en soient<br />

affectées. Il s'agit, dans un cas comme dans l'autre, de survivances naturelles<br />

d'un <strong>droit</strong> plus primitif.<br />

L'attitude des Cheyenne à l'égard de l'homicide se distingue de celle<br />

des autres tribus de la Prairie en ce que le meurtre, chez les premiers, n'est<br />

pas considéré essentiellement comme un affront personnel ou familial, ou<br />

un « dommage », mais comme un péché et un crime. L'offense au surnaturel<br />

entraîne de graves conséquences temporelles pour la communauté,<br />

d'où les mesures de coercition prises par les représentants de la population,<br />

alors que, chez les Crow, ces représentants sont seulement des pacificateurs<br />

et des médiateurs officiels. La distinction est évidemment capitale.<br />

Il est intéressant de noter que les Cheyenne tenaient compte de l'intention.<br />

L'homicide accidentel n'entraînait pas l'exil, mais, dans l'intérêt<br />

i. Mandelbaum 1940, p. 230.<br />

203


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

de la sécurité de la tribu, le rituel <strong>du</strong> renouvellement des flèches restait<br />

obligatoire 1 .<br />

Dans les sociétés que nous venons d'étudier, il n'y a pas de gouvernement<br />

central fort. Sauf chez les Cheyenne, chez qui la réparation <strong>du</strong> meurtre<br />

est teintée de mysticisme, l'équilibre est rétabli par le versement d'une<br />

indemnité à la famille de la victime. Lorsqu'il existe une autorité centrale<br />

forte — représentée par un monarque ou par des ministres gouvernant en<br />

son nom — comme c'est souvent le cas en Afrique, la tendance est d'interdire<br />

ou, en tout cas, d'utiliser au profit des gouvernants la pratique <strong>du</strong><br />

wehrgeld. Selon un principe très répan<strong>du</strong> en Afrique, le roi ou le chef est<br />

propriétaire de la personne de ses sujets et nul autre que lui n'a <strong>droit</strong> à<br />

une compensation en cas de dommage corporel. Un chef cafre (Afrique <strong>du</strong><br />

Sud) exigeait sept têtes de bétail pour un homme assassiné, et dix têtes<br />

pour une femme. Jusque vers 1820, le mari avait le <strong>droit</strong> de tuer l'amant<br />

de sa femme en cas de flagrant délit, mais le chef Gaika a abrogé cette<br />

loi, assimilant cet acte aux autres cas d'homicide. C'est seulement pour des<br />

raisons de cupidité que les rois shilluk (haut Nil) ont encouragé la pratique<br />

<strong>du</strong> wehrgeld : eux seuls s'appropriaient les indemnités imposées, les parents<br />

de la victime ne recevant rien. <strong>Les</strong> Bushongo (Congo ex-belge) poussaient si<br />

loin l'application de ce principe que les héritiers d'un suicidé devaient payer<br />

des dommages et intérêts au roi ; dans les cas de meurtre, ce dernier prélevait<br />

une forte amende ou livrait le criminel à la foule, qui le lynchait 2 .<br />

En règle générale, on peut dire que, dans les sociétés sauvages, l'homicide<br />

tend à provoquer, entre les groupes familiaux intéressés, des hostilités<br />

que l'on s'efforce habituellement de prévenir en faisant payer une indemnité<br />

de composition par la famille <strong>du</strong> meurtrier. <strong>Les</strong> négociations se fondent<br />

sur l'idée qu'il s'agit essentiellement d'un dommage privé, mais que les<br />

autres membres de la tribu sont aussi intéressés au règlement <strong>du</strong> conflit<br />

et peuvent intervenir, sans mandat officiel, pour ménager une réconciliation.<br />

Là où l'autorité centrale est forte, la notion de délit « contre la couronne<br />

» tant à s'imposer, transformant le préjudice en crime et mettant fin<br />

à la pratique des accommodements entre parties plus ou moins égales.<br />

L'exemple des Cheyenne montre que des conceptions mystiques peuvent<br />

être à l'origine d'attitudes et de pratiques aberrantes dans un certain type<br />

de société.<br />

<strong>Les</strong> biens<br />

<strong>Les</strong> sociétés primitives les plus simples ignorent nombre des conflits de la<br />

civilisation occidentale, soit en raison des conditions mêmes de leur existence<br />

matérielle, soit en raison de certains principes de comportement<br />

moral. Là où il n'existe pratiquement pas de différences de fortune, la tentation<br />

de voler son voisin est faible. D'un autre côté, il n'est pas <strong>du</strong> tout<br />

1. Llewellyn et Hoebel, p. 132-168; Hoebel 1954, p. 157 et suiv.<br />

2. Hofmayr, p. 27-182, 258-364; Maclean, p. 57-75; Torday et Joyce, p. 76.<br />

204


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

dans les mœurs primitives de refuser le nécessaire à un membre de la tribu<br />

qui se trouve dans le besoin ou de ne pas partager avec les autres ce qu'on<br />

possède en abondance. Lorsqu'une baleine s'échoue sur les côtes de la Terre<br />

de Feu, elle fournit bien plus de chair et de graisse que n'en pourrait<br />

consommer le minuscule groupe yahgan local ; par conséquent, les interdits<br />

habituels contre les étrangers sont levés et chacun est invité à prendre sa<br />

part <strong>du</strong> festin. Une telle attitude de générosité explique que l'indivi<strong>du</strong> qui<br />

vole sournoisement son voisin soit généralement exclu de la communauté et<br />

qu'aux cérémonies d'initiation les adolescents soient solennellement prévenus<br />

de ne jamais se laisser aller à voler quelque chose. Il est intéressant de<br />

noter que le vol est devenu beaucoup plus fréquent depuis l'intro<strong>du</strong>ction des<br />

pro<strong>du</strong>its de la civilisation 1 .<br />

De façon générale, chez les sauvages, le moyen évident de réparer une<br />

atteinte au <strong>droit</strong> de propriété consiste à restituer les objets dérobés, en y<br />

ajoutant, le plus souvent, un paiement de caractère pénal. <strong>Les</strong> anciens<br />

Kirghiz (steppes de l'Asie centrale) infligeaient à un voleur une amende égale<br />

à trois fois neuf têtes de bétail. Un Ifugao de classe supérieure devait payer<br />

cinq fois la valeur de l'objet dérobé. L'acte délictueux étant considéré<br />

comme déshonorant, les membres de la classe supérieure s'abstiennent<br />

d'ailleurs généralement de le commettre. <strong>Les</strong> Lobi distinguent nettement le<br />

vol commis au préjudice d'un parent — lequel se contentera de la restitution<br />

de l'objet ou <strong>du</strong> versement d'une somme équivalente — et le vol commis<br />

au préjudice d'un étranger, qui réclamera généralement le double de<br />

cette somme. Une indemnité égale au double de la valeur de l'objet dérobé<br />

est également de règle chez les Bushongo de l'est 2 .<br />

Là où existe un système rigoureux de castes ou un régime de caractère<br />

despotique, les pratiques sont nécessairement différentes. Ainsi, les sujets de<br />

l'Inca <strong>du</strong> Pérou qui commettaient un vol sur ses domaines étaient passibles<br />

de la peine de mort 3 . L'organisation sociale et l'idéologie d'un peuple<br />

influent l'une et l'autre sur le traitement des coupables, et l'on constate<br />

parfois des variations considérables à cet égard, même sur un territoire peu<br />

éten<strong>du</strong>. Certaines tribus <strong>du</strong> sud de la Nigeria, par exemple, considéraient le<br />

vol comme un crime à peine moins grave que la sorcellerie et le meurtre, et<br />

punissaient de mort le vol d'un seul igname ; ailleurs, le voleur, surtout<br />

récidiviste, était ven<strong>du</strong> comme esclave ; ailleurs encore, on lui infligeait seulement<br />

une forte amende 4 .<br />

L'in<strong>du</strong>lgence manifestée dans nombre de communautés primitives pour<br />

les infractions commises par des parents ne s'explique pas nécessairement<br />

par un sentiment d'affection à l'égard <strong>du</strong> coupable. Le chef d'un clan<br />

fidjien, rapporte Thompson, « savait qu'en trois jours un de ses parents<br />

avait volé dans son jardin vingt paniers de patates douces ; il ne disait rien<br />

i. Gusinde, p. 875, 882, 961 et suiv., 1016; Radin, p. 23.<br />

2. Radloff, vol. 1, p. 523; Barton 1919, p. 85f.; Labouret, p. 380; et Torday et<br />

Joyce, p. 77.<br />

3. Rowe, p. 271.<br />

4. Talbot 1926, p. 617-676.<br />

205


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

parce que, si le vol était découvert, le prestige <strong>du</strong> clan en souffrirait 1 ».<br />

L'exemple des Cheyenne nous permet encore une fois de voir les effets<br />

d'un type de culture particulier. Tolérants envers ceux qui « empruntaient»<br />

des objets à l'insu <strong>du</strong> propriétaire, ils considéraient qu'il était<br />

indigne d'un membre eminent de la tribu de se formaliser de la perte de<br />

menus objets. Mais les montures appartenaient à une catégorie différente de<br />

biens : elles devaient être dérobées au cours d'expéditions contre des tribus<br />

étrangères, et non à un autre Cheyenne. Un jeune Cheyenne qui avait volé<br />

un cheval dans la tribu fut roué de coups par la société des guerriers, agissant<br />

en tant que police ; ses armes brisées, ses vêtements déchirés, il fut<br />

abandonné sans res<strong>sources</strong> dans la Prairie. C'est là certainement un cas<br />

extrême. Mais voici un autre cas : un homme emprunte un cheval à son ami<br />

« Loup-se-couche », en l'absence <strong>du</strong> propriétaire, laissant son arc et ses<br />

flèches comme dépôt de garantie ; il part pour un autre camp et ne donne<br />

plus signe de vie ; finalement, Loup-se-couche en appelle au chef de la<br />

société de l'Élan et un messager est envoyé dans l'autre camp ; l'emprunteur<br />

revient immédiatement, reconnaît l'emprunt, explique qu'il n'a pas pu<br />

rendre le cheval en raison de diverses circonstances et offre, en plus <strong>du</strong><br />

cheval emprunté, l'un de ses deux autres bons chevaux, au choix de son ami ;<br />

Loup-se-couche, entièrement satisfait, accepte l'un des chevaux proposés<br />

mais refuse de reprendre le sien, et se déclare désormais le plus fidèle ami de<br />

l'emprunteur. Cet épisode eut pour conséquence remarquable une modification<br />

de la législation : les guerriers de la société de l'Élan décidèrent que<br />

désormais les chevaux ne pourraient être empruntés sans l'autorisation<br />

expresse <strong>du</strong> propriétaire 2 .<br />

Dans le cas que nous venons de citer, il est bien enten<strong>du</strong> qu'il ne peut<br />

s'agir d'un vol ; tout se passe entre gens « comme il faut ». La bonne foi de<br />

l'emprunteur est au-dessus de tout soupçon ; le prêteur involontaire est<br />

moins indigné que surpris et blessé par la con<strong>du</strong>ite inexplicable de son<br />

ami. Ce ressentiment naissant est aussitôt apaisé par la noblesse de l'aveu et<br />

la générosité de la compensation offerte. Le refus de reprendre le cheval<br />

emprunté montre que la perte temporaire d'un bien ne vaut pas qu'on s'en<br />

inquiète. Tout cet épisode reflète des normes de con<strong>du</strong>ite dignes d'un Indien<br />

des plaines qui se respecte. Le compromis est facilement atteint dès que le<br />

plaignant s'est convaincu de la pureté des intentions <strong>du</strong> défendeur. L'élément<br />

essentiel de la situation est le respect d'une règle morale implicite. Il<br />

est difficile d'imaginer des faits analogues chez les Indiens Pueblo.<br />

Le vol n'est d'ailleurs que l'une des nombreuses causes possibles de litige<br />

concernant le <strong>droit</strong> de propriété. Partout où les pro<strong>du</strong>its de première nécessité<br />

sont rares, il y a possibilité de conflit grave. Sur les atolls polynésiens de<br />

Tongareva (au nord des îles Cook), la noix de coco est un pro<strong>du</strong>it d'importance<br />

vitale : elle fournit non seulement l'essentiel de la nourriture végétale<br />

mais aussi, étant donné la rareté de l'eau potable, la principale boisson des<br />

1. Thompson, p. 120.<br />

2. Llewellyn et Hoebel, p. 6., i27f., 226.<br />

206


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

indigènes. Au siècle dernier, la population se groupait en petits villages, au<br />

voisinage immédiat des cocotiers. Dès que quelqu'un pénétrait sur le terrain<br />

<strong>du</strong> village, les guetteurs donnaient l'alarme aux guerriers de la communauté.<br />

En fait, « la principale cause de guerre était la noix de coco ». La<br />

guerre éclatait souvent à l'occasion <strong>du</strong> masanga (période pendant laquelle la<br />

cueillette était interdite pour permettre la reconstitution des réserves naturelles<br />

<strong>du</strong> village), les habitants organisaient alors aussitôt des expéditions<br />

contre les plantations de leurs voisins. « <strong>Les</strong> principales res<strong>sources</strong> alimentaires<br />

étant supprimées pour une longue période, le seul moyen d'éviter la<br />

famine était de razzier d'autres îles, ce qui entraînait des guerres et des<br />

pertes de vies humaines. » Étant donné les dangers de l'entreprise, « le<br />

consentement unanime <strong>du</strong> groupe territorial devait être obtenu ». En 1853,<br />

une assemblée locale est convoquée pour décider l'application <strong>du</strong> masanga ;<br />

un indigène y est opposé, craignant que, la consommation de noix de coco<br />

étant interdite, on n'en vienne au cannibalisme ; il cède finalement. Un<br />

commerçant blanc naufragé, adopté par la tribu, est autorisé à exprimer<br />

son opinion ; il finit par « transiger, acceptant le masanga mais allant vivre<br />

dans une autre île pendant l'application de cette mesure 1 ».<br />

Nous retrouverons plus loin le liberum veto, coutume caractéristique d'un<br />

grand nombre de groupes primitifs.<br />

Dans le cas que nous venons de citer, le compromis n'intervient pas entre<br />

indivi<strong>du</strong>s recherchant les mêmes biens matériels, mais entre égaux en désaccord<br />

sur les moyens de faire face à une situation dont ils sont tous victimes.<br />

En pays hopi l'insuffisance des terres à maïs a donné lieu à des conflits à<br />

l'intérieur des villages. Nous connaissons deux cas remarquables de conflit<br />

grave entre clans appartenant à une même phratrie (grand groupe exogamique)<br />

et même un cas de frères ennemis dans un conflit opposant les clans<br />

de leurs femmes. Théoriquement, le chef <strong>du</strong> village administrait toutes les<br />

terres <strong>du</strong> Pueblo et l'une de ses fonctions principales était « de prendre des<br />

décisions concernant la propriété de telle ou telle parcelle et d'accorder des<br />

dommages et intérêts en cas de destruction de la récolte par le bétail ». Mais,<br />

pratiquement, il n'avait aucun pouvoir de coercition et les réfractaires<br />

avaient toutes chances de rester impunis. On voit que l'harmonie tant vantée<br />

des relations sociales chez les Hopi n'est qu'une pieuse illusion. Voici un<br />

exemple concret. Le chef <strong>du</strong> clan Patki <strong>du</strong> village d'Oraibi prétend qu'en<br />

raison <strong>du</strong> rôle de son clan dans certaines cérémonies les membres de ce clan<br />

ont <strong>droit</strong> à une bien plus grande surface de terre cultivée que les membres <strong>du</strong><br />

clan Pikyas, descendants d'immigrants étrangers 2 . Le grand chef rejette<br />

cette prétention. Au lieu de se soumettre, les Patki s'en vont essayer de fonder<br />

un village rival. Ils échoueront d'ailleurs. <strong>Les</strong> Hopi ont donc une procé<strong>du</strong>re<br />

pour régler les conflits fonciers, mais, en l'absence de pouvoir d'exécution,<br />

l'arbitre officiel ne peut imposer sa sentence.<br />

Une forme de propriété très considérée et très répan<strong>du</strong>e chez les peuples<br />

1. Buck 1932, p. 53-60, 108, 113.<br />

2. Titiev, p. 64, 201.<br />

207


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

primitifs correspond à ce que sont, chez nous, les brevets et la propriété littéraire<br />

et artistique. Elle comporte non seulement un <strong>droit</strong> exclusif sur des<br />

objets matériels, comme les fruits de certains arbres, mais aussi des prérogatives,<br />

qui, d'un point de vue rationnel, paraissent relever de la plus haute<br />

fantaisie. C'est ainsi qu'un Nottka de rang eminent attachera une grande<br />

importance au privilège héréditaire qu'il a de sautiller et de vociférer d'une<br />

façon particulière pendant une cérémonie, de recevoir une torche pour la<br />

célébration de la puberté d'une jeune fille, de donner certains noms à ses<br />

esclaves et à ses harpons. Cette forme de propriété non matérielle confère<br />

<strong>du</strong> prestige et sera donc étudiée sous cette rubrique.<br />

Une forme très particulière de propriété non matérielle mérite cependant<br />

d'être mentionnée ici. Dans plusieurs tribus des plaines de l'Amérique <strong>du</strong><br />

Nord, la population mâle était organisée en une série de sociétés ou associations<br />

guerrières hiérarchisées, les membres <strong>du</strong> même groupe d'âge passant<br />

normalement en même temps de l'une à l'autre. Cependant, la promotion<br />

n'était pas automatique et l'accès à chaque société devait être acheté.<br />

<strong>Les</strong> nouveaux entraient dans la société <strong>du</strong> Renard, <strong>du</strong> Chien ou <strong>du</strong> Bison, en<br />

acquérant les privilèges des anciens qu'ils remplaçaient : chants, insignes et<br />

danses propres à la société. Le transfert de ces formes de propriété non<br />

matérielle se faisait, chez les Hidatsa (Dakota-Nord), au cours d'un festin<br />

propitiatoire offert aux anciens, qui recevaient aussi des paiements en<br />

nature et procédaient ensuite à l'initiation des nouveaux. Comme dans les<br />

transactions <strong>commercial</strong>es normales, il y avait un conflit d'intérêts opposant<br />

les acquéreurs aux vendeurs. Il s'y ajoutait un élément de prestige : le groupe<br />

le plus jeune, convoitant les prérogatives de ses aînés, était prêt à les payer<br />

d'un bon prix. <strong>Les</strong> anciens, conscients des avantages de leur position, feignaient<br />

la plus grande répugnance à se dessaisir de leurs privilèges et cherchaient<br />

à les vendre au plus haut prix. Après marchandage, les deux parties<br />

parvenaient cependant à un compromis mutuellement acceptable. En effet,<br />

les anciens n'étaient pas absolument maîtres de la situation. S'ils manifestaient<br />

des prétentions exorbitantes que les acquéreurs éventuels ne pouvaient<br />

satisfaire, même avec l'aide de leurs parents et amis, le groupe le plus<br />

jeune pouvait être autorisé à passer outre et à demander l'acquisition des<br />

<strong>droit</strong>s de la société de rang immédiatement supérieur 1 .<br />

Ces transactions ne troublaient pas la paix. Elles illustrent une opposition<br />

normale d'intérêts, finalement résolue par des concessions mutuelles. On<br />

notera en passant que le principe de la hiérarchie contribuait à empêcher<br />

les conflits graves qui se pro<strong>du</strong>isaient parfois dans les tribus où existaient des<br />

sociétés analogues, mais non hiérarchisées.<br />

Le prestige<br />

Perdre la face est intolérable, en raison <strong>du</strong> besoin morbide de prestige. C'est<br />

là l'origine de nombreuses situations de conflit. <strong>Les</strong> indigènes de la côte de la<br />

i. Lowie 1920a, p. 237, 324 et suiv.; id. 1928; Sapir.<br />

208


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

Colombie-Britannique organisaient des potlatch, grandes réunions où les<br />

invités recevaient des dons à l'occasion d'un événement honorifique dans la<br />

vie de l'hôte ou de sa famille. A ces réunions, la stricte observation des règles<br />

de préséance était obligatoire. « Appeler les invités autrement que dans<br />

l'ordre constitue un manquement grave à l'étiquette et, s'il y a préméditation,<br />

équivaut à une insulte. Si deux hommes prétendent au même rang, le<br />

tact veut qu'on les appelle en même temps. » <strong>Les</strong> Tsimshian tranchaient les<br />

conflits de préséance en se référant aux traditions tribales, car théoriquement<br />

le rang est héréditaire. En fait, l'étalage de la richesse était si hautement<br />

estimé qu'un noble ruiné, incapable de répondre au faste d'un rival,<br />

devait irrémédiablement céder sa place. Nous voyons que l'accent est mis<br />

non sur la possession des richesses, mais sur la prodigalité ostentatoire. Dans<br />

des cas extrêmes, les Kwakiutl (île Vancouver) détruisaient délibérément<br />

des biens précieux pour éclipser un rival 1 .<br />

Des phénomènes analogues ont été observés à Buin (Bougainville, îles<br />

Salomon), où les membres de la classe supérieure rivalisent sans cesse de<br />

prodigalité. Le père de la fiancée essaie de faire honte au père <strong>du</strong> futur mari<br />

en rendant plus de l'équivalent des dons qu'il a reçus. Pour ne pas être en<br />

reste, le père <strong>du</strong> mari renvoie une somme encore plus élevée, et ainsi de<br />

suite jusqu'à ce que l'un des rivaux ne puisse plus continuer. Selon les principes<br />

<strong>du</strong> système, la lutte se termine ainsi par la subordination de l'un des<br />

deux concurrents à l'autre 2 .<br />

Chez les Indiens des Plaines de l'Amérique <strong>du</strong> Nord, le prestige est fondé<br />

sur la bravoure, telle qu'elle est définie par la tradition culturelle. Il arrivait<br />

que, dans la mêlée, on ne sût plus très bien qui avait porté le premier coup<br />

à l'ennemi. On recourait alors à la cérémonie <strong>du</strong> serment. Le prétendant au<br />

titre de guerrier le plus brave devait prendre dans sa bouche un couteau<br />

ou une flèche, et en diriger la pointe vers le soleil (divinité suprême) en<br />

s'adressant à lui à peu près en ces termes : « Soleil, c'est moi qui ai frappé<br />

l'ennemi ; laissant tomber ton regard sur moi, tu m'as vu frapper. Que celui<br />

qui ment meure avant l'hiver. » Si deux compétiteurs accomplissaient ce<br />

rite, le peuple ne pouvait désigner immédiatement le parjure. Mais si, peu<br />

après, il arrivait malheur à l'un d'eux, l'infortuné était considéré comme parjure<br />

et son adversaire pouvait légitimement prétendre à l'honneur disputé 3 .<br />

L'atteinte au prestige peut n'être pas délibérée. Étant donné la susceptibilité<br />

pathologique des primitifs, on ne compte pas les cas où un manque<br />

supposé de respect est considéré comme un affront mortel. <strong>Les</strong> tribus<br />

cotières de la Colombie-Britannique poussaient cette susceptibilité à la limite<br />

<strong>du</strong> ridicule. Un chef tsimshian est indigné parce qu'une femme haida a jeté<br />

un flétan au visage de sa belle-fille. Cela se comprend, mais ne justifie certes<br />

pas le massacre d'Indiens haida qui suivit cette offense. Il arrive que les<br />

primitifs éprouvent une humiliation intolérable, même en l'absence de toute<br />

1. Garfield, p. 217; Codere, p. 64-80.<br />

2. Richard Thurnwald 1934a; Hilde Thurnwald, 81.<br />

3. Lowie 1935, p. 217.<br />

209


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

manifestation hostile, allant dans leur rage jusqu'à sacrifier leurs propres<br />

biens. Ainsi, un noble tsimshian s'estimait déshonoré si son enfant s'était<br />

accidentellement coupé avec une hache ou souffrait d'une maladie incurable<br />

; pour laver l'infamie, il détruisait une partie de ses biens devant<br />

témoins ou mettait à mort un esclave 1 .<br />

<strong>Les</strong> Yurok, dont le système de classes était beaucoup moins rigide que<br />

celui des Indiens de la Colombie-Britannique, étaient aussi d'une extrême<br />

susceptibilité sur les questions d'honneur. Chez eux, il était interdit de prononcer<br />

le nom d'un mort de la tribu ; si cet interdit était violé, les parents <strong>du</strong><br />

mort exigeaient immédiatement une forte indemnité. <strong>Les</strong> nageoires d'otarie,<br />

malgré leur faible intérêt alimentaire, étaient un mets très estimé et la possession<br />

d'un <strong>droit</strong> exclusif sur les nageoires de toutes les otaries capturées sur<br />

une certaine portion de la côte avait une très importante valeur de prestige.<br />

Vers i860, toute atteinte à ce <strong>droit</strong> équivalait à un affront grave. Un détenteur<br />

<strong>du</strong> monopole, outragé, s'estimant « foulé aux pieds », tue le coupable<br />

dans une embuscade ; il s'ensuit de longues et difficiles négociations avant<br />

qu'un compromis à peu près satisfaisant soit réalisé. Nos auteurs expliquent<br />

que, malgré les efforts des médiateurs, il s'en fallait de beaucoup que tous les<br />

conflits analogues pussent être résolus sans des luttes prolongées. « La procé<strong>du</strong>re<br />

de conciliation était parfaitement au point dans tous ses détails, mais,<br />

en l'absence de tout pouvoir politique pour l'appliquer, un seul indivi<strong>du</strong><br />

pouvait bouleverser les plans les plus soigneusement établis 2 . »<br />

Plusieurs exemples tirés de l'Océanie méritent une analyse plus complète.<br />

A Tikopia, île habitée par des Polynésiens mais plus proche géographiquement<br />

des îles Salomon (Mélanésie), un conflit surgit pendant le séjour<br />

<strong>du</strong> professeur Firth entre le fils aîné <strong>du</strong> chef et ses frères. Le différend tient à<br />

ce que deux solennités sont prévues alors qu'il n'y a de provisions que pour<br />

une seule. Laquelle aura la priorité ? Après une année de deuil, le frère aîné<br />

est impatient de se libérer des interdits et de rendre ses devoirs à la mémoire<br />

de son fils en organisant la cérémonie funèbre ; ses frères sont d'avis de célébrer<br />

d'abord un festival de danse. Habitant plus près de leur père, on les<br />

soupçonne de l'influencer. Troublé par un rêve au cours <strong>du</strong>quel le jeune<br />

défunt lui est apparu, le frère aîné va trouver son père, prend les réponses<br />

laconiques de ce dernier pour un refus de célébrer d'abord les funérailles,<br />

s'en va précipitamment, vexant profondément le chef, et menace de se suicider.<br />

Il a doublement tort puisque, selon la morale de Tikopia, l'offensé est<br />

doublement sacré en tant que père et en tant que chef. Des tiers s'interposent<br />

pour apaiser les susceptibilités froissées de part et d'autre, calmant le<br />

chef, témoignant leur sympathie au fils, le suppliant de ne pas les laisser<br />

sans protection et de présenter des excuses pour son impolitesse. Finalement<br />

persuadé, celui-ci fait amende honorable et son père, non seulement lui<br />

pardonne, mais rend une décision en sa faveur 3 .<br />

1. Boas 1916, p. 388-392, 537, 542.<br />

2. Kroeber 1925, p. 28, 48; Spott et Kroeber, p. 182-199.<br />

3. Firth, p. 65-72.<br />

210


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

Comme le fait observer le professeur Firth, cet épisode montre que le<br />

comportement n'est pas automatiquement déterminé par le système de<br />

relations sociales existant. L'homme étant ce qu'il est, les liens de parenté,<br />

si forts qu'ils soient, peuvent être brisés ; il arrive que le frère s'oppose au<br />

frère et le fils au père. Mais l'intérêt commun inspire des mesures qui, <strong>du</strong><br />

moins lorsque les conditions sont favorables, peuvent empêcher le conflit<br />

d'avoir des effets catastrophiques pour l'ensemble <strong>du</strong> groupe.<br />

La population de Buin, dont nous avons déjà parlé, possédait un guérisseur<br />

remarquable, <strong>du</strong> nom de Lokobau. Ce dernier étant absent pour la<br />

journée, son neveu offre un festin aux habitants <strong>du</strong> village, sans réserver à<br />

son oncle la part qui lui revenait de <strong>droit</strong>. Très irrité, Lokobau menace de<br />

ne plus jamais participer à un festin, refuse d'adresser la parole à son neveu,<br />

se tient à l'écart de tous les habitants <strong>du</strong> village. Toute la population s'émeut<br />

de l'attitude <strong>du</strong> puissant guérisseur. Après quinze jours de palabres, son<br />

beau-frère, chef d'un district voisin, a l'idée de tuer un porc gras et d'inviter<br />

Lokobau avec tous les autres hommes <strong>du</strong> village à un banquet, auquel tous<br />

les invités apportent leur contribution. Lokobau, entièrement apaisé, va<br />

jusqu'à offrir lui-même un porc gras pour les réjouissances générales.<br />

L'auteur qui rapporte ce fait, M m e Thurnwald, écrit à ce sujet : « Rien<br />

n'est ressenti plus profondément qu'une atteinte au prestige ; plus la position<br />

d'un homme est forte et assurée, plus les autres doivent se garder de la<br />

compromettre 1 . »<br />

L'archipel des Samoa nous offre de remarquables exemples de conflits <strong>du</strong>s<br />

à la vanité blessée. <strong>Les</strong> chefs locaux, à la différence de leurs homologues<br />

hawaiiens, n'ont jamais été des despotes, le pouvoir suprême appartenant à<br />

un conseil d'hommes mûrs. Cependant, un Samoan de rang équivalant à<br />

celui d'un chef hawaiien est extrêmement fier de ses prérogatives. L'un des<br />

signes extérieurs de sa dignité est la possession d'une grande et belle maison,<br />

destinée à loger ses invités, qui ne peut être construite que par une corporation<br />

de charpentiers qualifiés. Le chef samoan n'a pas la possibilité de<br />

commander les services de ces spécialistes, et doit négocier avec eux. Or,<br />

ils ont un sens aigu de leur importance et, au moindre affront, font une<br />

grève <strong>du</strong> plus pur style syndical. Comme, dans ce cas, les charpentiers des<br />

autres villages se solidarisent avec les grévistes, le chef ne peut qu'accepter<br />

les conditions de la corporation s'il ne veut pas perdre son prestige en renonçant<br />

à son projet de construction.<br />

En 1927, Peter Buck a été témoin d'un incident caractéristique. Au cours<br />

d'un festin en leur honneur, les charpentiers prennent soudain ombrage<br />

d'une insulte terrible : un cuisinier négligent leur a présenté une volaille<br />

sans en avoir enlevé le jabot. Deux heures d'éloquence passionnée sont<br />

nécessaires pour apaiser les outragés. Le porte-parole <strong>du</strong> chef leur donne<br />

l'assurance que tous les habitants <strong>du</strong> village reconnaissent le rang héréditaire<br />

élevé de leur corporation. « Il les supplie d'oublier l'incident, de ne pas<br />

interrompre la construction de la maison, de conserver leur sérénité d'es-<br />

1. H. Thurnwald, p. 68.<br />

211


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

prit. » Un ancien de la corporation souligne, à l'intention de M . Buck,<br />

« qu'autrefois les charpentiers se seraient immédiatement embarqués sur<br />

leurs pirogues et seraient rentrés chez eux ». En fait, tout s'arrange. « Ayant<br />

eu l'assurance qu'il s'agissait d'un simple accident, déclare le porte-parole<br />

de la corporation, les charpentiers sont disposés à l'oublier généreusement.<br />

Ils sont les descendants de dieux, les compagnons de rois... Pareil incident<br />

ne doit pas se repro<strong>du</strong>ire, sinon ils ne se montreront pas aussi in<strong>du</strong>lgents.<br />

L'avocat <strong>du</strong> village redouble de protestations. » Une natte de choix est<br />

alors éten<strong>du</strong>e devant la corporation, représentant « l'amende que le<br />

village s'inflige à lui-même et une compensation pour le tort causé.<br />

Après cette amende honorable publique, l'honneur des charpentiers est<br />

sauf» 1 .<br />

Étant donné l'importance accordée aux questions de protocole, et en<br />

l'absence de pouvoir coercitif, il faut constamment recourir à des compromis<br />

pour éviter une brusque rupture des relations.<br />

Relations domestiques<br />

Dans ce domaine, les perturbations sont <strong>du</strong>es à des causes multiples :<br />

conflits conjugaux, dans lesquels les parents des deux conjoints sont souvent<br />

impliqués, conflits au sujet des arrangements économiques relatifs au<br />

mariage, dissensions entre épouses en cas de polygynie, etc. <strong>Les</strong> diverses<br />

conceptions concernant la condition de la femme et les aspects religieux <strong>du</strong><br />

mariage (en fait, toutes sortes de considérations idéologiques) influent sur<br />

les situations qui relèvent de la vie sexuelle. II nous suffira ici d'en mentionner<br />

quelques exemples typiques.<br />

Dans certaines régions <strong>du</strong> Soudan, les femmes jouissent d'une grande<br />

liberté. Chez les Lobi, l'a<strong>du</strong>ltère est interdit aux deux conjoints car, selon<br />

la croyance indigène, il pourrait causer la mort de l'un de leurs enfants.<br />

Mais l'interdiction n'entre en vigueur qu'après la naissance d'un enfant.<br />

Auparavant, les deux conjoints sont libres d'entretenir des relations extraconjugales;<br />

la femme a même un amant en titre, généralement dans un<br />

autre village, mais elle doit rompre avec lui dès qu'elle est enceinte. Le<br />

divorce peut intervenir si l'épouse est stérile, si elle néglige ses devoirs<br />

domestiques, si elle s'attire des reproches inconsidérés de la part de son mari<br />

(inconsidérés, parce qu'elle peut le quitter définitivement au cas où sa susceptibilité<br />

est blessée). Le chef de la famille <strong>du</strong> mari, prié d'intervenir,<br />

essaiera de calmer la colère de l'épouse. « Si la femme, son amour-propre<br />

ainsi satisfait, accepte, tout rentre dans l'ordre ; si elle refuse, aucune<br />

contrainte ne peut être exercée sur elle et le mari devra chercher une<br />

autre épouse. » Même si une femme quitte son mari par pur caprice, elle<br />

ne se met pas dans son tort. Certes, elle a généralement des raisons précises<br />

pour agir ainsi : son mari est pauvre, sa belle-mère acariâtre, ou elle a<br />

per<strong>du</strong> successivement plusieurs enfants en bas âge et rejette sur son mari<br />

i. Buck 1930, p. 94.<br />

212


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

la responsabilité de ces décès 1 . Dans de nombreuses sociétés, semblable<br />

liberté serait tout à fait impossible, étant donné les idées en vigueur en ce<br />

qui concerne la condition de la femme.<br />

Chez les Tallensi, la compétition matrimoniale est « la source la plus<br />

abondante de conflits ». Autrefois, ces conflits risquaient fort de se terminer<br />

dans le sang. Aujourd'hui encore, plus de 90 % des affaires jugées par les<br />

tribunaux indigènes sont <strong>du</strong>es à des rivalités entre hommes à propos de<br />

femmes ou de leur progéniture. Le mariage est légalement contracté<br />

lorsque le futur a promis de payer quatre vaches ou leur équivalent pour<br />

prix de sa fiancée. Si le mari se révèle incapable d'honorer l'accord, le<br />

plus proche parent de la femme peut la reprendre; pareille mésaventure<br />

est arrivée cinq fois à un mari indigent. Cependant, la femme n'est pas<br />

considérée comme un bien meuble, et il faut qu'un homme soit poussé à<br />

bout ou tienne particulièrement à insulter son épouse pour lui dire qu'il l'a<br />

achetée. La condition de la femme est bien supérieure à ce que laisse<br />

supposer la théorie selon laquelle elle est considérée comme un « bien<br />

meuble ». Lorsqu'un mari bat sa femme, les voisins s'empressent généralement<br />

d'intervenir. <strong>Les</strong> femmes sont une valeur rare — ce qui suffit généralement<br />

à les mettre à l'abri des mauvais traitements — et il est exceptionnel<br />

qu'un homme veuille se débarrasser de son épouse. Cependant,<br />

l'a<strong>du</strong>ltère de la femme est considéré comme un péché et un sacrilège pouvant<br />

entraîner un désastre pour toute la famille, car il constitue une offense<br />

aux ancêtres <strong>du</strong> mari. En conséquence, l'a<strong>du</strong>ltère exige une expiation rituelle<br />

: la femme doit confesser sa faute devant la châsse qui symbolise les<br />

ancêtres de son mari. De même, l'a<strong>du</strong>ltère <strong>du</strong> mari est considéré comme une<br />

faute et le coupable doit offrir une réparation rituelle, son père étant chargé<br />

de fournir les animaux à sacrifier 2 .<br />

Dans les ménages polygynes, il peut toujours surgir des conflits entre les<br />

femmes — par exemple, si l'une d'elles en soupçonne une autre d'avoir jeté<br />

un sort à son enfant (voir ci-dessus, p. 195). Il est intéressant de noter<br />

que, dans de nombreuses tribus, on considère que l'existence d'un lien de<br />

parenté entre les différentes épouses contribue à l'harmonie <strong>du</strong> foyer. Cependant,<br />

à la différence de nombreux groupes améridiens, les Tallensi n'approuvent<br />

pas qu'un homme se marie avec deux sœurs ou demi-sœurs —<br />

sans toutefois interdire cette pratique 3 .<br />

Contrairement aux Lobi, qui, pour des raisons religieuses, interdisent<br />

l'a<strong>du</strong>ltère aux deux sexes, les Yako (sud-est de la Nigeria) appliquent un<br />

double principe, fondé sur la prédominance masculine. L'homme n'est<br />

tenu à une expiation solennelle que s'il a eu des rapports avec l'épouse d'un<br />

membre de son clan, et il perd alors le <strong>droit</strong> d'exercer certaines fonctions<br />

rituelles. La pratique de l'achat de la femme par le mari est caractéristique<br />

des sociétés africaines et influe sur la conception <strong>du</strong> divorce. Un retard<br />

1. Paulme, p. 393-419.<br />

2. Fortes 1949, p. 17, 85, 9a, 101, 104, 117, 124, 126, 212.<br />

3. Idem, p. 126-134.<br />

213


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

injustifié dans le paiement <strong>du</strong> prix convenu autorise l'oncle maternel de la<br />

femme à la reprendre, même si elle a déjà eu des enfants. Réciproquement,<br />

le mari peut réclamer une indemnité monétaire à l'amant de sa femme<br />

et, en cas de divorce, il peut exiger de la famille maternelle de sa femme<br />

le remboursement de la somme qu'il a payée lors <strong>du</strong> mariage. Ces situations<br />

donnent lieu à d'interminables récriminations et contestations, jusqu'à ce<br />

que les difficultés soient résolues par le chef consulté ou par le tribunal<br />

indigène 1 .<br />

Contrairement aux Tallensi, les Crow (Montana) considèrent l'a<strong>du</strong>ltère<br />

comme une affaire purement personnelle et font une nette distinction à cet<br />

égard entre les deux sexes. Chez la femme, la chasteté est hautement estimée<br />

et un certain nombre de fonctions rituelles honorifiques sont réservées<br />

aux matrones irréprochables. L'homme, au contraire, se doit plutôt d'être<br />

un bon vivant, et une parfaite pureté de mœurs passe pour une preuve<br />

d'extravagance ou de lâcheté. <strong>Les</strong> femmes elles-mêmes, bien que quelque<br />

peu portées à la jalousie, sont parfois fières des conquêtes de leur mari.<br />

Autrefois, un guerrier exceptionnellement valeureux bénéficiait de prérogatives<br />

incontestées en matière sexuelle.<br />

Cette discrimination affectait nécessairement les relations conjugales,<br />

mais pas autant qu'on pourrait le supposer. Certes, là aussi, la fiancée était<br />

« achetée », c'est-à-dire que le prétendant offrait des chevaux à sa famille,<br />

mais pas plus qu'au Soudan elle n'était considérée comme un bien meuble.<br />

En tout cas, une femme vertueuse et travailleuse n'avait guère à craindre<br />

d'être répudiée et pouvait exercer une influence considérable sur son<br />

mari. II est caractéristique que seule une jeune fille chaste avait des<br />

chances d'être achetée, et jamais une fille connue pour ses aventures<br />

galantes.<br />

Le comportement de l'homme trompé ou abandonné par son épouse était<br />

très variable. Certains renvoyaient la coupable, refusant d'avoir désormais<br />

quoi que ce soit à faire avec elle. D'autres cherchaient à se venger d'elle,<br />

mais la coutume pied-noir d'inciser le nez de la femme a<strong>du</strong>ltère était formellement<br />

réprouvée. Comme nous l'avons vu, la faute était souvent tolérée,<br />

si l'amant s'était héroïquement con<strong>du</strong>it à la guerre. Mais, parfois, un mari<br />

se vengeait en tuant les chevaux et en pillant et détruisant la tente de l'amant,<br />

faisant main basse sur tout ce dont il avait envie. Cette compensation rétablissait<br />

l'équilibre social.<br />

Toutefois, un homme digne de ce nom devait être au-dessus de la jalousie<br />

et feindre de tout ignorer, montrant ainsi « un cœur fier ». Cette attitude<br />

s'imposait surtout chez les Crow pendant la brève période <strong>du</strong> printemps où<br />

chaque membre d'une société guerrière pouvait enlever la femme d'un<br />

membre de la société rivale, à condition qu'elle ait déjà été sa maîtresse.<br />

En pareil cas, le mari qui se respectait devait non seulement ne pas s'opposer<br />

à l'enlèvement, mais, quels que fussent ses sentiments personnels, inviter sa<br />

femme à partir. La séparation était définitive et un homme qui reprenait<br />

i. Forde, p. 60 et suiv., 71 et suiv., 102.<br />

214


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

une femme ainsi enlevée perdait tout prestige, devenant à tout jamais la<br />

risée de la communauté 1 .<br />

<strong>Les</strong> faits relatifs à l'Australie qui sont exposés ci-après pourraient aussi<br />

bien trouver place sous les rubriques de l'homicide ou <strong>du</strong> prestige. Nous les<br />

considérerons ici parce qu'il s'agit de conflits résultant le plus souvent de<br />

rivalités au sujet de femmes.<br />

On sait que la pratique des mariages préférentiels est commune dans<br />

toute l'Australie. Un jeune homme doit épouser une jeune fille ayant avec<br />

lui un lien de parenté déterminé (dans de nombreuses tribus, c'est la fille<br />

d'un oncle maternel ou, à défaut, une parente plus éloignée d'un degré, la<br />

fille d'un cousin de la mère, par exemple). Cette règle entraîne certaines<br />

obligations pour la famille de la jeune fille. C'est ainsi que, chez les Murngin,<br />

si l'épouse quittait le foyer, son père essayait d'abord de la faire revenir;<br />

s'il n'y réussissait pas, il devait obligatoirement fournir au mari une autre<br />

femme — autant que possible de la catégorie prescrite ; il devait aussi offrir<br />

des cadeaux destinés à indemniser l'époux abandonné.<br />

Dans cette tribu, l'a<strong>du</strong>ltère, réel ou supposé, provoque des violences<br />

réciproques, qui peuvent avoir des conséquences graves. Le mari, armé de<br />

lances et accompagné de parents, se rend dans le camp <strong>du</strong> coupable présumé<br />

et l'invective avec véhémence. <strong>Les</strong> deux adversaires, secondés par leurs<br />

parents et amis respectifs, donnent libre cours à leur colère, mais sont généralement<br />

retenus par les témoins, et par les femmes elles-mêmes, lorsque la<br />

querelle risque de dégénérer en rixe. L'échange de menaces terribles et de<br />

gestes grossièrement obscènes joue un rôle cathartique, et prévient les violences<br />

physiques.<br />

Le compromis devient plus difficile lorsque la rivalité au sujet de femmes<br />

(ou, plus rarement, pour d'autres causes) a abouti à un meurtre. Dans ce cas,<br />

les clans intéressés se livrent une guerre privée jusqu'à conclusion officielle<br />

d'une paix (makarata), à l'initiative de la partie offensée. Cette solennité<br />

comprend, en principe, un simulacre de <strong>du</strong>el au cours <strong>du</strong>quel les combattants<br />

se jettent des lances, mais sont empêchés par leurs amis de chercher à<br />

se tuer. En même temps, les offensés usent de leur privilège de vitupérer<br />

leurs adversaires, qui doivent supporter les injures en silence. <strong>Les</strong> anciens<br />

exhortent les deux camps à éviter toute violence. Le moment crucial est<br />

atteint lorsqu'un membre de la famille <strong>du</strong> mort pointe sa lance contre les<br />

jambes des meurtriers. S'il répand le sang, la querelle est définitivement<br />

terminée; s'il ne fait qu'égratigner la peau sans chercher à infliger une vraie<br />

blessure, cela signifie qu'il nourrit encore un ressentiment et se vengera à la<br />

première occasion.<br />

Au cours d'une grande fête, à laquelle participent différents clans, un<br />

bouffon s'efforce de divertir le public et d'empêcher les guerres privées<br />

d'interrompre les activités rituelles 2 .<br />

Le rôle cathartique de l'injure réciproque se retrouve chez les Esquimaux.<br />

i. Lowie 1935, p. 47.61.<br />

2. Warner, p. 7, 155, 167, 174, 321.<br />

215


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

<strong>Les</strong> adversaires se livrent à une « joute oratoire », chacun se moquant de<br />

l'autre en présence d'un public de connaisseurs. Ils expriment ainsi une<br />

rancune latente, née d'une rivalité au sujet d'une femme ou <strong>du</strong>e à d'autres<br />

causes. Deux points méritent particulièrement de retenir l'attention. En<br />

premier lieu, au moins chez les Esquimaux Iglulik, l'objet <strong>du</strong> spectacle —<br />

car c'en est un — est de réconcilier les adversaires. <strong>Les</strong> sarcasmes qu'ils se<br />

décochent doivent avoir une note humoristique « car l'injure pure et simple<br />

est stérile », et « des rivaux virils doivent, après avoir donné libre cours à<br />

leurs sentiments, et qu'ils aient per<strong>du</strong> ou gagné, considérer leur querelle<br />

comme vidée, redevenir de bons amis et célébrer leur réconciliation par un<br />

échange de cadeaux précieux ».<br />

En second lieu, cette coutume illustre l'indifférence générale des primitifs<br />

à l'égard de la justice abstraite. La foule applaudit le plus spirituel des<br />

deux adversaires et le proclame vainqueur, sans se soucier <strong>du</strong> fond de<br />

l'affaire 1 .<br />

Conflits idéologiques<br />

Il est certain que des conceptions implicites de la dignité humaine et de la<br />

condition de la femme sont à la base des différends relatifs aux questions<br />

de prestige et aux arrangements matrimoniaux. Mais les conflits résultant<br />

directement d'une opposition de principes abstraits sont, comme on peut s'y<br />

attendre, plus rares dans les sociétés primitives que dans les sociétés civilisées.<br />

Une telle opposition fait manifestement défaut dans nombre de situations<br />

où on l'aurait trouvée chez des peuples plus évolués. Comme le<br />

souligne avec force le professeur Gluckman, les nombreuses révoltes des<br />

Bantous de l'Afrique <strong>du</strong> Sud-Est n'ont jamais eu pour but le renversement<br />

<strong>du</strong> régime monarchique, mais seulement le remplacement d'un souverain<br />

par un autre, exactement aussi despotique que son prédécesseur. « Ceux qui<br />

s'attaquent au pouvoir établi cherchent seulement à s'emparer de ce pouvoir<br />

pour eux-mêmes 2 . »<br />

Dans les groupes polynésiens dirigés par des chefs puissants qui passaient<br />

pour descendre des dieux, de nombreux changements de souverain se sont<br />

pro<strong>du</strong>its sans que le principe même de l'autorité <strong>du</strong> chef fût jamais mis en<br />

question. Selon les traditions des Mangarevains (îles Gambier, à i 450 kilomètres<br />

à l'est de Tahiti), le peuple ne s'était jamais révolté jusqu'au jour où<br />

un roi s'aliéna ses sujets par des exactions intolérables. Alors, « un intrigant<br />

d'origine plébéienne» s'assura suffisamment de partisans pour détrôner le<br />

souverain légitime, qui périt en essayant de fuir par mer. Loin d'instituer<br />

un régime démocratique, l'usurpateur exerça le pouvoir de façon aussi<br />

tyrannique que son prédécesseur, jusqu'à la restauration de la dynastie<br />

évincée, qui entraîna sa propre mort 3 .<br />

1. Rasmussen, p. 231; Hoebel 194.1.<br />

2. Gluckman, p. 20 et suiv.<br />

3. Laval, p. 138 et suiv.<br />

216


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

L'histoire, fréquemment citée, de la monarchie des îles Tonga est un<br />

autre cas qui mérite de retenir l'attention. L'évolution politique avait<br />

amené, vers 1800, l'instauration d'un régime analogue à la dyarchie japonaise<br />

<strong>du</strong> mikado et <strong>du</strong> shogoun. Selon Gifford, le pouvoir spirituel et le<br />

pouvoir temporel étaient réunis jusqu'au xv e siècle entre les mains <strong>du</strong> Tui<br />

Tonga; puis l'autorité temporelle passa aux mains <strong>du</strong> Tui Haa Takalaua<br />

et, pour finir, à celles <strong>du</strong> Tui Kanokupolu. Il n'en résulta aucune perte de<br />

prestige pour le Tui Tonga, qui conserva le premier rang et continua à être<br />

entouré d'égards en tant que chef suprême, supérieur au détenteur <strong>du</strong> pouvoir<br />

exécutif. Pour sa part, ce dernier, qui faisait lui-même partie de la<br />

haute aristocratie, commandait l'armée et apparaissait aux yeux des étrangers<br />

comme le véritable roi. Ainsi, le principe monarchique n'était en<br />

aucune façon abandonné 1 .<br />

Si nous passons de l'idéologie politique à l'idéologie religieuse, nous<br />

constatons une semblable indifférence là où, par analogie avec notre propre<br />

passé, nous nous attendrions à un conflit brutal. En règle générale, il faut<br />

distinguer nettement dans ce domaine les déviations en matière de cérémonial<br />

et les déviations doctrinales. Tout changement, même insignifiant,<br />

des rites traditionnels doit normalement être sanctionné par une révélation<br />

surnaturelle qui l'autorise expressément. Peu importe, par contre, que tel<br />

ou tel indivi<strong>du</strong> croie ou non à la cosmogonie enseignée par les sages de sa<br />

tribu.<br />

En fait, là où le rôle de la révélation (rêve ou vision) est capital, on<br />

admet comme allant de soi des divergences en matière d'idéologie et de<br />

pratique. Il existait, chez les Indiens Omaha (Nebraska), des sociétés<br />

d'hommes qui étaient en communication surnaturelle avec les esprits<br />

« bison », « cheval » et « loup », respectivement. Il y avait même entre<br />

ces sociétés une certaine hiérarchie : les danseurs « loups » pouvaient danser<br />

« uniquement avec les danseurs « bisons » et avec le consentement<br />

de ces derniers ». Toutefois, les « bisons » n'auraient jamais songé à exiger<br />

que les « loups » renoncent à leur esprit tutélaire et à leurs insignes pour<br />

pratiquer le culte des « bisons ». <strong>Les</strong> Orokaiva (secteur septentrional <strong>du</strong><br />

Papua) présentent un cas assez analogue : ils croient fermement aux instructions<br />

données en rêve par les esprits. L'indigène « croit non seulement<br />

à ses propres rêves, mais aussi à ceux des autres » ; en d'autres termes, il<br />

considère que les rêves légitiment les convictions de chacun et les rites qu'il<br />

pratique. Chaque Orokaiva apprend les rites essentiels <strong>du</strong> culte Taro, mais<br />

il les enrichit d'éléments nouveaux qui lui sont révélés par l'esprit de son<br />

père — par exemple, il placera une pierre sur une plate-forme au prochain<br />

plantage. Ces innovations peuvent être à l'origine de la formation d'une<br />

nouvelle secte. Sur le plan doctrinal aussi, des changements assez profonds<br />

se pro<strong>du</strong>isent parfois. C'est ainsi que le culte originel de l'esprit Taro s'est<br />

transformé en culte des esprits des ancêtres. Mais l'idée qu'une certaine<br />

secte détienne exclusivement les clés <strong>du</strong> salut ou de la prospérité terrestre<br />

1. Gifford, p. 48 et suiv., 98.<br />

217


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

n'apparaît nulle part. Autrement dit, il existe, malgré toutes les variations,<br />

« une entente ou une fraternité générale » et « il n'y a pas de conflits ou<br />

de rivalités graves entre les sectes <strong>du</strong> culte Taro en tant que telles » l .<br />

Ces exemples, empruntés à l'Amérique <strong>du</strong> Nord et à la Nouvelle-Guinée,<br />

sont tout à fait caractéristiques de la mentalité primitive. On ne peut pas<br />

dire que la tendance au prosélytisme soit totalement absente dans les cas<br />

considérés. Mais elle n'est pas teintée d'impérialisme. Certes, un conflit<br />

entre puissances surnaturelles peut se pro<strong>du</strong>ire, quand des ennemis mortels<br />

font appel à leurs esprits familiers respectifs, comme dans le cas des Indiens<br />

des Plaines. Mais cette épreuve de force entre les esprits tutélaires n'a rien<br />

de commun avec un effort personnel de l'indivi<strong>du</strong> pour convertir l'adversaire<br />

au culte de son propre esprit tutélaire.<br />

Souvent, la structure même de la société s'oppose à un schisme en matière<br />

religieuse. Dans les sociétés stratifiées, le système des classes fait obstacle<br />

à la propagation des idées religieuses, dans la mesure où elles sont considérées<br />

comme l'apanage spirituel de l'aristocratie. C'est ainsi que les « collèges<br />

sacrés » des Maoris interdisaient aux gens <strong>du</strong> commun l'accès aux<br />

connaissances ésotériques concernant les dieux, la généalogie des chefs et<br />

la magie 2 . L'esprit de prosélytisme universel est non moins étranger aux<br />

sociétés démocratiques, qui tiennent les femmes à l'écart des rites sacrés, et<br />

aux tribus où il existe des sociétés secrètes qui ne divulguent qu'à leurs initiés<br />

les mythes et les rites sacrés.<br />

Dans des cas tels que ceux qui viennent d'être mentionnés, il est inconcevable<br />

qu'un conflit au sujet de systèmes de valeurs puisse compromettre la<br />

solidarité <strong>du</strong> groupe. Cependant, il arrive inévitablement que les membres<br />

d'une tribu s'opposent de façon plus ou moins marquée, à propos d'un<br />

changement qui leur paraît capital. Certes, l'apparition de factions hostiles<br />

est hors de question lorsqu'un despote absolu impose ses décisions ;<br />

mais, dans d'autres circonstances, le changement suscite, au moins en puissance,<br />

un désaccord qui risque à tout moment de s'exacerber au point de<br />

pro<strong>du</strong>ire une rupture. Tout dépend de la situation, <strong>du</strong> milieu culturel et de<br />

la personnalité des intéressés.<br />

Prenons, comme premier exemple, une déviation qui ne comportait pas<br />

de rupture brutale avec la tradition et qui a suscité, tout au plus, des<br />

commentaires défavorables. La multiplication des confréries au sein de<br />

l'ordre rituel <strong>du</strong> Tabac, chez les Indiens Crow, rappelle, à certains égards,<br />

le développement des sectes chez les Orokaiva. Chacune de ces subdivisions<br />

de l'organisation mère avait pour origine une vision autorisant certaines<br />

modifications dans les chants, les vêtements et les actes rituels. Depuis que<br />

les Crow vivaient dans une réserve, chaque communauté locale cultivait la<br />

plante sacrée et accomplissait les rites indépendamment des autres communautés,<br />

mais partout une femme portant l'emblème sacré — traditionnelle-<br />

i. Dorsey, p. 347 et suiv.; Wissler 1912, p. 81 et suiv.; Williams 1928, p. 35.,<br />

66 et suiv., 96.<br />

2. Tregear, p. 225, 374-382, 498 et suiv.<br />

218


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

ment, une peau de loutre — con<strong>du</strong>isait la procession vers le jardin <strong>du</strong> Tabac,<br />

à la tête de sa confrérie, suivie des autres confréries.<br />

En 1895 environ, un nommé Medicine Crow, guerrier fameux et champion<br />

des coutumes anciennes, substitue une grue à la peau de loutre traditionnelle,<br />

dans le district de Lodge Grass. Ce fait peut nous sembler insignifiant,<br />

mais, pour les autochtones, toute modification apportée aux rites<br />

est importante; Medicine Crow justifie cette innovation, conformément<br />

à l'idéologie des Indiens des Plaines, en déclarant qu'elle lui a été commandée<br />

dans une vision par l'esprit Grue, esprit tutélaire de son père 1 .<br />

Ce qui nous intéresse, c'est l'accueil fait à cette innovation par les compagnons<br />

de Medicine Crow. De toute façon, elle est limitée à Lodge Grass,<br />

et rien n'indique qu'on ait jamais songé à l'imposer ailleurs. A Lodge Grass<br />

même, il n'y a pas de véritable opposition. Tout au plus certains font-ils<br />

des commentaires défavorables : « La loutre est le fétiche traditionnel, donc<br />

celui qui doit être porté en procession ; la grue ne se justifie que par la<br />

révélation faite à Medicine Crow. » Mais tous les rites sacrés ont précisément<br />

pour origine des communications de cette nature. <strong>Les</strong> opposants ne<br />

font donc qu'exprimer leur préférence pour une coutume ancienne. La<br />

grande majorité des Indiens de Lodge Grass estiment manifestement que<br />

la vision de Medicine Crow suffit à valider l'innovation. Deux points<br />

méritent d'être soulignés à cet égard. En premier lieu, la raison invoquée<br />

par Medicine Crow était parfaitement conforme à l'idéologie des Crow :<br />

c'est précisément ainsi que se justifient les modifications apportées aux<br />

rites. En second lieu, Medicine Crow avait un grand prestige dans le district;<br />

aussi lui était-il possible de faire admettre un changement, en prenant<br />

soin de ne pas porter atteinte aux normes de con<strong>du</strong>ite admises. Le fait<br />

qu'il y ait eu une opposition montre, toutefois, que l'innovation aurait pu<br />

être rejetée si son auteur n'avait pas eu tant de prestige. Ses adversaires<br />

auraient alors aisément pu faire reconnaître, même sans mettre en doute<br />

sa bonne foi, qu'il avait été le jouet d'un esprit malin et quelque champion<br />

résolu de la tradition serait intervenu pour empêcher l'intro<strong>du</strong>ction de la<br />

grue, ou au moins pour rendre sa place à l'ancien fétiche. Dans la société<br />

crow, un dissentiment de cet ordre n'aurait pas eu, de toute façon, de conséquences<br />

graves, mais il est permis de penser qu'un schisme aurait pu se<br />

pro<strong>du</strong>ire. <strong>Les</strong> novateurs, s'ils avaient été vaincus, n'auraient probablement<br />

pas émigré, mais ils auraient organisé leur propre procession; un groupe de<br />

traditionalistes découragés auraient pu refuser de participer aux cérémonies<br />

à Lodge Grass et suivre les processions dans d'autres districts. En bref,<br />

le milieu culturel offrait des possibilités de faire face à la situation nouvelle.<br />

Le passage d'une confrérie ou association à une autre était entièrement<br />

conforme aux mœurs des Crow. Le fait se pro<strong>du</strong>isait souvent dans les sociétés<br />

guerrières, de caractère essentiellement laïque — parfois précisément parce<br />

que tel ou tel membre désapprouvait la con<strong>du</strong>ite d'un autre.<br />

En intro<strong>du</strong>isant un élément nouveau dans la procession <strong>du</strong> Tabac, Medi-<br />

1. Lowie 1920A, p. 164; id. 1924a, p. 248.<br />

219


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

cine Crow n'avait donc suscité que de sourdes récriminations. Il y a une<br />

trentaine d'années, par contre, une innovation religieuse a provoqué une<br />

agitation considérable dans une des tribus les moins évoluées de l'Inde :<br />

les Kota <strong>du</strong> village de Kolme (monts Nilgiri). Cette tribu adore une triade<br />

divine qui a deux serviteurs : un prêtre et un devin. En cas de veuvage,<br />

ceux-ci ne peuvent plus exercer leur ministère. Ils sont alors remplacés, par<br />

voie d'élection réputée divine. Tous les hommes répondant aux conditions<br />

requises se réunissent devant le temple pour la « cérémonie divine ». S'il<br />

s'agit de désigner un nouveau prêtre, le devin, possédé par un dieu, tire de<br />

force jusqu'à l'entrée <strong>du</strong> temple un des assistants, qui se trouve ainsi surnaturellement<br />

désigné. Pour la désignation <strong>du</strong> devin, le prêtre prie avec<br />

ferveur jusqu'au moment où l'un des assistants entre en transes selon le<br />

mode traditionnel, touche un pilier, et devient ainsi le porte-parole de la<br />

divinité dont il est possédé. En 1924, une épidémie emporta à la fois le<br />

prêtre et le devin ; l'élection divine se solda par un échec sans précédent ;<br />

aucun villageois ne se sentit inspiré pour désigner le prêtre élu par la divinité.<br />

Quelque temps plus tard, un certain Kusvain, ancien devin qui, devenu<br />

veuf, avait dû abandonner ses fonctions, se sent possédé par un dieu étranger,<br />

celui d'un village hindou voisin. Ce dieu intrus déclare que l'ancienne<br />

triade n'aura pas de serviteurs désignés par voie d'élection divine tant que<br />

les Kota n'auront pas consacré des sanctuaires à lui-même et à deux divinités<br />

associées. Autrement dit, il faut reconnaître une nouvelle triade divine<br />

pour pouvoir rétablir le culte traditionnel. Kusvain n'étant pas personnellement<br />

très estimé, malgré ses fonctions antérieures, on ne tient pas compte<br />

de ses déclarations. Mais une nouvelle cérémonie divine ne donne aucun<br />

résultat. <strong>Les</strong> plus irré<strong>du</strong>ctibles s'inclinent alors, à contrecœur. Depuis lors,<br />

les Kota rendent un culte à la triade hindoue. Ce résultat a été acquis, en<br />

partie, sur l'intervention d'un certain Sulli, le seul villageois sachant<br />

l'anglais, qui ait eu des contacts avec les Britanniques et les Hindous. Partisan<br />

de réformes, il considérait que l'avènement des divinités hindoues<br />

était en accord avec ses vues. Le principal opposant, un nommé Kalim,<br />

ne pouvait que perdre à l'intro<strong>du</strong>ction de dieux étrangers, car c'était un<br />

expert sans rival en matière de rites anciens.<br />

Au conflit idéologique se mêlaient donc étroitement des préoccupations<br />

égoïstes. Objectivement, le nouvel élément ne modifiait guère la religion<br />

des Kota. <strong>Les</strong> emprunts faits à l'hindouisme étaient assez superficiels et<br />

l'idée même de triade divine était conforme à la tradition locale. Mais,<br />

comme nous l'avons déjà indiqué, des modifications objectivement insignifiantes<br />

présentent une importance considérable pour les aborigènes.<br />

Comme dans le cas des Crow, une justification surnaturelle était nécessaire.<br />

En raison <strong>du</strong> peu de prestige social <strong>du</strong> médiateur, cette justification<br />

n'aurait sans doute pas suffi, si la communauté n'avait pas été désorganisée<br />

par l'épidémie et si l'innovation proposée n'avait pas été soutenue par un<br />

homme énergique et instruit. Même ainsi, les conservateurs en ressentirent<br />

une vive amertume — qui ne les empêcha d'ailleurs pas, plus tard, de<br />

220


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

secourir les adeptes <strong>du</strong> nouveau culte, attaqués par une autre tribu montagnarde.<br />

Le tout aboutit à un compromis bien caractéristique : « La voix<br />

des nouveaux dieux ne conseille jamais l'abandon <strong>du</strong> culte des dieux<br />

anciens ; et les devins orthodoxes ne dénigrent jamais les divinités récentes x . »<br />

Le professeur Mandelbaum me fait savoir que cet axiome, énoncé par lui,<br />

reste vrai. <strong>Les</strong> ressentiments ne sont pas tous apaisés, mais la nouvelle<br />

triade est admise, et le peu d'intransigeance des Kota est en harmonie<br />

avec les normes générales de comportement dans la péninsule indienne.<br />

L'innovation intro<strong>du</strong>ite par Medicine Crow, bien qu'effectuée longtemps<br />

après le premier contact avec la civilisation, était entièrement dans la<br />

ligne des traditions aborigènes. La réforme religieuse des Kota a été provoquée<br />

par une calamité exceptionnelle et ren<strong>du</strong>e possible par les contacts<br />

préalables avec l'étranger. Bien plus spectaculaires apparaissent les multiples<br />

cultes indigènes habituellement groupés sous l'étiquette de « messianiques<br />

», dont on a observé l'apparition dans les deux hémisphères<br />

depuis que les aborigènes sont entrés en contact avec la civilisation occidentale.<br />

Différant à maints égards, ces mouvements sont généralement<br />

fondés par des hommes <strong>du</strong> type que Luther, en 1527, appelait Schwarmgeister,<br />

c'est-à-dire par des enthousiastes ayant un programme de réformes<br />

plus ou moins subversif. Surgissant aux époques de tension, ces zélateurs<br />

se donnent pour mission de délivrer les hommes <strong>du</strong> mal et, à la différence<br />

<strong>du</strong> commun des croyants aborigènes, deviennent des propagandistes intransigeants<br />

qui promettent le salut à leurs seuls adeptes et vouent leurs adversaires<br />

à la perdition.<br />

<strong>Les</strong> formes les plus frappantes de messianisme indigène ont été enregistrées<br />

au contact des Blancs, mais il importe de noter que des cultes messianiques<br />

peuvent apparaître tout à fait indépendamment de tels contacts<br />

et procéder directement de l'eschatologie aborigène. La branche Apapocuva<br />

des Guarani (Brésil, Paraguay) a pour dogme que le monde et ses<br />

habitants sont condamnés à périr dans un cataclysme. On sait que des prophètes<br />

sont apparus périodiquement parmi ce peuple, de 1810 à 1912, lui<br />

promettant de le con<strong>du</strong>ire à un refuge situé soit au centre de la terre, soit<br />

au-delà des mers. La recherche de ce paradis terrestre a provoqué des<br />

migrations périodiques de la tribu ; et l'échec de chaque prophète, loin de<br />

décourager les enthousiasmes, était attribué uniquement à des défaillances<br />

indivi<strong>du</strong>elles. De même, sur les plateaux de la Colombie-Britannique, ainsi<br />

que dans les États de Washington, de l'Oregon et de l'Idaho, la croyance<br />

à la destruction imminente de la terre moribonde, qu'il faut faire revivre<br />

par des danses rituelles, existait bien avant l'arrivée des Blancs.<br />

Il faut donc faire une distinction entre les cultes purement indigènes,<br />

dont les adeptes aspirent à échapper à la destruction grâce aux pouvoirs<br />

surnaturels d'un sauveur inspiré, et les mouvements indigènes nés de la<br />

conscience d'un antagonisme entre les intérêts des autochtones et ceux des<br />

étrangers. De toute évidence, seuls ces derniers méritent d'être appelés<br />

1. Mandelbaum 1941, p. 219-238.<br />

221


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

« indigénistes ». De toute évidence aussi, si la question qui nous intéresse<br />

ici est celle <strong>du</strong> messianisme, le rejet des influences extérieures et de leurs<br />

agents peut aussi se réclamer de considérations purement profanes —<br />

comme dans le cas <strong>du</strong> parti Knownothing, aux États-Unis, vers 1850.<br />

Un autre terme qu'il convient de n'utiliser qu'avec prudence est celui<br />

de « revivalisme ». Il n'est pas synonyme de « messianisme ». Comme<br />

nous le verrons, certains cultes messianiques adoptent même une attitude<br />

iconoclaste à l'égard des traditions anciennes. Comme l'a si bien dit Lommel,<br />

leurs adeptes veulent la civilisation des Blancs sans les Blancs. Dans<br />

l'histoire des mouvements dont il est question ici, à peu près toutes les combinaisons<br />

imaginables se sont trouvées réalisées à un moment ou à un autre.<br />

L'indigénisme peut rejeter non seulement les étrangers, mais aussi tout ce<br />

qui vient de l'étranger, indistinctement. Il peut aussi combiner capricieusement<br />

des éléments traditionnels et des emprunts récents. Exemple : les<br />

danses anciennes exécutées avec des armes à feu. Certains Mélanésiens,<br />

à la fois humiliés et fascinés par la civilisation occidentale, ont trouvé<br />

une solution consolante : ils attribuent la paternité des inventions les plus<br />

intéressantes à leurs esprits ancestraux, qui leur en enverront un jour une<br />

cargaison dans un « vaisseau fantôme ». Nous trouvons ailleurs des prophètes<br />

qui prêchent une morale quasiment chrétienne et se proclament<br />

fils ou frères <strong>du</strong> Christ, tout en appelant à la croisade contre les<br />

Blancs 1 .<br />

Ce qui nous intéresse dans tous ces mouvements, ce sont les divisions<br />

qu'ils provoquent dans la société et les mesures prises pour rétablir l'unité.<br />

Dans la plupart des cas, nous manquons de données précises. Il est toutefois<br />

raisonnable d'admettre que les prétentions exceptionnelles des prophètes<br />

suscitent aussi bien le scepticisme et l'opposition que la foi aveugle et que,<br />

si la société veut survivre, un arrangement doit intervenir tôt ou tard.<br />

Quelle peut en être la nature ?... Puisque nous étudions le « compromis »<br />

en général, nous considérerons non seulement les cas de conflit théologique,<br />

mais aussi les cas où le conflit porte sur l'acceptation ou le rejet de la civilisation<br />

occidentale. Nous avons déjà indiqué qu'en fait les considérations<br />

spirituelles et temporelles s'enchevêtrent à l'infini a .<br />

Nous mentionnerons, tout d'abord, un épisode d'importance secondaire.<br />

En 1887, un jeune Crow, dit Enroule-sa-queue, revenant d'une expédition<br />

heureuse, défia l'autorité américaine en tirant un coup de feu contre la<br />

maison de l'agent gouvernemental. Rien ne prouve, comme le suppose<br />

Mooney, qu'il ait voulu assumer un rôle proprement messianique, mais,<br />

comme tout chef de guerre crow, il prétendait détenir des pouvoirs surnaturels<br />

dont le signe tangible était un sabre. Vingt ans après, on m'a<br />

affirmé l'avoir vu abattre des pins rien qu'en fendant l'air de son arme.<br />

Autre miracle (d'ailleurs fréquemment décrit dans les légendes des Crow) :<br />

1. Nimuendaju; Métraux; Spier.<br />

2. Wallis 1918; id, 1943; Linton; Lowie 19486, p. 251-257, 361-363; Métraux<br />

1931; Mooney; Williams 1934; Höltker; Lommel; Shooter.<br />

222


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

il aurait fait apparaître une bande rouge sur son visage simplement en<br />

pointant un doigt vers le soleil.<br />

S'il n'était donc pas un messie au sens propre <strong>du</strong> terme, Enroule-saqueue<br />

était incontestablement un indigéniste. Il harcelait de reproches<br />

ceux de sa tribu qui servaient dans le corps de police indigène de l'Agence<br />

indienne et menaçait de défaire d'un moulinet de son sabre toutes les<br />

troupes qu'on pourrait envoyer contre lui.<br />

Contrairement — une fois encore — à ce que dit Mooney, le « prophète »<br />

n'était pas universellement acclamé dans sa tribu et, lorsque les soldats<br />

vinrent le prendre, une poignée de guerriers seulement se rallia à sa cause.<br />

Blessé dans une escarmouche, il fut finalement tué par un policier crow.<br />

Naturellement, la tribu unanime flétrit cet acte comme un assassinat pur<br />

et simple et le frère de la victime chercha quelque temps à venger sa mort.<br />

Mais, bientôt, le calme revint et trois ans plus tard, au moment où la<br />

« danse <strong>du</strong> fantôme » faisait rage parmi les tribus des plaines, les Crow<br />

restèrent à l'écart <strong>du</strong> mouvement 1 .<br />

Malgré le peu de renseignements que nous avons, il semble évident<br />

qu'Enroule-sa-queue, mécontent et impatient des restrictions imposées<br />

dans la Réserve, ait voulu placer sa tribu devant un dilemme : nier ses<br />

propres pouvoirs surnaturels ou jeter le gant aux représentants <strong>du</strong> gouvernement.<br />

La majorité opta évidemment pour un compromis. Ni sur le<br />

moment ni plus tard, on ne traita le visionnaire de charlatan. Devant<br />

ses appels à l'aide, la tribu — comme toujours en pareil cas — adopta une<br />

attitude de prudente expectative. Certains étaient convaincus des pouvoirs<br />

<strong>du</strong> faiseur de miracles, mais les plus nombreux restaient sceptiques,<br />

en attendant quelque éclatante démonstration. Rétrospectivement, la<br />

plupart des Crow observent la même attitude ambivalente. Ils ne répudient<br />

pas le prophète martyr comme imposteur, mais ils adoptent l'explication<br />

stéréotypée que les aborigènes donnent de tels échecs : « Il a tout gâché<br />

en ne suivant pas ses instructions à la lettre ; ayant reçu l'ordre d'attaquer<br />

les Blancs au printemps, il a atten<strong>du</strong> jusqu'à l'automne. » Pour apaiser<br />

leur conscience et se consoler des railleries lancées contre leur pusillanimité,<br />

ils se disent qu'Enroule-sa-queue s'est per<strong>du</strong> par sa propre<br />

faute.<br />

La personnalité de Tenskwatawa, frère jumeau de Tecumseh, le fameux<br />

chef des Shawnee (Ohio, Pennsylvanie, Tennessee, Caroline <strong>du</strong> Sud), a<br />

incomparablement plus d'envergure. <strong>Les</strong> deux frères voulaient opposer à<br />

l'expansion des Blancs une ligue intertribale. Tenskwatawa fournit à<br />

l'entreprise sa justification spirituelle, énonce des dogmes et des règles de<br />

con<strong>du</strong>ite, fait <strong>du</strong> prosélytisme auprès des Indiens, « depuis les marais de<br />

Floride jusqu'aux plaines <strong>du</strong> Saskatchewan». Son action débute en 1805,<br />

par l'annonce d'une révélation <strong>du</strong> Maître de la vie. Ses doctrines devaient<br />

se modifier avec le temps et selon les lieux, mais elles sont toujours restées<br />

essentiellement indigénistes et « revivalistes ». D'après la version cherokee<br />

1. Lowie 1922, p. 368-371; Mooney, p. 706.<br />

223


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

(Tennessee, Caroline <strong>du</strong> Nord), les fidèles doivent périr dans une terrible<br />

tempête de grêle, à laquelle les vrais croyants échapperont en se réfugiant<br />

sur les sommets des montagnes. Ailleurs, l'hostilité est expressément dirigée<br />

contre les Américains, plutôt que contre les colons français ou espagnols.<br />

Partout, il est enjoint aux fidèles de ne pas contracter mariage avec des<br />

Blancs, de renoncer aux vêtements, aux outils et aux armes des Blancs, de<br />

revenir même à l'usage <strong>du</strong> briquet à foret, de l'arc et des flèches.<br />

En contradiction avec cette tendance générale, le prophète décrète que<br />

les Indiens doivent tuer leurs chiens et jeter leurs musettes sacrées — deux<br />

éléments de l'antique culture indigène. Comme le fait judicieusement<br />

observer Mooney, Tenskwatawa devait avoir un ascendant extraordinaire<br />

sur les masses pour leur faire abandonner leurs musettes à fétiches, « l'objet<br />

qui est le plus sacré pour tout Indien ».<br />

Cependant, son triomphe n'est pas complet. <strong>Les</strong> chefs de son propre<br />

peuple voient en lui un rival et, à un moment, il est sur le point de perdre<br />

toute autorité parce qu'il accuse les sceptiques de sorcellerie et ordonne de<br />

les brûler vifs. Heureusement pour lui, il prédit une éclipse de soleil, qui a<br />

lieu effectivement, et rétablit ainsi la confiance dans sa mission.<br />

L'évolution des Ojibwa (autour <strong>du</strong> lac Supérieur), d'abord partisans<br />

fervents de Tenskwatawa, est caractéristique. Pendant deux ou trois ans,<br />

le nouveau culte prospère chez eux sans rencontrer d'opposition sérieuse.<br />

« Mais, peu à peu, son influence diminue; on revient aux musettes à<br />

fétiches, aux briquets à silex, aux outils en acier; on élève des chiens, on<br />

bat les femmes et les enfants comme auparavant ; et on méprise le prophète<br />

Shawnee. » Cette attitude se généralisa, naturellement, après la défaite<br />

décisive des forces indiennes en 1811 1 .<br />

Bien que nous connaissions mal les faits socio-psychologiques pertinents,<br />

plusieurs points apparaissent clairement. Le mouvement dirigé par Tenskwatawa<br />

et Tecumseh présentait des aspects à la fois temporels et spirituels.<br />

Sur le plan temporel, il visait à freiner l'invasion <strong>du</strong> territoire indien par<br />

les Blancs et, plus expressément, par les Américains. Cet indigénisme,<br />

comme nous l'avons montré, s'étendait au domaine culturel, si bien qu'il<br />

fallait soit se séparer <strong>du</strong> troupeau, soit renoncer aux avantages matériels<br />

indéniables de la civilisation étrangère.<br />

Mais l'indigénisme de Tenskwatawa n'était « revivaliste » qu'en partie.<br />

Sur le plan spirituel, qui est essentiel, il bafouait délibérément les valeurs<br />

traditionnellement révérées en proscrivant les musettes sacrées. Cette partie<br />

de son évangile a certainement suscité une tension très grave, bien que nous<br />

n'ayons pas de renseignements précis sur ce point. A cet égard, c'est le prophète,<br />

et non l'envahisseur blanc, qui agissait en iconoclaste, et il est<br />

inconcevable qu'une mesure aussi radicale ait pu être prise sans susciter<br />

des rancoeurs et une irritation latente. Certes, il n'y eut pas de rupture<br />

ouverte et l'on nous décrit en termes grandiloquents « les rives <strong>du</strong> lac Supérieur...<br />

jonchées de musettes à fétiches qui avaient été jetées à l'eau ». Mais,<br />

1. Mooney, p. 672-680.<br />

224


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

deux ou trois ans plus tard, nous dit-on, les musettes à fétiches avaient<br />

reparu. En d'autres termes, emportée par un élan d'enthousiasme, la masse<br />

des Ojibwa (nous en avons des témoignages) s'était d'abord soumise aux<br />

ordres de Tenskwatawa. Mais la foi ancienne n'avait pas été éliminée :<br />

elle subsistait en profondeur.<br />

Tanner — un Blanc enlevé par les Indiens dans son enfance et élevé<br />

comme un Ojibwa — nous a décrit ses réactions personnelles à la loi nouvelle.<br />

Lorsqu'un apôtre <strong>du</strong> prophète lui ordonne de tuer tous ses chiens et<br />

de renoncer à son briquet, Tanner n'en fait rien, jusqu'à ce que « l'enthousiasme<br />

profond» qui s'était emparé de ses voisins l'ait gagné à son tour ;<br />

il abandonne alors ses musettes à fétiches et apprend à faire <strong>du</strong> feu au<br />

moyen d'un foret. Mais il ne peut se résoudre à tuer ses chiens 1 . On peut<br />

présumer, sans grand risque d'erreur, qu'il y eut de nombreux compromis<br />

de ce genre, où l'adhésion et la restriction mentale avaient chacune leur<br />

part. Cette réaction n'est pas purement indivi<strong>du</strong>elle ; elle est aussi sociale,<br />

dans la mesure où la culture de ces Indiens comportait un fort élément<br />

d'indivi<strong>du</strong>alisme.<br />

La dernière grande insurrection indienne contre le gouvernement des<br />

États-Unis fut associée à la danse <strong>du</strong> Fantôme, en 1890. Ce fut un phénomène<br />

intertribal d'une grande extension, comme le mouvement de Tenskwatawa.<br />

Toutefois, il faut distinguer nettement le soulèvement militaire<br />

<strong>du</strong> culte religieux. <strong>Les</strong> hostilités se limitèrent exclusivement à certains<br />

groupes occidentaux de Dakota; elles eurent pour cause initiale la crise<br />

économique provoquée par la disparition des bisons et les mauvaises<br />

récoltes, le mécontentement étant avivé localement par des doléances<br />

contre les agents <strong>du</strong> gouvernement. Dans ces circonstances, plusieurs<br />

chefs firent dégénérer la religion de la danse <strong>du</strong> Fantôme en guerre sainte<br />

indigéniste. C'était là une déformation complète de l'évangile prêché par<br />

le plus récent prophète de cette religion, Wovoka, un Paviotso (Nevada),<br />

qui avait repris, vers 1888, l'enseignement d'un de ses proches, assez populaire<br />

en 1870. En fait, les deux messages ne représentent qu'un remaniement<br />

de vieilles notions cosmologiques aborigènes, comme Spier l'a montré<br />

de façon convaincante. Pour reprendre le récit de cet auteur, Wovoka<br />

prétend avoir visité le royaume des morts et « avoir appris d'eux qu'il est<br />

chargé d'enseigner à son peuple à vivre dans l'amour et la paix ; il en résultera<br />

une résurrection générale des morts, qui reviendront sur terre... La<br />

terre devient vieille et usée; il faut la rénover (par la danse)... lorsque les<br />

morts reviendront, les vieillards rajeuniront, les hommes seront immortels<br />

et le gibier redeviendra abondant». <strong>Les</strong> esprits ont enseigné à Wovoka<br />

une danse dont l'exécution doit « hâter le retour déjà imminent des morts.<br />

Le monde actuel sera submergé par un déluge ; les Indiens se réfugieront<br />

au sommet des montagnes et la terre sera ébranlée par des séismes». S'il<br />

est dit que les incroyants doivent souffrir, l'enseignement des Paviotso<br />

n'était, à l'origine, nullement dirigé contre les Blancs ; et, à aucun moment,<br />

1. Mooney, p. 677.<br />

225


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

la tribu <strong>du</strong> prophète ne causa le moindre souci au gouvernement 1 . C'est en<br />

se transmettant d'un peuple éminemment pacifique aux belliqueux Dakota,<br />

ré<strong>du</strong>its au désespoir par la détresse économique, que cet évangile de paix<br />

devint celui de la croisade contre les Blancs. Il n'y avait aucun lien nécessaire<br />

entre le culte et l'insurrection, comme le montre la suite des événements.<br />

<strong>Les</strong> troupes des États-Unis écrasèrent la révolte des Dakota en<br />

décembre 1890, mais l'enseignement de Wovoka continua à se répandre<br />

parmi les Indiens des Plaines, « comme une doctrine essentiellement pacifique,<br />

fondée sur l'espoir d'un changement prochain qui rendrait aux<br />

Indiens leurs terres, leurs bisons et leur vie d'autrefois » 2 . L'indigénisme<br />

devait subsister, sous la forme d'un retour à certaines coutumes aborigènes,<br />

comme les jeux, mais dépouillé de toute ardeur militante.<br />

Il faut reconnaître dans le romantisme « revivaliste » non pas une réaction<br />

directe et spontanée contre l'influence des Blancs, mais une manifestation<br />

plus tardive, suscitée par les calamités résultant <strong>du</strong> contact avec les<br />

Blancs. Comme Keesing le montre à propos des Menomini (Wisconsin),<br />

les transformations <strong>du</strong>es à l'établissement de négociants « provoquent<br />

relativement peu de tensions, car elles sont fondées sur la commodité et la<br />

compréhension mutuelles ». <strong>Les</strong> indigènes auxquels on donne des outils et<br />

des ustensiles qui font gagner <strong>du</strong> temps les acceptent avec joie, même si ces<br />

emprunts culturels signifient le déclin de l'artisanat autochtone 3 . L'indigénisme<br />

ne fait son apparition que lorsque les indigènes sont chassés de<br />

leurs foyers sous la pression des populations blanches et lorsqu'une force<br />

supérieure •— soit délibérément, soit simplement sous l'effet des conditions<br />

particulières des contacts —• les prive de satisfactions jusque-là normales.<br />

C'est ainsi que les « belliqueux Orokaiva » de la Nouvelle-Guinée s'irritent<br />

de la suppression des guerres qui donnaient <strong>du</strong> sel à leur existence 4 . Il en<br />

est de même pour les Indiens des Plaines. <strong>Les</strong> guerres ayant cessé, la chasse<br />

étant limitée par l'extinction des bisons, les arts aborigènes tombant en<br />

désuétude, ils se trouvent dans une impasse culturelle et en viennent à glorifier<br />

le bon vieux temps et tout ce qui y est associé.<br />

Mais il ne faut pas croire que les premiers effets d'un contact prolongé<br />

avec la civilisation aient pro<strong>du</strong>it partout des réactions uniformes. Au<br />

contraire, il y a eu parmi les aborigènes des réalistes, aussi bien que des<br />

sentimentaux, et c'est ce qui explique les conflits idéologiques qui nous<br />

intéressent ici. Vers 1850, le chef omaha Grand Élan, revenant de Washington,<br />

fit à son peuple un discours où il reconnut avec tristesse que les mœurs<br />

<strong>nouvelles</strong> étaient inévitables. Son fils adoptif, le métis Joseph La Flesche<br />

(mort en 1888), qui avait beaucoup voyagé, s'efforça sans relâche de rendre<br />

les Omaha « pareils aux Blancs » ; rassemblant autour de lui « le parti des<br />

jeunes hommes», il créa un village de modèle occidental — aussitôt surnommé<br />

par les conservateurs « village des préten<strong>du</strong>s hommes blancs ».<br />

1. Spier; Mooney, p. 828.<br />

2. <strong>Les</strong>ser, p. 59.<br />

3. Keesing, p. 79.<br />

4. Williams 1928, p. 94.<br />

226


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

Le conflit universel entre progressistes et réactionnaires tournait autour<br />

de questions telles que celles-ci : Faut-il envoyer les enfants à l'école?<br />

Faut-il tatouer les filles ? De telles questions divisaient les Dakota aux environs<br />

de 1880 : le plus grand nombre avaient adopté les vêtements des<br />

Blancs et portaient les cheveux courts, mais il restait des irré<strong>du</strong>ctibles qui<br />

« adhéraient strictement à toutes les coutumes anciennes des sauvages »*.<br />

Lorsque les divergences sont nettement marquées, comme au moment<br />

de la grande flambée d'enthousiasme de 1890, il est inconcevable qu'elles<br />

puissent être aplanies par une procé<strong>du</strong>re culturelle quelconque. <strong>Les</strong> Dakota<br />

révoltés « ne laissent passer aucune occasion d'insulter et de harceler les<br />

Indiens paisibles et progressistes qui refusent de se joindre à eux ». Ils vont<br />

jusqu'à détruire les demeures de ceux des leurs qui sont favorables au<br />

gouvernement. En revanche, les membres de la police indigène, ayant lié<br />

leur sort à celui des autorités blanches, restent partout fidèles à leur devoir<br />

et, en cas de nécessité, n'hésitent pas à faire usage de leurs armes 2 .<br />

Comme l'indiquent les données relatives aux Omaha, l'évolution moderne<br />

provoque souvent un antagonisme entre la jeune et la vieille génération.<br />

Toute autre considération mise à part, les jeunes ont été soumis à l'obligation<br />

scolaire; ils sont familiarisés avec les idées étrangères et équipés pour<br />

la vie moderne, qui laisse souvent leurs aînés perplexes et résignés. Dans le<br />

discours mentionné plus haut, Grand Élan déclarait humblement : «Je<br />

ne suis plus capable de penser pour vous et de vous diriger comme dans<br />

ma jeunesse. Vous devez voir par vous-mêmes ce qui est le mieux pour<br />

vous. » Dans l'île de Biak (au large de la Nouvelle-Guinée), on a observé<br />

une opposition analogue entre générations. Dans cette région, le revivalisme<br />

a précisément pour objet la reprise en main des jeunes gens européanisés<br />

et réfractaires 3 .<br />

Chez les sauvages, la grande majorité des conflits idéologiques se sont<br />

pro<strong>du</strong>its au contact d'une civilisation plus complexe. Mais il importe de<br />

souligner que le simple contact n'est pas une cause suffisante de conflit,<br />

et que la véritable explication de ce phénomène n'est pas le contact avec les<br />

Blancs, mais le changement. Or de très nombreux changements ont dû se<br />

pro<strong>du</strong>ire bien avant l'arrivée des Blancs. Nous ne disposons de données<br />

que pour la période postérieure au contact, mais, même pendant cette<br />

période, il s'est pro<strong>du</strong>it des modifications dans les coutumes purement<br />

aborigènes. C'est ainsi que PUlmark, cérémonie d'initiation des jeunes<br />

Murngin, est un emprunt récent à des tribus <strong>du</strong> sud et n'est pas encore<br />

considéré comme obligatoire pour tous les jeunes gens 4 . Étant donné le<br />

formalisme des indigènes en matière de rites, toute innovation de ce genre<br />

donne lieu à des discussions entre les membres influents de la communauté<br />

et peut occasionner de graves désaccords. Certes, tous les changements<br />

n'ont pas de telles conséquences et, d'autre part, une même innovation<br />

1. Fletcher et La Flesche, p. 631-639; Mekeel, p. 192.<br />

2. Mooney, p. 829 et suiv., 845, 847, 850, 854, 860, 881.<br />

3. Lommel, p. 24.<br />

4. Warner, p. 311, 469.<br />

227


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

peut avoir des effets très divers à différents moments : les Shawnee n'avaient<br />

jamais protesté contre l'emploi des briquets <strong>du</strong> commerce, jusqu'au jour<br />

où Tenskwatawa fit de ces objets l'un des symboles de la destruction des<br />

valeurs autochtones. Lorsqu'une idée nouvelle, qu'elle soit d'origine<br />

autochtone ou étrangère, n'a pas de signification symbolique, son intro<strong>du</strong>ction<br />

a des chances de passer inaperçue. Y aura-t-il ou non une « guerre<br />

à outrance » dans un cas donné ? Tout dépend <strong>du</strong> milieu culturel et de la<br />

personnalité des intéressés.<br />

Heureusement, nous ne sommes pas obligés de nous en tenir à des considérations<br />

abstraites. Des études telles que celle <strong>du</strong> professeur Mandelbaum<br />

sur les Kota nous permettent de nous représenter les processus psychosociologiques.<br />

Tout aussi instructif est le schisme qui se pro<strong>du</strong>isit, en 1906,<br />

dans le village hopi d'Oraibi et qui a été décrit par plusieurs auteurs.<br />

Nous suivrons, dans l'ensemble, le récit détaillé <strong>du</strong> professeur Titiev, en<br />

donnant quelques indications préliminaires sur l'histoire des Hopi et sur<br />

les aspects pertinents de leur culture 1 .<br />

Bien que ré<strong>du</strong>it à 1 878 membres en 1904, le groupe Hopi a toujours<br />

vécu, aux temps historiques, dispersé dans un certain nombre de villages<br />

politiquement autonomes. Oraibi, jadis le plus important de ces villages,<br />

avait, en 1890, une population estimée à 905 habitants. Aussi loin que<br />

puissent remonter nos connaissances, les Hopi ont toujours tiré leur subsistance<br />

de la culture <strong>du</strong> maïs, et l'objet manifeste des fêtes complexes qu'ils<br />

célèbrent à dates fixes est d'obtenir de riches récoltes. La vie sociale est<br />

dominée par la division en clans matrilinéaires, dont le nom est associé aux<br />

fêtes et aux salles de cérémonies (kivas) où se célèbrent les rites ésotériques<br />

qui précèdent les manifestations publiques. Le chef <strong>du</strong> village d'Oraibi<br />

appartient au clan de l'Ours et préside à l'importante cérémonie <strong>du</strong> Soyal<br />

(solstice d'hiver) mais, comme tous les chefs hopi, il n'a aucun pouvoir de<br />

coercition.<br />

En principe, les Hopi prônent la coopération et réprouvent les discordes,<br />

qui irritent les dieux et les incitent à refuser la pluie indispensable<br />

à la vie. En fait, les Hopi sont querelleurs, rancuniers, et vont jusqu'à<br />

rompre tous liens sociaux. Cependant, leur idéologie officielle les empêche<br />

normalement de se livrer à des actes de violence à l'intérieur de la tribu.<br />

En 1540, les Espagnols découvrent Oraibi, dont la population, après une<br />

brève résistance, fait sa soumission à don Pedro de Tovar. Peu après la<br />

visite de Juan de Onate, en 1598, des missionnaires arrivent chez les Hopi,<br />

convertissent en apparence quelques indigènes, mais suscitent de violents<br />

ressentiments par leur sévérité. Aussi, les Hopi se joignent-ils aux autres<br />

Indiens Pueblo lors de la rébellion de 1680, massacrant les quatre prêtres<br />

qui résidaient parmi eux. Après la défaite, deux factions rivales se forment :<br />

celle des conciliateurs et celle des irréconciliables. Cette dernière semble<br />

l'emporter : en 1770, les habitants d'Oraibi s'unissent à d'autres Hopi<br />

pour détruire le village d'Awatobi, qui avait accueilli un religieux et lais-<br />

1. Titiev, p. 69-95, 207-211; Parsons, p. 83, U34f.; Fewkes.<br />

228


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

sait célébrer des baptêmes. Cette division se maintient pendant tout le<br />

xvm e siècle, sous une forme plus ou moins profonde. En 1780, de mauvaises<br />

récoltes incitent certains habitants d'Oraibi à aller solliciter l'aide des<br />

Espagnols ; le chef les autorise à partir, et même à embrasser le christianisme<br />

s'ils le veulent. En fait, les transfuges sont peu nombreux et, si des<br />

missionnaires catholiques sont parfois autorisés à prêcher, aucun d'eux<br />

n'obtient la permission de s'installer chez les Hopi.<br />

La méfiance à l'égard des Blancs persiste sous le régime américain,<br />

entretenue par des incidents tels que le massacre de quinze à vingt Hopi,<br />

en 1834, par des trappeurs pillards. Lorsque le gouvernement des États-<br />

Unis crée une « agence», en 1870, les habitants d'Oraibi se montrent particulièrement<br />

hostiles et, huit ans plus tard, refusent encore de se soumettre<br />

à un recensement. Un nouveau chef, Lololoma (vers 1880), d'abord tout<br />

acquis à la populaire politique anti-américaine, revient totalement transformé<br />

d'une visite à Washington, promettant d'user de son influence<br />

pour faire aller les enfants à l'école et d'autoriser l'installation d'une mission<br />

protestante.<br />

L'apostasie <strong>du</strong> chef suscite des critiques véhémentes et les habitants<br />

d'Oraibi se divisent en deux camps opposés : les progressistes, « amicaux »,<br />

et les conservateurs, « hostiles ». Au conflit idéologique se mêlent bientôt<br />

des rivalités personnelles — mais combien de conflits dans l'histoire sont<br />

demeurés purement idéologiques ? Ce qui nous intéresse ici, c'est la façon<br />

dont les adversaires ont manipulé, dans leur propre intérêt, les idées traditionnelles<br />

des Hopi et l'arrangement qui est intervenu en fin de compte.<br />

Chef indiscuté d'Oraibi par son ascendance matrilinéaire, Lololoma<br />

voit soudain sa position contestée par Lomahongyoma, chef <strong>du</strong> clan de<br />

l'Araignée et d'une association rituelle très importante. Fait caractéristique,<br />

chaque faction se cherche des justifications mythologiques et mystiques.<br />

Lololoma affirme qu'au commencement des temps les Hopi sont<br />

sortis <strong>du</strong> monde inférieur en compagnie d'un certain Bahana (Blanc),<br />

qui, en tant que frère aîné des Hopi, leur a promis son aide contre la femmearaignée<br />

mythique si elle devenait trop méchante. Le porte-parole <strong>du</strong> camp<br />

opposé nie que Bahana soit l'ancêtre des Blancs modernes, faisant valoir<br />

que, s'il l'était, ses descendants connaîtraient la langue hopi.<br />

Ce débat élevé couvre, en fait, des oppositions d'intérêts très matériels.<br />

Le clan de l'Araignée jalouse le clan de l'Ours, qui est celui <strong>du</strong> chef et qui<br />

prétend posséder en titre toutes les terres <strong>du</strong> village. Il estime que sa part des<br />

terres n'est pas en rapport avec l'importance de son rôle rituel. Dès 1883,<br />

les membres de ce clan et leurs sympathisants défient et menacent le chef<br />

légitime; ils l'empêchent de s'entendre avec l'ethnographe Cushing et<br />

répudient ouvertement « Washington » et la culture américaine. Poursuivant<br />

cette politique, ils refusent, en 1887, d'envoyer leurs enfants à la première<br />

école ouverte par le gouvernement, et le malheureux chef est impuissant<br />

à les y contraindre. Trois ans plus tard, pour le punir de coopérer avec<br />

des agents <strong>du</strong> gouvernement, les « hostiles » l'emprisonnent dans une salle de<br />

cérémonies souterraine, et un détachement armé doit aller le délivrer. En<br />

229


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

1891, les opposants mettent en déroute un autre détachement militaire ;<br />

des forces plus importantes viennent alors les arrêter, emmenant aussi, sans<br />

doute pour faire bonne mesure, le chef « amical » victime des événements.<br />

D'après des témoignages recueillis sur place, les conservateurs <strong>du</strong> clan<br />

Kokop complotaient contre la vie de Lololoma, priant le soleil de leur donner<br />

le pouvoir de le tuer, et cherchaient à attirer les progressistes dans leurs<br />

demeures, prêchant que la fin <strong>du</strong> monde est proche et qu'il n'y a pas d'autre<br />

salut. Ce dernier détail fait penser aux cultes messianiques — par ailleurs<br />

inconnus à Oraibi.<br />

<strong>Les</strong> prisonniers une fois libérés et rentrés chez eux, les ressentiments<br />

s'enveniment de part et d'autre. Fait caractéristique, les chefs rivaux se<br />

lancent dans d'interminables controverses au sujet de leurs prérogatives<br />

sacrées. Une entente aurait pu intervenir sur la base de la tradition culturelle,<br />

si chacun des deux rivaux avait admis l'exégèse des mythes sacrés<br />

donnée par l'autre. Mais chacun reste sur ses positions. Enfin, Lomahongyoma,<br />

défiant de nouveau ouvertement le chef, s'approprie un champ fertile<br />

sur le territoire <strong>du</strong> clan de l'Ours et le cultive impunément pendant des<br />

années, car « il n'existe aucune procé<strong>du</strong>re de coercition ». « Progressistes »<br />

et « hostiles» s'équilibrent assez bien numériquement — 201 hommes et<br />

190 femmes contre 208 hommes et 179 femmes — mais les deux factions<br />

désapprouvent encore le recours à la violence.<br />

C'est en 1896 que survient la rupture définitive sur le plan religieux.<br />

Rejetant le principe de la coopération à tout prix, « chaque camp refuse à<br />

l'autre l'usage de ses objets sacrés, bouleversant ainsi tout le système des<br />

cérémonies traditionnelles ». Lomahongyoma interdit au chef l'accès de la<br />

salle où l'on célébrait depuis toujours la fête <strong>du</strong> Solstice d'hiver. Le chef doit<br />

donc chercher un autre local pour la fête, tandis que son adversaire entreprend<br />

de fabriquer des répliques des objets sacrés pour organiser une cérémonie<br />

rivale. Chaque habitant <strong>du</strong> village se trouve ainsi contraint de<br />

prendre ouvertement parti pour le chef légitime ou pour l'usurpateur. « <strong>Les</strong><br />

partis sont maintenant nettement tranchés », mais — constatation intéressante<br />

— ils ne correspondent pas exactement aux clans, car, dans plusieurs<br />

cas, les liens <strong>du</strong> mariage l'emportent sur ceux <strong>du</strong> sang.<br />

Le plus extraordinaire est que, malgré la violence des passions déchaînées,<br />

on aboutit, avec un minimum de dommages, à une solution sans précédent :<br />

la <strong>du</strong>plication de la presque totalité des cérémonies importantes. On bloque<br />

l'accès à une salle de cérémonies souterraine, on enlève l'échelle qui y<br />

con<strong>du</strong>it; mais, pendant des années, il ne se passe rien d'autre. « L'idéal<br />

pacifique des Hopi » impose donc un compromis et chaque faction laisse<br />

l'autre célébrer les fêtes à sa manière.<br />

A la mort de Lololoma (vers 1901), Tawaqwaptiwa, fils de l'une de ses<br />

sœurs, lui succède comme chef légitime. Vers la même date, un des partisans<br />

de Lomahongyoma, Yokioma, prend la tête des « hostiles ». Un nouveau<br />

conflit ne tarde pas à éclater. <strong>Les</strong> conservateurs font venir une trentaine de<br />

sympathisants d'un village voisin et les installent à Oraibi, sur des terres <strong>du</strong><br />

clan de l'Ours. Tawaqwaptiwa ne sait comment les chasser. En 1906, c'est la<br />

230


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

crise. Poussé par deux partisans résolus, le chef hésitant barre le passage aux<br />

conservateurs au cours d'une fête importante, les contraignant à aller à un<br />

autre sanctuaire. Épiant une réunion des « hostiles », Tawaqwaptiwa<br />

entend leur chef les mettre en garde contre la violence. Comme le fait observer<br />

le professeur Titiev en rapportant cet épisode : « <strong>Les</strong> Hopi sont si pacifiques<br />

par tradition que, même en relatant les paroles de ses pires ennemis,<br />

Tawaqwaptiwa reconnaît qu'ils s'efforcent autant que son propre parti<br />

d'éviter une effusion de sang. » Finalement, les progressistes prennent la<br />

décision d'expulser les immigrants, déclarant que « si les « hostiles » interviennent,<br />

ils s'en prendront à eux et les forceront à émigrer vers le nord » —<br />

le nord étant le pays légendaire où la femme-araignée a été abandonnée à<br />

l'ère mythique. Ce recours à la force ne va pas sans susciter une certaine<br />

résistance, et quelques conservateurs d'Oraibi prennent part à l'échauffourée.<br />

Il s'ensuit, pendant plusieurs heures, une « mêlée générale » et, à la<br />

fin de l'après-midi, les deux factions se font face à la sortie <strong>du</strong> village.<br />

La suite des événements n'est pas moins curieuse. Yokioma imagine une<br />

étrange compétition pour régler la question. Se plaçant sur une ligne tracée<br />

sur le sol, il invite ses partisans à le pousser vers le village et ses adversaires<br />

à le pousser dans la direction opposée. « Ce match de football sublimé »,<br />

raconte le D r Parsons, « se poursuit pendant des heures », évidemment au<br />

grand désagrément <strong>du</strong> chef des conservateurs. <strong>Les</strong> progressistes sont vainqueurs<br />

et les vaincus, se soumettant avec fatalisme au résultat de l'ordalie,<br />

quittent le village, emportant leurs biens meubles et leurs provisions. Ils vont<br />

s'établir près des <strong>sources</strong>, à une douzaine de kilomètres au nord d'Oraibi,<br />

fondant le village de Hotavila. Surmontant les difficultés économiques initiales,<br />

en dépit de querelles intestines, les emigrants obtiennent une remarquable<br />

réussite et font de leur village le centre religieux de cette partie <strong>du</strong><br />

territoire hopi. Lorsqu'ils célèbrent une fête, « la presque totalité de la<br />

population d'Oraibi », y compris Tawaqwaptiwa, y assiste. Avec le temps,<br />

les anciennes rancunes s'atténuent et des parents en viennent à échanger des<br />

visites.<br />

Il est évident que, malgré des défaillances occasionnelles, les traditions<br />

pacifiques de la culture hopi et le recours à l'autorité mythique pour l'arbitrage<br />

suprême ont contribué puissamment à la réalisation d'un compromis.<br />

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES<br />

Il n'est pas facile de résumer les faits, si divers et souvent discordants, que<br />

nous venons de décrire. Il paraît cependant possible d'en dégager un petit<br />

nombre de conclusions générales.<br />

En ce qui concerne les aspects juridiques <strong>du</strong> problème, il faut d'abord<br />

souligner que les peuples que nous considérons comme « primitifs» ne le<br />

sont pas tous nécessairement <strong>du</strong> point de vue typologique, c'est-à-dire dans<br />

leurs relations politico-juridiques. L'exemple le plus évident est celui des<br />

monarchies africaines, dont beaucoup ont une structure politique haute-<br />

231


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

ment évoluée, avec une autorité centrale, des tribunaux et des juges, et une<br />

procé<strong>du</strong>re complexe. Un tel système influe d'ailleurs profondément sur la<br />

façon de concevoir et de traiter les troubles sociaux. Il tend à empêcher les<br />

conflits, ou à les transformer en une source de profit pour le trésor royal.<br />

Même le suicide peut être traité comme un acte de lèse-majesté, pour lequel<br />

les parents survivants doivent indemniser le souverain. Dans ces systèmes<br />

forts — qu'ils soient oligarchiques ou monarchiques — c'est le pouvoir politique<br />

suprême qui, en principe sinon toujours en pratique, est chargé de<br />

régler les conflits. Un résultat analogue peut découler de causes tout à fait<br />

différentes, comme le montre l'exemple des Cheyenne. Ces Indiens considèrent<br />

l'homicide comme une souillure — à la fois péché et crime —<br />

entraînant de redoutables conséquences pratiques. Cette conception<br />

empêche aussi de venger le sang répan<strong>du</strong>, dans un milieu culturel assez<br />

fruste.<br />

Nous avons vu que les problèmes qui nous intéressent doivent être considérés<br />

à la lumière des traditions culturelles de chaque communauté. Cette<br />

constatation paraît décourageante de prime abord : dans la mesure où<br />

chaque société est unique, toute possibilité de généralisation paraît ainsi<br />

exclue. Cependant, il n'y a pas lieu de désespérer car, parmi les innombrables<br />

détails qui contribuent à former une culture, un petit nombre seulement<br />

influent de façon essentielle sur le problème qui nous intéresse.<br />

Comme le dit Thurnwald : « Certaines situations, lorsqu'elles se repro<strong>du</strong>isent,<br />

donnent lieu, même lorsque les circonstances concomitantes sont<br />

différentes, à des dispositions juridiques semblables 1 .» Cependant, nous<br />

devons nous attendre à trouver que les relations fonctionnelles sont d'un<br />

caractère complexe et indirect. Par exemple, nous constatons constamment<br />

qu'une composition intervient pour atténuer des sanctions rigoureuses, et il<br />

est dès lors tentant de postuler une corrélation simple avec une économie<br />

primitive comportant une pro<strong>du</strong>ction abondante de biens. En d'autres<br />

termes, on pourrait établir une relation directe entre la composition et l'économie<br />

pastorale et agricole. En fait, l'ethnographie nous montre que des<br />

valeurs pouvant jouer un rôle dans les paiements compensatoires existent<br />

chez des chasseurs et des pêcheurs, par exemple sur la côte <strong>du</strong> Pacifique en<br />

Amérique <strong>du</strong> Nord, et que ces valeurs ont une importance capitale pour la<br />

pratique de la composition. Comme le fait observer Kroeber : « Le <strong>droit</strong><br />

tend à se préciser et à s'affiner à mesure que la propriété devient plus appréciée<br />

et plus désirable en soi 2 . »<br />

Un autre exemple de généralisation légitime nous est fourni par des phénomènes<br />

que nous n'avons pas abordés jusqu'ici — à savoir, les cas de conflit<br />

entre les obligations matrilinéaires et patrilinéaires. Comme le montrent les<br />

termes de parenté utilisés chez les sauvages, toutes les tribus, qu'elles soient<br />

ou non organisées en clans unilatéraux, reconnaissent la parenté dans les<br />

deux lignes. C'est ce qu'a établi magistralement Lewis H. Morgan dans sa<br />

i. R. Thurnwald 1934e, vol. 5, p. 188.<br />

2. Kroeber 1926.<br />

232


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

controverse historique avec J. F. McLennan (1877) 1 . Ce qui arrive souvent<br />

c'est qu'à certaines fins on met l'accent sur un côté de la famille, l'autre<br />

côté étant important à d'autres égards. Par exemple, les enfants font tous<br />

partie <strong>du</strong> clan de la mère, mais les biens se transmettent de père en<br />

fils.<br />

Or, la coexistence de deux séries de liens recèle toujours le germe d'un<br />

conflit d'allégeances. Dans plusieurs cas qui ont été scientifiquement étudiés<br />

(Lobi d'Afrique occidentale, Goajiro de la Colombie septentrionale,<br />

Tsimshian de la Colombie-Britannique, insulaires de Trobriand en Nouvelle-Guinée),<br />

nous trouvons des institutions matrilinéaires (l'héritier légitime<br />

est le fils de la sœur) mais, en même temps, la société reconnaît le lien<br />

sentimental qui existe entre père et fils. Pour prendre l'exemple des Lobi, le<br />

bétail et l'argent reviennent, en théorie, au neveu. Mais, en pratique, le<br />

père cache son argent en un lieu que son fils aîné est seul à connaître. Pour<br />

accéder à la cachette, l'héritier est obligé d'offrir à son cousin une ou<br />

plusieurs têtes de bétail. La loi est tournée de façon analogue dans les autres<br />

tribus mentionnées 2 .<br />

En d'autres termes, dans plusieurs régions tout à fait distinctes, l'affection<br />

paternelle se révèle plus forte que les obligations envers les collatéraux. Le<br />

conflit d'allégances aboutit à un compromis : les <strong>droit</strong>s <strong>du</strong> neveu sont officiellement<br />

reconnus, mais secrètement annulés ou ré<strong>du</strong>its. Sans pousser<br />

l'analogie trop loin, nous pouvons rapprocher ces cas de la law of equity<br />

anglo-saxonne, sous sa forme originelle, ou de la notion de Billigkeit dans la<br />

jurisprudence allemande. Autrement dit, on laisse un principe moral<br />

l'emporter sur les exigences <strong>du</strong> <strong>droit</strong> positif. Le fait que le même principe<br />

s'affirme de façon indépendante et répétée dans les conditions décrites lui<br />

confère certainement de l'intérêt <strong>du</strong> point de vue théorique.<br />

Partant de ce cas particulier, nous pouvons énoncer une proposition plus<br />

générale : le sauvage a constamment tendance à substituer les impératifs<br />

d'une morale supérieure (à ses yeux) à la loi, présumée tyrannique, de la<br />

coutume. En principe, le chef de guerre crow est seul propriétaire de tout le<br />

butin conquis sous son commandement; mais il est extrêmement douteux<br />

qu'aucun chef ait appliqué ce principe, car il aurait ainsi contrevenu à la<br />

règle de la générosité et n'aurait plus jamais pu recruter de guerriers pour<br />

une nouvelle expédition.<br />

Citons un exemple concret. Un pauvre couple crow veut participer au<br />

culte <strong>du</strong> Cheval — fétiche réputé dont la détentrice réserve le privilège à ses<br />

parents, comme c'est son <strong>droit</strong> imprescriptible. Mais le couple trouve un<br />

biais pour arriver à ses fins, en se faisant une obligée de la détentrice <strong>du</strong><br />

fétiche. Il se trouve que cette dernière a besoin de recouvrir une tente à neuf<br />

et la femme, habile tanneuse, s'offre à préparer les peaux nécessaires — travail<br />

qui est normalement payé par le don d'un cheval; lorsqu'on lui offre<br />

cette rémunération, elle refuse et demande en échange à participer au culte<br />

1. Morgan (note en partie III).<br />

2. Labouret, p. 254; Santa Cruz; Boas 1916, p. 425f.; Malinowski 1926, p. 100-111.<br />

233


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

<strong>du</strong> Cheval fétiche. « La personne se met en colère, me dit que j'aurais dû le<br />

lui demander plus tôt; dans ce cas, elle ne m'aurait jamais laissé terminer<br />

le tannage des peaux. Maintenant, il lui est difficile de dire non. » En fin de<br />

compte, la tanneuse et son mari sont dûment initiés au culte. L'initiatrice<br />

agit tout à fait à contre-cœur, mais elle s'incline devant un impératif moral<br />

plus fort que son <strong>droit</strong> légitime de refuser 1 .<br />

L'intérêt commun passe avant les querelles indivi<strong>du</strong>elles. C'est là un principe<br />

moral généralement admis qui, malgré de nombreuses et quotidiennes<br />

infractions, garde une valeur pratique incontestable. C'est en vertu de ce<br />

principe, par exemple, que les interminables et mesquines disputes et chicaneries<br />

entre progressistes et conservateurs à Oraibi se terminent à peu près<br />

sans effusion de sang. L'intérêt commun exige la paix : les nuages porteurs<br />

de la pluie indispensable fuient les lieux où règne la discorde. <strong>Les</strong> Dogon, en<br />

cas de conflit, pénalisent les deux parties, sans se soucier de justice abstraite :<br />

la considération suprême est le maintien de la tranquillité interne. Le souci<br />

scrupuleux de l'ordre sur les marchés d'Afrique occidentale procède de<br />

motifs analogues : Comment traiter des affaires au milieu des disputes indivi<strong>du</strong>elles<br />

? On invoque la protection divine et nul ne se risque normalement<br />

à provoquer la colère <strong>du</strong> dieu, dont l'autel, sur le marché, offre un asile à<br />

quiconque vient s'y prosterner 2 .<br />

Dans le même ordre d'idées, on peut citer le cas bien connu des corps de<br />

police des Indiens des Plaines. Habituellement, dans ces tribus, l'indivi<strong>du</strong><br />

jouit d'une remarquable liberté d'action. Mais quand l'intérêt de la tribu<br />

est en jeu — au moment des chasses ou marches collectives et pendant les<br />

grandes fêtes — chacun se soumet spontanément à la plus rigoureuse<br />

discipline 3 .<br />

Le liberum veto des sauvages, que nous avons mentionné en passant, doit<br />

aussi être considéré de ce point de vue. En fait, il n'a rien de commun avec<br />

le principe paralysant appliqué dans l'ancienne Diète polonaise. En Pologne,<br />

l'accent était mis sur les prérogatives de l'opposant ; la coutume primitive<br />

fait prévaloir, au contraire, la règle de l'humanité. C'est ce qui explique les<br />

fluctuations caractéristiques des débats, le renoncement explicite au <strong>droit</strong><br />

de prendre une décision concernant l'ensemble <strong>du</strong> peuple. Un chef crow<br />

légendaire présente en ces termes à ses compagnons une proposition de<br />

paix : « Eh bien, mes amis, recherchez une décision ; si vous approuvez les<br />

paroles de votre beau-frère, décidez en conséquence. Si, au contraire, vous<br />

pensez que... nous devrions aller là-bas et les attaquer, prenez votre décision<br />

en conséquence. » L'assemblée répond : « Nous allons prendre notre<br />

décision ; tu es notre chef et nous ferons exactement comme tu dis. » Le chef<br />

accepte la responsabilité, mais déclare que, puisque ses compagnons s'en<br />

remettent à lui, il ne veut pas que sa décision soit critiquée 4 . Le même<br />

esprit se retrouve chez les Hidatsu (Dakota-Nord), qui se divisaient en<br />

i. Lowie 1924e, p. 331.<br />

2. Labouret, p. 352 et suiv.<br />

3. Lowie 1948a, p. 162, 164, 170.<br />

4. Lowie 1935, p. 8.<br />

234


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

deux moitiés, dont chacune était libre de se rallier à toute décision prise par<br />

l'autre.<br />

Le renoncement aux <strong>droit</strong>s et aux prérogatives de l'indivi<strong>du</strong> est la base<br />

même <strong>du</strong> compromis. Que les hommes ne reconnaissent que par moments<br />

la nécessité de concessions dans l'intérêt général, qu'ils n'aient souvent<br />

qu'une vague idée de l'importance d'une solidarité qui dépasse le cadre de<br />

la famille, il n'y a pas là de quoi nous surprendre. Notons seulement que la<br />

conscience d'allégeances supérieures finit par s'imposer, et c'est là ce qui<br />

rend possible la vie sociale.<br />

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237


COMPROMIS ET RÉSOLUTION<br />

DES CONFLITS<br />

DANS LES CIVILISATIONS OCCIDENTALES<br />

INTRODUCTION<br />

CH. MORAZÉ<br />

<strong>Les</strong> textes qui suivent ont été conçus voici plusieurs années, moins pour<br />

traiter effectivement un sujet que pour mettre à la disposition d'anthropologues<br />

des documents propres à alimenter leurs méditations. Ce ne sont là<br />

qu'ébauches, à partir desquelles un long travail eût dû être accompli pour<br />

choisir, adjoindre, interpréter et classer, avant de s'engager dans des conclusions.<br />

Que le lecteur veuille donc bien y reconnaître, plutôt qu'une étude<br />

continue, les simples notes surgies spontanément, et souvent davantage par<br />

association d'idées qu'après des efforts logiques, à l'esprit d'un historien<br />

offrant, non des faits élaborés, mais lui-même en son travail.<br />

Ces notes ne sont pas améliorables sans une reprise complète d'un effort<br />

dont le résultat déborderait le cadre d'un article. Mais, nous dit-on, elles<br />

peuvent rendre service, et nous avons accepté l'offre de la Revue internationale<br />

des sciences sociales de les publier. En essayant de les émonder et de les<br />

ordonner, nous leur avons sans doute retiré un peu de leur caractère originel,<br />

sans, pour autant, aboutir à une rédaction concluante ; aussi nous<br />

a-t-il paru nécessaire de les faire précéder d'un exposé succinct, mais systématique,<br />

de ce qu'on peut penser aujourd'hui <strong>du</strong> thème proposé par le<br />

titre de l'article.<br />

C'est au cœur des réalités qualifiées ordinairement d'économiques que<br />

s'effectuent surtout les ajustements ren<strong>du</strong>s nécessaires, à chaque instant,<br />

par les modifications que la vie apporte aux émotions et aux pensées, comme<br />

aux relations entre eux des indivi<strong>du</strong>s qui les ressentent et les expriment. On<br />

conçoit que des théories historiques aient pu tirer des conclusions de l'expérience<br />

ainsi vécue et désigner les facteurs de pro<strong>du</strong>ction, de consommation,<br />

de répartition comme les moteurs essentiels <strong>du</strong> développement humain.<br />

Tel n'est pas notre avis. Il ne faut voir là, selon nous, que les expressions —<br />

les plus aisément saisissables parce que tra<strong>du</strong>ites en statistiques et en courbes<br />

— qui confèrent un caractère positif aux phénomènes représentés. Mais ce<br />

sont des images, le signifiant ultime d'une élaboration concrète dont les<br />

forces élémentaires sont plus profondes, parce que participant à l'ordre que<br />

l'on peut qualifier de « naturel », dans l'acception commune de cet adjectif<br />

qui évoque à la fois conditionnement biologique, nécessités mathéma-<br />

238


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

tiques et lois physiques. Si l'action humaine impose apparemment ses<br />

modalités aux réalités naturelles, il faut pourtant bien reconnaître que nos<br />

sociétés changent leurs lois, tandis que restent invariables celles de la nature<br />

au sein de laquelle ces sociétés se développent. L'histoire n'est que le récit<br />

des circonstances où l'homme redécouvre l'univers qui l'a conçu, et l'aménage<br />

en fonction des possibilités offertes.<br />

<strong>Les</strong> lois mathématiques ou physiques ne relèvent, par essence, d'aucun<br />

compromis et, si les expressions successives que nous en formulons révèlent<br />

une adaptation progressive qui en parfait l'ajustement au réel, celui-ci<br />

demeure invariable, selon un postulat qui est la condition même <strong>du</strong> travail<br />

intellectuel positif.<br />

L'évolution sociale doit donc nécessairement se développer dans le<br />

temps, corrélativement aux découvertes engendrées les unes par les autres,<br />

en un processus qui peut, pour de courtes périodes, présenter des options<br />

accidentelles ou contingentes, mais dont la longue <strong>du</strong>rée s'inscrit en un<br />

complexe irréversible d'in<strong>du</strong>ctions et de dé<strong>du</strong>ctions.<br />

Le stock des propositions efficaces constituant l'ensemble des références<br />

d'une culture au travail, à une époque donnée, se trouve accru, à l'époque<br />

suivante, grâce à l'effort humain, mais selon un processus génétique naturel<br />

dont l'activité créatrice, loin d'être identique à travers l'histoire, invite à<br />

diviser celle-ci en deux périodes : la première est celle où s'élaborent les<br />

procédés mathématiques élémentaires à l'aide d'abstractions et de simplifications,<br />

qui sont les gages d'une efficacité croissante ; la seconde, celle où<br />

ces mêmes mathématiques s'épanouissent à l'occasion d'expériences dont<br />

les résultats se concrétisent, se multiplient en s'exprimant dans un vocabulaire<br />

enrichi de termes pratiquement innombrables, quoique chacun soit<br />

rigoureusement défini.<br />

Le passage d'une période à l'autre s'effectue donc précisément au<br />

moment où sont mis au point les principes de formation <strong>du</strong> langage scientifique,<br />

dégagé <strong>du</strong> langage commun pour en devenir de plus en plus indépendant.<br />

Ce tournant décisif de l'histoire y est daté par l'apparition des<br />

«nomenclatures» (deuxième moitié <strong>du</strong> xvm e siècle). Nous appellerons<br />

« cultures occidentales » celles qui ont préparé les nomenclatures, avant<br />

d'être les premières à en tirer parti.<br />

Cette définition a l'avantage de déterminer avec précision le centre d'une<br />

structure historique, mais elle laisse ambiguës la nature et la <strong>du</strong>rée de ses<br />

extrémités. Rattachera-t-on à la préparation des « nomenclatures » les<br />

définitions et postulats de la géométrie démonstrative ? L'Occident commence<br />

alors avec l'antiquité classique. Par contre, on le prolongera dans<br />

le passé en évoquant algebres et arithmétiques et d'une manière indéfinie<br />

si l'on y joint la numération élémentaire, tant il est malaisé de repérer<br />

continu et discontinu dans les strates de l'épistémologie scientifique. Nous<br />

serions assez tentés de proposer, comme critère rigoureux <strong>du</strong> caractère occidental<br />

de la numération, la désacralisation <strong>du</strong> nombre et son dépouillement<br />

de tout contenu émotionnel ou affectif : ce phénomène apparaît à un<br />

moment qui, grosso modo, se situe dans le temps quelques siècles avant l'ère<br />

239


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

chrétienne, mais s'étend alors, dans l'espace, à des peuples auxquels l'Europe<br />

est effectivement redevable de plusieurs de ses représentations et procédés<br />

mentaux, bien qu'il s'agisse de peuples très éloignés de la Méditerranée.<br />

L'intérêt de ces considérations, ici, est d'indiquer l'importance de la<br />

séparation <strong>du</strong> positif et <strong>du</strong> sacré, laquelle, appliquée non pas à la seule<br />

arithmétique mais à l'ensemble des expressions culturelles, nous ramène aux<br />

siècles de ce qu'on appelle la Renaissance, à l'apparition, parmi nos institutions,<br />

de celles qui codifient la science avec une autorité sociale au moins<br />

égale à celles qui, traditionnellement, depuis longtemps gardaient le dogme.<br />

Ces deux domaines sont déjà parfaitement différenciés en leurs parties<br />

centrales au xvm e siècle, mais leurs frontières communes continuent de<br />

fait l'objet de compromis et d'ajustements, pacifiquement et comme spontanément,<br />

à partir <strong>du</strong> moment où est admis le principe de la liberté de<br />

pensée, non sans violence auparavant, aux origines de la liberté de croire<br />

et jusqu'au ralliement à la tolérance.<br />

Si différent qu'apparaisse un concile œcuménique d'un congrès international<br />

de savants, ou un synode d'une académie, en de telles assemblées<br />

l'énoncé d'une proposition authentique n'est pas considéré comme l'expression<br />

d'une libre décision, mais bien comme celle d'une conformité à une<br />

vérité ou réalité permanente qui transcendent l'homme. Et cela distingue<br />

ces assemblées des instances politiques dont la légitimité est d'exprimer une<br />

volonté. L'infaillibilité <strong>du</strong> souverain pontife ou la certitude <strong>du</strong> savant ne<br />

se prévalent pas <strong>du</strong> caractère personnel attaché, depuis la laïcisation <strong>du</strong><br />

pouvoir, aux décisions d'un responsable gouvernemental. Cela ne veut pas<br />

dire que ce dernier puisse, pour autant, agir par caprice, mais seulement<br />

qu'il bénéficie d'une marge théorique d'appréciation plus large, et telle<br />

qu'elle lui permet, avec la souplesse nécessaire, de s'adapter à l'événement<br />

imprévisible et quotidien.<br />

Au sein des cultures occidentales, le domaine propre à l'élaboration de<br />

compromis est celui de la politique. Il existe, certes, une politique des<br />

Églises et des académies, mais elle ne constitue pas leur raison d'être, alors<br />

que telle est bien celle des institutions publiques que les théoriciens français<br />

ont pris l'habitude de distinguer, depuis Montesquieu, selon les trois<br />

pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Le premier a pratiquement prévalu<br />

sur les deux autres, même lorsque les accidents survenus à nos démocraties<br />

le font tomber dans les mains d'un seul homme, déjà revêtu de<br />

l'exécutif. Cela tient naturellement à ce que les grandes collectivités que<br />

sont nos nations ne peuvent se gouverner par succession de décisions particulières<br />

et contingentes, mais seulement à travers une coordination structurelle,<br />

nécessaire à leur survie, et qu'on ne peut effectivement enfreindre,<br />

sinon pour la rétablir à un degré supérieur.<br />

Ce métamorphisme univoque, réalisé par la somme des compromis<br />

quotidiens au sein des contrats particuliers, tacites ou écrits, et des délibérations<br />

des tribunaux, parlements et gouvernements, est, à la base, commandé<br />

par les impératifs <strong>du</strong> progrès scientifique, à travers les applications techniques<br />

qui l'insèrent dans l'activité économique, si bien que cette dernière<br />

240


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

est la résultante d'intérêts contradictoires et le lieu où s'exprime, avec la<br />

plus grande pertinence statistique, l'évolution collective.<br />

Que celle-ci se manifeste parfois par saccades indique que des résistances<br />

s'y opposent, avant d'être brisées par la violence. Dans ce cas, à l'intérieur<br />

d'une nation, intervient une révolution, épreuve sanglante dans la recherche<br />

<strong>du</strong> compromis.<br />

La résistance à l'évolution est naturellement le fait de la persistance de<br />

traditions, et l'histoire événementielle est donc l'expression politique d'ajustements<br />

économiques à travers lesquels se peut lire la modification de<br />

frontière intervenant entre le sacré et le positif. Deux considérations corollaires<br />

doivent, pour finir, retenir notre attention.<br />

La première est relative à ce que l'on appelle ordinairement l'accélération<br />

de l'histoire, laquelle n'est que la conséquence directe de celle <strong>du</strong><br />

progrès scientifique. Celui-ci peut être suivi à rythme lent depuis les origines<br />

mêmes de l'homme, à travers la découverte intuitive de mots effecteurs,<br />

et jusqu'à ce que soient énoncés les principes généraux et universels<br />

<strong>du</strong> langage opératoire. Dès lors, c'est-à-dire dans l'Occident stricto sensu,<br />

le progrès suit une courbe dont la nouveauté d'allure n'est pas <strong>du</strong>e à l'apparition<br />

<strong>du</strong> caractère cumulatif de la science — il lui est propre de tout temps<br />

— mais à l'accroissement de sa puissance exponentielle. Sur le plan économique<br />

et social, il s'agit <strong>du</strong> passage d'une humanité retenue surtout par le<br />

conditionnement naturel, dont les éléments constitutifs sont repérés par les<br />

langages communs, à celle qu'entraîne l'expression scientifique ; il s'agit<br />

aussi <strong>du</strong> passage des civilisations rurales aux civilisations urbaines et in<strong>du</strong>strielles.<br />

Au premier stade, le compromis tend à rétablir une situation aussi<br />

proche que possible <strong>du</strong> statu quo ante ; au second il devient prospectif.<br />

Notre seconde considération résulte <strong>du</strong> caractère national, en Occident, des<br />

institutions qui administrent le progrès et l'ensemble des compromis économiques<br />

et sociaux, qu'il remet en cause. Nos nations, déterminées par les<br />

composantes géographiques qu'exprime la diversité des langages communs,<br />

n'ont pas été détruites mais plutôt <strong>du</strong>rcies par les restructurations<br />

ren<strong>du</strong>es nécessaires par l'accélération technologique. En même temps que<br />

se découvraient les moyens d'apaiser les conflits où chacune risquait de<br />

s'abîmer intérieurement, s'accroissaient les rivalités entre nations et la<br />

violence de leurs mutuelles destructions. On pourra voir ici comment les<br />

moments <strong>du</strong> dernier siècle marqués par les conséquences d'une dénatalité<br />

pratiquée pour pallier la misère ont été aussi ceux où éclataient les<br />

guerres.<br />

Ces développements théoriques ne pouvaient être appuyés ici de preuves<br />

ou d'illustrations. <strong>Les</strong> textes qu'ils intro<strong>du</strong>isent ne fourniront pas non<br />

plus un appareil critique convaincant. Notre propos, répétons-le, n'est que<br />

de suggérer comment, à partir de méditations déjà anciennes, transcrites<br />

dans leur spontanéité quasi irrationnelle, peut s'élaborer une théorie systématique<br />

qui, en dépit de sa forme succincte et péremptoire, servira peutêtre<br />

à quelques historiens, comme elle m'a aidé moi-même. A travers cette<br />

publication, elle s'adresse, à vrai dire, moins à eux qu'aux anthropologues<br />

241


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

curieux d'observer deux étapes dans la recherche d'un système encore<br />

incomplètement formulé.<br />

RÉSOLUTION DES CONFLITS D'ORDRE INTELLECTUEL 1<br />

Pour discerner les éléments effectifs <strong>du</strong> progrès mental, les diverses sociétés<br />

d'Europe ont suscité plus ou moins spontanément des institutions. A leur<br />

origine, on découvre des groupes de savants discutant de problèmes qui<br />

leur sont communs, des échanges de correspondance et de visites, l'Europe<br />

de la Renaissance préfigurant les entretiens de mathématiciens <strong>du</strong> xvir 8 siè­<br />

cle et les expérimentateurs <strong>du</strong> xvin e . La préoccupation commune des uns<br />

et des autres est de faire reconnaître au plus tôt les procédés intellectuels<br />

propres à surmonter les obstacles sur lesquels bute la pensée. Il s'agit bien,<br />

dans l'ordre de l'esprit, d'un effort pour rétablir les relations harmonieuses<br />

interrompues par une difficulté théorique. <strong>Les</strong> procédés résolutoires ainsi<br />

impliqués peuvent être d'ordre divers : opérations, calculs, démonstrations,<br />

définitions de termes ou, enfin, hypothèses d'ensemble capables de tra<strong>du</strong>ire<br />

en expressions logiques des phénomènes irrationnels découverts par l'expé­<br />

rience.<br />

i. Dans ces textes, nous appelons « Occident » une succession organique de cultures,<br />

dont l'épanouissement s'est manifesté en Europe, avant de s'achever<br />

dans les anciennes colonies de peuplement européennes. L'unité de ces cultures<br />

tient à ce que les phases que la chronologie permet d'y repérer se rattachent<br />

les unes aux autres de manière logiquement irréversible. Ce caractère rationnel<br />

de l'historicité est exprimé par le mot « progrès », qui évoque aussi l'évolution<br />

cumulative des connaissances scientifiques et la modification rapide des équipements<br />

techniques. Un état général des choses y présente toujours, par rapport<br />

à celui qui le précède, une amélioration réelle ou virtuelle des procédés dont<br />

l'homme dispose. Et les conflits que l'histoire relate ne se résolvent qu'en fonction<br />

de l'adaptation réussie de la société à cet enrichissement des moyens. Le<br />

recours au compromis n'y est pas moins constant qu'au sein de cultures relevant<br />

de critères différents, mais il ne se solde par un succès <strong>du</strong>rable qu'en contribuant<br />

à un accroissement d'efficacité. Si bien que la notion d'harmonie, moins synchronique<br />

que diachronique, s'applique moins pertinemment à une situation<br />

donnée qu'à la transformation de cette situation. Si le repérage chronologique<br />

trouve sa légitimité dans le développement scientifique, il ne s'ensuit pas que<br />

celui-ci puisse toujours être trouvé à l'origine des ajustements sociaux ; il peut<br />

aussi en être un effet, ou, plus précisément, il en apparaît plus généralement<br />

comme une conséquence jusque vers la période 1750-1850, au cours de laquelle<br />

diverses disciplines scientifiques essentielles découvrent leurs définitions opératoires;<br />

il en apparaît ensuite comme la cause. Mais il agit alors comme un si<br />

puissant moteur qu'il invite à penser que sa mise en place a été une nécessité<br />

de caractère finaliste, avant d'être causale. La conception d'un langage scientifique<br />

cohérent ou axiomatique peut être considérée comme le noyau de la<br />

structure diachronique propre à la culture occidentale.<br />

242<br />

Dans le domaine des sciences exactes, l'art <strong>du</strong> compromis peut s'exercer<br />

pour harmoniser l'activité des sociétés mais non pour élaborer les résultats<br />

formels, toujours catégoriques.<br />

Le caractère exclusif des lois naturelles a pour effet de placer leurs découvertes<br />

au centre de tout le dispositif social, c'est-à-dire en concurrence avec les obligations<br />

issues <strong>du</strong> sacré et, tôt ou tard, à leur détriment, sans que, pour autant,<br />

soient diminuées en rien l'infinité <strong>du</strong> mystère de la condition humaine et l'émotivité<br />

qu'il implique.


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

<strong>Les</strong> institutions sont d'autant plus délicates à définir qu'elles se rapportent<br />

à des réalités plus abstraites. Dans une lettre de Fermât, l'amical<br />

ou le mondain se distingue de ce qui est proprement arithmétique, mais un<br />

salon <strong>du</strong> xvm e siècle fait place à la fois aux aspirations de la société et aux<br />

exigences de la pensée théorique. Pourtant, les nécessités fonctionnelles<br />

ainsi manifestées ont suscité des organismes permanents et statutairement<br />

définis : à la correspondance succèdent le bulletin, la revue scientifique ;<br />

aux salons succèdent les académies. Celles-ci, d'abord en France, jouent<br />

pendant deux siècles un rôle prépondérant et servent de modèle à beaucoup<br />

d'autres en Europe. L'Académie française, réunie pour élaborer un dictionnaire<br />

et une grammaire, doit s'adjoindre d'autres compagnies, chacune<br />

consacrée à des spécialités mises en valeur par de nouveaux succès <strong>du</strong> langage<br />

opératoire. <strong>Les</strong> diverses académies (sciences, inscriptions et belles<br />

lettres, sciences morales et politiques, beaux-arts, etc.) sont regroupées, au<br />

début <strong>du</strong> xix e siècle, dans l'Institut de France, dont le rôle reste capital<br />

pendant cinquante ans, surtout dans l'ordre des sciences exactes. Mettant<br />

au concours des sujets clés de la recherche, assurant un large rayonnement<br />

aux découvertes, il consacre la réputation d'un savant. Ce rôle d'arbitre, de<br />

tribunal suprême de la pensée lui est reconnu par une large part <strong>du</strong> monde<br />

occidental : une découverte faite dans quelque région, que ce soit par un<br />

savant allemand ou italien, prend sa vraie place dans l'ensemble des connaissances<br />

reçues après avoir été sanctionnée par l'aréopage parisien. Comparable<br />

à l'Institut de France, la Société royale de Londres demeure plus<br />

souplement organisée. L'une après l'autre, les nations occidentales se<br />

dotent d'académies.<br />

De telles institutions ont un rôle déterminant dans l'histoire de la pensée.<br />

Elles n'ont pourtant pas été heureuses à tout coup. En France même, certains<br />

verdicts de l'Institut ont été <strong>du</strong>rement ressentis ; d'authentiques<br />

savants ont pâti de ne pas avoir été reconnus par l'institution qui détenait<br />

un quasi-monopole des brevets de succès. Aussi est-ce l'ensemble des<br />

groupes chargés de développer le progrès scientifique, et toutes les écoles<br />

qui le répandaient, qui vainquirent la persistance des traditions logiques et<br />

pédagogiques en établissant la communication entre les inventeurs et leur<br />

public. Ce n'est pas le lieu d'étudier ici les conditions dans lesquelles nos<br />

pays ont plus ou moins bien réussi à placer recherches et enseignement au<br />

cœur des vrais courants <strong>du</strong> progrès, afin de l'accélérer. Mais il convient<br />

de mentionner que de nombreuses résistances de caractère social ont provoqué<br />

des distorsions entre la recherche et l'é<strong>du</strong>cation, au point de stériliser,<br />

pour un temps, des domaines importants de la science, et cela différemment<br />

de nation à nation. On peut ajouter que chaque époque créatrice<br />

d'un ordre logique nouveau a souvent dû édifier aussi ses propres institutions,<br />

juxtaposant celles-ci aux précédentes quand elle ne pouvait les réformer<br />

ou les remplacer par les <strong>nouvelles</strong>.<br />

Le progrès scientifique s'accélérant, et les organismes vieillissants devenant<br />

incapables de le contenir, l'autorité publique a été naturellement mise<br />

à même d'intervenir : nées d'abord de la libre association des savants, les<br />

243


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

institutions scientifiques sont, dès la fin <strong>du</strong> xix e siècle, plutôt issues d'une<br />

décision d'État et vivent non de leurs res<strong>sources</strong> propres mais grâce au<br />

budget public — et se ressentent, par suite, des préoccupations politiques.<br />

<strong>Les</strong> guerres <strong>du</strong> xx e siècle ont accéléré certaines applications militaires aux<br />

dépens d'approfondissements théoriques auxquels des isolés se livraient<br />

en vain, victimes qu'ils étaient des préoccupations de l'État-nation. L'importance<br />

des crédit consacrés à la recherche nucléaire, la préférence que<br />

les organismes nationaux de recherche scientifique accordent aux physiques<br />

au détriment des biologies et des études générales de l'homme, sugèrent<br />

combien le type nouveau d'institution officielle prospère au détriment<br />

des efforts indivi<strong>du</strong>els, risquant de les vider de leur efficacité, sinon de<br />

leur contenu, en étiolant la croissance de disciplines essentielles.<br />

Nées pour rendre le progrès efficace et harmonieux, les institutions prépondérantes<br />

sont agencées pour régler au mieux les querelles qui s'élèvent<br />

en leur sein, mais sans toujours se préoccuper de celles qui leur demeurent<br />

extérieures. Parce qu'aucune forme de travail ne nécessite plus de tension<br />

d'esprit et parfois plus d'audace dans l'inconformisme, l'effort intellectuel<br />

entraîne souvent une hypersensibilité de caractère, donc des violences de<br />

comportement, qui se manifestent en attaques et contre-attaques. Et,<br />

comme il s'agit de procès dont seuls peuvent être juges les initiés ou ceux<br />

qui se considèrent comme tels, il faut abandonner les savants au jugement<br />

de leurs pairs. Tant bien que mal ceux-ci exercent leur autorité aux dépens<br />

des personnalités extérieures mais s'efforcent, au contraire, entre eux, moins<br />

de faire triompher personnellement l'un aux dépens de l'autre que de maintenir<br />

entre tous le minimum de bonnes relations indispensables à la continuité<br />

<strong>du</strong> travail. On peut juger que l'arbitrage de ces sortes de tensions<br />

se fait d'autant mieux qu'aucun pouvoir extérieur n'intervient, et c'est la<br />

tendance européenne mise à la mode par les académies. Au contraire,<br />

l'intervention d'arbitres moins intéressés aux conflits théoriques peut être<br />

préférée ; on se réfère alors aux applications pratiques pour entretenir<br />

l'harmonie entre ceux qui en découvrent les fondements : c'est ainsi qu'aux<br />

États-Unis universités et grandes fondations sont confiées à des conseils<br />

d'administration composés davantage d'utilisateurs que de chercheurs.<br />

Dans les deux cas, la société scientifique est primitivement circonscrite en<br />

fonction d'impératifs collectifs reflétant des structures d'intérêt social ou<br />

politique.<br />

<strong>Les</strong> courants collectifs d'intérêts mettent l'accent sur certaines préoccupations<br />

scientifiques au détriment d'autres. Il est peu d'appels aux jugements<br />

ainsi prononcés : l'opinion publique peut, certes, être saisie par un<br />

article de revue ou de journal, écrit avec le tact nécessaire, et peut influencer<br />

les processus ordinaires. Il s'est formé, dans l'Europe <strong>du</strong> xix e siècle,<br />

une sorte d'opinion savante qu'évoque bien l'expression allemande de<br />

gelehrtes Europa ; elle a réussi parfois à faire pression sur les institutions en<br />

place, mais il faut de grands chocs d'événements pour que celles-ci soient<br />

radicalement transformées. L'histoire des sciences suit des chemins logiques,<br />

mais c'est dans des limites fixées par l'ensemble de l'histoire culturelle.<br />

244


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

L'Occident a voulu rendre harmonieuses la recherche de nouveaux<br />

outils intellectuels et leur mise en place ; il a maintenu un minimum de<br />

cohérence entre les chercheurs et le progrès de la pensée et des modifications<br />

de la civilisation occidentale, mais les institutions qu'il a suscitées<br />

n'échappent pas aux lois générales de l'évolution qu'elles ont pour mission<br />

de formuler.<br />

RÉSOLUTION DES CONFLITS D'ORDRE RELIGIEUX<br />

La vie religieuse de l'Occident est dominée par le christianisme, notamment<br />

par le catholicisme romain, dont l'influence a été trop <strong>du</strong>rable et<br />

profonde pendant de nombreux siècles pour n'avoir pas marqué le monde<br />

moderne. Or l'effort de l'Église romaine a été, pendant de nombreux<br />

siècles, dominé par une préoccupation fondamentale : maintenir l'unité<br />

<strong>du</strong> dogme comme celle de l'Église même, « ne pas déchirer la robe <strong>du</strong><br />

Christ ». A cette fin, il fallait définir le dogme et lutter contre les hérésies.<br />

Le dogme, comme le <strong>droit</strong> d'ancien régime, l'autorité ecclésiastique ne<br />

l'inventait pas, elle le constatait dans les Écritures et les traditions qu'il<br />

interprétait. Il n'est pas une invention humaine, élaborée dans la liberté<br />

de l'esprit : il est discerné à partir <strong>du</strong> contenu de textes sacrés, inspirés de<br />

Dieu. En principe, l'assemblée des fidèles constitue l'Église — Ecclesia,<br />

évocatrice de la démocratie athénienne et dépositaire de la vérité. Pourtant<br />

le rôle eminent de la hiérarchie ecclésiastique est allé en s'accusant,<br />

lorsque ses membres ont cessé d'être élus par les communautés de fidèles<br />

pour être désignés par voie d'autorité ; cette transformation, au cours des<br />

premiers siècles, a con<strong>du</strong>it de l'élection à la nomination par le pouvoir<br />

pontifical. En 1870, celui-ci est devenu lui-même infaillible en matière de<br />

dogme.<br />

Cette modification ne constitue pas une révolution : au temps même de<br />

la plus grande splendeur <strong>du</strong> catholicisme romain, quand le pape opposait<br />

avec succès son autorité morale au pouvoir des empereurs préten<strong>du</strong>s héritiers<br />

des Césars, si le souverain pontife était élu par le conclave, ce n'était<br />

pas par pure application <strong>du</strong> principe <strong>du</strong> choix majoritaire. Était alors<br />

considérée comme valable la désignation commune inspirée par Dieu,<br />

c'est-à-dire celle qui exprimait la volonté de la melior pars. L'idéal recherché<br />

était l'unanimité : l'assemblée ouvrait ses délibérations par une invocation<br />

de l'Esprit saint, cherchait dans les prières le secret de son unité. Quand<br />

l'unanimité n'était pas réalisée on pouvait craindre que l'esprit <strong>du</strong> mal ne<br />

soit intervenu, il devenait alors difficile de savoir à travers quels participants<br />

il s'était manifesté ; et rien ne permettait d'affirmer qu'il l'avait fait<br />

au sein de la minorité. Cette incertitude a pesé d'un grand poids sur le<br />

destin de l'Église romaine, a été à l'origine de schismes, quand majorité<br />

et minorité s'attachaient chacune à leurs candidats, irréconciliables entre<br />

eux. Lorsque, ainsi, plusieurs papes s'opposaient, chacun d'eux se réclamant<br />

de la melior pars, théologiens et moralistes déploraient la scission de<br />

245


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

l'Église mais ne pouvaient proposer de solution pratique. L'histoire ecclésiastique<br />

s'est attachée à la solution de ce problème, trouvée enfin dans le<br />

respect de la majorité puis, par la suite, dans l'infaillibilité, comme si celleci<br />

n'en était que la contrepartie et l'expression d'un besoin d'unicité équilibrant<br />

l'effet <strong>du</strong> recours résigné à un décompte arithmétique des voix dans<br />

l'élection <strong>du</strong> chef suprême de l'Église.<br />

L'histoire de l'Église présente une autre ambiguïté : son chef, bien que<br />

reconnu par toutes les nations, n'est élu que par le clergé cardinal, c'està-dire<br />

romain. Il était, certes, impraticable de réunir un concile en chaque<br />

occurrence. Et le système tire donc autorité de la tradition qui fait de<br />

Pierre, premier des apôtres selon l'Évangile, le premier évêque de Rome.<br />

Sa légitimité est historique.<br />

Au cours de son histoire, l'Église romaine a connu de nombreuses hérésies,<br />

surtout dans les premiers siècles. Elles se manifestaient à propos de<br />

dogmes, à l'occasion de conciles partiels, et se dénonçaient les unes les<br />

autres. Grave fut d'abord la séparation des Églises d'Orient et d'Occident,<br />

l'orthodoxie grecque se séparant <strong>du</strong> christianisme romain. Schismes et<br />

hérésies ont un fondement géographique, illustrant la variété des cultures<br />

que les mondes antiques avaient léguées au christianisme, surtout à l'est.<br />

<strong>Les</strong> pays de la Méditerranée orientale ont été le théâtre de conflits alimentés<br />

sans doute par des apports incessants d'idées et de sentiments venus<br />

d'Asie, cependant que, pour une dizaine de siècles, l'Occident septentrional<br />

pouvait rester à l'abri de ces germes de discorde et sauvegarder le principe<br />

de l'unité romaine. De-ci, de-là, à travers le moyen âge, un certain nombre<br />

d'influences orientales s'intro<strong>du</strong>isent par les ports de la Méditerranée occidentale<br />

et provoquent des hérésies locales. Le Nord fait alors figure de défenseur<br />

de la foi. A partir <strong>du</strong> xv e siècle, le développement <strong>du</strong> commerce est<br />

devenu si général, le bouillonnement qui résulte des échanges intellectuels<br />

de toutes sortes si puissant, qu'à son tour l'Europe <strong>du</strong> Nord réagit et suscite<br />

les hérésies. Ainsi naissent les Églises protestantes. Pourtant, ces Églises,<br />

que les défenseurs de l'orthodoxie catholique veulent déconsidérer en<br />

dénonçant leur multiplicité et leurs variations, avaient le souci de rester<br />

fidèles à la vraie foi et à l'unité qu'implique sa pureté. Ainsi s'explique<br />

l'étonnante condamnation de Servet par Calvin, comme aussi les efforts<br />

contemporains des unions des Églises protestantes, cherchant à réconcilier<br />

les sectes qui se réclament <strong>du</strong> même message de Jésus-Christ.<br />

Contre toutes prétentions théologiques et contre le mystère même de<br />

l'Incarnation se sont élevés les philosophes rationalistes, soit qu'ils tentent<br />

d'expliquer le monde par des principes scientifiques excluant Dieu, soit<br />

que plutôt, acceptant le concept divin importé en Occident par le christianisme,<br />

ils le dépouillent de ses attributs historiques et essaient, comme<br />

Voltaire, de le rendre aussi rationnel que possible. Mais le Dieu rationaliste<br />

relève aussi d'une définition assez large pour être universelle — universalisme<br />

qui se manifeste encore dans les tentatives en vue de détacher<br />

la morale de l'idée de Dieu : Emmanuel Kant découvre, dans les impératifs<br />

de la morale pratique, un caractère inconditionnel et universel.<br />

246


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

A la fin <strong>du</strong> xix e siècle, des morales dites sans obligations ni sanctions, à la<br />

pointe des laïcités, impliquent encore une certaine uniformité. Il faut<br />

attendre les travaux des ethnologues et la diffusion en profondeur des<br />

liaisons qui se découvrent dans l'expérience vécue des diversités culturelles,<br />

pour que la mesure des impératifs moraux soit rapportée aux exigences<br />

mêmes des sociétés. Originale a été la tentative faite par le D r Kinsley dans<br />

son Rapport : les conclusions en ont été étudiées, aussi bien par des pasteurs<br />

que par des moralistes laïques, qui parfois ont tenté d'adapter des<br />

principes à l'expérience relativiste. Au besoin d'unité se substitue le besoin<br />

d'efficacité. De même, la nouvelle morale civique soviétique cherche<br />

l'unité <strong>du</strong> prolétariat dans l'effectivité d'attitudes pratiques imposées à<br />

tous. Contre toutes les tendances à l'hérésie, l'Église romaine avait lutté<br />

et, si elle interdisait à ses clercs l'emploi de la violence, elle n'en déférait<br />

pas moins aux laïcs, justifiés à l'utiliser, ceux qu'elle considérait comme<br />

coupables. Ainsi fit l'Inquisition. Dans le courant <strong>du</strong> xvin e siècle, les discriminations<br />

religieuses ont paru contraires à ce que l'on commençait à<br />

appeler la « civilisation ». La tolérance ne proscrivait pas seulement l'emploi<br />

de tortures dans la recherche de la conviction, mais même la prétention<br />

à l'unicité <strong>du</strong> dogme. Elle s'est inscrite d'autant plus aisément dans la<br />

nouvelle morale occidentale que le développement <strong>du</strong> rationalisme permettait<br />

de croire qu'à l'unité de la foi pourrait se substituer celle de la<br />

raison, et qu'ainsi, en passant de l'une à l'autre, l'Occident réaliserait en<br />

lui-même l'unité de l'esprit humain. <strong>Les</strong> théologies se sont adaptées à cette<br />

nouvelle situation. L'Église romaine elle-même n'a cessé d'observer le progrès<br />

scientifique : lorsque sa prudence met une théorie à l'index, elle ne<br />

s'interdit pas, après coup, de revenir sur cette condamnation ou mise en<br />

garde ; c'est ainsi qu'elle accepte, au xx e siècle, un évolutionnisme condamné<br />

au xix e . Si bien que l'harmonisation reste une des préoccupations<br />

dominantes de l'esprit religieux d'Occident, mais se recherche aussi en<br />

fonction <strong>du</strong> progrès scientifique.<br />

Cette nouvelle attitude commande la vie morale de tous les jours. La<br />

loi et les tribunaux entendent faire peser sur tous des contraintes identiques.<br />

Cette opinion diffuse, dont on sait la force dans la société pour imposer ses<br />

normes, se survit. C'est ce qui interdit en Occident la formation de castes<br />

ayant chacune une échelle de valeurs qui lui soit propre. Même si, en fait,<br />

la hiérarchie révèle des conditions économiques différentes, la nécessité<br />

d'une communauté de principe n'est pas mise en question. Ce besoin<br />

d'unanimité qui, sur le plan de l'orthodoxie religieuse, a pu amener le<br />

catholicisme à la proclamation de l'infaillibilité pontificale est le même<br />

qui a justifié le fondement des démocraties. De ce point de vue, l'acceptation<br />

des règles de majorité est plutôt résignation à ce qui est le plus commode<br />

et le plus pratique que proclamation d'une vérité rationnelle. Beaucoup<br />

de théoriciens occidentaux ont réfléchi à ce problème, ont reconnu le<br />

caractère relatif et pragmatique des procé<strong>du</strong>res de décision ordinairement<br />

acceptées par la démocratie. L'autorité <strong>du</strong> plus grand nombre, à mesure<br />

qu'elle faisait prévaloir sa commodité arithmétique aux dépens de la Foi<br />

247


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

des temps anciens, a pu faire admettre, dans la morale courante, des<br />

nouveautés favorables à la culture bourgeoise et au progrès qui l'avait<br />

suscitée. Contestées auparavant, ces nouveautés ont été légitimées par le<br />

succès même <strong>du</strong> commerce moderne. Ainsi, le prêt à intérêt, la restriction<br />

des naissances, la modification de la responsabilité familiale ont été concomitants<br />

<strong>du</strong> développement de l'indivi<strong>du</strong>alisme comme <strong>du</strong> capitalisme.<br />

Dans les conflits qui opposent l'indivi<strong>du</strong> au groupe, l'esprit religieux de<br />

l'Occident ancien a plutôt défen<strong>du</strong> les <strong>droit</strong>s de la société sur l'indivi<strong>du</strong>,<br />

pour maintenir, sinon par la force <strong>du</strong> moins par l'autorité morale, une harmonisation<br />

qui intègre l'indivi<strong>du</strong> dans un ensemble. Or cette évocation<br />

nous ramène au problème posé par la pensée créatrice, qui, elle, surgit<br />

dans l'esprit d'un seul. Entre les <strong>droit</strong>s de l'indivi<strong>du</strong> inventeur et les nécessités<br />

de l'harmonisation collective, les conflits doivent être réglés par des<br />

hiérarchies d'instances qui ne sont ni spécifiquement religieuses ni spécifiquement<br />

scientifiques, mais qui relèvent plutôt de l'économie.<br />

RÉSOLUTION DES CONFLITS D'ORDRE ÉCONOMIQUE<br />

<strong>Les</strong> phénomènes économiques englobent l'invention et l'application de<br />

procédés techniques dans l'ensemble des activités qui organisent les marchés<br />

de matières premières, <strong>du</strong> travail et de la consommation. Comme tels, ils<br />

ne s'étudient valablement qu'en relation avec les phénomènes sociaux qu'ils<br />

sous-tendent, mais, s'il reste arbitraire de les considérer à part, ils sont pourtant<br />

assez spécifiques pour être généralement traités en eux-mêmes.<br />

Ici encore, le progrès bouleverse l'ordre. L'invention d'une technique<br />

condamne l'organisation précédente, son outillage, ses procédés, son<br />

financement. Quand les houillères de Belgique ou <strong>du</strong> nord de la France,<br />

vers la fin <strong>du</strong> xix e siècle, eurent mis au point la récupération de la chaleur<br />

des hauts fourneaux et des sous-pro<strong>du</strong>its des cokeries, leurs prix de revient<br />

furent assez bas pour entraîner, par le jeu de la concurrence, une transformation<br />

rapide de toutes les entreprises analogues. A ce jeu, l'Allemagne,<br />

dernière venue, se tailla bientôt la première place ; l'Angleterre y marqua<br />

plus de répugnance, parce qu'on y avait tiré plus large profit des rythmes<br />

lents de la première in<strong>du</strong>strialisation. La mise au point d'un procédé technique<br />

apporte un désordre de quelques années, avant d'instaurer un ordre<br />

nouveau, qui demeure fonction des manières de faire précédentes. L'acier<br />

anglais triomphe grâce au procédé Bessemer et se taille, pendant dix ans,<br />

la part <strong>du</strong> lion dans la pro<strong>du</strong>ction mondiale. Mais, avec les aciers Thomas,<br />

les États-Unis triomphent à leur tour, équipés d'autant plus aisément qu'ils<br />

étaient moins engagés dans l'équipement antérieur. Le laboratoire devient<br />

alors un centre de l'histoire économique occidentale, mais il ne lui impose<br />

pourtant pas sa logique, à l'exclusion de tout facteur psycho-social.<br />

Cependant, plus nombreuses sont les institutions in<strong>du</strong>strielles dotées de<br />

laboratoires et travaillant dans le même sens, moins violentes sont les<br />

secousses pro<strong>du</strong>ites par les découvertes d'un seul d'entre eux : c'est alors<br />

248


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

plus harmonieusement, d'un bout à l'autre <strong>du</strong> monde occidental, que se<br />

font les adaptations. En effet, la mise en service d'une seule usine neuve<br />

peut entraîner le chômage de milliers d'ouvriers et troubler de grandes<br />

régions si quelques autres activités supplémentaires n'assurent pas aux<br />

marchés de main-d'œuvre des débouchés compensateurs : le progrès est<br />

cumulatif.<br />

Facteur de désordre, le progrès se heurte à des résistances. Le succès<br />

d'un nouveau pro<strong>du</strong>it dépend de l'accueil qu'il reçoit, et les marchés de<br />

consommation expriment davantage les exigences des routines et les caprices<br />

des modes qu'un élan spontanément favorable à la pro<strong>du</strong>ctivité. Jusqu'aux<br />

premières années <strong>du</strong> xx e siècle, le public bourgeois ou populaire modela<br />

ses goûts sur ceux qu'il attribuait à l'aristocratie. La pro<strong>du</strong>ction technologique,<br />

profitant de l'élévation <strong>du</strong> niveau de vie qu'elle suscitait, devait<br />

donc contrefaire ce qu'avait été le luxe des sociétés désuètes. L'in<strong>du</strong>strie<br />

d'Europe, plus tardivement que celle d'Amérique, ne se dégagea de telles<br />

entraves nuisibles à sa propre rationalisation qu'en prenant en main la<br />

réé<strong>du</strong>cation <strong>du</strong> public et de sa vie quotidienne. Elle n'y réussit que grâce<br />

à l'expansion de l'information sous toutes ses formes, faisant appel à la<br />

publicité pour adapter l'opinion aux pro<strong>du</strong>ctions <strong>nouvelles</strong>, en même<br />

temps qu'elle la sollicitait de participer à leur financement à long terme.<br />

Si la réclame peut tout autant maintenir un pro<strong>du</strong>it désuet qu'en lancer<br />

un neuf, le jugement collectif est d'autant plus favorable aux nouveautés<br />

qu'il se ressent des crises économiques générales provoquées par leur refus.<br />

Crise de consommation et incertitude d'évolution témoignent d'inharmonies<br />

qui sont celles-là mêmes de l'évolution <strong>du</strong> goût et des représentations<br />

collectives qu'il exprime. On peut voir là l'origine des crises de l'histoire<br />

occidentale.<br />

Qu'il s'agisse des modifications intro<strong>du</strong>ites par la science ou de la résistance<br />

au progrès, diverses institutions s'emploient à rétablir l'harmonie<br />

ou, mieux, à éviter qu'elle ne soit trop troublée. <strong>Les</strong> plus actives, celles<br />

dont l'action est immédiate, sont les institutions de crédit. <strong>Les</strong> transformations<br />

des structures de pro<strong>du</strong>ction nécessitent des investissements de capitaux.<br />

Ceux-ci, rassemblés préalablement par l'entreprise elle-même, sont<br />

dits d'autofinancement ; dans ce cas, le succès précédent de l'affaire est le<br />

gage de son succès futur. Une interruption trop longue des réussites ou<br />

de trop rapides ambitions la font tomber sous le contrôle d'autrui. D'une<br />

manière générale, et parce que c'est toujours de plus vastes ensembles qui<br />

sont intéressés dans la pro<strong>du</strong>ction économique, les transformations nécessitent<br />

des appels de fonds auprès de tous les épargnants et mettent en jeu<br />

des organismes particuliers, toujours en cours de réforme, en même temps<br />

qu'en voie de développement : bourses, marchés de valeurs à long terme et<br />

banques distributrices de monnaie ou de crédit à court terme. <strong>Les</strong> conseils<br />

d'administration de ces organismes — reflet plus ou moins exact de mentalités<br />

économiques — établissent entre eux des relations de plus en plus<br />

nombreuses, s'anastomosant non seulement à l'intérieur d'un pays, mais<br />

au-delà des frontières, pour former des groupes d'intérêts cohérents,<br />

249


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

constituant autant d'instances arbitrales entre les entreprises, jugeant de ce<br />

qui peut réussir en fonction des marchés, comme en tenant compte des virtualités<br />

de l'équipement technique. Ces groupes d'intérêts prononcent<br />

leurs arrêts en accordant ou en refusant crédits et confiance. Plus sensibles<br />

en économie qu'ailleurs, les changements de rythme <strong>du</strong> progrès se tra<strong>du</strong>isent<br />

structurellement au sein des institutions qui constituent l'instance<br />

suprême de l'économie. C'est pour pallier les crises financières que la<br />

monnaie a pris successivement la forme de pièces de métal, de billets de<br />

banque, puis de chèques — trois étapes d'intellectualisation.<br />

<strong>Les</strong> financements relèvent d'organismes toujours plus puissants, si bien<br />

qu'ils appellent, finalement, le contrôle de l'État, avant même que les<br />

besoins de crédit deviennent tels qu'aucune institution privée n'y puisse<br />

suffire sans recourir au budget national. L'État, entrant en jeu, doit se<br />

doter de conseils économiques et financiers, grâce auxquels, à son tour, il<br />

joue le rôle d'arbitre dans les activités nationales. <strong>Les</strong> implications de cette<br />

fonction grandissante et de l'équipement qu'elle comporte peuvent con<strong>du</strong>ire<br />

à des planifications bancaires : cela a abouti, dans les pays socialistes, à une<br />

planification générale. Cette dernière distingue comptabilité administrative<br />

et comptabilité économique, mais peut prétendre à faire prévaloir<br />

absolument la seconde, et présente déjà cette perspective comme la réalisation<br />

proche <strong>du</strong> rêve des militants socialistes <strong>du</strong> siècle passé : la suppression<br />

de l'État et son remplacement par un organisme distributeur.<br />

Ainsi la société économique occidentale installe à son sommet une<br />

magistrature collective qui veut être soit ordonnée — et bientôt en puissance<br />

de se substituer à l'État, quand celui-ci n'a pas respecté la séparation<br />

des fonctions administratives et économiques — soit, au contraire, diffuse<br />

et n'agissant qu'à travers des groupes de pression sur l'État, dont elle ne<br />

dépend que partiellement, quand celui-ci a pu respecter les principes <strong>du</strong><br />

libéralisme. Dans les deux cas, cette magistrature n'afferme son autorité et<br />

n'entretient sa légitimité qu'en exprimant les besoins effectifs qu'elle a<br />

auparavant suscités dans le public. Ainsi, les structures de cette instance<br />

doivent toujours s'élargir en direction de la masse des consommateurs<br />

pro<strong>du</strong>cteurs, en même temps qu'elles se réforment en fonction des possibilités,<br />

vite transformées en impératifs, <strong>du</strong> progrès technique. Il va sans dire<br />

que les activités agricoles, traditionnellement enracinées dans l'habitude,<br />

n'offrent pas une image aussi simple des choses ; cependant, démarrant<br />

plus lentement, elles n'en évoluent pas moins dans le même sens.<br />

C'est grâce à l'institution de ces structures d'arbitrage que les troubles,<br />

pourtant profonds, <strong>du</strong>s aux perpétuels changements d'ordre scientifique<br />

dont l'histoire occidentale est le témoin, surtout au xx e siècle, n'ont pas<br />

d'effets politiques plus tragiques, <strong>du</strong> moins au sein des sociétés nationales.<br />

Ces structures n'ont pourtant pas empêché les guerres de nation à nation,<br />

elles en ont même aggravé le caractère destructeur.<br />

Pour régler les litiges qui relèvent de leur compétence, les institutions<br />

économiques libérales disposent d'un système de valeurs qui, à côté <strong>du</strong><br />

progrès, fait place à la liberté et à la propriété. Pour en bien comprendre<br />

250


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

l'importance, il faut se reporter à ce qu'était la vie médiévale occidentale :<br />

commerce et artisanat s'organisaient alors en corporations, c'est-à-dire en<br />

termes de dépendance collégiale et de contrôle mutuel, la concurrence<br />

y étant interdite au profit <strong>du</strong> règlement. Dans le même temps, affectant<br />

surtout l'activité rurale, divers <strong>droit</strong>s féodaux s'enchevêtraient à tel point<br />

que l'idée claire d'une propriété personnelle se dégageait mal : un bien<br />

avait plusieurs maîtres, chacun exerçant autorité et juridiction, selon sa<br />

place dans la hiérarchie privilégiée. Cette double confusion avait pour<br />

effet de multiplier les procès et de gonfler le rôle des cours de justice. A<br />

partir <strong>du</strong> xviii e siècle, l'Occident devient ce que nous le connaissons, en<br />

abandonnant simultanément corporations et <strong>droit</strong> féodal pour y substituer<br />

propriété et liberté.<br />

La propriété, dans le <strong>droit</strong> nouveau, se veut simple et absolue ; elle<br />

établit un lien aussi peu conditionnel que possible entre une terre et son<br />

propriétaire et soustrait ce dernier aux traditions collectives et communales,<br />

de manière qu'inspiré par le profit dont il devient le principal bénéficiaire<br />

il recherche la meilleure pro<strong>du</strong>ctivité. La résolution juridique des<br />

litiges est logiquement simplifiée par cette conception, qui retrouve un<br />

caractère romain. Bornes et bornages, qui avaient per<strong>du</strong> une partie de<br />

leur signification dans le système féodal inspiré de traditions orientales,<br />

reprennent tout leur sens avec le retour à la tradition latine, dont s'inspirent<br />

des codes systématiques.<br />

Cette définition de la propriété foncière s'est éten<strong>du</strong>e d'elle-même à la<br />

propriété mobilière, bien que les codes de commerce occidentaux soient<br />

encore, au xix e siècle et au xx e , ou inspirés par des traditions antérieures,<br />

ou ajustés après coup aux pratiques qui se développent alors. Leur souplesse<br />

relative les adapte aux exigences et aux leçons de la vie économique.<br />

C'est ainsi que, si une grande société anonyme appartient à ses actionnaires,<br />

ceux-ci, nombreux et éparpillés dans la nation ou le monde, n'ont pas les<br />

moyens pratiques d'exercer leurs <strong>droit</strong>s comme un propriétaire foncier<br />

peut le faire sur sa propre terre. L'actionnaire s'en remet à des représentants,<br />

membres de conseils d'administration, banquiers, dépositaires effectifs<br />

de l'autorité collective. Nous retrouvons ici, par le jeu de ces délégations,<br />

la société hiérarchisée dont il a été question ci-dessus et qui se révèle ainsi<br />

suscitée par des codes auxquels elle se conforme et capable d'en inspirer<br />

la réforme. De ce fait, ce n'est pas entre les actionnaires de sociétés rivales<br />

que s'élèvent les conflits, mais entre leurs représentants. Au-delà de la<br />

masse passive des porteurs de titres, entrepreneurs et techniciens entrent<br />

en concurrence moins en argumentant sur le <strong>droit</strong> qu'en se prévalant de<br />

succès de fait, c'est-à-dire d'une reconnaissance pratique des conditions<br />

des marchés et des possibilités <strong>du</strong> progrès technique. Ce dernier ressort est<br />

le plus efficace.<br />

La propriété, foncière ou mobilière, débarrassée des survivances féodales,<br />

a établi un régime dit de liberté économique, bien qu'il soit, en fait, celui<br />

d'une sujétion technologique. Pourtant, les <strong>droit</strong>s <strong>du</strong> propriétaire étant<br />

en principe entiers, sa responsabilité l'est aussi et tend à devenir objective :<br />

251


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

quels que soient les efforts faits par le propriétaire d'un immeuble ou d'un<br />

outil pour éviter qu'autrui n'en soit victime, il est tenu pour responsable<br />

de tout accident survenu à un tiers <strong>du</strong> fait de son bien. Cette conception<br />

simplifiée de la responsabilité concourt à instituer une concurrence ouverte<br />

à l'occasion de toute amélioration de processus et de procédés. Le propriétaire<br />

foncier offre sa récolte au prix qu'il juge bon, aussi bas que possible<br />

pour s'emparer de marchés au détriment de ses concurrents. De même,<br />

l'objet fabriqué est ven<strong>du</strong>, en principe, au prix qui paraît à l'entrepreneur<br />

avoir le plus de chances de lui assurer soit l'accroissement de son capital,<br />

soit la conquête <strong>du</strong> marché. Ainsi s'institue, au sein des exploitations, une<br />

évolution permanente qui, dans l'esprit des théoriciens <strong>du</strong> système, ne peut<br />

que servir l'intérêt général en poussant la pro<strong>du</strong>ction vers l'utilité commune.<br />

Le succès économique arbitre les oppositions d'intérêts, d'autant mieux<br />

qu'il est moins entravé par la politique. Pendant près d'un siècle, toute<br />

intervention de l'État en ce domaine fut considérée comme une violation<br />

<strong>du</strong> rôle arbitral des marchés, donc comme néfaste au progrès. Certes, il est<br />

bien fait appel aux tribunaux (et à l'État) pour sanctionner une déloyauté<br />

manifeste : fraude sur la marchandise ou dans l'exécution d'un contrat.<br />

Mais cette intervention extérieure reste aussi limitative que possible. En<br />

matière de contrat notamment, l'adage classique est que le contrat fait<br />

la loi de ceux qui l'ont signé. De là cette condamnation des coalitions d'intérêts<br />

qui, partout, dans les débuts des révolutions in<strong>du</strong>strielles, se manifeste<br />

aux dépens des travailleurs, sans jamais s'appliquer aux ententes<br />

d'organisateurs.<br />

Toutefois, le développement de la vie économique — nous l'avons noté<br />

plus haut — s'ouvre à l'intervention de l'État. Des lois plus nombreuses<br />

précisent alors les responsabilités, notamment celles des entrepreneurs à<br />

l'égard des travailleurs qu'ils emploient. Des organismes collectifs — trusts,<br />

syndicats de patrons, puis, et toujours davantage, syndicats d'ouvriers —<br />

ont enrichi l'arsenal des lois, dans le sens d'une interprétation plus restrictive<br />

de la liberté.<br />

Si bien que le pouvoir politique, exclu par principe, au début <strong>du</strong><br />

xrx e siècle, de l'entreprise économique, y fait sa rentrée au xx e , c'est-àdire<br />

vers l'époque où l'État est en train de prendre en main la recherche<br />

scientifique et l'é<strong>du</strong>cation. Si l'on veut bien reconnaître que l'organisme<br />

de distribution rêvé par les socialistes est, en fait, aussi un État, on voit que<br />

celui-ci n'a per<strong>du</strong> son autorité, vers l'époque où l'activité humaine a cessé<br />

d'être exclusivement rurale, que pour la retrouver — et accrue — au<br />

temps où elle est devenue largement in<strong>du</strong>strielle. D'une phase à l'autre,<br />

la société a changé de base et la vie publique de signification.<br />

RÉSOLUTION HARMONIEUSE DES CONFLITS DE DROITS<br />

Parmi les réalités sociales, il en est une dont l'interprétation est surtout<br />

difficile : c'est ce que le mot « démographie » exprime dans ce qu'il<br />

252


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

évoque en fait de conflit de générations. <strong>Les</strong> débuts de l'in<strong>du</strong>strialisation<br />

sont concomitants d'une urbanisation dont le premier effet est de restreindre<br />

le nombre des naissances. Il s'agit là, sans doute, <strong>du</strong> phénomène<br />

qui a le plus profondément troublé l'évolution biologique de l'Occident.<br />

Cette restriction peut se présenter comme une violation de la morale traditionnelle,<br />

comme une infraction au dogme religieux. Elle est imposée<br />

pourtant comme le moyen le plus propre à mettre un frein à un développement<br />

inconsidéré de la population — frein jugé nécessaire pour assurer<br />

à chacun une part notable des richesses créées par l'activité économique.<br />

Chez le chef de famille se développe le sentiment de la responsabilité qu'il<br />

encourt en jetant dans l'aventure économique trop de vies <strong>nouvelles</strong>. Ce<br />

sentiment a pour effet de provoquer un affaiblissement interne de la pression<br />

démographique, qui se répercute de génération en génération. <strong>Les</strong><br />

conséquences en sont d'autant plus graves qu'elles coïncident avec les<br />

périodes de crise dont elles accentuent le rythme fatal. La croissance<br />

humaine naturelle s'est trouvée ainsi troublée et les sociétés occidentales<br />

ont été engagées dans un processus dont elles ne se sont pas dégagées,<br />

en dépit des efforts tardifs entrepris au xx e siècle pour lutter contre le<br />

malthusianisme.<br />

La restriction des naissances apporte ainsi des éléments de désordre,<br />

bien que l'intention ait été, à l'origine, d'assurer à chacun une part plus<br />

importante des res<strong>sources</strong> économiques, et une é<strong>du</strong>cation plus complète.<br />

Elle est liée à l'idée de la responsabilité indivi<strong>du</strong>elle, si bien que le développement<br />

des moyens d'é<strong>du</strong>cation a favorisé l'expansion des idées antinatalistes.<br />

Le dynamisme d'un peuplement risque de diminuer à mesure<br />

que s'alourdissent les charges relatives à l'é<strong>du</strong>cation. C'est donc une réaction<br />

collective naturelle que celle qui confie à l'État la charge de toutes les<br />

institutions scolaires, lesquelles, à travers l'impôt, pèsent davantage sur<br />

les possédants. Cette intervention de l'autorité publique coïncide avec<br />

toutes les autres, aussi bien dans le domaine scientifique et technique que<br />

dans le domaine économique.<br />

L'État est amené à participer davantage à l'activité des entreprises par<br />

le biais de l'é<strong>du</strong>cation et par celui de la médecine et de l'hygiène : il intervient<br />

alors dans la vie privée quotidienne. Il en résulte — impératif des<br />

sociétés occidentales — l'obligation de faire participer tous les membres<br />

d'une société à l'autorité de l'État, selon le principe de l'égalité des <strong>droit</strong>s :<br />

autre source de conflit entre ceux qui prétendent que cette égalité doit se<br />

mesurer à l'activité de chacun, aux possibilités qu'il a d'intervenir activement<br />

dans la vie collective, et qui, par conséquent, veulent limiter la participation<br />

aux affaires publiques en fonction de la situation de fortune, et<br />

ceux qui font de l'égalité une qualité essentielle de la condition humaine.<br />

Le <strong>droit</strong> électoral ou l'éligibilité, le statut des assemblées représentatives,<br />

l'équilibre dans la restriction constitutionnelle <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>du</strong> souverain<br />

évoluent comme l'histoire de ce conflit.<br />

<strong>Les</strong> querelles politiques sont devenues plus ardentes quand l'État s'est<br />

révélé capable d'intervenir dans des domaines plus nombreux. Alors<br />

253


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

l'emporte le suffrage universel, qui donne sa force au principe de l'é<strong>du</strong>cation<br />

générale. Cela n'est cependant pas réalisé sans réticences et, quand celles-ci<br />

sont excessives, elles sont emportées par des révolutions politiques, si bien<br />

que l'extension <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de suffrage tra<strong>du</strong>it le succès des moyens les plus<br />

propres à épargner à une nation les sursauts sanglants des guerres civiles.<br />

Au sein de nations occidentales qui, comme l'Autriche, comportaient<br />

des nationalités diverses, il est apparu que le <strong>droit</strong> à l'é<strong>du</strong>cation ne respectait<br />

l'égalité des chances qu'en offrant à chacun la possibilité de s'exprimer,<br />

de s'administrer et d'être é<strong>du</strong>qué dans sa propre langue. Ce qu'on est<br />

convenu d'appeler la querelle des nationalités est lié à ce principe, qui<br />

joint au problème <strong>du</strong> libéralisme politique celui <strong>du</strong> nationalisme. C'est un<br />

autre aspect <strong>du</strong> conflit illustré par les avatars de l'Europe centrale et évocateur<br />

de traditions historiques lointaines, constituant une entrave au caractère<br />

universaliste <strong>du</strong> progrès scientifique.<br />

Dans ces conditions, l'accélération <strong>du</strong> rythme <strong>du</strong> progrès a provoqué<br />

des crises internationales autant que sociales, les unes et les autres se soldant<br />

par une augmentation <strong>du</strong> rôle de l'État. Celui-ci a pu être brusquement<br />

exalté au point de suspendre les libertés démocratiques. Déjà la République<br />

romaine, pour faire face à des crises sociales profondes, acceptait<br />

de nommer, pour un temps court, un dictateur débarrassé des contraintes<br />

constitutionnelles ordinaires. De nombreux pays d'Occident connaissent,<br />

dans leur évolution, cette irruption d'un pouvoir dictatorial, lors même<br />

que leurs institutions ne le prévoient pas formellement. Le retour aux<br />

conditions normales de la vie politique et sociale n'abolit jamais complètement<br />

les effets d'accidents de ce genre, qui apparaissent alors comme la<br />

manifestation violente d'une nécessité croissante de l'intervention de l'État.<br />

<strong>Les</strong> conflits mentionnés ci-dessus étaient relatifs à l'évolution progressive.<br />

Il en est d'autres qui résultent <strong>du</strong> jeu ordinaire des passions, et c'est<br />

là qu'interviennent des institutions qui ont fait la fierté de l'Occident : le<br />

Code, l'administration de la justice, l'organisation des pouvoirs législatif<br />

et judiciaire. La mise en place, à côté de l'exécutif traditionnel, de pouvoirs<br />

législatif et judiciaire a été la préoccupation dominante des politiques<br />

occidentales à la recherche d'une solution harmonieuse des conflits, bien<br />

que les principes présidant à cette mise en place aient été très différents<br />

selon les époques.<br />

Dans l'ancien régime, Dieu est le législateur suprême et le pouvoir<br />

politique n'a d'autorité qu'émanant de lui. La monarchie absolue ne s'autorise<br />

pas à inventer des lois mais seulement à les reconnaître et à les exprimer.<br />

Le juge, s'il rend la justice au nom <strong>du</strong> souverain, se prononce eu égard<br />

à la coutume. La structure juridique et sociale évolue lentement et comme<br />

biologiquement. Le progrès n'en est pas absent, mais il est assez lent pour<br />

jouer en faveur de l'autorité monarchique habilitée à reconnaître le <strong>droit</strong>.<br />

C'est à elle encore qu'on s'adresse pour régler les conflits que la coutume<br />

n'a pas prévus. Dans cette mesure, l'autorité centrale s'enrichit aux dépens<br />

des seigneurs locaux et donne à l'Europe sa configuration géographique.<br />

254<br />

Si nos vieilles monarchies ont été ainsi reconnues comme autant d'inter-


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

prêtes <strong>du</strong> <strong>droit</strong>, elles n'en étaient pas, pour autant, autorisées à trop innover.<br />

Elles tiraient, au contraire, leur légitimité de la tradition et, si elles<br />

cédaient à la nécessité, elles n'avaient garde de se prévaloir de motifs<br />

rationnels. Avec les transformations rapides et profondes <strong>du</strong>es au grand<br />

commerce international, modifiant l'accélération de l'activité économique<br />

européenne, c'est non seulement d'un nouveau système de lois qu'a besoin<br />

la société, mais aussi d'un procédé pour l'adapter à tout instant. Le souverain<br />

traditionnel n'était pas désigné pour ces tâches, puisqu'il était,<br />

par essence, conservateur. Sa légitimité s'est per<strong>du</strong>e quand les transformations<br />

ont révélé leur caractère continu cumulatif, évoquant ainsi les besoins<br />

d'une invention continue <strong>du</strong> <strong>droit</strong>.<br />

A l'élaboration d'un Code ouvert aux changements, les nouveaux facteurs<br />

de la vie économique — propriétaires fonciers, entrepreneurs d'in<strong>du</strong>strie,<br />

négociants — entendaient participer et, revêtus de la puissance<br />

économique, le pouvaient effectivement. Conscients de ce qu'ils doivent<br />

au progrès, ils l'invoquent à la place de Dieu. La loi civile n'est plus seulement<br />

constatée : elle peut être aussi rationnellement élaborée par ceux qui<br />

sont appelés à l'expérimenter. Bourgeois et philosophes revendiquent ainsi<br />

leur participation au pouvoir législatif. Celui-ci, d'abord détenu par les<br />

maîtres de la vie économique les mieux placés, ne tarde pas à leur être<br />

disputé par de nouveaux venus, puis par le peuple tout entier. C'est alors<br />

que l'élargissement <strong>du</strong> <strong>droit</strong> de suffrage — censitaire au début <strong>du</strong> xix e siècle,<br />

universel un siècle et demi plus tard — prend toute sa signification. Grande<br />

est la différence entre les codes nouveaux et les anciennes coutumes : les<br />

secondes se contentaient de faire liste, en ajoutant les dits <strong>du</strong> roi. <strong>Les</strong> premiers,<br />

au contraire, ordonnent systématiquement les décisions votées<br />

par des parlements élus et prises autant au nom de l'intérêt bien compris,<br />

c'est-à-dire rationnel, qu'au nom <strong>du</strong> devoir conçu comme un impératif<br />

catégorique.<br />

Ce renversement de la légitimité législative ne s'observe pas au même<br />

titre dans le pouvoir judiciaire. En France, les liens étroits reconnus entre<br />

ces deux pouvoirs incitèrent les révolutionnaires de 89 à considérer qu'une<br />

loi votée ne pouvait être appliquée que par un juge élu. <strong>Les</strong> difficultés<br />

pratiques d'un tel système se révélèrent bientôt : elles con<strong>du</strong>isirent à s'en<br />

tenir à l'inamovibilité des juges, pourtant fonctionnaires de l'État. Toutefois,<br />

outre que les États-Unis, par exemple, ont maintenu l'éligibilité des<br />

juges, partout s'est intro<strong>du</strong>it, à l'exemple anglais, l'institution d'un jury,<br />

c'est-à-dire de représentants de l'opinion publique.<br />

Codes et tribunaux ne suffisent cependant pas à rendre la justice ; si abondant<br />

que soit le travail des assemblées législatives, il ne suffit pas à couvrir<br />

tout ce que la vie quotidienne soulève de conflits. L'application comporte<br />

une interprétation par le juge, variable de nation à nation. Mais, comme<br />

les parties répugnent à l'idée que l'interprétation de la loi puisse varier<br />

de juge à juge, au sein de chaque nation se constitue une jurisprudence,<br />

assurant une coordination spécifique entre les tribunaux d'un même pays.<br />

Ce recours à la jurisprudence est ordonné autour des pratiques de l'appel,<br />

255


BEVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

instauré par les monarchies au détriment des féodalités et maintenu dans<br />

les structures judiciaires modernes. En France, les cours d'appel et la Cour<br />

de cassation alignent l'exécution de la justice. Il s'y ajoute, prolongeant<br />

cette œuvre, tout ce qu'apportent de rationalisation les études des praticiens<br />

— avoués, avocats — ou des théoriciens, notamment de ceux qui<br />

enseignent dans les facultés de <strong>droit</strong>.<br />

Dans la société occidentale, la décision juridique se prépare non seulement<br />

à l'intérieur d'organismes officiellement constitués à cet effet, mais<br />

parmi tous ceux qui vivent pour et par la justice et donnent voix à l'opinion<br />

publique.<br />

Le <strong>droit</strong> privé ainsi transformé, le pouvoir exécutif n'a pas été dépouillé<br />

de toutes les prérogatives héritées des monarchies. Par le jeu de ses décrets,<br />

arrêtés et règlements, il se réserve le <strong>droit</strong> d'intervenir aux frontières <strong>du</strong><br />

domaine législatif. De plus, dans certains pays, comme la France, il se<br />

réserve aussi de juger lui-même tous les conflits qui l'opposent à des particuliers,<br />

grâce à des tribunaux administratifs spécialisés. <strong>Les</strong> Anglais<br />

ont répugné à ces privilèges ambigus, bien que la nécessité d'une organisation<br />

judiciaire particulière se fasse aujourd'hui sentir chez eux, avec la<br />

crainte d'une paralysie de l'exécutif.<br />

<strong>Les</strong> procès criminels ont bénéficié de l'évolution précédente, bien que les<br />

problèmes diffèrent. A l'époque médiévale, reconnaître le coupable de<br />

l'innocent était en principe le fait de Dieu, auquel était laissé le soin de<br />

s'exprimer grâce à des pratiques comme celle <strong>du</strong> <strong>du</strong>el judiciaire. On sait<br />

aussi comment, jusqu'à la fin de l'ancien régime, avait subsisté en Europe<br />

ce qu'on appelait la « question », c'est-à-dire l'emploi des tortures dans<br />

l'interrogatoire des accusés ; le développement de la sensibilité au cours<br />

<strong>du</strong> xvm e siècle a condamné ces pratiques, qui provoquaient des aveux<br />

abusifs. Duel judiciaire et question ayant été éliminés auparavant des<br />

affaires civiles, l'idée est venue de réaliser le même progrès dans les affaires<br />

criminelles. En français, le mot « civilisation » est à peu près inconnu au<br />

début <strong>du</strong> xvni e siècle, mais le verbe « civiliser » a un sens bien précis : il<br />

veut dire traiter une affaire criminelle selon la procé<strong>du</strong>re réservée aux<br />

affaires civiles, c'est-à-dire sans torture. Ainsi, l'idée de civilisation s'est<br />

développée au sein des pratiques judiciaires.<br />

En elles se résume la répulsion à l'égard de toute violence — attitude<br />

caractéristique des nations occidentales modernes en face des conflits qui<br />

surgissent en leur sein. On peut voir là la preuve <strong>du</strong> fait que, si des accidents<br />

sanglants se pro<strong>du</strong>isent néanmoins si souvent dans le cours de leur<br />

histoire, c'est que l'action bouleversante <strong>du</strong> progrès a été plus forte que les<br />

volontés d'harmonie.<br />

RÉFLEXIONS SUR LA GUERRE<br />

L'échec <strong>du</strong> compromis n'est nulle part aussi évident dans nos sociétés<br />

d'Occident que dans les guerres qui les ont déchirées. Ces guerres, pour-<br />

256


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

tant, donnent leur marque à l'évolution de nos nations, non seulement dans<br />

leurs dernières manifestations tragiques, mais aussi dans les expressions<br />

scientifiques et techniques qui caractérisent le progrès. L'exposé des procédés<br />

par lesquels l'Occident a essayé d'éviter les guerres, toujours plus<br />

meurtrières, se succédant en un cycle infernal, amènerait à évoquer tel ou<br />

tel projet de « paix perpétuelle », les différents projets ayant un aspect<br />

commun par leur dérisoire portée. <strong>Les</strong> institutions internationales faites<br />

pour maintenir la concorde entre les nations n'ont pas été plus efficaces,<br />

tant qu'elles n'ont pas été l'expression d'une situation de fait rendant la<br />

guerre particulièrement terrible. Si mince a été le rôle <strong>du</strong> tribunal international<br />

de La Haye, créé à l'initiative <strong>du</strong> tsar, ou même de la Société des<br />

Nations, d'inspiration américaine, qu'on peut écrire que l'Occident historique<br />

a échoué dans ses efforts pour régler harmonieusement ses conflits<br />

entre nations.<br />

A cet échec doivent exister des causes, auxquelles il faudrait consacrer<br />

des études très poussées, aujourd'hui malheureusement à peine entamées.<br />

On tâtonne, sans s'en tenir à une observation positive <strong>du</strong> phénomène. Nous<br />

proposons, à titre provisoire, l'hypothèse de travail que voici : les nations<br />

ont transformé en guerres internationales le conflit qui menaçait leur<br />

structure interne. En nous gardant de toute interprétation politique superficielle<br />

et hâtive, nous allons essayer de commenter cette hypothèse avec<br />

l'objectivité <strong>du</strong> biologiste. Nous nous placerons successivement au point<br />

de vue des frontières, <strong>du</strong> nationalisme et des crises cycliques.<br />

A considérer l'ensemble de la succession des guerres qui se sont déroulées<br />

<strong>du</strong> moyen âge à nos jours, nous constatons que leur théâtre, pendant les<br />

premiers siècles de la vieille Europe, s'étend sur une très large surface, puis<br />

s'articule le long des frontières, à l'époque contemporaine, avant de retrouver,<br />

depuis quelques années, toute son ampleur géographique. Guerres de<br />

surface que les guerres féodales, liées à l'organisation même <strong>du</strong> régime,<br />

effet d'une multiplicité de chefs qui bataillaient entre eux, chacun défendant<br />

ce qu'il appelait son honneur et qui n'était souvent que l'expression<br />

de son intérêt. Cette multiplicité de seigneurs était, en principe, hiérarchisée<br />

et relevait d'un suzerain, dont la position suprême définissait, en <strong>droit</strong>,<br />

une société qui se prétendait indépendante. Mais tout conflit entre deux<br />

suzerains rivaux se cantonnait rarement aux frontières de ce qu'on appelait<br />

leur mouvance. Il ébranlait partout la fidélité des vassaux, mettait en<br />

cause la légitimité de leur obéissance. Il en résultait une multiplicité de<br />

champs de bataille où se décidait la topographie des futures nations.<br />

L'histoire de la guerre de Cent Ans n'est pas celle de fronts de bataille.<br />

Tant qu'elle <strong>du</strong>re, elle se déploie en Guyenne, en Flandre, en Lorraine,<br />

au cœur même de la France et dans Paris. Aux xvi e et xvn e siècles encore,<br />

si les guerres ne sont plus strictement des guerres féodales, elles en gardent<br />

beaucoup de traits et les guerres dites de religion, comme la guerre de<br />

Trente Ans, relèvent de la même généralisation : l'Allemagne tout entière<br />

est un champ de bataille débordant sur le reste de l'Europe, entraînée<br />

257


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

à son tour dans la violence. Dans les siècles qui suivent, les champs de<br />

bataille se localisent. En France, à l'époque de Louis XIV, les guerres se<br />

déroulent surtout dans les zones frontières, un peu en deçà un peu au-delà,<br />

mais sur une faible épaisseur, et il en va de même encore au xvm e siècle.<br />

<strong>Les</strong> guerres de la Révolution et de l'Empire montrent les risques, les dangers<br />

qu'il y a à échelonner trop profondément les troupes, et les campagnes<br />

de Napoléon se terminent par des guerres de frontière. <strong>Les</strong> guerres prussiennes,<br />

à l'époque de Frédéric II, sont d'abord extensives, ravagent l'ensemble<br />

de la Prusse et de l'Allemagne <strong>du</strong> Nord. Mais, à mesure que la<br />

nation prend forme, ces guerres se transportent aux frontières — et le<br />

mouvement est achevé à l'époque de Bismarck. Ce dernier phénomène a<br />

connu son optimum pendant la guerre de 1914-1918. Pendant cette guerre,<br />

le mot « front » est devenu synonyme de « bataille ». C'est en fonction<br />

d'un front aussi qu'au lendemain de la guerre de 1914-1918 a été mise en<br />

place, par la France, la ligne de défense dite ligne Maginot. L'évolution<br />

de la guerre en surface à la guerre de fronts est liée à l'in<strong>du</strong>strialisation et<br />

à la nécessité qui en découle de préserver, à l'arrière, au cœur des pays,<br />

les in<strong>du</strong>stries d'armements et la mobilisation économique, les systèmes de<br />

transport de matériel d'artillerie et d'intendance, si bien que le front est<br />

la condition même de la poursuite des opérations dans ce type de guerre<br />

particulier.<br />

Aujourd'hui, ces définitions géographiques doivent être revisées en fonction<br />

des conflits des trente dernières années. De plus en plus, les puissances<br />

attaquantes s'efforcent non pas seulement de maintenir la ligne de combat<br />

sur un front, mais de prolonger leurs efforts à l'intérieur, d'attaquer les<br />

centres d'approvisionnement et les lignes de communication. Gœring pouvait<br />

affirmer que sa guerre serait économique et, dans Mein Kampf, Hitler<br />

expliquait que la guerre pourrait se faire même sans soldats, par une infiltration<br />

progressive d'hommes de main jusqu'au coeur <strong>du</strong> pays adverse,<br />

de manière à s'en emparer de l'intérieur. Cette nouvelle conception <strong>du</strong><br />

combat a fait ses preuves dans les guerres prolétariennes, en Indonésie,<br />

en Chine, en Indochine. On revient à des types de guerre dont les caractères<br />

géographiques ressemblent à ceux des guerres féodales.<br />

Il y a un rapport entre ce type d'organisation des guerres et l'existence<br />

même des nations. Pour s'en tenir à l'essentiel, il faut en revenir à ce qui est<br />

à l'origine <strong>du</strong> <strong>droit</strong> dans les nations occidentales : le <strong>droit</strong> romain. Le fondateur<br />

de Rome, Romulus, tua, selon la légende, son frère Rémus, parce<br />

que celui-ci avait franchi la frontière de la ville qu'il venait de fonder. Ici<br />

se marque la force que, dans la tradition, on reconnaissait à la notion de<br />

frontière, définissant la cité et la patrie, mais aussi la notion de propriété<br />

indivi<strong>du</strong>elle, aussi sacrée que la frontière nationale. Respect des bornes<br />

de jalonnement et des limites de champs, respect des frontières sont conjoints<br />

et, comme le notait Voltaire, l'idée de patrie rejoint celle de propriété.<br />

258<br />

Dans les siècles qui suivent la décadence de Rome, au moment même où


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

il est le plus difficile de définir les frontières de nos nations occidentales, la<br />

notion de propriété de type romain se dégrade, comme on le constate dans<br />

le système féodal, évoqué ci-dessus. S'il est alors difficile de parler de frontières,<br />

il l'est aussi de définir juridiquement la propriété ou de reconnaître<br />

clairement un propriétaire, si nombreux sont les empiétements de <strong>droit</strong> de<br />

celui qui cultive le champ, y rend la justice, y prélève la dîme, etc. Ces<br />

empiétements multiples de complexes hiérarchiques disparaissent à mesure<br />

que se définissent les <strong>nouvelles</strong> nations et qu'elles s'organisent, et corrélativement<br />

s'opère le retour au système romain. C'est au xviir 3 siècle que se<br />

situe le tournant de cette double histoire quand, dans l'ouest de l'Europe,<br />

se substitue progressivement à la propriété féodale, notamment autour<br />

des villes, centres de diffusion <strong>du</strong> progrès, centres intellectuels et nœuds<br />

de communication, la propriété bourgeoise, laquelle se répand ensuite<br />

peu à peu sur l'ensemble de l'Occident, en même temps que se définissent<br />

les frontières nationales. Certes, au xvm e siècle encore, la notion de frontière<br />

est trop souple pour qu'on puisse lui attribuer le contenu qui est<br />

devenu commun aujourd'hui. Quand il était question de villes de la frontière<br />

(on disait aussi villes de la «barrière»), cela ne signifiait pas des<br />

villes limites, mais seulement des villes situées dans un échelonnement en<br />

profondeur, sur une distance de ioo à 200 kilomètres. Aux États-Unis<br />

d'Amérique, cette signification géographique reste de mise pendant tout<br />

le xix e siècle. Mais quand, autour des grandes capitales européennes, se<br />

cristallisent les nations, dans le courant <strong>du</strong> xix e siècle, alors apparaissent,<br />

avec les douanes nationales, les poteaux qui gardent et marquent des<br />

limites précises.<br />

Cette esquisse ne s'applique pas seulement à l'Europe, mais à toutes les<br />

régions d'inspiration européenne. Ainsi, dans les plaines d'Amérique <strong>du</strong><br />

Sud, de part et d'autre de la Plata, les immenses éten<strong>du</strong>es d'herbe rendent<br />

difficile, au début <strong>du</strong> xix e siècle, la définition de nations ; de même les<br />

terres sont sans limites précises, sans propriétaires clairement désignés. On<br />

peut presque écrire que les territoires, ne se définissant pas dans une structure<br />

nationale indépendante, limitée géographiquement, sont aussi des<br />

terres sans cadastre. Puis, dans un temps ren<strong>du</strong> court par un processus<br />

d'évolution accélérée, à mesure que les propriétaires de grands troupeaux<br />

s'organisent entre eux en alliances de type féodal, tra<strong>du</strong>isant leurs querelles<br />

de famille en batailles de portée nationale, ils cristallisent autour de<br />

hiérarchies politiques un certain nombre de nations pourvues de villes<br />

capitales. Dès lors, à l'intérieur des territoires, se définissent aussi les <strong>droit</strong>s<br />

respectifs des propriétaires, se marquent les limites des pâturages et des<br />

terres arables — limites qui sont reconnues par les autorités des villes et<br />

enregistrées chez les notaires qui y résident. Cette cristallisation s'achève<br />

quand l'Argentine et l'Uruguay sont constitués en États indépendants et<br />

distincts, aux limites géographiques précises.<br />

Pour en revenir à l'Europe, c'est d'ouest en est que les mêmes événements<br />

se sont manifestés, et cette chronologie géographique témoigne de la<br />

signification des liaisons <strong>commercial</strong>es avec les rives de l'Atlantique, de<br />

259


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

l'ordre des prises de conscience nationale, dont la <strong>du</strong>rée est à la mesure <strong>du</strong><br />

temps qu'il a fallu à la civilisation capitaliste pour se répandre depuis les<br />

rives de l'Océan jusqu'à l'intérieur <strong>du</strong> continent. En Angleterre, l'économie<br />

de la propriété et le système politique qui en résulte font leur apparition<br />

dès le xvii e siècle. En France, ils se développent progressivement, <strong>du</strong> xvn e<br />

au xvm e , pour se cristalliser dans les violences révolutionnaires, puis impériales.<br />

En Allemagne, c'est seulement le xix e siècle qui décide <strong>du</strong> triomphe<br />

à la fois <strong>du</strong> libéralisme et <strong>du</strong> capitalisme en matière de propriété, ainsi que<br />

<strong>du</strong> nationalisme.<br />

Cette conjonction comporte une définition nouvelle des devoirs <strong>du</strong> citoyen,<br />

à propos <strong>du</strong>quel nous dirons quelques mots, empruntés à l'histoire<br />

française. Le patriote, dans la France <strong>du</strong> xvn e siècle, est le chrétien fidèle<br />

à son clocher, à son village natal ; quelques années plus tard, dans la tourmente<br />

révolutionnaire, il devient l'homme qui préfère la nation à son<br />

village et se met tout entier au service de ses concitoyens. Une fidélité trop<br />

étroite au clocher est dès lors réprouvée comme une atteinte à la morale<br />

politique et à l'unité de la République. Il est dangereux d'être traité de<br />

« fédéraliste » ou de « girondin » : le Français de 93 qui aurait compris<br />

le patriotisme d'une manière anachronique risquait condamnation. Cette<br />

nouvelle définition marque si profondément la conscience nationale qu'il<br />

faudra plus d'un siècle pour voir encourager l'entretien ou la résurrection<br />

de traditions régionalistes. Encore sont-elles jusqu'à nos jours suspectées<br />

d'être réactionnaires.<br />

L'époque de ces rassemblements correspond d'ailleurs à une période de<br />

fécondité intellectuelle. La plupart des traits qui colorent les pensées<br />

nationales apparaissent au moment même où se définit l'esprit nouveau <strong>du</strong><br />

libéralisme et <strong>du</strong> capitalisme ; on assiste donc, d'est en ouest, <strong>du</strong> milieu <strong>du</strong><br />

xvn e siècle à celui <strong>du</strong> xix e , à la constitution d'idiosyncrasies collectives.<br />

<strong>Les</strong> origines de la pensée de l'Angleterre moderne doivent se chercher à<br />

l'époque d'Elizabeth; celles de la France datent plutôt de l'Encyclopédie; en<br />

Allemagne, ce sont les philosophies <strong>du</strong> début <strong>du</strong> xix e siècle qui jouent un<br />

rôle prépondérant. Le patriotisme français évoque traditionnellement des<br />

idées de liberté, d'égalité et de fraternité, qui ont trouvé leur expression<br />

chez les philosophes français, pour s'inscrire au fronton des monuments<br />

à la fin <strong>du</strong> siècle qui les avait vues s'épanouir. Dans le même temps, les<br />

préoccupations intellectuelles allemandes restaient en sommeil, mais,<br />

quelques années plus tard, dans une Allemagne qui n'était pas encore<br />

faite, grandissait la place des philosophies <strong>nouvelles</strong> et se développait,<br />

dans les universités, l'enseignement philologique. Cette recherche de l'origine<br />

des langues fait aborder le problème des races dans l'étude des sémantiques,<br />

auxquelles il est fait une place d'honneur. Le mot race n'est alors<br />

nullement suspect, puisqu'il ne s'entache d'aucune doctrine politique : il<br />

prend place dans la psychologie collective et s'y développe à la mesure des<br />

conflits qui opposent les peuples de langue allemande à ceux de langue<br />

slave. Cependant, même s'il ne prend son caractère dangereux qu'au<br />

xx e siècle, le racisme a des origines plus lointaines.<br />

260


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

Le système ferroviaire, renforçant l'unité économique des États, accuse,<br />

au xix e siècle, la rapidité avec laquelle s'organisent les frontières militaires.<br />

Quand, vers 1930, se constate une relative décadence de ce moyen de transport,<br />

en même temps que l'essor de l'aviation, d'énormes surfaces autrefois<br />

inaccessibles peuvent être aisément traversées. L'efficacité nouvelle est surtout<br />

sensible dans certains pays d'Amérique <strong>du</strong> Sud qui, après avoir peiné<br />

pendant des décennies pour construire des chemins de fer transcontinentaux,<br />

réussissent en peu d'années à établir des liaisons aériennes d'un océan à<br />

l'autre. <strong>Les</strong> chemins de fer étaient à l'échelle des vieilles nations d'Europe,<br />

l'avion étend les espaces économiques à l'échelle des continents et joue un rôle<br />

capital dans la nouvelle logistique, comme dans les stratégies qui ont transformé<br />

les guerres et défoncé les fronts. En même temps, l'avion compromet<br />

les fondements économiques <strong>du</strong> sentiment national et suscite les impératifs<br />

moraux de supranationalité. <strong>Les</strong> nazis, à l'école de Munich, avaient « calculé »<br />

la dimension de la nation en-deçà de laquelle celle-ci devenait incapable de<br />

se défendre et, par suite, cessait d'exister légitimement. Étant donné la révolution<br />

technique des transports et les <strong>nouvelles</strong> exigences de la vie économique,<br />

en matière financière, monétaire ou technique, les nazis estimaient<br />

que l'Autriche, la Tchécoslovaquie et la Pologne ne pouvaient pas vivre en<br />

tant qu'entités politiques distinctes. Ils faisaient trop bon marché des enseignements<br />

de l'histoire et aussi de la résistance des traditions morales, qui,<br />

parce que profondément enracinées, ne se suppriment pas aisément de la<br />

conscience des peuples. Mais ils constataient une réalité : les exigences des<br />

techniques <strong>nouvelles</strong> se sont effectivement tra<strong>du</strong>ites par un élargissement<br />

des surfaces économiques propres à soutenir la concurrence internationale<br />

en matière de pro<strong>du</strong>ctivité et aussi d'efficacité militaire. L'Allemagne même<br />

devait en être la victime au profit d'États constitués à l'échelle continentale.<br />

D'autres leçons doivent être tirées de l'évolution démographique. En<br />

Europe occidentale, il faut distinguer deux types bien caractérisés de population<br />

: le premier, plus ancien, comporte une forte natalité et une forte<br />

mortalité et implique une sentimentalité imprégnée de religiosité. Il se tra<strong>du</strong>it<br />

par des familles nombreuses et groupant, dans la même solidarité, plusieurs<br />

générations conscientes d'une large parenté. La capillarité sociale y<br />

est faible, le progrès économique lent, l'histoire politique n'apparaît que<br />

comme un épiphénomène. Le second type de population est moderne ; il<br />

comporte une faible natalité et une faible mortalité et implique une psychologie<br />

imprégnée de préoccupations économiques ; il s'incarne dans des<br />

familles conçues de manière plus étroite, où la responsabilité appartient<br />

précisément au père. On y compte moins d'enfants, pressés d'ailleurs de<br />

conquérir leur indépendance par rapport à leurs parents. L'économie y fait<br />

des progrès rapides, la capillarité sociale y engendre un mouvement rapide<br />

d'évolution, l'histoire politique y pénètre jusqu'au fond des masses. Pour<br />

intéressantes que soient les raisons profondes de ces différences et leurs<br />

conséquences, il faut marquer seulement ici que le passage <strong>du</strong> premier au<br />

second type de population est en liaison étroite avec l'histoire des guerres.<br />

261


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

A considérer l'ensemble des peuples européens, on voit apparaître un trait<br />

original : l'importance historique des générations. Depuis cent cinquante<br />

ans, entre des générations fortes numériquement s'en intercalent de<br />

faibles. Cela donne à nos mouvements démographiques une sorte de rythme<br />

oscillatoire, dont la répercussion se fait sentir dans les domaines des sentiments,<br />

des idées, comme de l'activité économique. Mais il faut surtout souligner<br />

que ce mouvement d'oscillation s'accentue dans le courant <strong>du</strong><br />

xrx e siècle, pour prendre, au xx e , une ampleur dangereuse. Cette aggravation<br />

s'explique aisément par les caractères fondamentaux de la population<br />

de type moderne, où la faible natalité et l'accroissement de la longévité<br />

entraînent un vieillissement général et une difficulté toujours plus grande<br />

à compenser les manques de peuplement, que ceux-ci soient d'origine<br />

biologique, économique ou militaire. Ainsi s'inscrivent dans le corps <strong>du</strong><br />

peuplement des mouvements qui opposent les générations les unes aux<br />

autres et qui s'observent particulièrement entre vingt et vingt-cinq ans. Cet<br />

âge est celui de l'établissement des familles et de la première fécondité.<br />

Aussi la ligne qui représente cet âge à travers un siècle et demi d'histoire<br />

marque-t-elle donc, par ses creux, les grandes dates politiques de l'Europe :<br />

guerres de l'Empire, révolutions de 1830 et de 1848, guerre de 1870,<br />

crise générale des années 85-95 accompagnée de l'explosion des guerres<br />

coloniales, guerres de 1914-1918 et de 1939-1945. On est donc porté à<br />

conclure que ce ne sont pas tant les guerres qui créent les crises démographiques<br />

que l'inverse, et il est aisé de vérifier cette hypothèse en comparant<br />

divers types de nation européenne : qu'il s'agisse, en effet, de nations qui,<br />

comme en Suède, ont échappé à nos guerres modernes, ou de la France,<br />

l'expression statistique reste la même. L'évolution démographique a donc<br />

un rythme qui lui est propre. Le phénomène est de nature biologique, avant<br />

d'être de nature politique ou militaire. Si la crise des années 85 éparpille<br />

les guerres sur le monde, en épargnant les nations européennes elles-mêmes,<br />

le resserrement des conditions politiques rend le progrès technique explosif<br />

à l'intérieur <strong>du</strong> continent, au cours des deux crises suivantes.<br />

En tout cas, l'évolution démographique de nos nations présente des<br />

caractères chronologiques que nous avons repérés non seulement dans l'histoire<br />

des guerres, mais aussi dans celle de la propriété, des frontières et des<br />

lois.<br />

Ce parallélisme est caractéristique de l'époque présente, où s'observe un<br />

accroissement de la natalité par rapport à la longévité, et caractéristique<br />

aussi de l'Europe avec toutes les nuances qu'imposent la persistance de<br />

l'idée nationale et une nouvelle conception de l'économie et de la communauté<br />

d'intérêts. <strong>Les</strong> progrès de la médecine, comme ceux de la technique,<br />

en maintenant élevé le nombre des vieillards, contraignent, autant que le<br />

nouvel essor de la natalité, aux sacrifices collectifs nécessaires pour aider à<br />

vivre les éléments non pro<strong>du</strong>ctifs de la population. La planification s'insinue<br />

nécessairement dans l'activité générale et particulière. <strong>Les</strong> allocations<br />

diverses modifient la vie privée, entraînent des accroissements budgétaires,<br />

représentant le prix des populations jeunes ou bien conservées. Et, en même<br />

262


COMPROMIS ET RÉSOLUTION DES CONFLITS<br />

temps que se développent, dans chaque capitale, de grandes administrations<br />

<strong>nouvelles</strong>, empiétant sur la vie privée, s'esquissent aussi des entités qui<br />

dépassent l'échelle nationale, pour devenir continentales. Ces transformations<br />

peuvent être considérées comme allant de pair avec la modification<br />

des stratégies, liées elles-mêmes au déclin de leurs caractères frontaliers. La<br />

guerre peut perdre alors son caractère critique, propre aux débuts <strong>du</strong><br />

xx e siècle, mais retrouver ce qu'elle avait d'endémique dans les périodes<br />

antérieures au xvn e .<br />

Pendant plus d'un siècle, nul bon Européen n'a douté de la haute vertu<br />

de la guerre et des valeurs morales qu'elle engendrait : fidélité à la Patrie,<br />

courage, renoncement à soi-même. Et, s'il en reste quelque chose, les conséquences<br />

des progrès récents remettent en question des formes dangereuses<br />

— parce qu'exaspérées — <strong>du</strong> nationalisme.<br />

D'où cette obscure mais caractéristique recherche de l'Occident d'aujourd'hui<br />

pour trouver à ces crises internationales, d'autant plus violentes<br />

qu'elles sublimaient les crises nationales, une autre issue que la guerre, qui<br />

avait transposé sur le plan des conflits de destin collectif ce qu'avait été le<br />

<strong>du</strong>el judiciaire médiéval dans la résolution des ambiguïtés des <strong>droit</strong>s<br />

indivi<strong>du</strong>els.<br />

263


D E U X I È M E P A R T I E<br />

LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE


I. ÉTUDES EN COURS<br />

ET CENTRES DE RECHERCHE<br />

LES NOUVELLES SOURCES<br />

DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL<br />

Rapport sur le colloque organisé à Londres, en septembre 1962,<br />

par l'Association internationale des sciences juridiques<br />

CLIVE M. SCHMITTHOFF<br />

L'évolution actuelle <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international est un des phénomènes<br />

importants de notre époque. Dans la perspective traditionnelle, cette<br />

branche <strong>du</strong> <strong>droit</strong>, comme le <strong>droit</strong> privé en général, relève <strong>du</strong> <strong>droit</strong> interne.<br />

Elle devrait donc, théoriquement <strong>du</strong> moins, différer sensiblement d'un pays<br />

à l'autre et refléter les particularités correspondant aux divers contextes<br />

sociaux dans lesquels sont appliquées les législations nationales. Mais l'expérience<br />

montre qu'il n'en est pas ainsi : dans tous les pays, le <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong><br />

international tend à s'uniformiser beaucoup plus que ne l'exigerait la<br />

nature de cette branche <strong>du</strong> <strong>droit</strong>. Cette uniformisation ne s'arrête même pas<br />

aux frontières qui divisent le monde entre pays à économie planifiée et pays<br />

à régime de libre entreprise, ou entre systèmes juridiques fondés, les uns, sur<br />

le <strong>droit</strong> romain, les autres, sur la common law d'origine anglaise.<br />

Ce caractère <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international actuel procède de nombreuses<br />

<strong>sources</strong>. La communauté <strong>commercial</strong>e internationale a entrepris<br />

elle-même, avec le concours d'associations <strong>commercial</strong>es et d'institutions<br />

internationales, de formuler la coutume <strong>commercial</strong>e internationale de telle<br />

sorte qu'elle soit applicable sur le plan international. A l'Est comme à<br />

l'Ouest, les spécialistes <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> ont recherché consciemment<br />

l'assimilation des dispositions <strong>du</strong> <strong>droit</strong> interne relatives au commerce international.<br />

L'arbitrage <strong>commercial</strong> international a également joué son rôle.<br />

Toutes ces tendances s'expliquent, en dernière analyse, par la prise de conscience<br />

croissante <strong>du</strong> fait que le commerce international est fondé sur le principe<br />

de la coexistence pacifique entre pays ayant une économie ou des traditions<br />

différentes, et que la concurrence internationale pacifique — qui est<br />

l'essence même <strong>du</strong> commerce international — constitue la seule solution<br />

possible, si l'on veut éviter une guerre mutuellement destructrice.<br />

Étant donné la grande importance économique et sociale que l'apparition<br />

d'un <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international autonome revêt dans le monde<br />

moderne, l'Association internationale des sciences juridiques a décidé<br />

d'organiser, avec le concours de l'<strong>Unesco</strong>, un examen scientifique des<br />

267


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

« Nouvelles <strong>sources</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international, notamment <strong>du</strong><br />

point de vue <strong>du</strong> commerce entre l'Est et l'Ouest ». Après les deux colloques<br />

tenus précédemment, l'un à Rome (1958) et l'autre à Helsinki (i960),<br />

l'association a réuni à Londres, <strong>du</strong> 24 au 27 septembre 1962, un colloque sur<br />

cette question.<br />

Ce colloque, très bien organisé par le professeur Imre Zajtay (Paris),<br />

secrétaire général de l'association qui a consacré à cette tâche beaucoup de<br />

temps et de travail, est venu couronner un programme d'études détaillé,<br />

établi dans un esprit de parfaite collaboration par le professeur André Tune<br />

(Paris), directeur des travaux scientifiques de l'association, le D r Clive<br />

M . SchmitthofF (Londres), rapporteur général <strong>du</strong> colloque, et le professeur<br />

Viktor Knapp (Prague), rapporteur général adjoint. Le plan général prévoyait<br />

que des experts seraient invités à rédiger un certain nombre de rapports,<br />

qui seraient coordonnés et analysés par le rapporteur général, et que<br />

ces rapports, ainsi que le rapport général, seraient communiqués aux participants<br />

avant le colloque. A l'exception d'un rapport, qui n'a pas pu être<br />

tra<strong>du</strong>it à temps, ce plan a été exécuté grâce à la collaboration de tous les<br />

intéressés.<br />

Parmi les rapports qui ont été ainsi présentés au colloque, un premier<br />

groupe était consacré aux « Relations entre le <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international<br />

et le <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> interne ». Ce groupe comprenait quatre rapports,<br />

ayant pour auteurs le professeur Henryk Trammer (Varsovie), le<br />

professeur Viktor Knapp (Prague), le professeur John Honnold (Philadelphie)<br />

et le professeur Ernst von Caemmerer (Fribourg-en-Brisgau). Dans<br />

son rapport sur « Le <strong>droit</strong> <strong>du</strong> commerce extérieur dans les systèmes juridiques<br />

des pays à économie planifiée», le professeur Trammer a souligné<br />

que, si le <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> interne des pays à économie planifiée diffère<br />

beaucoup de celui des pays de libre entreprise, le <strong>droit</strong> applicable au commerce<br />

extérieur des pays <strong>du</strong> premier groupe ne diffère pas, dans ses principes<br />

fondamentaux, <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international en vigueur dans les<br />

autres pays, et l'éminent auteur de conclure : « Aussi, les spécialistes <strong>du</strong><br />

<strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international de tous les pays n'ont-ils pas eu de difficulté<br />

à s'apercevoir qu'ils parlent une langue commune. »<br />

Dans son savant rapport sur « Le rôle, l'organisation et les activités des<br />

organismes chargés <strong>du</strong> commerce avec l'étranger dans les pays socialistes<br />

d'Europe », le professeur Knapp a analysé de façon détaillée le statut juridique<br />

et les textes constitutifs des organismes chargés <strong>du</strong> commerce avec<br />

l'étranger. Il a indiqué que les traits communs à tous ces organismes sont<br />

qu'ils ont la personnalité juridique et qu'ils exercent le monopole <strong>du</strong> commerce<br />

extérieur, réservé à l'État par les constitutions des pays socialistes. Le<br />

premier de ces traits appartient également aux sociétés à responsabilité<br />

limitée des pays de libre entreprise ; mais le second est propre aux économies<br />

planifiées par l'État. Le professeur Knapp a précisé que chaque pays<br />

à économie planifiée a ses formes et ses types particuliers d'organismes chargés<br />

<strong>du</strong> commerce extérieur et que la diversité est aussi grande que dans le<br />

cas des entreprises privées des pays à économie libérale. Le professeur Knapp<br />

268


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

a examiné, en outre, la nature et les conséquences pratiques de l'unification<br />

<strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international qui a été réalisée par les Conditions générales<br />

pour la livraison des marchandises, adoptées en 1958 par les États<br />

membres <strong>du</strong> Conseil d'assistance mutuelle économique. Le professeur Honnold,<br />

dans son rapport consacré à « L'influence <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international<br />

sur l'évolution et le caractère <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> anglais et<br />

américain», a fait observer qu'en pratique le véritable <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong><br />

international dérive d'arrangements consensuels faisant l'objet d'accords<br />

indivi<strong>du</strong>els ou de formules types que les parties peuvent adopter ou modifier<br />

à leur gré ; il a réclamé avec éloquence une plus grande réciprocité dans les<br />

coutumes et usages commerciaux dans le cadre des différentes législations<br />

internes, et il a signalé l'importance que présente à cet égard l'American<br />

Uniform Commercial Code. Le professeur von Caemmerer, qui a examiné<br />

« L'influence <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international sur l'évolution et le caractère<br />

<strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> dans les pays de <strong>droit</strong> romain», a abouti à la<br />

conclusion que l'existence de codes commerciaux distincts dans certains systèmes<br />

juridiques, comme les systèmes français et allemand, n'est qu'une<br />

question de forme et de technique d'élaboration des lois, ayant souvent une<br />

origine historique accidentelle, et que, en matière de <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong><br />

international, les différences entre pays de jus civile et pays de common law se<br />

ré<strong>du</strong>isent à presque rien ; il a étudié aussi de façon détaillée des règles juridiques<br />

« pour lesquelles les législations nationales sont en retard, s'accrochant<br />

à des préjugés surannés et s'attardant à des positions dogmatiques,<br />

depuis longtemps dépassées par la pratique <strong>commercial</strong>e».<br />

Un deuxième groupe de rapports avait pour thème « Le <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong><br />

international autonome, ses possibilités et ses limites ». Trois problèmes<br />

y étaient traités. Le premier, celui des « Conventions internationales et<br />

contrats types», a été étudié par le D r Lazare Kopelmanas (Commission<br />

économique des Nations Unies pour l'Europe, Genève), par le professeur<br />

Aleksander Goldätajn (Zagreb) et par le recteur Antonio Malintoppi (Institut<br />

international pour l'unification <strong>du</strong> <strong>droit</strong> privé, Rome). Le D r Kopelmanas,<br />

partisan convaincu <strong>du</strong> principe de l'autonomie <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong><br />

international, a donné un aperçu détaillé de la formulation des Conditions<br />

générales <strong>du</strong> commerce et des contrats types uniformes que les milieux commerciaux<br />

internationaux élaborent pour leurs propres besoins, et il a indiqué<br />

les raisons et les modalités de cette formulation. Il a fait observer que la<br />

lex mercatoria, bien connue au moyen âge, reste une source féconde et<br />

authentique <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international et il a exprimé le vœu que<br />

les problèmes spécialisés <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international fassent l'objet<br />

d'une étude comparative approfondie. Le professeur Goldstajn, qui a traité<br />

le même sujet, a examiné les diverses manières dont la pratique internationale<br />

s'efforce d'échapper aux contraintes <strong>du</strong> <strong>droit</strong> interne : conditions<br />

générales de livraison ou de vente, formules types de contrats, pratiques et<br />

coutumes uniformes, usages généraux <strong>du</strong> commerce, définitions pour le<br />

commerce extérieur, conditions <strong>commercial</strong>es, etc. Le même auteur a souligné<br />

que le <strong>droit</strong> interne ne suffit plus pour résoudre les problèmes <strong>du</strong> com-<br />

269


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

merce international, et que les tribunaux internes ne sont pas adaptés aux<br />

besoins de ce commerce ; il s'est prononcé avec vigueur en faveur de l'arbitrage,<br />

comme moyen de régler les litiges commerciaux internationaux, et il<br />

a indiqué que les deux <strong>sources</strong> principales <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international<br />

sont la coutume <strong>commercial</strong>e — <strong>droit</strong> né spontanément de la pratique — et<br />

la réglementation internationale — acte législatif délibéré. Le recteur Malintoppi<br />

a évoqué l'interprétation des conventions internationales et des<br />

contrats types par les tribunaux internes et les moyens de parvenir à une<br />

interprétation uniforme. Il a exposé les mesures qui peuvent être prises<br />

avant l'élaboration des textes (par exemple, les travaux préparatoires et les<br />

définitions), celles qui peuvent être prises par la suite (telles que l'échange<br />

réciproque d'informations, la consultation avant ratification et le contrôle<br />

des mesures législatives), enfin, la revision des textes.<br />

Le deuxième problème relatif au <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international autonome<br />

était celui <strong>du</strong> « Droit appliqué par les tribunaux d'arbitrage (y compris<br />

la reconnaissance et la preuve des coutumes <strong>commercial</strong>es étrangères et<br />

internationales en <strong>droit</strong> interne) ». Ce problème faisait l'objet de deux rapports<br />

: celui de M . Dmitri F. Ramzaitsev (Moscou) et celui <strong>du</strong> doyen Denis<br />

Talion (Nancy). M . Ramzaitsev a traité d'abord de la juridiction des tribunaux<br />

d'arbitrage, puis de l'application des règles <strong>du</strong> <strong>droit</strong> positif par ces tribunaux<br />

; un certain nombre de conclusions importantes, fondées principalement<br />

sur la pratique de la Commission soviétique d'arbitrage en matière<br />

de commerce extérieur, se dégagent de ce rapport, à savoir : les parties à<br />

une transaction <strong>commercial</strong>e internationale sont libres de choisir le <strong>droit</strong> qui<br />

sera applicable à leur contrat, mais, si un tel choix n'a pas été fait, le <strong>droit</strong><br />

applicable doit être déterminé sur la base des règles <strong>du</strong> <strong>droit</strong> international<br />

privé admis dans le pays <strong>du</strong> tribunal ; le <strong>droit</strong> étranger doit être appliqué<br />

dans la même mesure et au même titre que le <strong>droit</strong> interne ; enfin, les coutumes<br />

et pratiques <strong>commercial</strong>es internationales doivent être appliquées<br />

par le tribunal d'arbitrage suivant des principes bien établis. Le doyen Talion<br />

a évoqué les divers types d'arbitrage connus dans la pratique, comme<br />

l'arbitrage ad hoc et les institutions permanentes d'arbitrage, l'arbitrage<br />

quasi judiciaire et les procé<strong>du</strong>res de conciliation ; il a examiné, notamment,<br />

l'attitude des tribunaux d'arbitrage à l'égard de la liberté des parties, et le<br />

<strong>droit</strong> appliqué par les tribunaux d'arbitrage. Sur ces questions, les rapports<br />

de M . Ramzaitsev et <strong>du</strong> doyen Talion montrent qu'il y a un large accord<br />

entre les juristes de l'Est et ceux de l'Ouest, non seulement sur les principes,<br />

mais aussi sur des propositions juridiques précises.<br />

Le troisième problème étudié en relation avec le <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international<br />

autonome portait sur « <strong>Les</strong> limites de l'autonomie des parties<br />

(y compris la possibilité de recours aux dispositifs visant à éviter les conflits<br />

et les règles de <strong>droit</strong> interne relatives aux conflits de lois et visant à déterminer<br />

le <strong>droit</strong> applicable aux transactions <strong>commercial</strong>es internationales) ».<br />

Cette question faisait l'objet de deux rapports, l'un <strong>du</strong> professeur Trajan<br />

Ionasco, en collaboration avec le professeur Ion Nestor (Bucarest), et l'autre<br />

<strong>du</strong> juge Gunnar Lagergren (Stockholm). <strong>Les</strong> professeurs Ionasco et Nestor,<br />

270


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

qui préfèrent désigner le principe de l'autonomie des parties par la formule<br />

« doctrine de la liberté de contrat », se sont attachés à étudier de façon<br />

approfondie les diverses méthodes permettant d'éviter les conflits de lois ; ils<br />

ont fait observer que, sous réserve de certaines nuances, les pays socialistes<br />

d'Europe ont admis le principe de l'autonomie des parties pour la détermination<br />

<strong>du</strong> <strong>droit</strong> applicable aux transactions <strong>commercial</strong>es internationales,<br />

que ce principe est, en définitive, lié à la doctrine fondamentale de l'égalité<br />

des États souverains sur le plan <strong>du</strong> <strong>droit</strong> international public, et qu'il est<br />

extrêmement rare que les tribunaux d'arbitrage ou les tribunaux judiciaires<br />

des pays socialistes, lorsqu'ils règlent les différends entre organismes socialistes<br />

chargés <strong>du</strong> commerce extérieur et entreprises capitalistes privées,<br />

estiment devoir refuser l'application d'une règle de <strong>droit</strong> étranger pour des<br />

raisons d'ordre public interne. Le juge Lagergren a opposé la généralisation<br />

croissante <strong>du</strong> principe de la liberté de contrat, sur le plan international, à<br />

l'extension universelle de l'intervention de l'État dans le domaine intérieur.<br />

En accord avec les professeurs Ionasco et Nestor, il a souligné que la liberté,<br />

pour les parties, de choisir elles-mêmes le <strong>droit</strong> applicable à leur contrat ne<br />

doit pas être rejetée à la légère pour des questions d'ordre intérieur, et il a<br />

fait valoir que l'un des avantages de l'unification des conditions de vente,<br />

adoptée par la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe<br />

— « texte qui a été établi avec beaucoup de soin et de compétence par des<br />

représentants de tous les systèmes juridiques européens, y compris ceux <strong>du</strong><br />

bloc soviétique» — est que, dans un monde caractérisé par une extrême<br />

inégalité de puissance économique, ces conditions uniformes établissent un<br />

équilibre entre des parties contractantes dont la position est plus ou moins<br />

forte.<br />

La troisième grande question à l'ordre <strong>du</strong> jour <strong>du</strong> colloque avait trait aux<br />

« Nouvelles <strong>sources</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international dans les pays<br />

d'Afrique en voie de développement». Sur ce point, le colloque avait la<br />

chance de disposer d'un rapport détaillé et complet de M . Ernest Boka,<br />

président de la Cour suprême de la Côte-d'Ivoire (Abidjan). Dans ce rapport,<br />

M . Boka évoquait les relations <strong>commercial</strong>es extérieures des pays<br />

d'Afrique avec les pays d'Europe et le reste <strong>du</strong> monde, l'association des pays<br />

d'Afrique avec la Communauté économique européenne, la question de<br />

l'unité africaine, les formes de l'aide financière et de l'assistance technique<br />

internationales et les problèmes sociaux liés au progrès. La conclusion qui se<br />

dégage de ce rapport est que les anciens territoires français, comme les<br />

anciens territoires anglais, se trouvent placés devant un problème extrêmement<br />

difficile, mais dont l'enjeu est capital : trouver le moyen d'associer<br />

leur économie peu développée au mécanisme complexe <strong>du</strong> commerce international,<br />

qui s'est constitué au cours des siècles sans leur participation active<br />

et sans qu'il soit tenu compte de leurs besoins économiques.<br />

Le colloque a eu lieu à King's College (Université de Londres), <strong>du</strong> 24 au<br />

27 septembre 1962, sous la présidence <strong>du</strong> doyen R. H. Graveson (Londres),<br />

président de l'Association internationale des sciences juridiques, le professeur<br />

S. Rozmaryn (Varsovie) exerçant les fonctions de vice-président. La<br />

271


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

plupart des auteurs de rapports étaient présents, de même que des observateurs<br />

envoyés par diverses organisations internationales (notamment<br />

P<strong>Unesco</strong>, la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe et<br />

l'Institut de Rome pour l'unification <strong>du</strong> <strong>droit</strong> privé) et par divers comités<br />

nationaux de l'Association internationale des sciences juridiques. <strong>Les</strong> débats,<br />

qui se sont déroulés dans un esprit constructif et dans la bonne entente, ont<br />

été extrêmement intéressants et utiles. <strong>Les</strong> participants se sont beaucoup<br />

occupés, notamment, de la question des contrats « autonomes » ou selfregulatory,<br />

établis par les parties indépendamment de tout <strong>droit</strong> interne et<br />

dont les dispositions prévoient tous les incidents auxquels leur existence et<br />

leur application pourraient donner lieu. II existe, en effet, de tels contrats ;<br />

on en trouve des exemples dans les formules de contrats types approuvées<br />

par la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe et dans les<br />

accords très détaillés relatifs à d'importants projets internationaux de construction<br />

ou à l'exploitation <strong>du</strong> pétrole ou d'autres res<strong>sources</strong> minérales. <strong>Les</strong><br />

experts présents au colloque n'ont pu se mettre d'accord pour dire si<br />

l'intention des parties d'élaborer leurs propres règles, indépendamment de<br />

tout <strong>droit</strong> interne, est entièrement réalisable. Enfin, le professeur Romachkine<br />

(Moscou) a proposé que l'on entreprenne une étude comparative des<br />

Conditions générales de livraison (1958) et des contrats types approuvés par<br />

la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe, et le recteur<br />

Malintoppi (Rome) a suggéré que l'on ait recours, pour cela, à l'Institut de<br />

Rome, qui serait à même de centraliser les recherches et de soutenir un<br />

effort suivi dans cette direction.<br />

Outre les relations personnelles amicales que les participants ont pu<br />

nouer à l'occasion des séances de travail, des réceptions ont été organisées<br />

en leur honneur par le Lord High Chancellor de Grande-Bretagne, l'Université<br />

de Londres, King's College, I'lnstitute of Advanced Legal Studies et<br />

le British Council ; ces réceptions ont permis aux participants de rencontrer<br />

d'éminents juristes anglais ¡juges, professeurs de <strong>droit</strong> et avocats.<br />

On peut résumer de la façon suivante les principales conclusions qui se<br />

dégagent des rapports et des débats <strong>du</strong> colloque :<br />

1. Il n'est pas douteux qu'un <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international autonome —<br />

une nouvelle lex mercatoria — est en train de se constituer. Ce <strong>droit</strong> a un<br />

caractère universel ; il est commun à des pays qui diffèrent entre eux par<br />

leur régime économique et social ou par leurs traditions juridiques.<br />

2. <strong>Les</strong> <strong>sources</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international autonome sont la législation<br />

internationale, c'est-à-dire les lois types ou les conventions internationales<br />

adoptées par les divers États nationaux, et la coutume <strong>commercial</strong>e<br />

internationale formulée par la communauté <strong>commercial</strong>e internationale<br />

avec le concours d'institutions telles que la Chambre de commerce<br />

internationale et la Commission économique des Nations Unies<br />

pour l'Europe. Ces <strong>nouvelles</strong> <strong>sources</strong> <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international<br />

sont admises dans les juridictions des différents pays, par décision souveraine<br />

des autorités de ces pays, qui les subordonnent à des règles juridiques<br />

imperatives, notammem celles qui ont trait à l'ordre public.<br />

272


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

3. La caractéristique essentielle <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international, tel qu'il<br />

se constitue à partir de ces <strong>nouvelles</strong> <strong>sources</strong>, est l'activité des institutions<br />

qui le formulent. Il serait souhaitable que ces institutions établissent entre<br />

elles des liens plus étroits.<br />

4. L'arbitrage devient la procé<strong>du</strong>re normale de règlement des litiges commerciaux<br />

internationaux. On observe une tendance favorable aux institutions<br />

permanentes d'arbitrage, mais l'arbitrage ah hoc conserve son<br />

utilité.<br />

5. La liberté des parties, sous une forme limitée ou illimitée, constitue un<br />

élément capital <strong>du</strong> <strong>droit</strong> <strong>commercial</strong> international.<br />

6. Il n'existe aucun empêchement juridique à ce que les parties élaborent<br />

un contrat « autonome », indépendant de tout <strong>droit</strong> interne, pourvu<br />

qu'elles agissent de bonne foi et que leur but ne soit pas de se soustraire<br />

à la législation dont le contrat relève le plus directement. Il est peut-être<br />

théoriquement difficile d'imaginer un contrat entièrement autonome,<br />

mais, en pratique, avec l'expérience, les lacunes peuvent être ré<strong>du</strong>ites au<br />

point de devenir négligeables, pourvu que le contrat soit complété par<br />

une convention d'arbitrage.<br />

COLLOQUE INTERNATIONAL<br />

SUR L'ENSEIGNEMENT DE LA SOCIOLOGIE<br />

DANS LES UNIVERSITÉS<br />

ET AUTRES ÉTABLISSEMENTS<br />

D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR<br />

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES<br />

Princeton, 10-13 septembre 1962<br />

F. J. STENDENBACH<br />

Depuis la deuxième guerre mondiale, l'enseignement de la sociologie s'est<br />

considérablement développé et éten<strong>du</strong> dans le monde entier. Ce processus<br />

revêt des formes diverses : tantôt, on crée des chaires <strong>nouvelles</strong> ou des chaires<br />

supplémentaires et l'on inscrit au programme d'études un nombre croissant<br />

de matières différentes, si bien que l'étudiant bénéficie d'une plus grande<br />

latitude dans le choix et la combinaison des sujets ; tantôt, des cours de<br />

sociologie sont organisés dans des établissements d'enseignement ou des<br />

départements qui, à l'origine, ne dispensaient aucun enseignement de cet<br />

ordre (par exemple, des départements des sciences de l'ingénieur, de médecine,<br />

d'architecture, d'urbanisme local et régional). Cette évolution ne peut<br />

s'expliquer que par le jeu d'un certain nombre de facteurs, dont quelques-<br />

273


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

uns interviennent conjointement : besoin d'expliquer rationnellement les<br />

transformations sociales que l'on constate actuellement dans de nombreux<br />

pays ; rassemblement d'informations objectives, au sujet des processus<br />

sociaux, afin de pouvoir dominer et infléchir les modifications de la structure<br />

sociale ; besoin de personnel ayant reçu une formation sociologique qui le<br />

prépare à l'enseignement et à d'autres professions, notamment celles qu'intéressent<br />

spécialement les changements sociaux, ou qui en subissent les contrecoups.<br />

Le développement et l'expansion rapide que connaît, depuis vingt ans, la<br />

sociologie ont soulevé un certain nombre de problèmes, notamment en ce<br />

qui concerne l'enseignement de cette matière : problèmes concernant le personnel<br />

enseignant et le recrutement de ce personnel dans d'autres disciplines,<br />

problèmes d'organisation, questions concernant les méthodes pédagogiques,<br />

contenu de l'enseignement et adaptation de cet enseignement aux<br />

particularités culturelles, aux traditions et à la structure académique de<br />

chaque pays. Bien que la sociologie se soit créé certaines traditions dans<br />

quelques pays, elle est encore généralement considérée comme une science<br />

neuve, pour laquelle se posent les problèmes de professionalisation et d'adaptation<br />

qui sont de règle à ce stade. Il y avait donc intérêt à consacrer à<br />

l'enseignement de la sociologie un colloque qui rassemblerait des sociologues<br />

de pays très différents et qui permettrait de confronter les leçons de<br />

leur expérience. On peut dire que la réunion de Princeton a été féconde et a<br />

permis d'arriver à certaines conclusions assez importantes. Mais, comme on<br />

pouvait s'y attendre, il n'a pas été possible, faute de temps, d'étudier à fond<br />

certains des sujets prévus.<br />

<strong>Les</strong> participants ont examiné les sujets ci-après, choisis parmi les nombreuses<br />

propositions détaillées qui avaient été présentées par Gino Germani<br />

(Buenos Aires) :<br />

i. Problèmes concernant le contenu de l'enseignement et les méthodes<br />

pédagogiques : a) premier cours d'initiation à la sociologie ; b) cours<br />

complémentaire de sociologie à l'intention des étudiants qui choisissent<br />

d'autres disciplines comme matière principale ou comme spécialité ;<br />

c) contenu et organisation <strong>du</strong> programme d'études sociologiques ;<br />

d) conception interdisciplinaire de l'enseignement et problèmes<br />

généraux.<br />

2. Enseignement de la méthodologie et des techniques de recherche. Rapports<br />

entre l'enseignement et la recherche.<br />

3. Institutionalisation et professionalisation ; résistances opposées à ces<br />

deux processus.<br />

4. Problèmes particuliers aux pays qui n'ont guère d'expérience antérieure<br />

en matière d'enseignement de la sociologie.<br />

<strong>Les</strong> personnalités dont la liste suit ont participé à la réunion de Princeton :<br />

Participants : L. Brams (Chili), P. de Bie (Belgique), J. Medina Echavaria<br />

(Chili), I. Ganon (Uruguay), G. Germani (Argentine), E. C. Hughes<br />

(États-Unis d'Amérique), R. König (République fédérale d'Allemagne),<br />

T. H. Marshall (Royaume-Uni), K. Odaka (Japon), A. Pagani<br />

274


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE M O N D E<br />

(Italie), A. Pearse (Colombie), A. E. Solari (Uruguay), H. C. Selvin<br />

(États-Unis d'Amérique), F. J. Stendenbach (République fédérale<br />

d'Allemagne).<br />

Observateurs : A. Pizzorno (Italie), P. Rossi (Italie).<br />

La séance d'ouverture a été partiellement consacrée à une libre discussion,<br />

qui a permis aux participants de confronter leurs idées sur les principaux<br />

problèmes à inscrire à l'ordre <strong>du</strong> jour. Ils ont, tout d'abord, traité <strong>du</strong> rôle<br />

social de la professionalisation et d'une élite professionnelle organisée. <strong>Les</strong><br />

spécialistes d'Amérique latine ont fait observer que les pays de cette région<br />

ne disposent pas d'organisation professionnelle capable de favoriser le<br />

développement de la sociologie. La création d'une institution de ce genre<br />

aurait pour résultat : de renforcer chez les sociologues le sentiment de leur<br />

solidarité, par leur adhésion à l'ensemble des règles et des normes qui<br />

caractérisent leur groupe, et de mettre en place un dispositif de contrôle<br />

guidé par des avis éclairés. On a aussi insisté sur la pénurie de spécialistes,<br />

notamment dans le domaine de la sociologie rurale. De nombreux participants<br />

ont manifesté de l'intérêt pour le problème que pose la simple<br />

imitation des activités sociologiques exercées dans d'autres pays, dont les<br />

structures sociales et les problèmes sociaux sont différents. En Amérique<br />

<strong>du</strong> Sud, notamment, il semble qu'on se soit atten<strong>du</strong> à voir tous les grands<br />

problèmes sociaux résolus par la sociologie des États-Unis, laquelle n'est<br />

manifestement pas plus applicable en l'espèce que la sociologie de n'importe<br />

quel autre pays. D'où une certaine déception, génératrice de scepticisme<br />

à l'égard de la sociologie des États-Unis. On trouve ici, au départ,<br />

une conception erronée de la sociologie : on ne peut pas attendre des sociologues<br />

qu'ils élaborent une philosophie et une interprétation <strong>du</strong> monde,<br />

une Weltanschauung : ils ne sont pas en mesure de le faire. Le sentiment de<br />

frustration vient de cette attente illusoire, car la sociologie est très en faveur<br />

dans les pays en cause. Au cours des délibérations, on a formulé une mise<br />

en garde contre l'isolement, mais on a insisté sur la nécessité de trouver un<br />

moyen de renoncer à l'imitation sans perdre pour autant le bénéfice des<br />

influences étrangères. Bien que ce problème de l'imitation ait éveillé un<br />

certain intérêt, il n'a pas été inscrit à l'ordre <strong>du</strong> jour.<br />

Le troisième thème assez longuement débattu au cours de la séance<br />

inaugurale a été celui <strong>du</strong> contenu de l'enseignement et des méthodes pédagogiques.<br />

Plusieurs participants ont ren<strong>du</strong> compte de l'activité qu'ils<br />

avaient exercée dans des établissements d'enseignement de diverses catégories.<br />

Certains ont déclaré que les élèves se bornent trop souvent à<br />

apprendre les cours par cœur ; d'autres ont signalé des problèmes d'organisation.<br />

Presque tous se sont accordés à penser que les cours d'initiation<br />

devraient mettre les jeunes étudiants en contact avec le milieu social où<br />

ils vivent, et auquel ils pourraient consacrer des monographies qui feraient<br />

ultérieurement l'objet de discussions en classe. Tout en se rendant compte<br />

que cette méthode risque de donner naissance à des sociologies nationales,<br />

on a estimé possible de parer à ce danger en faisant de l'observation de la<br />

société locale le point de départ d'études comparatives.<br />

275


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

LES MÉTHODES PÉDAGOGIQUES ET LE CONTENU DE L'ENSEIGNEMENT<br />

Au cours de la séance <strong>du</strong> lundi après-midi, le professeur René König<br />

(Cologne) a présenté, en s'inspirant de son rapport à l'<strong>Unesco</strong>, un exposé<br />

intro<strong>du</strong>ctif sur certains aspects de l'enseignement de la sociologie, notamment<br />

sur les méthodes de recherche. Il a comparé les diverses façons dont<br />

on enseigne les méthodes de recherche dans différents pays et montré qu'en<br />

France, par exemple, les méthodes et techniques de recherche ne sont<br />

enseignées qu'en dehors des universités, dans les grands instituts de recherche<br />

— ce qui tend à séparer l'enseignement de la recherche expérimentale<br />

; ce problème a été étudié de façon plus détaillée les jours suivants,<br />

à l'occasion des débats consacrés à l'enseignement des méthodes de recherche<br />

et à l'institutionalisation de la sociologie. On constate, d'autre<br />

part, que les carrières types des sociologues ne sont pas les mêmes aux<br />

États-Unis que dans les autres pays. Tandis qu'aux Etats-Unis un très<br />

grand nombre de sociologues entrent dans l'enseignement, cela n'est vrai<br />

aux Pays-Bas que pour 15 % des intéressés environ. Il en est de même dans<br />

d'autres pays, tant européens que non européens, et cet état de choses<br />

n'est sans doute pas sans répercussion sur l'enseignement de la sociologie.<br />

Le débat qui a suivi a essentiellement porté sur les questions suivantes :<br />

dans quelle mesure les sociologues présents attendaient-ils de leurs élèves<br />

qu'ils se spécialisent en sociologie ? La sociologie devait-elle être considérée<br />

comme une discipline autonome à enseigner en liaison avec plusieurs<br />

autres ? Enfin, quelle était la meilleure façon de concevoir un cours d'initiation,<br />

compte tenu, si possible, <strong>du</strong> fait que les élèves n'ont pas forcément<br />

l'ambition de devenir de « parfaits sociologues », même s'ils font carrière<br />

dans cette spécialité, une fois leurs études terminées ?<br />

Ces questions ont été examinées, tout d'abord, d'un point de vue général.<br />

<strong>Les</strong> participants se sont, pour la plupart, accordés à penser que les<br />

cours d'initiation doivent répondre aux besoins particuliers des élèves auxquels<br />

ils s'adressent (c'est-à-dire, être conçus en fonction des autres matières<br />

que ceux-ci étudient et de la profession à laquelle ils se destinent). <strong>Les</strong> participants<br />

ont également examiné, sans toutefois parvenir à aucune conclusion<br />

nette, une question connexe, celle de savoir s'il convient de commencer par<br />

un enseignement général (humanités), ou s'il vaut mieux spécialiser d'emblée<br />

les élèves en leur faisant suivre un cours de sociologie proprement dite.<br />

Par opposition à d'autres disciplines — par exemple, la science économique,<br />

qui repose sur un ensemble homogène de principes théoriques<br />

d'ordre économique, qu'il faut nécessairement enseigner — il n'existe pas<br />

de doctrine scientifique fondamentale en matière de sociologie. Aussi est-il<br />

beaucoup plus délicat de déterminer ce qu'il convient d'enseigner dans ce<br />

domaine. <strong>Les</strong> participants se sont préoccupés, non pas tant <strong>du</strong> contenu<br />

même de l'enseignement sociologique, que de la façon dont cet enseignement<br />

doit être dispensé. Ils ont formulé plusieurs suggestions à cet égard.<br />

Certains pensent, par exemple, que l'on devrait montrer ce qu'est la sociologie<br />

et quelle en est l'origine, en décrivant la société à laquelle appar-<br />

276


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE M O N D E<br />

tiennent professeur et élèves, plutôt que d'autres sociétés ; les participants<br />

ont généralement paru admettre qu'il est préférable, dans un cours d'initiation,<br />

que le professeur de sociologie décrive et analyse la société ambiante.<br />

Une autre suggestion a concerné l'enseignement de la sociologie à des<br />

élèves qui se destinent à d'autres professions. Ici encore, il y a deux possibilités<br />

: faut-il enseigner la sociologie dans le cadre de référence <strong>du</strong> groupe<br />

d'élèves intéressés ou dans un cadre plus large ? Autrement dit, faut-il<br />

enseigner la sociologie à de futurs économistes par le truchement de la<br />

science économique, ou donner à cet enseignement un tour plus abstrait<br />

et plus général ? Selon certains participants, la meilleure manière de faire<br />

un cours d'initiation à la sociologie dans les divers établissements est de<br />

prendre d'abord pour véhicule la matière qui est la spécialité de cet établissement,<br />

pour s'élever ensuite à un niveau plus général. Toutefois, le professeur<br />

T. H. Marshall a mis ses compagnons en garde contre le danger de<br />

voir disparaître la sociologie en tant que discipline autonome si l'on fait<br />

des cours « sur mesure », de caractère assez spécialisé. En Angleterre, tous<br />

les spécialistes n'ont pas encore la même conception de ce que doit être un<br />

cours d'initiation à la sociologie générale. Pour le professeur Marshall, il<br />

serait peut-être bon d'en élargir le cadre, en appliquant la sociologie à<br />

diverses autres disciplines. Le professeur E. Hughes a développé des idées<br />

voisines. Le problème, semble-t-il, consiste à trouver un compromis entre<br />

une initiation purement sociologique et un enseignement de la sociologie<br />

conçu en liaison avec l'enseignement d'autres disciplines.<br />

Le fait de dispenser un enseignement d'initiation à la sociologie à des<br />

élèves non spécialisés dans cette matière aussi bien qu'aux futurs spécialistes<br />

a, naturellement, des incidences sur l'administration et l'organisation<br />

de l'enseignement. L'augmentation d'effectif <strong>du</strong> personnel des départements<br />

de sociologie, en particulier, pose à la fois un problème financier et<br />

un problème humain. <strong>Les</strong> conclusions et recommandations formulées dans<br />

le présent rapport doivent donc être considérées dans le cadre institutionnel<br />

déterminé par ces deux grands facteurs : le besoin de personnel et les<br />

moyens financiers disponibles.<br />

Il semble que certains problèmes de « communication » se posent lorsque<br />

la sociologie est enseignée par un certain professeur à la faculté de médecine,<br />

par un autre à la faculté de <strong>droit</strong> et par un troisième à la faculté des<br />

sciences économiques. <strong>Les</strong> participants sud-américains ont signalé qu'en<br />

pareil cas ces professeurs évitent généralement de se rencontrer. C'est peutêtre<br />

là une situation extrême ; mais il est toujours possible que les professeurs<br />

des différentes facultés s'intègrent et s'identifient de plus en plus à<br />

leurs établissements respectifs et, par voie de conséquence, attachent moins<br />

de prix aux relations avec d'autres sociologues.<br />

Au cours de la deuxième séance, consacrée aux méthodes pédagogiques<br />

et au contenu de l'enseignement, les participants ont essayé de formuler<br />

d'autres propositions concrètes sur la façon d'enseigner et sur ce qu'il convient<br />

d'enseigner au début, ainsi que sur ce qu'il convient d'inscrire au<br />

programme par la suite. Certains ont proposé de commencer le cours<br />

277


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

d'initiation par l'étude de certaines notions sociologiques élémentaires :<br />

rôle, statut, interaction, système d'interaction, fonction, structure, etc. Ces<br />

notions devraient être étudiées en fonction de situations sociales concrètes<br />

qui soient familières aux débutants (situations empruntées à la vie familiale,<br />

à la vie au sein d'un groupe d'égaux, aux relations entre maître et<br />

élèves). Cette façon de procéder aurait l'avantage d'illustrer ces notions<br />

par des exemples matériels accessibles aux élèves, puisque liés à leur expérience<br />

vécue. En outre, cette étude des notions fondamentales préparerait<br />

les élèves à accéder aux niveaux supérieurs de l'enseignement, où l'on se<br />

réfère constamment à cette base conceptuelle supposée connue. Mais, au<br />

début, l'enseignement de ces notions ne peut donner de bons résultats que<br />

s'il se rattache aux aspects de la réalité sociale que l'élève connaît. Comme<br />

on l'a souligné au cours des débats, si l'analyse conceptuelle était enseignée<br />

de façon abstraite, cela ferait plus de mal que de bien à l'élève qui accepterait<br />

les notions de base sans en connaître le champ d'application, ni la<br />

signification exacte. A ce propos, M . Brams, de la Faculté latino-américaine<br />

de sciences sociales (FLACSO), a insisté sur les dangers <strong>du</strong> psittacisme<br />

et de la pétrification des concepts : ceux-ci doivent être présentés<br />

dans un cadre social, et non isolément.<br />

Certains des participants ont proposé une autre solution, qui consisterait<br />

à concevoir le cours d'initiation non pas d'un point de vue systématique,<br />

mais plutôt d'un point de vue historique, en donnant aux élèves<br />

un aperçu de l'histoire sociale et économique, et peut-être aussi de l'histoire<br />

de la sociologie. C'est ainsi que l'on procède au Japon, en Italie et<br />

dans certains pays d'Amérique latine, tandis que l'Angleterre, les États-<br />

Unis d'Amérique et certains pays d'Europe préfèrent la méthode systématique,<br />

et que divers centres d'enseignement concilient les deux formules.<br />

Le choix entre les deux conceptions dépend pour beaucoup des intentions<br />

des élèves : veulent-ils ou non devenir des sociologues professionnels ? Dans<br />

la négative, la méthode conceptuelle serait sans doute ennuyeuse et néfaste ;<br />

la méthode historique conviendrait mieux, encore que les arguments invoqués<br />

en sa faveur ne semblent pas absolument convaincants. Peut-être y<br />

aurait-il intérêt à organiser deux cours parallèles — un cours historique et<br />

un cours systématique — qui fusionneraient en un seul lorsque le premier<br />

en arriverait à l'époque contemporaine.<br />

Outre la méthode historique et la méthode systématique (ou théorique),<br />

il existe une autre possibilité, la méthode disciplinaire, qui consiste à combiner,<br />

au début, l'initiation à un aspect particulier de la sociologie avec<br />

l'illustration des concepts élémentaires. On pourrait, par exemple, partir<br />

de la sociologie familiale et illustrer ainsi les notions de rôle, de statut, de<br />

fonction, de structure, de groupe, d'interaction, etc. Le semestre suivant,<br />

on aborderait la sociologie de la communauté, ce qui permettrait de présenter<br />

les notions de strate et de stratification sociale, de mobilité sociale,<br />

de pouvoir, etc. On pourrait ainsi passer d'un stade élémentaire à un stade<br />

plus complexe, sans perdre de vue les différents aspects de la sociologie ni<br />

son cadre conceptuel.<br />

278


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

Au cours des débats, les participants ont maintes fois souligné qu'il ne<br />

faut pas se borner à présenter aux élèves une description de la réalité sociale,<br />

mais qu'il faut aussi les initier à l'analyse et à l'explication <strong>du</strong> fait sociologique.<br />

Autre question débattue : celle des matières non sociologiques qu'il<br />

convient d'enseigner en liaison avec la sociologie. Certains participants ont<br />

donné des précisions sur ce qui se passe en Argentine et à Chicago, où une<br />

expérience se poursuit depuis longtemps, avec succès. A Chicago, pendant<br />

les deux années qui suivent leur sortie de l'école secondaire, les élèves étudient<br />

la physique, les sciences humaines, les sciences sociales et la biologie ;<br />

après quoi ils peuvent suivre, à la faculté des sciences sociales, des cours de<br />

sociologie, de science politique, de géographie, de psychologie, de science<br />

économique, d'anthropologie sociale et d'histoire, pour obtenir un diplôme<br />

de master. Ceux qui se spécialisent dans l'une quelconque de ces disciplines<br />

sont néanmoins tenus de suivre les cours qui se rapportent aux<br />

autres. <strong>Les</strong> élèves sont choisis avec le plus grand soin.<br />

Gino Germani (Buenos Aires) a donné un autre exemple, beaucoup plus<br />

complexe, d'enseignement de la sociologie. En Argentine, le programme<br />

d'études, jusqu'à la licence, est le suivant :<br />

Au premier stade, treize cours sont répartis sur deux ou trois années d'études<br />

après la sortie de l'école secondaire. L'âge initial des élèves est de dix-huit<br />

ans en moyenne. Ces cours s'étendent sur dix-sept semaines, à raison de<br />

cinq séances d'une heure par semaine ; ils portent sur les sujets suivants :<br />

i. Études générales : intro<strong>du</strong>ction à la philosophie ; intro<strong>du</strong>ction à l'histoire<br />

; intro<strong>du</strong>ction à la matière à option choisie.<br />

2. Sciences sociales : intro<strong>du</strong>ction à la psychologie ; intro<strong>du</strong>ction à la<br />

science politique ; intro<strong>du</strong>ction à l'histoire sociale ; intro<strong>du</strong>ction à la<br />

statistique ; intro<strong>du</strong>ction à la science économique.<br />

3. Études spécialisées : intro<strong>du</strong>ction à la sociologie ; intro<strong>du</strong>ction à la<br />

psychologie sociale ; intro<strong>du</strong>ction à la sociologie comparée ; intro<strong>du</strong>ction<br />

à la sociologie systématique ; intro<strong>du</strong>ction aux méthodes de<br />

recherche.<br />

Au deuxième stade, il y a dix-sept cours, répartis sur trois années d'études<br />

et comprenant environ quarante-cinq heures par semaine ; les élèves sont<br />

tenus de suivre huit ou neuf au moins de ces dix-sept cours. Sur cent élèves<br />

qui entrent en première année, il y en a entre dix et vingt qui achèvent le<br />

cycle d'études. L'enseignement est donné par une vingtaine de professeurs<br />

à plein temps, qui font également des recherches et qui sont aidés par une<br />

soixantaine d'assistants. <strong>Les</strong> possibilités d'avancement offertes à ces assistants<br />

sont fort restreintes ; mais il semble que la plupart d'entre eux ne<br />

restent pas à l'université.<br />

<strong>Les</strong> participants se sont demandé si les élèves choisissent telle ou telle des<br />

matières à option parce qu'elle leur paraît relativement facile ou parce<br />

qu'elle répond à leurs futurs intérêts professionnels. Le professeur Germani<br />

a exposé que l'on met actuellement en place un système d'études dirigées,<br />

analogue au système anglais des tutors, notamment pour ce qui est des<br />

279


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

matières à option. On s'est demandé si une période de dix-sept semaines<br />

n'est pas trop courte pour permettre une initiation sérieuse aux diverses<br />

disciplines, et l'on a proposé de doubler la <strong>du</strong>rée des cours, ou, <strong>du</strong> moins, de<br />

certains d'entre eux. La multiplicité des matières enseignées pose un problème<br />

plus grave : elle risque de faire obstacle à la compréhension et à<br />

l'assimilation des connaissances et d'empêcher de situer les différentes<br />

matières dans un contexte théorique suffisamment large. Peut-être le système<br />

des études dirigées pourrait-il, dans certaines limites, servir de régulateur.<br />

Un autre exemple a été donné, concernant cette fois la Colombie :<br />

pendant la première année, l'enseignement y est le même qu'en Argentine ;<br />

mais, la deuxième année, les élèves sont initiés aux méthodes d'enquête,<br />

en liaison avec leurs études de sociologie rurale ; l'enseignement de la sociologie<br />

urbaine commence en troisième année, et l'étude des concepts théoriques<br />

se poursuit <strong>du</strong>rant la quatrième année, qui comprend, en outre, un<br />

cours supérieur de statistique ; enfin, la cinquième et dernière année est<br />

consacrée à un enseignement plus indivi<strong>du</strong>el, qui comprend des stages<br />

d'études, l'examen critique de recherches expérimentales et l'élaboration<br />

de programmes de recherches. On considère que la spécialisation ne doit<br />

pas être poussée trop loin.<br />

L'attention des participants a aussi été attirée sur l'importance d'une<br />

analyse critique d'ouvrages de référence comme ceux de Marx, Weber,<br />

Durkheim, Parsons, etc., qui semblent actuellement négligés dans la plupart<br />

des établissements d'enseignement représentés. Certains des problèmes<br />

examinés se posent plus souvent en Amérique <strong>du</strong> Sud, ou <strong>du</strong> moins dans<br />

certaines parties de ce continent, que dans la plupart des autres pays.<br />

<strong>Les</strong> débats relatifs au contenu et aux méthodes de l'enseignement sociologique<br />

ont porté, enfin, sur l'emploi des manuels. L'Amérique <strong>du</strong> Sud<br />

éprouve à cet égard des difficultés particulières, car les manuels en usage<br />

se réfèrent, pour la plupart, aux conditions sociales de l'Amérique <strong>du</strong> Nord<br />

et, parfois, de l'Europe ; ils négligent plus ou moins complètement les autres<br />

continents ou civilisations. Pour remédier à cette situation, on prépare<br />

actuellement, à l'intention des pays d'Amérique <strong>du</strong> Sud, un manuel,<br />

composé de tra<strong>du</strong>ctions de textes appropriés, d'origine européenne ou nordaméricaine.<br />

Certains participants ont émis l'opinion que le vocabulaire<br />

technique des manuels nord-américains se révélerait peut-être difficile<br />

à tra<strong>du</strong>ire ; mais cette crainte a paru dénuée de tout fondement à leurs<br />

interlocuteurs, qui ont soutenu qu'en pareil cas il faut créer des termes<br />

nouveaux pour exprimer les notions <strong>nouvelles</strong>. Le mieux serait que des<br />

sociologues des pays d'Amérique <strong>du</strong> Sud rédigent des manuels conçus en<br />

fonction des problèmes particuliers à ces pays. Ces ouvrages devraient<br />

comprendre : a) une section générale ; b) des textes correspondant aux<br />

diverses régions culturelles ; c) des exemples empruntés à divers pays et<br />

illustrant différents problèmes.<br />

<strong>Les</strong> participants se sont finalement mis d'accord sur les points suivants :<br />

i. Au premier stade des études sociologiques, les cours d'initiation ne<br />

doivent pas établir de distinction trop nette entre les étudiants qui<br />

280


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

comptent se spécialiser en sociologie et les autres. Tous doivent recevoir<br />

une certaine formation en matière d'histoire sociale, d'études comparées<br />

et d'observation directe de la société où ils vivent. On a proposé, non<br />

seulement de faire figurer, dans le cours d'initiation, une analyse conceptuelle<br />

descriptive, fondée sur l'expérience des étudiants, mais aussi de<br />

combiner d'emblée la description et l'analyse de la société. La première<br />

partie <strong>du</strong> programme devrait prévoir l'enseignement de la sociologie à tous<br />

les étudiants, qu'ils aient l'intention de poursuivre dans cette voie ou qu'ils<br />

se destinent à une autre carrière. C'est à un stade ultérieur seulement<br />

qu'il conviendrait de distinguer entre les futurs sociologues et les autres<br />

étudiants, mais, même alors, il ne faudrait pas se cantonner, pour le<br />

choix des exemples, à un seul domaine professionnel (médecine ou<br />

<strong>droit</strong>, par exemple).<br />

2. Le cours d'initiation ayant pour objet de donner aux étudiants une idée<br />

approximative <strong>du</strong> travail <strong>du</strong> sociologue, avant qu'ils ne passent à des<br />

raisonnements plus abstraits et à des analyses théoriques complexes, ou<br />

qu'ils ne se spécialisent dans des domaines plus restreints, l'enseignement<br />

doit aller <strong>du</strong> particulier au général et à l'abstrait. Le cours doit comprendre,<br />

néanmoins, dès la première année, une part d'études analytiques.<br />

3. Cependant, il ne faut pas qu'au début le cours de sociologie appliquée<br />

se spécialise en prenant tous ses exemples dans un seul et même domaine ;<br />

la documentation utilisée doit, autant que possible, se rattacher à la<br />

théorie sociologique dans son ensemble.<br />

4. L'emploi de manuels a généralement été jugé utile à ce stade préparatoire.<br />

Mais, étant donné que, dans beaucoup de pays en voie de développement,<br />

les manuels des États-Unis sont difficiles à utiliser, il paraît<br />

souhaitable soit de composer des manuels entièrement nouveaux, soit<br />

d'ajouter aux manuels existants des sections <strong>nouvelles</strong>, complétées par<br />

une documentation tra<strong>du</strong>ite d'autres langues et concernant diverses<br />

cultures.<br />

5. Quant aux matières à enseigner aux étudiants en sociologie, les participants<br />

n'ont pu arriver qu'à un accord de caractère très général. Ils<br />

ont estimé qu'il fallait inscrire au programme les sujets suivants (ou <strong>du</strong><br />

moins certains d'entre eux) : anthropologie sociale, psychologie sociale,<br />

science économique, histoire, géographie sociale, science politique,<br />

statistique.<br />

ENSEIGNEMENT DES MÉTHODES DE RECHERCHE<br />

Le professeur K. Odaka (Tokyo) et le professeur H. C. Selvin (Berkeley)<br />

ont présenté des communications sur ce sujet.<br />

Le professeur Odaka a d'abord mentionné le rapport qu'il avait rédigé<br />

pour la publication de l'<strong>Unesco</strong> sur l'enseignement des méthodes de<br />

recherche. Il a ensuite examiné certains des problèmes institutionnels et des<br />

problèmes d'organisation que pose l'enseignement de la sociologie au Japon,<br />

281


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

où il n'existait, avant 1951, que trois chaires consacrées à cette discipline.<br />

Sur les 500 universités et collèges universitaires <strong>du</strong> Japon, 150 ont maintenant<br />

des départements de sociologie, ou donnent des cours de sociologie.<br />

C'est l'attitude défavorable qu'adoptait autrefois le gouvernement japonais<br />

à l'égard de la sociologie qui explique la pénurie de fonds à consacrer aux<br />

recherches expérimentales et, par voie de conséquence, le fait que les sociologues<br />

japonais aient dû s'occuper surtout de sociologie théorique ou<br />

philosophique. Néanmoins, la recherche expérimentale a pris de plus en<br />

plus d'importance pour les sociologues japonais depuis la fin de la deuxième<br />

guerre mondiale — ce qui a eu pour résultat, sur le plan institutionnel, que<br />

le programme d'études est consacré, pour 25 % environ, à la formation<br />

aux techniques de recherche. Bien que l'intérêt des recherches expérimentales<br />

soit encore mal reconnu au Japon, les instituts ci-après ont réussi à<br />

établir d'utiles rapports de coopération en matière de recherche et d'enseignement<br />

: Institut de journalisme, rattaché à l'Université de Tokyo<br />

(procède surtout à des recherches sur les moyens de grande diffusion) ;<br />

Institut de mathématiques statistiques <strong>du</strong> Ministère de l'é<strong>du</strong>cation (donne<br />

des cours de brève <strong>du</strong>rée sur les méthodes statistiques, à l'intention des<br />

chercheurs et des étudiants d'université) ; Institut de recherches démographiques<br />

<strong>du</strong> Ministère de la sécurité sociale et Institut de recherches<br />

agronomiques rattaché au Ministère de l'agriculture et de la sylviculture.<br />

<strong>Les</strong> universités procèdent à de nombreux travaux sur le terrain en coopération<br />

avec ces instituts, dont les experts jouent le rôle de consultants pour<br />

les projets de recherche de leur département de sociologie. Un lien s'établit<br />

de la sorte entre enseignement et recherche.<br />

La communication <strong>du</strong> professeur Selvin s'appuyait essentiellement sur<br />

son expérience et sa connaissance des États-Unis et visait à déterminer quels<br />

sont les procédés les plus courants en matière d'enseignement méthodologique<br />

et dans quel sens évoluent la statistique et la méthodologie. A ses<br />

yeux, la méthodologie remplit avant tout une fonction analytique, et la<br />

statistique est un instrument qui sert à l'expression des notions méthodologiques.<br />

Tandis que, vers 1930, le profane cultivé pouvait comprendre presque<br />

tous les articles d'une revue de sociologie, il n'en va plus de même aujourd'hui<br />

où la lecture des documents sociologiques exige des connaissances de<br />

base en statistique et en méthodologie. Il existe deux raisons de développer<br />

l'enseignement de la méthodologie : a) tout d'abord, les cours obligatoires<br />

de statistique et de méthodologie de la recherche constituent les pierres<br />

d'achoppement les plus redoutables pour les étudiants, notamment pour<br />

ceux qui préparent des diplômes supérieurs ; b) en second lieu, beaucoup<br />

des publications de recherche sont médiocres <strong>du</strong> point de vue méthodologique.<br />

L'enquête objective à laquelle Selvin et Hirschi se sont livrés sur<br />

cette question a mis en lumière une évolution continue vers des statistiques<br />

plus abondantes, une méthodologie plus formelle et, un peu plus tard, vers<br />

une certaine mathématisation. Pour que les élèves soient en mesure de<br />

suivre ce processus, ils ont besoin de recevoir une formation mathématique<br />

282


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

plus poussée, soit pendant leurs études secondaires, soit dans le cadre des<br />

cours d'initiation qu'ils suivent au collège universitaire ou à l'université.<br />

La qualité des manuels statistiques n'est pas satisfaisante au niveau<br />

élémentaire, et l'est bien moins encore au niveau moyen, parce que la<br />

gamme des ouvrages entre lesquels on peut choisir est plus ré<strong>du</strong>ite. Le plus<br />

souvent, ces livres sont conçus pour des psychologues, ainsi que le montrent<br />

leurs titres, leurs sujets et les exemples cités. D'après Selvin, il n'a paru<br />

depuis 1952 aucun manuel statistique de niveau moyen expressément destiné<br />

aux sociologues. Au niveau supérieur, la situation est toute différente :<br />

il n'est plus question d'éviter le recours aux mathématiques, ni d'étudier<br />

les problèmes de fond dans un domaine quelconque. Ne serait-ce que pour<br />

lire les textes, il faut connaître le calcul infinitésimal et l'algèbre matricielle.<br />

Pour la formation systématique en matière de recherches expérimentales,<br />

on ne peut plus recourir à la procé<strong>du</strong>re traditionnelle — celle des recherches<br />

personnelles — tout simplement parce que le nombre des étudiants est trop<br />

élevé par rapport à celui des maîtres. Il existe plusieurs solutions de compromis,<br />

dont l'une, l'analyse secondaire — qui consiste à réexaminer les données<br />

rassemblées à d'autres fins — a encore une certaine importance aujourd'hui.<br />

Cette analyse peut être comparative, si l'on utilise une documentation<br />

puisée dans un grand nombre d'études différentes ; elle peut aussi<br />

donner lieu à une interprétation nouvelle, si l'on analyse une seconde fois<br />

les données d'une étude déterminée. Cette méthode permet à l'étudiant de<br />

consacrer relativement plus de temps au travail d'analyse et de rédaction<br />

que s'il devait recueillir lui-même les données ou participer avec ses camarades<br />

à l'exécution d'un travail en commun. Mais son principal inconvénient<br />

est que l'intéressé n'apprend pas, par expérience, à organiser une<br />

étude ni à recueillir des données. Il faudrait trouver un compromis entre<br />

les travaux qui consistent simplement à recueillir des données et ceux qui<br />

consistent uniquement à les analyser et les interpréter.<br />

On a pensé un moment pouvoir résoudre ce problème par la formule <strong>du</strong><br />

class project : l'exécution d'un travail collectif permet, en effet, à chaque<br />

étudiant d'acquérir tour à tour l'expérience de toutes les phases de ce<br />

travail. Mais, après un essai, de nombreux é<strong>du</strong>cateurs ont renoncé à cette<br />

méthode, parce que les opérations quasi mécaniques de rassemblement et<br />

de traitement des données exigent trop de temps. Si l'on essaie de faire tenir<br />

toute une étude en un seul semestre, les étudiants ne parviennent pas au<br />

stade de l'analyse ; il arrive même qu'ils ne puissent guère observer de résultats.<br />

On a trouvé à tous ces problèmes plusieurs solutions partielles, sans<br />

qu'aucune soit entièrement satisfaisante.<br />

Une méthode apparemment assez efficace est appliquée à Berkeley : c'est<br />

celle <strong>du</strong> truncated class project (travail collectif partiel), où le rassemblement et<br />

le traitement des données ne sont pas effectués en totalité. Pendant la majeure<br />

partie <strong>du</strong> premier semestre, les étudiants procèdent à toutes les opérations<br />

que comprennent l'élaboration <strong>du</strong> plan d'une étude et la mise au point des<br />

instruments. Ils recueillent des observations et procèdent à des interviews<br />

283


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

préparatoires, lisent la documentation pertinente et coopèrent à l'élaboration<br />

et à l'essai préliminaire <strong>du</strong> questionnaire. Au moment où commencerait<br />

l'enquête véritable, avec sa longue suite d'opérations—échantillonnage,<br />

interviews, codage, établissement de cartes perforées, présentation en<br />

tableaux — chaque étudiant reçoit une série de cartes perforées établies<br />

pour une étude antérieure et procède, à l'aide de cette documentation, à<br />

l'analyse secondaire des problèmes qui l'ont intéressé.<br />

On a aussi mentionné la Detroit Area Study, sorte de class project d'un<br />

niveau supérieur. Il s'agit d'un cours qui s'étend sur deux semestres et que<br />

presque tous les étudiants suivent, tout en travaillant, sous la direction d'un<br />

eminent spécialiste, à des problèmes d'une grande importance théorique.<br />

Cette étude de Detroit fait une place plus large aux expériences in situ, tandis<br />

que le truncated class project de Berkeley consiste surtout en des travaux d'analyse<br />

et de rédaction.<br />

<strong>Les</strong> dissertations trimestrielles, rédigées en liaison avec le truncated class<br />

project de Berkeley, pour lesquelles c'est l'analyse et la logique qui comptent<br />

avant tout, se sont révélées supérieures, en qualité, aux dissertations<br />

concernant des projets dans lesquels une moindre importance est accordée à<br />

l'analyse. <strong>Les</strong> participants ont souligné, au cours des débats, l'intérêt de<br />

l'analyse secondaire comme méthode pédagogique, mais ils ont exprimé<br />

l'avis que la formation générale des étudiants est assez médiocre, surtout en<br />

Amérique <strong>du</strong> Sud. L. Brams a signalé la faiblesse que présente l'enseignement<br />

de la conceptualisation au Chili et la confusion qui y règne à l'égard<br />

de concepts de caractère très général. Il a aussi critiqué les articles et les<br />

manuels qui proposent surtout comme modèles des recherches de type<br />

idéal et trahissent l'absence de pensée créatrice.<br />

<strong>Les</strong> participants sont ensuite revenus aux problèmes de l'enseignement<br />

des théories et des modèles et de leurs relations réciproques, et il a été<br />

proposé d'étudier les progrès réalisés depuis le rapport rédigé en 1954 par<br />

le professeur P. de Bie. A cette époque, il n'existait presque pas de cours de<br />

formation en matière de recherche pratique. Aujourd'hui, en revanche, la<br />

conceptualisation occupe une place beaucoup plus large qu'il y a dix ans.<br />

Le professeur de Bie a soutenu que l'enseignement des techniques de recherche<br />

devrait revêtir un caractère plus pratique et recourir, par exemple, au<br />

truncated class project (comme on le fait aujourd'hui non seulement aux<br />

États-Unis mais aussi en Belgique). Cependant, certains participants ont<br />

signalé que les jeunes étudiants de certains pays européens sont nettement<br />

hostiles aux recherches et travaux sur le terrain. Cette attitude est peutêtre<br />

<strong>du</strong>e, pour une part, à une é<strong>du</strong>cation humaniste classique et, pour une<br />

part, au fait que les vieilles traditions universitaires orientent vers l'étude<br />

livresque plutôt que vers l'observation directe. Il se peut aussi que les<br />

lacunes de la formation statistique et mathématique y soient pour quelque<br />

chose. C'est pourquoi il a été proposé d'initier d'abord les étudiants à la<br />

statistique et peut-être aussi, en cas de besoin, aux mathématiques — bien<br />

que cela soit naturellement très difficile au début, car les étudiants ignorent<br />

à peu près tout de la sociologie. Il faudrait commencer par des choses<br />

284


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

concrètes, puis intro<strong>du</strong>ire progressivement dans l'enseignement les abstractions<br />

et la logique de la science.<br />

En France, l'enseignement des méthodes de recherche se fait en dehors<br />

des universités, ce qui semble poser un problème très grave. A la longue,<br />

en effet, cette pratique a une conséquence très dangereuse : les sociologues<br />

qui enseignent dans les universités tendent à négliger la recherche pratique ;<br />

ils se contentent souvent d'enregistrer et de répéter, voire, dans certains cas,<br />

de faire la synthèse théorique des résultats de recherches faites par d'autres<br />

qu'eux.<br />

Au cours <strong>du</strong> débat qui a suivi, les participants ont examiné sous quelle<br />

forme et à quel stade il convient d'inscrire au programme d'études la statistique<br />

et les techniques, à quel moment il faut enseigner la méthodologie et<br />

s'il est bon de combiner l'enseignement méthodologique et la recherche<br />

pratique.<br />

Le professeur Germani a déclaré qu'en Argentine il est habituel de commencer<br />

par l'enseignement de la statistique, puis d'enseigner les techniques<br />

élémentaires de recherche (deux semestres), le troisième semestre étant<br />

consacré aux applications. On s'est demandé s'il était utile de faire des cours<br />

de ce genre aux étudiants qui n'ont pas l'intention de poursuivre dans la<br />

voie de la sociologie ; mais la question n'a pas éveillé grand intérêt. D'après<br />

L. Brams, la Faculté latino-américaine de sciences sociales (FLACSO) est<br />

organisée de façon différente : la méthodologie et les travaux pratiques<br />

occupent 50 % <strong>du</strong> temps des étudiants, les deux années de méthodologie<br />

étant complétées par des cours de statistique et des cours théoriques — de<br />

sorte que deux personnes formées à la FLACSO, qui sont actuellement<br />

chargées d'enseignement, devront, à leur retour dans leurs pays respectifs,<br />

adapter leurs connaissances aux conditions locales. A Bogota (Colombie),<br />

on enseigne d'abord aux étudiants la façon d'observer, puis on les autorise<br />

à recueillir des données. Cette formation ne dépasse pas le stade descriptif<br />

et les données sont recueillies dans le milieu où vit l'élève.<br />

Quelqu'un a proposé d'enseigner d'abord la statistique, puis certaines<br />

techniques déterminées, et enfin la méthodologie ; mais les participants<br />

n'ont pas pu se mettre d'accord sur le stade précis auquel il conviendrait<br />

d'aborder ces matières. Il a semblé préférable de ne pas commencer par<br />

l'enseignement de la méthodologie, encore que cela puisse paraître logique.<br />

L'expérience d'Israël con<strong>du</strong>it à la même conclusion (voir le rapport de<br />

König à l'intention de l'<strong>Unesco</strong>). La question s'est également posée de<br />

savoir quelle formation on peut dispenser à la masse des profanes, c'est-àdire<br />

aux étudiants qui n'ont aucune expérience préalable de la sociologie.<br />

Il a été proposé d'aborder l'enseignement de cette discipline dès l'école<br />

secondaire, afin de donner aux élèves une idée générale de ce que sont les<br />

recherches sociales. Il convient ici de distinguer nettement entre la parfaite<br />

connaissance des techniques de recherche et l'initiation aux buts et au<br />

contenu de la recherche, qui, seule, peut faire l'objet d'un enseignement<br />

à ce premier stade. En revanche, à un stade très avancé des études universitaires,<br />

on pourrait, une fois terminé l'enseignement de la méthodologie,<br />

285


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

confronter différentes disciplines, de manière que chacune tire parti, si<br />

possible, des méthodes employées par d'autres. Cela se fait d'ailleurs déjà<br />

dans certains établissements.<br />

<strong>Les</strong> débats consacrés à l'enseignement des techniques et méthodes de<br />

recherche ont abouti aux conclusions et recommandations ci-après, qui<br />

expriment l'opinion de la majorité des participants :<br />

i. <strong>Les</strong> cours d'initiation à la statistique devraient porter sur : a) les éléments<br />

de la théorie statistique (si la formation mathématique des étudiants<br />

est insuffisante, il conviendrait de la compléter) ; b) le rassemblement des<br />

données statistiques ; c) l'utilisation et l'interprétation des données.<br />

2. La formation statistique devrait intervenir assez vite, si possible dès la<br />

première année d'études. Très tôt, l'étudiant aurait intérêt à participer<br />

activement à des recherches ou observations.<br />

3. Avant d'aborder l'étude et la pratique de techniques plus précises et<br />

plus complexes, les étudiants devraient, si possible, avoir acquis une<br />

connaissance suffisante de la société, des processus sociaux et de la<br />

théorie sociologique.<br />

4. L'enseignement de la méthodologie générale (philosophie des sciences)<br />

devrait être étroitement rattaché à la sociologie, à un stade ultérieur<br />

des études.<br />

5. Il a été généralement admis — et corroboré par l'expérience des participants<br />

— qu'un enseignement des techniques de recherche qui ne s'appuie<br />

pas sur leur application aux travaux pratiques peut être néfaste pour<br />

l'étudiant, celui-ci n'ayant qu'une connaissance théorique de ces<br />

techniques et ne sachant pas les appliquer aux recherches concrètes. Il<br />

paraît donc nécessaire de combiner l'enseignement des techniques de<br />

recherche et les travaux pratiques.<br />

6. Il y a différentes façon de donner aux étudiants l'expérience de la<br />

recherche : a) par des travaux personnels (mais cela est devenu impossible<br />

dans la plupart des universités, en raison des effectifs pléthoriques) ;<br />

b) par l'analyse secondaire — qui n'est pas sans inconvénient, surtout<br />

en ce qui concerne l'élaboration <strong>du</strong> plan d'une étude ; c) par des travaux<br />

collectifs {class projects), les étudiants qui suivent un même cours exécutant<br />

un projet de recherches dans sa totalité — mais cela exige beaucoup<br />

de temps; la Detroit Area Study est une vaste entreprise de ce genre ;<br />

d) par l'exécution partielle de travaux collectifs {truncated class project),<br />

certains éléments <strong>du</strong> projet étant laissés de côté afin de ménager plus de<br />

temps pour l'analyse et l'interprétation des données ; e) par la participation<br />

à des recherches organisées, dont le plan pourrait être établi en<br />

coopération avec des instituts extérieurs à l'université. Le département<br />

de sociologie ou le professeur de sociologie pourrait être chargé de<br />

négocier les modalités de cette coopération : élaboration d'un questionnaire,<br />

interviews, codage et mise en tableaux des données.<br />

7. <strong>Les</strong> étudiants déjà avancés devraient, autant que possible, recevoir une<br />

formation dans des instituts de recherche.<br />

286


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

INSTITUTIONALISATION ET DÉVELOPPEMENT DE LA SOCIOLOGIE<br />

La discussion a été ouverte par le professeur A. Pagani (Milan), avec sa<br />

communication sur les facteurs favorables et défavorables à l'institutionalisation<br />

de la sociologie. Le professeur Pagani a dressé un tableau des éléments<br />

ou conditions qui accélèrent ou qui freinent le processus d'institutionalisation.<br />

D'accord avec R. K. Merton, il considère l'institutionalisation<br />

comme une phase intermédiaire <strong>du</strong> développement de la sociologie,<br />

la phase précédente étant celle de la recherche d'une légitimation intellectuelle,<br />

et la phase suivante étant caractérisée par le rétablissement de rapports<br />

de coopération entre les diverses sciences sociales. Par institutionalisation,<br />

il faut entendre l'intro<strong>du</strong>ction de la sociologie dans le système<br />

universitaire et la création d'organismes de recherche. <strong>Les</strong> variables ciaprès<br />

permettent de mesurer le degré d'institutionalisation :<br />

i. Niveau des cours (une distinction étant faite entre le niveau élémentaire<br />

et le niveau supérieur).<br />

2. Représentation de la sociologie dans les différentes facultés. L'extension<br />

progressive de l'enseignement de cette discipline à de nombreuses<br />

facultés (dans certains pays, cet enseignement est devenu un élément<br />

courant des études supérieures) est certainement l'un des indices les<br />

plus significatifs <strong>du</strong> degré d'institutionalisation. L'intro<strong>du</strong>ction de<br />

l'enseignement de la sociologie dans des facultés qui, par tradition, ne<br />

se consacrent pas à l'enseignement des sciences sociales doit être considérée<br />

comme une phase importante de ce processus. Le degré d'institutionalisation<br />

peut aussi se mesurer, évidemment, à l'existence de facultés<br />

ou départements dits « de sociologie ».<br />

3. Statut professionnel des professeurs de sociologie. Dans les systèmes où<br />

l'enseignement de la sociologie est dispensé, entièrement ou principalement,<br />

par des professeurs de sociologie légalement qualifiés, l'institutionalisation<br />

est plus poussée que dans ceux où cet enseignement est<br />

assuré par le jeu de nominations temporaires. Dans beaucoup de pays,<br />

la sociologie était enseignée, jusqu'à une date récente, par des professeurs<br />

que leur formation destinait à d'autres disciplines : science économique,<br />

philosophie, <strong>droit</strong>, etc.<br />

On pourrait exprimer en pourcentage, aux fins de comparaison : a) l'importance<br />

de l'enseignement de la sociologie par rapport à l'enseignement<br />

d'autres disciplines, ou à l'enseignement des « sciences sociales », ou b) le<br />

nombre des étudiants qui suivent des cours de sociologie, par rapport à<br />

l'effectif total des universités, ou par rapport au nombre des étudiants qui<br />

suivent des cours de sciences sociales. Par cette méthode, ou par toute<br />

autre méthode quantitative analogue, on pourrait évaluer les situations<br />

correspondant aux diverses structures universitaires.<br />

Parmi les conditions qu'il considère comme étant d'une importance<br />

capitale pour Pinstitutionalisation de la sociologie, le professeur Pagani a<br />

mentionné les suivantes :<br />

1. Résistances intellectuelles et académiques, dont l'influence varie selon<br />

287


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

le prestige de l'université dans le pays en cause. Lorsque ce prestige est<br />

grand, l'intro<strong>du</strong>ction de la sociologie dans l'enseignement universitaire<br />

n'est guère déterminée par les conditions extérieures, mais dépend<br />

presque entièrement de facteurs académiques. En revanche, lorsque ce<br />

prestige est médiocre, les conditions favorables ou défavorables exercent<br />

une action directe sur l'intro<strong>du</strong>ction de la sociologie dans l'enseignement<br />

universitaire.<br />

2. Facteurs intérieurs et extérieurs. Pour exercer une influence, les conditions<br />

extérieures doivent se faire sentir dans le cadre même de la structure<br />

universitaire. Si les conditions qui régnent à l'intérieur de cette<br />

structure contrarient les conditions extérieures favorables, le processus<br />

d'institutionalisation s'en trouvera naturellement freiné. Des transformations<br />

sociales très marquées favorisent incontestablement ce processus<br />

d'institutionalisation, à condition que les milieux universitaires euxmêmes<br />

participent au changement général d'orientation.<br />

3. Position des sciences sociales dans le système universitaire. Le rang que<br />

l'enseignement supérieur reconnaît à ces sciences peut avoir, lui aussi,<br />

des effets favorables ou défavorables. De façon générale, les chances<br />

d'institutionalisation de la sociologie sont proportionnelles au degré d'institutionalisation<br />

déjà atteint par les autres sciences sociales. Mais ce<br />

principe cesse d'être valable si l'intro<strong>du</strong>ction de la sociologie dans<br />

l'enseignement universitaire est considérée comme dangereuse pour les<br />

autres sciences sociales.<br />

4. Structure socio-politique et orientation générale de la société. Lorsque<br />

la société a une attitude favorable à la solution rationnelle des problèmes<br />

sociaux, elle s'intéresse aux instruments nécessaires à cette solution. Aussi<br />

la sociologie s'efforce-t-elle souvent de se légitimer par son utilité.<br />

L'attitude générale à l'égard de la sociologie et la conviction de son<br />

utilité sont certainement le facteur le plus important de son institutionalisation.<br />

Cela est particulièrement vrai dans les phases de transformation<br />

sociale que traversent beaucoup des pays dont le développement ne fait<br />

que commencer, et c'est également vrai des pays qui s'efforcent de<br />

parvenir à l'unité politique.<br />

5. Enfin, plus l'université est autonome, plus grandes sont les chances<br />

d'institutionalisation de la sociologie. Toutefois, ce facteur dépend<br />

d'autres éléments, comme les attitudes sociales et l'orientation générale.<br />

C'est ainsi que, dans une structure sociale centralisée, où les universités<br />

ne sont pas autonomes, ou ne le sont que dans une faible mesure, les<br />

chances d'institutionalisation peuvent, cependant, être assez grandes en<br />

raison des attitudes d'ordre politique.<br />

En ce qui concerne les résistances auxquelles la sociologie peut se heurter,<br />

les participants ont accordé une attention spéciale à la distinction entre<br />

conditions extérieures et conditions intérieures, ainsi qu'au rôle des intellectuels<br />

dans la société — à la fois dans le cadre de la structure universitaire<br />

et en dehors de ce cadre. Dans les pays où les universités ont une tradition<br />

sociologique et une structure fermée, le problème ne se pose pas de la même<br />

288


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

façon que dans ceux où cette structure est encore « ouverte » — comme la<br />

Nigeria et d'autres pays récemment parvenus à l'indépendance. En ce qui<br />

concerne la position des intellectuels dans la société, on a signalé que leur<br />

résistance peut créer une situation telle que la sociologie fait son apparition<br />

dans le pays, non point à l'université, mais en dehors de l'université, comme<br />

cela s'est pro<strong>du</strong>it en Grèce. Mais, si le sociologue veut remporter une victoire<br />

véritable, il doit s'efforcer de travailler en coopération avec les autorités<br />

académiques existantes, plutôt que chercher un appui dans les milieux non<br />

universitaires.<br />

<strong>Les</strong> participants ont étudié assez longuement les facteurs qui aident à<br />

vaincre les résistances ou qui favorisent le développement de la sociologie<br />

dans un pays. Diverses activités leur sont apparues favorables à l'institutionalisation<br />

de la sociologie : organisation de congrès ou de stages d'études<br />

internationaux, création d'instituts supérieurs de recherche dans les pays<br />

où la sociologie est peu développée (par exemple, la création de la Faculté<br />

latino-américaine de sciences sociales à Santiago <strong>du</strong> Chili), échanges d'enseignants<br />

et d'étudiants déjà avancés entre pays où l'enseignement de la sociologie<br />

est très développé et pays où il est encore embryonnaire. Ces différentes<br />

activités contribuent à préciser le rôle <strong>du</strong> sociologue dans la société<br />

et exercent une influence favorable sur l'opinion que les autres hommes de<br />

science ont des sociologues. Naturellement, le prestige de la sociologie<br />

dépend aussi des besoins et des intérêts de l'ensemble de la société. Aux<br />

États-Unis, les services sociaux se sont beaucoup développés vers la fin <strong>du</strong><br />

siècle dernier, surtout en raison de l'immigration massive qui s'est pro<strong>du</strong>ite à<br />

cette époque et des problèmes posés par l'émancipation des Noirs. Cette<br />

période a été très importante pour la sociologie, et cet exemple montre que<br />

le développement et Pinstitutionalisation de cette discipline ne sont pas<br />

nécessairement un processus purement académique.<br />

La dernière communication, faite par A. Pearse (Bogota), était de caractère<br />

plus descriptif et illustratif : elle exposait, dans leurs grandes lignes, la<br />

structure et l'organisation de l'Université nationale de Colombie. Cet établissement<br />

est financé conjointement par l'<strong>Unesco</strong> et par les fondations<br />

Fulbright et Ford. Sa création, entre 1930 et 1940, a été d'inspiration populiste<br />

et est un exemple d'initiative libérale prise dans une société dont le<br />

système politique est quelque peu conservateur et autoritaire.<br />

La vie politique pénètre très profondément la vie de l'université. <strong>Les</strong><br />

catedráticos sont de puissants personnages, qui jouissent d'une grande autorité,<br />

mais ils sont mal payés. Cette autorité et la « distance sociale » qui les<br />

sépare des étudiants compensent la médiocrité de leur condition matérielle.<br />

Indépendamment de leurs fonctions universitaires, la plupart d'entre eux<br />

sont avocats, médecins, etc. <strong>Les</strong> professeurs à plein temps ont une vie assez<br />

terne ; ils ne persévèrent dans leur carrière qu'en raison de la sécurité qu'elle<br />

leur offre et ne participent guère à la vie sociale de Bogota. L'insuffisance<br />

des traitements est telle que l'université ne compte pas de professeurs qualifiés,<br />

mais seulement de jeunes maîtres. Il y a très peu de jeunes gens de la<br />

haute société qui fréquentent l'université.<br />

289


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

<strong>Les</strong> autorités académiques ne disposent d'aucun pouvoir effectif, et<br />

l'université n'a pas d'autonomie véritable. En fait, c'est aux vingt-deux<br />

doyens qu'il appartient de prendre toutes décisions, mais il n'existe pas de<br />

terrain d'entente entre eux. L'université doit son existence au fait que le<br />

mouvement démocratique a exalté des valeurs opposées à celles qui étaient<br />

généralement admises dans le pays ; mais les conditions fondamentales<br />

nécessaires à la vie d'une université font défaut. <strong>Les</strong> institutions de même<br />

niveau n'ont aucun moyen de communiquer entre elles. Personne n'envisage<br />

la possibilité de parvenir à un accord par consentement mutuel ;<br />

les décisions sont toujours imposées par le plus fort au plus faible. Il est<br />

courant que des groupes <strong>du</strong> corps enseignant de l'université demandent<br />

aux étudiants de passer à l'action et d'organiser des manifestations pour<br />

soutenir l'application de leur politique ou l'exécution de leurs décisions<br />

récentes. Cette façon de procéder se retrouve dans la texture même de<br />

nombreuses sociétés latino-américaines, où l'on attend de l'indivi<strong>du</strong> qu'il<br />

use d'autorité pour atteindre ses buts immédiats. Il n'y a pas de réglementation<br />

efficace ni de procé<strong>du</strong>re établie pour concilier les opinions divergentes.<br />

<strong>Les</strong> participants ont ensuite étudié les résistances auxquelles se heurtent<br />

la Colombie et, tout aussi manifestement, d'autres pays d'Amérique latine.<br />

<strong>Les</strong> professeurs Pearse et Germani ont souligné qu'en fait, dans ces pays,<br />

la sociologie — considérée comme une science de l'action sur les masses —<br />

ne rencontre pas de véritable opposition dans l'ensemble de la société,<br />

mais que son institutionalisation n'y trouve pas non plus de voie toute<br />

tracée. C'est plutôt au sein même des universités que se manifestent les<br />

résistances. La sociologie n'a pas la place qu'elle devrait avoir dans la plupart<br />

des universités argentines, a déclaré le professeur Germani, qui voudrait<br />

voir cette discipline établir de meilleures relations fonctionnelles avec<br />

d'autres disciplines et d'autres groupes internationaux, tout en restant<br />

exempte de toute ingérence gouvernementale ou académique. A son avis<br />

il faudrait créer des départements distincts pour la sociologie, la psychologie<br />

et l'anthropologie, afin que la sociologie se libère de l'influence de<br />

la philosophie ou de toute autre discipline. Le professeur Germani espère<br />

que la création de ces départements au sein de la Faculté des sciences sociales<br />

aurait pour résultat d'accroître l'autonomie de la sociologie et d'écarter<br />

les résistances et les obstacles auxquels elle se heurte actuellement. Il semble<br />

donc qu'en Amérique latine une phase de désintégration doive nécessairement<br />

précéder l'intégration.<br />

<strong>Les</strong> débats ont ensuite porté sur la question de savoir s'il convient de<br />

séparer enseignement et recherche, ou si le professeur de sociologie doit<br />

combiner ces deux activités. <strong>Les</strong> participants ont jugé dangereux d'établir<br />

une nette division <strong>du</strong> travail entre recherche et enseignement, comme on<br />

a fortement tendance à le faire en France, par exemple. Us se sont, en général,<br />

accordés à penser que l'enseignement doit être rattaché à la recherche<br />

et que l'on doit décourager l'habitude, commune à de nombreux professeurs,<br />

de laisser l'enseignement à leurs assistants pour s'occuper eux-<br />

290


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE M O N D E<br />

mêmes des travaux de recherche. <strong>Les</strong> professeurs doivent — et peuvent —<br />

combiner ces deux activités. Un débat sur les avantages et les inconvénients<br />

respectifs <strong>du</strong> maître « tout venant » et de l'érudit (Gelehrter) n'a abouti à<br />

aucune conclusion précise. Selvin a signalé que souvent, aux États-Unis,<br />

les professeurs qui se livrent à des recherches s'efforcent d'y adjoindre<br />

au moins un cours ou la direction d'un stage d'études, afin de puiser dans<br />

ces activités pédagogiques des idées propres à perfectionner leurs instruments<br />

de recherche. Cette interaction entre enseignement et recherche<br />

donne souvent d'excellents résultats.<br />

<strong>Les</strong> participants se sont mis d'accord sur les recommandations suivantes :<br />

i. On pourrait organiser des congrès et des stages d'études internationaux<br />

dans les pays où la sociologie n'est encore guère implantée, afin d'y<br />

promouvoir le développement de cette discipline. Il serait souhaitable<br />

aussi de procéder à des échanges de maîtres et d'élèves.<br />

2. <strong>Les</strong> travaux de recherche qui sont organisés ou financés par des institutions<br />

étrangères devraient répondre aux besoins spécifiques <strong>du</strong> pays<br />

hôte, tels qu'ils sont définis par ses sociologues. Il conviendrait d'adapter<br />

les notions de base et les méthodes de travail à la situation de ce pays.<br />

L'aide étrangère serait particulièrement efficace, si elle consistait à<br />

payer les traitements de professeurs et de chercheurs qui donneraient<br />

un enseignement ou feraient des recherches dans des centres de création<br />

récente, en adaptant les projets aux besoins locaux.<br />

3. <strong>Les</strong> sociologues ne doivent pas perdre de vue les avantages qu'ils peuvent<br />

retirer de contacts avec les disciplines voisines.<br />

4. L'expansion de l'enseignement sociologique ne doit pas être recherchée<br />

par la nomination de professeurs qui, par formation ou par vocation,<br />

ne seraient pas d'authentiques sociologues.<br />

5. Il y aurait intérêt à créer, dans les pays dont le développement en est<br />

encore à ses débuts, une société savante qui puisse contribuer aux progrès<br />

de la sociologie en définissant plus clairement le statut et le rôle <strong>du</strong><br />

sociologue dans la société.<br />

6. Il conviendrait de favoriser la constitution de départements autonomes<br />

ou semi-autonomes, qui puissent prendre librement toutes décisions<br />

concernant leur programme d'enseignement. La sociologie pourrait<br />

ainsi secouer le joug des facultés de philosophie ou d'autres facultés<br />

qui ne sauraient jamais lui accorder qu'une place subalterne.<br />

7. De façon générale, la combinaison de l'enseignement et de la recherche<br />

paraît présenter un grand intérêt, tant pour le professeur lui-même que<br />

pour l'avancement de la sociologie en tant que science. La charge de<br />

travail ne doit pas être telle que le spécialiste soit contraint de se cantonner<br />

dans l'une ou l'autre de ces deux activités : l'octroi de congés<br />

sabbatiques et la création d'instituts de recherche associés aux départements<br />

de sociologie offriraient d'heureuses solutions à ce problème.<br />

291


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

CENTRE LATINO-AMÉRICAIN DE RECHERCHES<br />

EN SCIENCES SOCIALES<br />

Avenida Pasteur 431, Prahia Vermalha, Rio de Janeiro<br />

Programme pour 1963-1964<br />

Conformément à la nouvelle orientation <strong>du</strong> Centre latino-américain de recherches<br />

en sciences sociales, qui tend à donner un caractère encore plus dynamique à ses<br />

activités, le présent programme pour la période 1963-1964 a été étudié et mis au<br />

point par le conseil des chercheurs et approuvé par le comité directeur, dans sa<br />

sixième session (Mexico, août 1963).<br />

Des démarches seront entreprises auprès de l'<strong>Unesco</strong>, afin que les activités <strong>du</strong><br />

Département des sciences sociales qui intéressent l'Amérique latine ne soient pas<br />

entreprises sans contacts avec le centre ou avec des institutions et spécialistes indiqués<br />

par celui-ci. D'autre part, la direction <strong>du</strong> centre examinera, avec ce même<br />

département, la possibilité d'une coopération pour des activités spécifiques dans le<br />

domaine de la documentation, des publications ou de la comparaison des recherches.<br />

Le personnel <strong>du</strong> centre (directeur, secrétaire général, directeurs des projets et<br />

experts de l'<strong>Unesco</strong>) devra coordonner les tâches assignées aux équipes nationales.<br />

A cet effet, des mesures seront prises pour permettre aux directeurs des projets<br />

d'aller sélectionner les experts sur place et suivre, si besoin est, la marche des travaux<br />

en cours.<br />

Recherches et études<br />

Le centre entreprendra des recherches et des études sur des thèmes spécifiques,<br />

selon les critères généraux suivants : a) un thème central sera choisi pour une<br />

étude plus approfondie ; b) un vaste plan de coopération assurera autour de ce<br />

thème, important pour le développement de l'Amérique latine, la coordination<br />

des activités des chercheurs et des institutions nationales de recherche ; c) la programmation<br />

des recherches sera toujours rattachée, d'une certaine façon, au thème<br />

central, afin d'éviter la dispersion des efforts et des res<strong>sources</strong> techniques et financières.<br />

Sur la base de tels critères, on a choisi comme thème central « <strong>Les</strong> structures<br />

agraires et urbaines en Amérique latine » ; ce choix est justifié : par l'ampleur <strong>du</strong><br />

thème ; par les problèmes aigus et généraux que pose la question agraire dans tous<br />

les pays latino-américains ; par ses répercussions sur le processus de développement<br />

et par ses liens avec l'in<strong>du</strong>strialisation.<br />

D'autre part, l'Amérique latine est aujourd'hui la scène de plusieurs expériences<br />

de réforme agraire, parallèles au développement de l'urbanisation. Ces sujets ont<br />

plus ou moins de relations entre eux. En ce qui concerne la réforme agraire, on<br />

n'a fait jusqu'à présent aucune tentative de synthèse qui ait pour objet les structures<br />

agraires, et dont les conclusions puissent être présentées aux organismes exécutifs.<br />

Des problèmes de désintégration ou de changement de structure agraire se<br />

présentent actuellement dans presque tous les pays latino-américains, qui offrent<br />

un magnifique terrain d'étude au sociologue. Dans certains cas, l'immobilisme<br />

même de la structure, l'inertie des institutions sociales dans la campagne ont des<br />

répercussions sur la vie nationale et menacent la survivance de l'ensemble <strong>du</strong> pays.<br />

Dans d'autres, le changement révolutionnaire désintègre, à un rythme trop rapide,<br />

des comportements traditionnels. Entre ces types extrêmes, il y a une gamme très<br />

variée de situations, selon le degré d'in<strong>du</strong>strialisation et d'urbanisation des divers<br />

pays. D'où, des problèmes qui se posent également dans les milieux urbains.<br />

L'analyse des structures agraires et urbaines devra s'articuler avec les études<br />

consacrées à leurs différentes répercussions et implications, en vue, notamment,<br />

292


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

de favoriser le processus de développement économique et social de l'Amérique<br />

latine. Pour atteindre cet objectif, le centre sollicitera la collaboration de spécialistes<br />

en matière de sociologie, d'anthropologie, d'économie, de démographie, de<br />

psychologie sociale, de géographie et de science politique, qui auront pour tâche<br />

de contrôler et d'encourager les travaux en cours, en liaison étroite avec des institutions<br />

et des experts de la région. Dans ce cadre si varié, rentrent les projets généraux<br />

suivants :<br />

i. Études sur les structures sociales, avec recherche <strong>du</strong> processus de stratification<br />

et de mobilité sociale dans des sociétés urbaines et rurales, et examen des effets<br />

de leur transformation sur les institutions sociales ;<br />

2. Études sur la structure agraire, avec examen des aspects sociaux et économiques<br />

caractéristiques des divers types d'exploitation agricole, des systèmes agricoles<br />

et des modes de culture et de pro<strong>du</strong>ction, des régimes <strong>du</strong> travail rural, ainsi que<br />

des relations entre ces problèmes et les processus d'urbanisation et d'in<strong>du</strong>strialisation<br />

;<br />

3. Études sur la structure urbaine, avec examen des conditions <strong>du</strong> processus d'urbanisation<br />

et d'in<strong>du</strong>strialisation, principalement en ce qui concerne ses implications<br />

sociales, économiques et culturelles, ainsi que ses relations avec la structure<br />

agraire ;<br />

4. Études sur le rôle de l'é<strong>du</strong>cation, sur les possibilités et les besoins en matière<br />

d'é<strong>du</strong>cation, sur le manque d'établissements d'enseignement et sur le problème<br />

de la main-d'œuvre dans les pays latino-américains, <strong>du</strong> point de vue <strong>du</strong> développement<br />

économique, de la rentabilité des investissements destinés à l'é<strong>du</strong>cation,<br />

ainsi que <strong>du</strong> rôle de la technologie et de la science dans le développement économique<br />

et social de la région ;<br />

5. Études sur la caractérisation et la délimitation des aires culturelles : culture originale<br />

de chaque pays ou région, avec ses variations, formes d'occupation primitives,<br />

évolution et transformation des groupes initiaux ;<br />

6. Études sur les aspirations et les attitudes des populations, principalement en<br />

ce qui concerne la jeunesse et divers autres groupes — sociaux ou professionnels<br />

— face aux transformations structurales et aux conditions de vie des groupes<br />

indigènes ; étude des contacts, <strong>du</strong> processus d'intégration, de la désintégration<br />

des tribus, de la participation à la vie sociale de la nation, des transformations<br />

des structures agraires, de l'urbanisation et de l'in<strong>du</strong>strialisation ;<br />

7. Études sur différents groupes raciaux, mettant en évidence le mécanisme des<br />

relations établies, les attitudes, les chocs subis au cours des processus de contact<br />

et de changement (structures agraires, urbanisation et in<strong>du</strong>strialisation).<br />

Le centre apportera une aide technique et économique à la réalisation de l'étude<br />

pilote sur l'équilibre <strong>du</strong> développement économique et social de l'Uruguay ; cette<br />

étude sera effectuée par 1'Instituto de Ciencias Sociales de Montevideo avec la<br />

collaboration de l'<strong>Unesco</strong>. Elle servira de base à un projet qui pourra être utilisé<br />

par d'autres pays de la région et dont le développement sera stimulé, dans la<br />

mesure <strong>du</strong> possible, par le centre.<br />

Chaque recherche sera entreprise suivant le projet spécifique, dûment étudié<br />

par le conseil des chercheurs <strong>du</strong> centre, et conformément aux recommandations<br />

prévues dans la seconde partie <strong>du</strong> plan de recherches <strong>du</strong> centre, compte tenu des<br />

res<strong>sources</strong> financières disponibles.<br />

On établira un système de priorités, accordant la préférence absolue aux thèmes 1,<br />

2, 3, etc., toujours en rapport avec le thème central. Toutefois, la sélection de ces<br />

thèmes ne limitera pas l'action <strong>du</strong> centre en ce qui concerne l'obtention <strong>du</strong> concours<br />

d'autres institutions ou organismes pour l'exécution de son programme.<br />

Le centre procédera à l'analyse comparative des recherches sur la stratification<br />

et la mobilité sociales effectuées à Montevideo, Buenos Aires, Rio de Janeiro et<br />

Santiago <strong>du</strong> Chili ; la recherche sera éten<strong>du</strong>e à la ville de Mexico, en collaboration<br />

avec l'École de sciences politiques et sociales de l'Université nationale autonome<br />

de Mexico, ainsi qu'à d'autres villes latino-américaines.<br />

0<br />

293


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

Le personnel <strong>du</strong> centre examinera aussi la possibilité d'entreprendre une étude<br />

sur l'intégration des populations indigènes <strong>du</strong> Guatemala, en collaboration avec<br />

l'Institut universitaire centre-américain de recherches économiques et sociales,<br />

en utilisant les res<strong>sources</strong> que l'institut peut offrir.<br />

Documentation et publications<br />

Le centre poursuivra ses activités en matière de documentation et de publications,<br />

en se fixant les objectifs suivants :<br />

i. Élargissement <strong>du</strong> service de documentation grâce à une installation appropriée<br />

et à l'amélioration de ses différentes sections — bibliothèques, bibliographie,<br />

informations et publications ;<br />

2. Revue des institutions d'enseignement et de recherche, ainsi que des activités<br />

en cours, pour la constitution de fichiers et d'index des établissements, <strong>du</strong> personnel<br />

spécialisé et des recherches effectuées ou en cours ;<br />

3. Élaboration de l'étude sur la situation sociale de l'Amérique latine, basée sur le<br />

matériel documentaire disponible et enregistré, et comportant, si possible,<br />

un enrichissement des chapitres déjà existants et l'inclusion de nouveaux chapitres<br />

;<br />

4. Intensification des activités en matière de publication par la diffusion des études<br />

déjà achevées, par l'élargissement des index de la Revue des périodiques avec<br />

comptes ren<strong>du</strong>s analytiques et par la préparation de bibliographies spécialisées ;<br />

5. Amélioration <strong>du</strong> Bulletin, notamment par l'augmentation <strong>du</strong> nombre des collaborateurs<br />

et l'élargissement de la section d'informations, de façon à le transformer<br />

en un instrument plus efficace de coopération et de contact entre les sociologues<br />

de la région ;<br />

6. Analyse des recherches en cours dans le domaine des sciences sociales et élaboration<br />

d'études historiques et critiques relatives à la méthodologie employée et<br />

axées sur le problème de la classification, de l'interprétation et des tentatives<br />

de normalisation et d'utilisation des données obtenues au moyen des enquêtes<br />

sociales déjà réalisées.<br />

Outre les activités déjà mentionnées, le centre travaille à l'élaboration de bibliographies<br />

analytiques sur des sujets intéressant l'Amérique latine. <strong>Les</strong> mesures nécessaires<br />

ont déjà été prises pour préparer trois études sur les <strong>sources</strong> bibliographiques<br />

de la sociologie rurale au Brésil, au Venezuela et en Amérique centrale ; ces études<br />

seront effectuées par des spécialistes. On pense entreprendre, par la suite, des travaux<br />

analogues sur d'autres sujets relevant des sciences sociales.<br />

Bourses de recherche pour nouveaux diplômés<br />

Le centre stimulera les activités de recherche des nouveaux diplômés en sciences<br />

sociales :<br />

1. En planifiant l'octroi de bourses à des diplômés en sciences sociales, afin de leur<br />

permettre d'entreprendre sur le terrain des recherches sur des sujets en rapport<br />

avec le thème central <strong>du</strong> programme (développement économique et social des<br />

différents pays) ;<br />

2. En se conformant, dans la programmation <strong>du</strong> projet, aux règles générales suivantes<br />

: a) le comité directeur fixera chaque année le nombre de bourses pour<br />

l'année suivante, ainsi que la dotation financière <strong>du</strong> centre ; b) un tiers des<br />

bourses seront accordées de préférence à des diplômés de la FLACSO, si les<br />

plans de recherche qu'ils présentent sont acceptés ; c) outre les res<strong>sources</strong> prévues<br />

au budget <strong>du</strong> centre, des accords pourront être conclus avec des institutions<br />

publiques ou privées en vue d'obtenir le financement d'un plus grand nombre<br />

de bourses ; d) le programme de bourses sera communiqué à la FLACSO, à la<br />

Commission économique pour l'Amérique latine, aux universités et aux<br />

institutions de recherche latino-américaines, etc. ; e) des formulaires normalisés,<br />

294


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE<br />

préparés par le centre, seront distribués aux personnes intéressées ;/) un plan<br />

détaillé de recherches sur le terrain, dont le sujet devra s'harmoniser avec les<br />

programmes de travail <strong>du</strong> centre et être en rapport avec le développement<br />

économique [et social d'un pays latino-américain sera présenté par chaque<br />

candidat, conjointement avec le formulaire dûment rempli ; g) un groupe de<br />

travail comprenant le personnel <strong>du</strong> centre, un membre <strong>du</strong> comité directeur et un<br />

représentant de la FLACSO, opérera une sélection préliminaire parmi les<br />

formulaires, compte tenu des indications obtenues et <strong>du</strong> plan de travail reçu, et<br />

préparera ensuite une liste des candidats ; h) aussitôt cette sélection effectuée,<br />

les boursiers seront convoqués pour une entrevue personnelle avec le directeur<br />

et le personnel <strong>du</strong> centre ; i) enfin, la sélection finale aura lieu et les contrats<br />

seront signés ;<br />

3. En prenant contact avec des institutions scientifiques internationales, régionales,<br />

nationales ou privées, afin d'obtenir leur collaboration technique et financière<br />

pour l'exécution et l'élargissement de ce programme de bourses.<br />

Réunions scientifiques<br />

Le centre pourra participer aux réunions scientifiques — congrès, conférences,<br />

stages d'études, tables rondes, etc. — auxquelles il sera invité, dans la mesure où<br />

la direction et le Conseil des chercheurs le jugeront utile. Le centre accordera une<br />

attention particulière aux réunions scientifiques organisées par l'<strong>Unesco</strong> ou par des<br />

organisations internationales, régionales ou nationales, ou encore par des institutions<br />

régionales ou nationales dont les buts ou les activités sont en rapport avec son<br />

propre programme. Sa coopération sera surtout de nature technique (présentation<br />

d'études, de documents de travail, etc., et participation de membres de son personnel)<br />

et de nature financière (selon les possibilités de son budget annuel).<br />

Suivant une suggestion formulée par la direction de l'École de sciences politiques<br />

et sociales de l'Université nationale autonome de Mexico, le centre recherchera<br />

la coopération des institutions latino-américaines, pour organiser, en 1963, une<br />

réunion scientifique des sociologues de la région, en vue : a) d'échanger des idées<br />

sur les programmes de recherches en cours ; b) d'examiner les possibilités de coordination<br />

de ces programmes avec celui <strong>du</strong> centre, dans le cadre d'une coopération<br />

à l'échelle régionale ; c) d'établir un système d'échange de documents, d'informations<br />

et d'expériences sur les programmes en cours ou déjà exécutés, ainsi que sur<br />

l'élaboration de nouveaux projets.<br />

INSTITUT DES SCIENCES SOCIALES<br />

DE BARCELONE<br />

Calle del Carmen, 47, Barcelone (Espagne)<br />

Aux termes de ses statuts, l'Institut des sciences sociales de Barcelone a pour mission<br />

de favoriser le développement des différentes branches des sciences sociales,<br />

de publier des travaux de sciences sociales et de collaborer avec les organismes espagnols<br />

ou étrangers qui exercent des activités analogues.<br />

Le comité d'administration comprend, outre le directeur de l'institut, le président<br />

<strong>du</strong> Conseil provincial, le président de la Commission de l'é<strong>du</strong>cation et le secrétaire<br />

général <strong>du</strong> Conseil provincial.<br />

L'institut vient d'inaugurer son action en organisant une série de conférences sur<br />

295


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

les problèmes sociaux <strong>du</strong> monde d'aujourd'hui, dont l'une a été présidée par S. Exe.<br />

Don Manuel Fraga Iribarne, ministre de l'information.<br />

En outre, il se propose de faire paraître, à partir de 1963, une revue dont le premier<br />

numéro contiendra notamment les articles ci-après : « El fenómeno social del<br />

ateismo », par Adolfo Muñoz Alonso, professeur à l'Université de Madrid ; « La<br />

clase media y la legislación civil », par Manuel Batlle, recteur de l'Université de<br />

Murcie ; « El actual mundo político hispano-americano », par Jaime Delgado,<br />

professeur à l'Université de Barcelone ; « La burocracia y la sociedad actual », par<br />

Salustiano del Campo, professeur à l'Université de Barcelone, etc.<br />

L'institut se prépare à organiser la « I re Semaine internationale de la presse»,<br />

qui aura probablement lieu <strong>du</strong> 3 au 9 juin prochain à Lloret de Mar (Costa Brava),<br />

et à laquelle seront invités tous les professeurs et spécialistes désireux de présenter<br />

un exposé ou un rapport sur la presse. <strong>Les</strong> personnes qui souhaitent participer<br />

à cette manifestation peuvent adresser leurs demandes au secrétariat de l'Institut<br />

des sciences sociales, calle del Carmen, 47, Barcelone.<br />

Le poste de directeur de l'institut a été confié à Jorge Xifra Heras, ancien professeur<br />

de <strong>droit</strong> politique à l'Université de Barcelone, membre de l'Institut des<br />

études politiques et auteur de nombreux ouvrages tels que : Curso de derecho constitucional,<br />

Formas y fuerzas políticas, Instituciones y sistemas políticos, etc.<br />

INSTITUT CANADIEN<br />

DE RECHERCHES POUR LA PAIX<br />

341 Bloor Street West, Toronto (Ontario)<br />

Un institut scientifique chargé d'effectuer des recherches sur les causes de la guerre<br />

et les moyens de la prévenir a été créé au Canada, en 196a ; il est doté d'un personnel<br />

à plein temps, composé de spécialistes des sciences physiques et des sciences<br />

sociales.<br />

Il s'agit d'un organisme de caractère non politique et non gouvernemental, qui<br />

procède à des études objectives ; il est dirigé par des savants et des philanthropes<br />

de réputation mondiale, qui sont persuadés que la science, après avoir aidé l'humanité<br />

à forger les instruments de la guerre, peut aussi aider à faire régner la paix dans<br />

le monde entier.<br />

Au nombre des administrateurs de l'Institut canadien de recherches pour la<br />

paix figurent le D r Brock Chisholm, ancien directeur général de l'Organisation<br />

mondiale de la santé, M M . Hugh L. Keenleyside, ancien directeur général de<br />

l'Administration de l'assistance technique (Nations Unies), Franc R. Joubin,<br />

géologue et spécialiste de l'extraction de l'uranium, qui fait autorité dans le monde<br />

entier, et Gérard Pelletier, rédacteur en chef de La Presse, le plus important des journaux<br />

français d'Amérique <strong>du</strong> Nord.<br />

Le promoteur de l'entreprise a été Norman Alcock, d'Oakville (Ontario), spécialiste<br />

de la physique nucléaire, qui a abandonné la recherche in<strong>du</strong>strielle, il y a<br />

trois ans, pour s'employer à stimuler l'intérêt porté aux recherches en faveur de la<br />

paix. <strong>Les</strong> administrateurs de l'institut espèrent que sa création incitera les habitants<br />

d'autres pays à fonder des centres de recherche analogues, en vue de faciliter la<br />

mise en commun des données scientifiques qui peuvent être utilisées dans le cadre<br />

de la lutte contre la guerre nucléaire.<br />

La création de l'institut devait être complétée par celle d'un Fonds international<br />

de recherches pour la paix, chargé de fournir une aide concrète en vue de l'éta-<br />

296


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE M O N D E<br />

blissement d'instituts <strong>du</strong> même genre dans autant de pays que possible. <strong>Les</strong> administrateurs<br />

de l'institut canadien se proposent d'y accueillir, en 1963, 25 hommes<br />

de science travaillant à plein temps, et ils espèrent qu'en 1965 un millier de spécialistes<br />

se consacreront, dans des instituts répartis sur le territoire de nombreux pays,<br />

à des recherches visant à éliminer la guerre.<br />

« Nous continuons, déclare Alcock, à dépenser des milliards de dollars pour<br />

préparer la guerre, tandis que nous affectons des sommes insignifiantes aux<br />

recherches en faveur de la paix.<br />

» Quand les hommes ont dû faire face à d'autres problèmes qu'ils jugeaient<br />

urgent de résoudre, ils ont consacré aux recherches nécessaires une somme considérable<br />

d'efforts et de res<strong>sources</strong> — tant matérielles qu'intellectuelles — et, en<br />

général, ils ont résolu ces problèmes. Rappelons-nous, par exemple, les efforts<br />

qui ont été déployés pour vaincre la poliomyélite, pour fabriquer les bombes atomiques<br />

et les bombes à hydrogène, ou pour améliorer les relations entre employés<br />

et employeurs. L'organisation de recherches scientifiques qui permettraient d'appliquer<br />

systématiquement les res<strong>sources</strong> de l'intelligence humaine à l'étude des<br />

problèmes de la paix et de la guerre pourrait, de même, nous aider à trouver des<br />

solutions. »<br />

Dans son ouvrage intitulé The bridge of reason, dont ao 000 exemplaires se sont<br />

ven<strong>du</strong>s ces derniers mois et qui contient un programme de recherches scientifiques<br />

en faveur de la paix, Alcock propose que les instituts de recherches pour la paix<br />

soient des organismes non gouvernementaux et indépendants les uns des autres ;<br />

mais il souligne qu'ils devront jouir de la confiance et de l'appui de leurs gouvernements<br />

respectifs, pour que les résultats de leurs travaux puissent être mis à profit.<br />

Il recommande, en outre, que les chercheurs n'utilisent pas de données confidentielles,<br />

afin que toutes leurs conclusions puissent être communiquées librement<br />

au personnel des autres instituts, aux gouvernements et à l'Organisation des Nations<br />

Unies.<br />

L'Institut canadien et le Fonds international ont entrepris une collecte en vue<br />

d'obtenir de la population canadienne des dons s'élevant à 2 millions de dollars<br />

au total, et ils se proposent de demander une aide d'un montant équivalent au gouvernement<br />

canadien pour les quatre années à venir. Une somme de 250 000 dollars<br />

a déjà été souscrite par quelque 22 000 personnes, et des comités ont été créés,<br />

dans des villes de différentes parties <strong>du</strong> pays, afin de recueillir le reste de la contribution<br />

atten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> public.<br />

Il est prévu que le siège de l'institut sera installé dans les locaux d'une université ;<br />

mais, pour le moment, les bureaux se trouvent à l'adresse suivante : 341 Bloor<br />

Street West, Toronto (Ontario).<br />

LABORATORY OF PERSONALITY ASSESSMENT<br />

AND GROUP BEHAVIOR<br />

Personnel<br />

Psychology Department, 907 South Sixth Street, Champaign,<br />

Université de ¡'Illinois, Urbana (111.)<br />

Le personnel de ce laboratoire de recherches sur la personnalité et sur le comportement<br />

des groupes comprend deux professeurs chargés de recherches et quatre<br />

attachés de recherches, plus des étudiants gra<strong>du</strong>és, faisant fonction d'assistants,<br />

297


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

et un personnel auxiliaire capable d'utiliser une calculatrice électronique. <strong>Les</strong><br />

attachés de recherches sont souvent des professeurs d'une université étrangère qui<br />

viennent au laboratoire pour y travailler à un programme déterminé ou y étudier<br />

certaines techniques, pendant une année environ. Au cours de la période 1960-1962,<br />

le personnel était constitué comme suit : Raymond B. Cattell, directeur permanent,<br />

professeur de psychologie, chargé de recherches ; Arthur B. Sweney, professeur<br />

assistant de psychologie, chargé de recherches ; Ake Bjerstedt, professeur assistant<br />

à titre étranger, de l'Université de Lund (Suède) ; John Hundleby, attaché de<br />

recherches en psychologie ; Kurt Pawlik, attaché de recherches en congé de l'Université<br />

de Vienne (Autriche) ; Bien Tsujioka, attaché de recherches en congé de<br />

l'Université Kansai (Japon).<br />

Organisation<br />

L'Université de l'Illinois fournit les principaux chercheurs, dont la situation administrative<br />

est celle <strong>du</strong> Distinguished Research Professorship ; mais, depuis seize ans,<br />

deux ou trois projets de recherches réalisés simultanément, et dont chacun avait<br />

un budget au moins triennal, ont permis de rémunérer les attachés de recherches,<br />

certains assistants gra<strong>du</strong>és et divers auxiliaires.<br />

Le personnel <strong>du</strong> laboratoire se consacre donc principalement à la recherche ;<br />

mais il accomplit également, au Département de psychologie, un important travail<br />

d'enseignement au niveau <strong>du</strong> doctorat. Il dirige des thèses et initie des assistants<br />

gra<strong>du</strong>és à des techniques complexes, ainsi qu'à la pratique de la recherche.<br />

Secteurs de recherche<br />

On peut dire, en gros, que le personnel <strong>du</strong> laboratoire se consacre essentiellement<br />

à l'élaboration de systèmes expérimentaux multifactoriels applicables à l'étude <strong>du</strong><br />

comportement indivi<strong>du</strong>el et des interactions entre indivi<strong>du</strong>s. Ce personnel cherche,<br />

notamment, à découvrir, au moyen de l'analyse factorielle, les influences et les<br />

notions auxquelles on pourrait vouloir consacrer des expériences à deux variables,<br />

mais qui ne peuvent être découvertes sans l'application de méthodes analytiques<br />

plus puissantes à des phénomènes multifactoriels de la science <strong>du</strong> comportement.<br />

Nous allons passer en revue quelques-uns des principaux secteurs qui ont chacun<br />

fait l'objet, depuis vingt ans, d'une douzaine au moins de travaux publiés.<br />

Description et mesure de la personnalité. Des analyses factorielles, méthodiquement<br />

coordonnées, d'évaluations, des réponses à des questionnaires et des tests de performance<br />

objectifs, dans des « situations miniatures », ont permis de confirmer l'existence<br />

d'une vingtaine de structures de personnalité. Dans certains cas, ces structures<br />

correspondent à des concepts cliniques : à la force de l'ego ou <strong>du</strong> super ego, ou<br />

à la schizothymie <strong>du</strong> tempérament ; dans d'autres, il s'agit de concepts nouveaux.<br />

L'étude pratique de ces structures a été prévue récemment dans le questionnaire<br />

sur les facteurs de personnalité, l'échelle IPAT de l'anxiété, la batterie de tests<br />

objectifs d'analyse de la personnalité, etc. La stabilité et la signification des facteurs<br />

ont fait l'objet de tests et ont été trouvées suffisantes pour différents âges ou<br />

différentes cultures. En conséquence, des batteries applicables à des indivi<strong>du</strong>s<br />

d'un âge compris entre quatre et dix-sept ans ont été mises au point et normalisées<br />

récemment pour ces mêmes facteurs en Australie, en France, en Italie, au Japon,<br />

en Inde et dans d'autres pays. Une dimension — l'aptitude générale — a été tout<br />

spécialement étudiée à la lumière de tests portant sur l'intelligence et la culture,<br />

actuellement normalisés à l'échelon international.<br />

Motivation et dynamique de la personnalité. Encouragé par la stabilité qu'il a constatée<br />

dans les traits généraux de la personnalité et dans les mesures dont ils ont fait<br />

l'objet, le personnel <strong>du</strong> laboratoire, appliquant les méthodes de l'analyse factorielle<br />

aux phénomènes cliniques et motivationnels, a pu déterminer le nombre et la<br />

298


LES SCIENCES SOCIALES DANS LE M O N D E<br />

nature des patterns de pulsion et des structures dynamiques acquises communes.<br />

<strong>Les</strong> données de base ont été fournies non par la cotation « opinionnaire », plus<br />

ancienne, des attitudes et des intérêts, mais par des procédés indirects et objectifs,<br />

plus récents. Un test d'analyse objective des motivations portant sur dix facteurs<br />

sert maintenant à l'étude des ajustements dynamiques et des conflits.<br />

Dynamique des groupes. <strong>Les</strong> travaux concernant ce secteur ont visé, tout d'abord,<br />

à déterminer les dimensions qui permettent de décrire de la façon la plus fonctionnelle<br />

les petits groupes 1 . Puis on a élaboré un modèle mathématique, permettant<br />

d'établir une relation entre la personnalité et le rôle (y compris le leadership),<br />

d'une part, et les dimensions <strong>du</strong> groupe, d'autre part. Des rapports statistiquement<br />

significatifs ont été découverts, grâce à l'emploi de ce modèle, en liaison avec le<br />

système ci-dessus de mesures de la personnalité et avec les batteries de variables de<br />

performance de groupe, pour mesurer les dimensions de groupes particuliers.<br />

Analyse de patterns culturels. Ces travaux ont visé à faire <strong>du</strong> concept de pattern culturel<br />

une réalité mathématique, dans des généralisations théoriques pouvant faire<br />

l'objet de tests. Des analyses factorielles à un moment donné (technique R) et des<br />

analyses factorielles pendant un temps assez long (technique P) ont été consacrées<br />

à une centaine de statistiques concernant quelque soixante-dix pays ; elles ont<br />

permis de représenter chaque pays par un profil à douze dimensions. Des groupements<br />

culturels ont alors été découverts grâce au coefficient de ressemblance des<br />

patterns. Toutefois, le principal intérêt de ces travaux réside dans l'analyse ainsi<br />

réalisée de la dynamique de grands groupes, et dans les prévisions <strong>du</strong> comportement<br />

groupai que les concepts de syntalité et de synergie permettent de faire.<br />

Perfectionnements méthodologiques <strong>du</strong> système multifactoriel. Il s'agit ici de démarches<br />

qui visent à définir des structures simples, le nombre des facteurs et divers tests de<br />

signification utilisés pour l'analyse factorielle. Le coefficient de similarité des patterns,<br />

ainsi que d'autres procédés nécessaires à l'analyse des patterns, des rôles et<br />

des groupes en sciences sociales ont également été précisés. Plusieurs de ces perfectionnements<br />

ont permis d'établir des programmes pour calculatrices électroniques,<br />

qui ne sont enregistrés pour le moment que sur l'Illiac de l'Université de l'Illinois,<br />

et qui concernent la rotation analytique, l'analyse des patterns, la détermination<br />

des groupements sociométriques, etc.<br />

Publications<br />

<strong>Les</strong> principaux ouvrages auxquels ont donné lieu les travaux effectués depuis six<br />

ans par le personnel <strong>du</strong> laboratoire sont les suivants : R. B. Cattell. Personality and<br />

motivation structure and measurement. Harcourt, Brace and World, 1957. R. B. Cattell;<br />

G. F. Stice. The dimensions of groups. Champaign, Illinois, IPAT, 1959. R. B. Cattell;<br />

I. H. Scheier. The meaning and measurement of neuroticism and anxiety. Ronald Press,<br />

1961. F. W . Warburton ; R. B. Cattell. Theory and compendium of objective personality<br />

tests. University of Illinois Press, 1962. <strong>Les</strong> tests normalisés (16 P. F., culture-fair<br />

intelligence tests, anxiety scale, motivational analysis test, etc.) que les recherches fondamentales<br />

exposées ci-dessus ont permis d'élaborer sont publiés par l'Institute for<br />

Personality and Ability Testing.<br />

<strong>Les</strong> travaux relatifs aux patterns culturels n'ont pas encore été publiés sous forme<br />

de livres ; ils ont seulement fait l'objet d'articles, dont le premier, « Dimensions of<br />

culture patterns by factoring national characters », a paru en 1949, dans le Journal<br />

of abnormal (and social) psychology ; un autre article, intitulé « Theoretical and<br />

measurement specification of the dimension of national morale », de R. B. Cattell<br />

et R. L. Gorsuch, est actuellement sous presse.<br />

1. R. B. Cattell; G. F. Stice. The dimensions of groups. 1959.<br />

299


II. DOCUMENTS DES NATIONS UNIES<br />

ET CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE<br />

DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

DES NATIONS UNIES<br />

ET DES INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES 1<br />

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE<br />

ORGANISATION DES NATIONS UNIES<br />

ACTIVITÉS INTERNATIONALES D'ORDRE ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET HUMANITAIRE<br />

Rapport <strong>du</strong> Conseil économique et social, j août ig6i - 3 août 1962. 1962. 107 p. 1,50 dollar.<br />

(A/5203)<br />

[Ej. Pr. Org.] Tour d'horizon des activités économiques, sociales et humanitaires<br />

de l'Organisation des Nations Unies et des institutions spécialisées. En particulier,<br />

chapitres sur la Décennie des Nations Unies pour le développement, sur les conséquences<br />

économiques et sociales <strong>du</strong> désarmement, les tendances de l'économie mondiale,<br />

le développement économique des pays sous-développés, les programmes de<br />

coopération technique, les activités des commissions économiques régionales, les<br />

<strong>droit</strong>s de l'homme.<br />

DÉCENTRALISATION<br />

Décentralisation des activités économiques et sociales des Nations Unies et renforceme<br />

commissions économiques régionales. Octobre 1962. 18 p. (A/5196)<br />

[Pr. Org.] Exposé des vues <strong>du</strong> Secrétariat des Nations Unies sur la décentralisation<br />

des activités économiques et sociales de l'Organisation : le but principal des mesures<br />

de décentralisation doit être de renforcer ces activités. Répartition souhaitable des<br />

tâches entre le Secrétariat et les commissions régionales.<br />

INTERDICTION DES ARMES ATOMIQUES<br />

Question de la convocation d'une conférence pour la signature d'une convention sur l'interd<br />

de l'emploi des armes nucléaires et thermonucléaires. Août 1962. 93 p. (A/5174)<br />

[Ej. Pr. Dp.] Réponses de 58 gouvernements : 29 sont favorables à une telle confé-<br />

1. En règle générale, nous ne signalons pas les publications et documents qui<br />

paraissent de manière en quelque sorte automatique : rapports administratifs<br />

réguliers, comptes ren<strong>du</strong>s de réunions, etc.<br />

Nous avons tra<strong>du</strong>it librement le titre de quelques publications et documents<br />

que nous n'avons pu nous procurer à temps en français.<br />

<strong>Les</strong> titres que nous avons tra<strong>du</strong>its nous-mêmes sont désignés par un astérisque<br />

(*) en marge.<br />

Pour la signification des abréviations conventionnelles utilisées dans ce<br />

chapitre, voir p. 317.<br />

300


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

rence, 26 ont exprimé une opinion négative et trois désirent attendre, pour se prononcer,<br />

les résultats de la conférence <strong>du</strong> Comité de dix-huit puissances sur le désarmement.<br />

Un additif contient les réponses de deux autres gouvernements (A/5174/<br />

ADD.I).<br />

RADIATIONS<br />

Rapport <strong>du</strong> Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des radiations ionisantes.<br />

1962. 475 p. 5 dollars. (A/5216)<br />

[Ej. Pr. St. Dp. BL] Cet important rapport a pour objet de faire le point des connaissances<br />

actuelles en ce qui concerne les effets des rayonnements sur l'homme et son<br />

milieu, et de souligner les domaines dans lesquels des recherches s'imposent de façon<br />

urgente. Un exposé des notions de base (en physique, en biologie et en radiobiologie)<br />

qui sont nécessaires pour la compréhension des sujets traités est suivi de chapitres<br />

consacrés aux effets des rayonnements sur l'indivi<strong>du</strong> et sur sa descendance,<br />

aux doses d'irradiation auxquelles est soumise actuellement la population humaine,<br />

aux doses qui peuvent être prévues pour l'avenir, à une analyse des diverses <strong>sources</strong><br />

de radiations et aux conclusions <strong>du</strong> comité.<br />

FORCE D'URGENCE<br />

La Force d'urgence des Nations Unies. Août 1962. 26 p. (A/5172)<br />

[Ej. Pr. Org.] Il s'agit de la Force installée sur la frontière qui sépare Israël de la<br />

République arabe unie. Ce rapport <strong>du</strong> Secrétaire général rend compte de l'évolution<br />

des questions relatives à cette Force depuis le 31 août 1961 (organisation,<br />

activité, incidents suscités par cette activité, dispositions financières actuelles, prévisions<br />

financières).<br />

La Force d'urgence des Nations Unies : estimation des dépenses pour le maintien de cette Force,<br />

<strong>du</strong> i er janvier au 31 décembre 1963. Septembre 1962. 51 p. (A/5187)<br />

[Ej. Pr. Org.] Dépenses à prévoir pour cette Force dans la région de Gaza, le long<br />

de la frontière <strong>du</strong> Sinaï et sur les côtes ouest <strong>du</strong> golfe d'Akaba, pour un effectif de<br />

5 100 officiers et soldats.<br />

DROIT INTERNATIONAL<br />

Annuaire de la Commission <strong>du</strong> <strong>droit</strong> international : ig6i. Vol. II, 1962. 174 p. 1,50 dollar.<br />

(A/CN.4/SER. A/ 1961 )<br />

[Pr. Org.] Ce volume contient des documents de travail utilisés par la commission<br />

lors de sa 13 e session (mai-juillet 1961), ainsi que le rapport sur cette session, adressé<br />

par la commission à l'Assemblée générale des Nations Unies. <strong>Les</strong> principaux documents<br />

rassemblés dans ce recueil concernent : la responsabilité internationale, les<br />

immunités consulaires et la coopération avec le Comité consultatif juridique afroasiatique<br />

et avec d'autres organismes juridiques internationaux.<br />

Relations consulaires. Août 1962. 105 p. (A/5171)<br />

[Ej. Pr. Dp.] Ce document contient les observations de 19 gouvernements sur le<br />

projet d'articles relatifs aux relations consulaires adopté par la Commission <strong>du</strong> <strong>droit</strong><br />

international à sa 13 e session, en 1961. Des additifs repro<strong>du</strong>isent un certain nombre<br />

de réponses reçues ultérieurement (A/5171/ADD.I et 2).<br />

Commission <strong>du</strong> <strong>droit</strong> international. Travaux futurs dans le domaine de la codification et <strong>du</strong><br />

développement progressif <strong>du</strong> <strong>droit</strong> international. Mars 1962. 47 p. (A/cN.4/145)<br />

[Ej. Pr. Se] Ce document a été préparé sur la base des réponses des gouvernements<br />

concernant les sujets susceptibles d'être codifiés par la Commission <strong>du</strong> <strong>droit</strong> international.<br />

La question de la coexistence pacifique a été laissée de côté. Le document<br />

301


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

analyse, en les classant par sujets, les idées exprimées dans les réponses des gouvernements<br />

concernant les matières qui figurent sur la liste dressée par la commission<br />

en 1949 : reconnaissance des États et gouvernements, succession, immunités<br />

juridictionnelles des États et de leur propriété, condition juridique des étrangers,<br />

<strong>droit</strong> d'asile ou de refuge politique, règlement pacifique des différends, <strong>droit</strong> de la<br />

guerre et de la neutralité, <strong>droit</strong>s et devoirs fondamentaux des États. Une deuxième<br />

partie est consacrée à l'examen des possibilités de codification de matières <strong>nouvelles</strong><br />

: <strong>droit</strong>s de l'homme et défense de la démocratie, indépendance et souveraineté<br />

des États, applications <strong>du</strong> <strong>droit</strong> international, utilisation des fleuves internationaux,<br />

relations <strong>commercial</strong>es et économiques.<br />

Rapport de la Commission <strong>du</strong> <strong>droit</strong> international sur les travaux de sa 14? session, S4 avril<br />

sg juin ig6s. Juillet 1962. 93 p. (A/cN.4/148)<br />

[Ej. Pr.] Travaux de la session. Texte de 29 projets d'articles sur la conclusion,<br />

l'entrée en vigueur et la ratification des traités, avec commentaires. Programme<br />

de travail pour les années à venir. Organisation de la prochaine session.<br />

TRIBUNAL ADMINISTRATIF<br />

Tribunal administratif des Nations Unies : Statut et règlement, texte en vigueur à partir <strong>du</strong><br />

1" novembre 1962. 1962. 16 p. 0,25 dollar, (AT/II REV.2)<br />

[Pr.] Organisation et fonctions <strong>du</strong> tribunal. Types de requêtes à établir.<br />

Jugements <strong>du</strong> Tribunal administratif des Nations Unies, n°* 1 à 70, 1950-1957. 1962.<br />

38 p. 0,50 dollar (AT/CEC/I à 70/ADD.1)<br />

[Ej. Pr. Org. Bl.] Statut et règlement <strong>du</strong> tribunal. Résumé des jugements n os 1 à 70.<br />

Bibliographie.<br />

DROITS POLITIQUES DE LA FEMME<br />

Constitutions, lois électorales et autres textes législatifs relatifs aux <strong>droit</strong>s polit<br />

femme. Août 1962. 59 p. y compris annexes. (A/5153)<br />

[Ej. Pr. Dp.] Nouvelles dispositions (textes constitutionnels, lois) adoptées dans différents<br />

pays au sujet des <strong>droit</strong>s politiques de la femme : <strong>droit</strong> de vote, éligibilité.<br />

RÉFUGIÉS<br />

Rapport <strong>du</strong> Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. 1962. 37 p. 0,50 dollar.<br />

(A/521 I/REV.I)<br />

[Ej. Pr. Org. Dp. St.] Couvre la période <strong>du</strong> I er avril 1961 au 31 mars 1962. Expose<br />

les efforts accomplis en vue d'améliorer la situation et le statut juridique des<br />

1 300 000 réfugiés relevant <strong>du</strong> Haut-Commissariat et traite des problèmes posés<br />

par les anciens réfugiés non installés et par les nouveaux groupes de réfugiés.<br />

Rapport sur l'assistance aux réfugiés d'Algérie au Maroc et en Tunisie. Mise en œuvre des<br />

résolutions de l'Assemblée générale IÎ86 (XIII), 1389 (XIV), 1500 (XV) et 167s<br />

(XVI). Mai 1962. 16 p. (A/AC.96/160)<br />

[Ej. Pr. Org.] Résumé des activités au cours de la période comprise entre le I er mai<br />

1961 et le 30 avril 1962. Renseignements sur les opérations menées de concert avec<br />

la Ligue des sociétés de la Croix-Rouge. État des res<strong>sources</strong> financières, des stocks<br />

et des fournitures.<br />

STATISTIQUES ET ÉTUDES GÉNÉTIQUES<br />

* Utilisation des statistiques démographiques et médicales pour l'étude des problèmes de l'<br />

dité et, notamment, des effets génétiques des radiations. Compte ren<strong>du</strong> d'un séminaire patron<br />

302


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

par l'ONU et l'OMS (Genève, yg septembre i960), i960, 259 p. 7,50 dollars.<br />

(A/AC.82/SEMINAR)<br />

[Ej. Pr. Se. St. Dp.] Compte ren<strong>du</strong> des travaux de cette réunion d'experts, dont<br />

l'objet était de formuler des propositions pratiques en vue de l'utilisation des statistiques<br />

médicales et démographiques pour une étude plus approfondie des questions<br />

de génétique humaine et, plus spécialement, de celles qui découlent de l'accroissement<br />

des radiations.<br />

COURANTS D'INVESTISSEMENTS<br />

Le courant international des capitaux à long terme et les donations publiques, ig¡g-ig6i.<br />

Octobre 1962. 96 p. (A/5195)<br />

[Dp. Ej. Pr. St.] Ces phénomènes sont étudiés <strong>du</strong> point de vue de la croissance économique<br />

des pays sous-développés. La première partie traite <strong>du</strong> courant de capitaux<br />

(publics ou privés) qui va des pays développés vers les pays sous-développés.<br />

Elle est suivie d'analyses distinctes de l'assistance économique internationale fournie<br />

par les pays à économie planifiée et de la contribution des capitaux privés.<br />

DÉCOLONISATION<br />

Rapport <strong>du</strong> Comité spécial chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la<br />

déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (pour la période<br />

<strong>du</strong> so février ig6s au ig septembre ig6s). Octobre 1962. 598 p. (A/5238)<br />

[Dp. Ej. Pr. Org.] Le rapport rappelle, tout d'abord, les conditions dans lesquelles<br />

le comité spécial a été créé, et en expose l'organisation et les méthodes de travail.<br />

Il fournit, ensuite, des renseignements sur l'évolution de la situation dans tous les<br />

pays où se posent des problèmes de décolonisation.<br />

TERRITOIRES NON AUTONOMES<br />

Préparation et formation de cadres administratifs et techniques autochtones dans les territoires<br />

non autonomes. Août 1962. 44 p. (A/4851)<br />

[Dp. Ej. Pr. St.] Ce document comprend, outre des déclarations de principe<br />

concernant la préparation et la formation de cadres administratifs et techniques dans<br />

ces territoires, une brève description de la situation actuelle : moyens de formation<br />

offerts aux cadres administratifs, aux spécialistes des branches médicales, au personnel<br />

enseignant et aux techniciens ; effectif actuel et origine des fonctionnaires<br />

en poste dans les territoires non autonomes.<br />

Moyens d'étude et deformation offerts par des États membres aux habitants des territoires non<br />

autonomes. Septembre 1961. 23 p. y compris annexe (A/4862)<br />

[Ej. Pr. St. Dp.] Problèmes que pose l'usage effectif des bourses d'études offertes<br />

par des États membres. Progrès réalisés dans la mise en application des résolutions<br />

adoptées par l'Assemblée générale en cette matière. Renseignements sur les<br />

bourses offertes actuellement à des étudiants originaires de territoires non autonomes.<br />

Discrimination raciale dans les territoires non autonomes. Octobre 1962. 28 p. (A/5249)<br />

[Ej. Pr. Dp. Org.] La première partie de ce rapport résume les mesures prises pour<br />

la diffusion, dans les territoires non autonomes, des textes où s'exprime l'attitude<br />

des Nations Unies à l'égard de la discrimination raciale. La seconde contient des<br />

données sur la situation de fait dans ces territoires et sur les méthodes employées<br />

pour la modifier, de manière à éliminer la discrimination raciale.<br />

303


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

SUD-OUEST AFRICAIN, AFRIQUE DU SUD<br />

Rapport <strong>du</strong> président et <strong>du</strong> vice-président <strong>du</strong> Comité spécial pour le Sud-Ouest africain sur leur<br />

visite en Afrique <strong>du</strong> Sud et au Sud-Ouest africain. Juillet 1962. 21 p. (A/AC.I 10/2)<br />

[Ej. Pr.] <strong>Les</strong> représentants <strong>du</strong> comité rendent compte des entretiens qu'ils ont eus<br />

avec le chef <strong>du</strong> gouvernement sud-africain, en 1962, de la visite qu'ils ont faite<br />

dans le territoire <strong>du</strong> Sud-Ouest africain et des contacts qu'ils ont eus avec les représentants<br />

de la population. En conclusion, ils sont d'avis que l'apartheid est et reste<br />

en contradiction absolue avec les principes <strong>du</strong> <strong>droit</strong>.<br />

TERRITOIRES ADMINISTRÉS PAR LE PORTUGAL<br />

Rapport <strong>du</strong> Comité spécial pour les territoires administrés par le Portugal. Août 1962. 150 p.<br />

(A/5160)<br />

[Ej. Pr.] Ce rapport porte sur les territoires suivants : archipel <strong>du</strong> Cap-Vert, Guinée<br />

portugaise, île Saint-Thomas et île <strong>du</strong> Prince, Angola, Mozambique, Macao et<br />

Timor. N'ayant pas reçu <strong>du</strong> gouvernement portugais l'autorisation de se rendre<br />

dans ces territoires, le comité s'est vu contraint de recevoir les pétitionnaires dans<br />

d'autres pays et d'étayer son rapport de divers autres documents. Ce rapport<br />

retrace l'évolution de la situation jusqu'à la date où il a été rédigé et contient des<br />

recommandations.<br />

CONSEIL DE TUTELLE<br />

Rapport <strong>du</strong> Conseil de tutelle : so juillet ig6i - so juillet ig6s. 1962. 49 p. 0,75 dollar.<br />

[Ej. Pr. Org. Dp.] Travaux <strong>du</strong> conseil au cours de la période considérée. Chapitres<br />

spéciaux sur la situation en Nouvelle-Guinée, sur Nauru et sur l'évolution <strong>du</strong> statut<br />

<strong>du</strong> Rwanda-Urundi.<br />

Mission de visite des Nations Unies dans les territoires sous tutelle de Nauru et de la Nouvelle<br />

Guinée (1962) : Rapport sur Nauru. Juin 1962. 47 p. (T/1595)<br />

[Ej. St.] Description de la situation économique, sociale, politique et culturelle de<br />

la population de Nauru. Question <strong>du</strong> déplacement de cette population dans une<br />

autre île, <strong>du</strong> fait de l'épuisement des mines de phosphate.<br />

Annexes aux rapports de la mission de visite des Nations Unies dans les territoires sous tutel<br />

de Nauru et de la Nouvelle-Guinée (1962). Juin 1962. 38 p. (T/I595/ADD.I)<br />

[Ej. Pr.) Ces annexes se rapportent à Nauru. Elles contiennent des données complémentaires<br />

sur la question <strong>du</strong> déplacement de la population, sur l'évolution <strong>du</strong> territoire<br />

vers l'indépendance et sur les postes occupés par des autochtones dans les<br />

administrations locales.<br />

Rapport de la mission de visite des Nations Unies dans les territoires sous tutelle de Nauru et<br />

de la Nouvelle-Guinée (igôs). Rapport sur la Nouvelle-Guinée. Juin 1962. m p.<br />

(T/1597)<br />

[Ej. St.] Outre les renseignements fondamentaux habituels sur l'évolution de la<br />

situation économique, sociale, politique et culturelle <strong>du</strong> territoire, ce rapport traite<br />

de questions telles que la création d'un parlement représentatif, les relations entre<br />

la Nouvelle-Guinée, le Papua australien et les pays voisins, l'affaire dite « <strong>du</strong> culte<br />

<strong>du</strong> cargo », la législation antidiscriminatoire, etc.<br />

304


CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL<br />

DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

ACTIVITÉS INTERNATIONALES D'ORDRE ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET HUMANITAIRE<br />

État récapitulatif des programmes de travail relatifs aux questions économiques et sociales et<br />

aux <strong>droit</strong>s de l'homme. Juin 1962. 46 p. (E/3651)<br />

[Ej. Pr. Org.] Brèves indications sur les divers programmes, groupées sous les<br />

rubriques suivantes : statistiques, examen et analyse des tendances économiques et<br />

sociales, commerce international et investissements, aspects généraux <strong>du</strong> développement<br />

économique, tendances et politiques démographiques, développement des<br />

res<strong>sources</strong>, développement rural et développement communautaire, habitation et<br />

urbanisation, politiques et pratiques financières, transports et communications,<br />

administration publique, autres projets d'ordre social, <strong>droit</strong>s de l'homme, stupéfiants.<br />

Observations sur le programme de travail de l'Organisation des Nations Unies dans les<br />

domaines économique et social et dans celui des <strong>droit</strong>s de l'homme. Juin 1962. 63 p.<br />

(E/3657)<br />

[Ej. Pr. Org.] Commentaires sur les programmes en cours d'exécution dans les<br />

divers domaines énumérés à propos <strong>du</strong> document précédent.<br />

DÉSARMEMENT<br />

Conséquences économiques et sociales <strong>du</strong> désarmement. Juillet 1962. 6 p. (E/3593/ADD.4)<br />

[Org. Ej. Pr.] Ce quatrième additif contient une communication <strong>du</strong> Bureau international<br />

<strong>du</strong> travail sur les impératifs sociaux qui militent en faveur <strong>du</strong> désarmement<br />

et sur le rôle que devrait jouer le BIT en cas d'accord international à ce sujet.<br />

D ÉCENTRALISATION<br />

Décentralisation des activités de l'Organisation des Nations Unies dans les domaines économique<br />

et social et renforcement des commissions économiques régionales. Juin 1962. 25 p.<br />

y compris annexe (E/3643)<br />

[Ej. Pr. Org.] Ce rapport expose les <strong>nouvelles</strong> dispositions qui ont été prises ou qui<br />

sont envisagées en faveur de cette décentralisation : renforcement <strong>du</strong> secrétariat<br />

des commissions économiques régionales, rôle nouveau des organismes centraux.<br />

INFORMATION<br />

Rapport annuel sur la liberté de l'information, ig6o-ig6i. Juin 1962. 15 p. (E/cN.4/822/<br />

ADD.3)<br />

[Org.] Cette note contient les rapports de l'Australie, <strong>du</strong> Royaume-Uni et de la<br />

Yougoslavie.<br />

ASSISTANCE TECHNIQUE<br />

Comité de l'assistance technique : Rapport intérimaire sur l'exécution <strong>du</strong> programme de 1961ig62.<br />

1962. 43 p. 0,75 dollar. (E/3605/ADD.1/REV.1)<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Analyse des formes d'assistance et tableaux concernant le financement<br />

et l'administration. Répartition des projets par pays, par domaines d'activité,<br />

par organisations. Nombre d'experts. Nombre de bourses.<br />

STATISTIQUES<br />

Étude générale des statistiques internationales. Mars 1962. 89 p. (E/cN.3/286)<br />

[Ej. Org. BL] Sixième rapport traitant de l'activité des organisations internationales<br />

en matière statistique. État actuel de ces activités : rassemblement des données,<br />

305


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

formulation de normes, entraide technique, formation de spécialistes. Aperçu des<br />

réunions récentes consacrées à la statistique et patronnées par l'Organisation des<br />

Nations Unies.<br />

L'élaboration internationale des statistiques <strong>du</strong> commerce extérieur à l'aide d'une calcu<br />

Mai 1962. 4 p. (E/CN.3/300/ADD.1)<br />

[Ej. Pr.] Dépenses qu'entraînerait l'application, au cours de l'année 1963, des<br />

recommandations d'un groupe d'experts en vue de la création d'un service central<br />

pour le traitement et la diffusion des données statistiques sur le commerce des marchandises.<br />

ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE GÉNÉRALE<br />

Étude sur le développement économique mondial en ig6i. 196a. 193 p. 3 dollars. (E/3624/<br />

REV. 1 ST/ECA/71)<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Septième étude de ce genre. Principales tendances <strong>du</strong> développement<br />

économique dans les diverses régions <strong>du</strong> monde en 1961. Étude comparée des<br />

réalisations des pays in<strong>du</strong>striels à régime économique classique, des pays pratiquant<br />

la planification centralisée et des pays en voie de développement.<br />

DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL<br />

Renforcement des services consultatifs de l'Organisation des Nations Unies dans le domai<br />

<strong>du</strong> développement in<strong>du</strong>striel. Juillet 1962. 11 p. (E/3656/ADD.1)<br />

[Ej. Pr. Org.] Ce mémoire, présenté par le Commissaire au développement in<strong>du</strong>striel,<br />

indique les grandes lignes des travaux inscrits au programme de travail <strong>du</strong><br />

siège et des commissions régionales.<br />

FONDS D'ÉQUIPEMENT<br />

Financement <strong>du</strong> développement économique. Juin 1962. 47 p. (E/3654)<br />

[Ej. Pr. Org.] Ce rapport <strong>du</strong> Comité pour un fonds d'équipement des Nations<br />

Unies, présenté en application de la résolution 1706 (XVI) de l'Assemblée générale,<br />

expose d'abord les besoins des pays peu développés en matière d'équipement. Il<br />

traite ensuite <strong>du</strong> problème des res<strong>sources</strong> humaines et de celui des capitaux, et<br />

présente, pour finir, un projet de statut d'un fonds d'équipement des Nations Unies.<br />

CAPITAL PRIVÉ<br />

Le développement <strong>du</strong> flux <strong>du</strong> capital privé. Juillet 1962. 68 p. (E/3665/REV.1)<br />

[Ej. Pr. Dp.] Ce rapport a été établi afin d'attirer l'attention sur le rôle toujours plus<br />

important des institutions financières nationales et internationales en tant qu'instruments<br />

de mobilisation des capitaux privés susceptibles d'être investis dans les<br />

pays les moins développés. Il énumère les mesures prises pour diminuer les risques<br />

d'investissement.<br />

PLEIN EMPLOI, CHOMAGE<br />

Rapport sur les activités entreprises pour atteindre les objectifs <strong>du</strong> plein emploi. Pre<br />

partie : politique en matière de plein emploi. Juin 1962. 64 p. (E/3659/ADD.1)<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Ce rapport traite, d'une manière générale, <strong>du</strong> plein emploi en tant<br />

qu'objectif national et international, ainsi que de la nature des mesures prises actuellement<br />

ou envisagées en vue d'atteindre cet objectif. Le document dont il s'agit ici<br />

constitue la première partie de ce rapport. Il résume les principaux problèmes qui<br />

se sont posés récemment dans les divers pays au sujet <strong>du</strong> plein emploi et expose,<br />

d'après les indications fournies par les gouvernements, les mesures prises ou envi-<br />

306


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

sagées par eux pour résoudre ces problèmes. <strong>Les</strong> pays sont classés en trois groupes :<br />

pays pratiquant la planification centralisée, pays sous-développés, pays in<strong>du</strong>striels<br />

à régime économique classique.<br />

Rapport sur les activités entreprises pour atteindre les objectifs <strong>du</strong> plein emploi. Deuxième<br />

partie : mesures prises pour améliorer la situation des chômeurs et de la main-d'œuvre sousemployée.<br />

Juillet 196a. 88 p. (E/3659/ADD.2)<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Étude comparée des divers systèmes de prestations de chômage<br />

(bénéficiaires, conditions auxquelles sont subordonnées les prestations, taux et <strong>du</strong>rée<br />

des prestations, modalités de financement et d'administration) et des autres mesures<br />

de protection, y compris les indemnités de licenciement.<br />

COMMERCE<br />

Commentaires sur les conditions générales de vente à l'importation et à l'exportation de biens<br />

de consommation <strong>du</strong>rables et d'autres pro<strong>du</strong>its des in<strong>du</strong>stries mécaniques fabriqués en série,<br />

n° 730. 1962. 7 p. 0,10 dollar. (E/ECE/426)<br />

[Ej. Pr.] Étude de la Commission économique pour l'Europe. Principes des contrats<br />

de vente dans les domaines considérés. Possibilité d'unifier les pratiques en usage.<br />

AFRIQUE : SERVICES SOCIAUX<br />

* Rapport sur le colloque d'Abidjan concernant les services de protection sociale. Mai 1962.<br />

52 p. y compris annexes, (E/CN. 14/169)<br />

[Ej. Pr.] La Commission économique pour l'Afrique a réuni un groupe d'experts<br />

de la protection sociale à Abidjan, <strong>du</strong> 11 au 21 avril 1962. Le colloque a examiné<br />

les problèmes suivants : structure, organisation et fonctions des services de protection<br />

sociale, décentralisation de ces services, relations entre les services gouvernementaux<br />

et les organisations privées, utilisation <strong>du</strong> personnel et de l'aide fournis<br />

par les organismes internationaux. Tous ces problèmes sont examinés dans la perspective<br />

des besoins de l'Afrique.<br />

La structure, l'organisation et la fonction des services de protection sociale. Mars 1962. 15 p.<br />

(E/CN.I4/SW/7)<br />

[Ej. Pr.] Texte de l'exposé <strong>du</strong> président <strong>du</strong> Conseil économique et social de la République<br />

<strong>du</strong> Congo (capitale : Brazzaville), qui participait, à titre d'expert, à la réunion<br />

d'Abidjan.<br />

AFRIQUE : QUESTIONS ÉCONOMIQUES<br />

<strong>Les</strong> transports et le développement économique en Afrique de l'Ouest. Décembre i960. 171p.<br />

(E/CN. 14/63)<br />

[Dp. Ej. Pr. St.] Cette étude montre comment l'insuffisance des moyens de transport<br />

entrave le développement économique et indique divers moyens de remédier à<br />

cette situation. L'analyse concerne surtout le Ghana, la Côte-d'Ivoire, la Nigeria<br />

et le Togo.<br />

Aperçu sur les problèmes de statistiques <strong>du</strong> commerce extérieur en Afrique. Novembre 1961.<br />

9 p. (E/CN.I4/CAS/2-TRAD/L.4/REV.I)<br />

[Ej. Pr. St. Dp.) Ces informations sur l'état actuel des statistiques <strong>du</strong> commerce<br />

extérieur en Afrique sont extraites des réponses des gouvernements à des questionnaires<br />

qui leur avaient été adressés, ainsi que de diverses publications relatives aux<br />

statistiques <strong>commercial</strong>es.<br />

307


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

AMÉRIQUE LATINE<br />

Rapport sur la neuvième session de la Commission économique pour l'Amérique latine (New<br />

York, 6-7 juin IQ62). 1962. 10 p. 0,35 dollar. (E/3649)<br />

[Ej. Pr.] Compte ren<strong>du</strong> des travaux de la session, en particulier en ce qui concerne<br />

la création d'un institut latino-américain de planification économique et sociale.<br />

Texte de la résolution adressée au Conseil économique et social à ce sujet.<br />

Le développement économique <strong>du</strong> Hon<strong>du</strong>ras, i960. 222 p. 3 dollars, (E/CN. 12/549)<br />

[Ej. Pr. St.] Évolution économique <strong>du</strong> Hon<strong>du</strong>ras, de 1945 à 1959. Chapitres sur<br />

le développement économique à prévoir d'ici à 1968. Nombreux tableaux statistiques.<br />

ASIE ET EXTRÊME-ORIENT<br />

Troisième conférence régionale cartographique des Nations Unies concernant l'Asie et l'Extrê<br />

Orient (Bangkok, 27 octobre- 10 novembre ig6i).'1962. 21 p. 0,25 dollar. (E/coNF.36/2)<br />

[Ej. Pr. Org.] Compte ren<strong>du</strong> de la conférence. Texte des résolutions, qui concernent<br />

notamment l'assistance technique, le Bureau cartographique régional, la coopération<br />

dans l'établissement des cartes, l'atlas économique régional, la nomenclature<br />

géographique et les informations aériennes.<br />

Urbanisation et habitation en Asie et en Extrême-Orient. Juillet 1962. 23 p. (E/CN. I I /I &<br />

NR/HBWP.7/L.I)<br />

[Dp. Ej. Pr.] Bref exposé des problèmes qui se posent à ce sujet en Asie et en Extrême-<br />

Orient. Aperçu des mesures prises dans les différents pays pour faire face à la situation.<br />

Activités de la Commission économique pour l'Asie et l'Extrême-Orient en<br />

matière d'urbanisme et de construction de logements.<br />

MOYEN-ORIENT : ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE<br />

Développement économique <strong>du</strong> Moyen-Orient : ig¡g-ig6i. 1962. 183 p. 2,50 dollars.<br />

(E/3635/ST/ECA/69)<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Après une vue d'ensemble <strong>du</strong> développement économique de la<br />

région, ce rapport analyse en détail les tendances observées en 1959-1961 dans les<br />

divers domaines : agriculture, in<strong>du</strong>strie, pétrole, commerce extérieur et paiement.<br />

<strong>Les</strong> pays pris en considération comprennent Chypre, l'Iran, l'Irak, Israël, la Jordanie,<br />

le Liban, la Syrie, la Turquie et l'Egypte.<br />

EUROPE : ACCIDENTS DE LA CIRCULATION<br />

Statistiques des accidents de la circulation routière en Europe : ig6o. Juin 1962. 51<br />

0,50 dollar. (E/ECE/465)<br />

[Dp. Ej. Pr. St.] La première partie de ce document comprend un tableau récapitulatif,<br />

indiquant le nombre de personnes tuées ou blessées, en Europe, dans des<br />

accidents de la circulation routière depuis 1953. La deuxième partie donne des<br />

détails pour i960, avec des renseignements sur le nombre des véhicules routiers,<br />

la longueur des routes et lajpopulation.<br />

SECRÉTARIAT<br />

INSTITUTIONS INTERNATIONALES<br />

Renseignements généraux sur la structure et le fonctionnement des Nations Unies. 1962. 42 p.<br />

0,25 dollar. (62.1.12)<br />

308


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

[Ej. Pr. Org.] Brochure d'information générale : les organes des Nations Unies ;<br />

les institutions spécialisées, leur structure et leurs activités.<br />

QUESTIONS JURIDIQUES<br />

La Cour internationale de justice. 1962. 40 p. 0,25 dollar. (62.1.12)<br />

[Ej. Pr.] Brochure d'information générale : organisation de la Cour de justice, ses<br />

activités ; jugements et recommandations prononcés par la Cour depuis sa création.<br />

* Groupe de travail sur le statut des femmes en <strong>droit</strong> familial, ig6s. 1962. 36 p. (ST/TAO/<br />

HR/14)<br />

[Ej. Pr.] Compte ren<strong>du</strong> d'une réunion tenue par ce groupe à Tokyo, <strong>du</strong> 8 au 21 mai<br />

1962. La réunion rassemblait des juristes et des dirigeants de mouvements féminins<br />

d'Asie <strong>du</strong> Sud-Est, d'Australie et de Nouvelle-Zélande. <strong>Les</strong> discussions ont<br />

porté sur le mariage et ses incidences juridiques, sur la dissolution <strong>du</strong> mariage, les<br />

<strong>droit</strong>s des parents, le statut légal de la femme non mariée, les <strong>droit</strong>s de la femme en<br />

matière d'héritage.<br />

* Groupe de travail chargé de l'étude des moyens juridiques et autres de lutte contre les abus<br />

de l'autorité administrative et, notamment, de l'étude <strong>du</strong> rôle des institutions parlementaires<br />

(Stockholm, 12-33 juin ¡9^ 2 )- ! 9Ö2. 34 p. (ST/TAO/HR/IS)<br />

[Ej. Pr.] Le groupe a étudié spécialement les modalités <strong>du</strong> contrôle législatif de<br />

l'administration : supervision par des commissaires parlementaires, contrôle confié<br />

à des procureurs (dans certains pays d'Europe orientale), obligation de fournir des<br />

preuves.<br />

DÉMOGRAPHIE<br />

Annuaire démographique ig6i, sujet spécial : statistique de la mortalité. 1961. 713 p.<br />

10 dollars. (62.XHI.1)<br />

[Ej. Pr. St. Dp.] Cet annuaire contient les données officielles sur tous les aspects<br />

de l'évolution de la population dans plus de 200 pays et territoires. Outre ces<br />

tableaux habituels, on y trouve une étude comparée approfondie des tendances de<br />

la mortalité au cours des vingt dernières années.<br />

COMPTABILITÉ NATIONALE<br />

Annuaire de statistiques des comptabilités nationales, ig6i. 1962. 305 p. 4 dollars. (62.<br />

xvii.2)<br />

[St. Dp. Ej. Pr.] Données concernant 98 pays et territoires : état des comptabilités<br />

nationales, séries chronologiques (généralement pour les années 1948-1960) relatives<br />

aux principaux agrégats et à leurs relations, taux d'accroissement moyens<br />

annuels <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it intérieur brut par rapport aux prix constants pour la décennie<br />

1950-1960.<br />

TRAVAIL SOCIAL ET DÉVELOPPEMENT RURAL<br />

* La formation sociale des pionniers <strong>du</strong> développement rural. 1962. 77 p. (sT/soA/46)<br />

[Ej. Pr.] Moyens mis en œuvre dans divers pays pour former des travailleurs<br />

sociaux, capables d'encourager l'initiative populaire en milieu rural et d'assurer<br />

une bonne collaboration entre le peuple et les services techniques <strong>du</strong> gouvernement.<br />

TERRITOIRES NON AUTONOMES<br />

Étude spéciale sur le développement social des territoires non autonomes. 1962. 229 p. 3 dollars.<br />

(ST/TRI/SER.A/I8)<br />

3°9


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

[Dp. Ej. Pr. St.] Aspects sociaux de l'évolution de ces territoires : conséquences<br />

sociales de la situation économique, changements culturels, urbanisation, modernisation<br />

de la vie rurale, relations entre les dirigeants et la main-d'œuvre, conditions<br />

d'emploi des femmes, formation artisanale, sécurité sociale.<br />

ASIE ET EXTRÊME-ORIENT : DÉVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE<br />

* Planification et administration des programmes nationaux de développement communautaire.<br />

Rapport d'un groupe de travail (Bangkok, ss août-i" septembre ig6i). 1962.<br />

153 P- (ST/TAO/SER.C/54)<br />

[Ej. Pr.] État de la planification et de l'administration des programmes de développement<br />

communautaire dans les divers pays d'Asie et d'Extrême-Orient.<br />

Rôle des gouvernements. Aspects financiers. Personnel. Évaluation des programmes.<br />

Recommandations en vue de la préparation de la prochaine Conférence régionale<br />

asienne sur le développement communautaire.<br />

EUROPE : AGRICULTURE<br />

Normalisation des denrées périssables (Commission économique pour l'Europe). 1962. 9 p.<br />

0,10 dollar, (AGRI/WP. 1/EUR.STAN.8)<br />

[Ej. Pr.] Texte d'un protocole relatif à la normalisation des fruits et légumes,<br />

accepté par les pays membres de la Commission économique pour l'Europe.<br />

EUROPE : ÉLECTRICITÉ<br />

Symposium relatif à la rationalisation de la consommation de l'énergie électrique, orga<br />

par la Commission économique pour l'Europe (Varsovie, S1-S5 mai 1962), vol. 1.<br />

Août 1962. 11 annexes de 123 p. (ST/ECE/EP/I3, vol. 1)<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Liste des documents présentés à ce symposium. Texte de plusieurs<br />

études spécialement consacrées aux méthodes propres à rationaliser la consommation<br />

des diverses catégories d'utilisateurs (transports, in<strong>du</strong>strie, agriculture,<br />

ménages).<br />

EUROPE : GAZ<br />

* Développements récents dans l'économie gazière européenne. ig62. 91 p. 0,75 dollar.<br />

(ST/ECE/GAS/4)<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Pro<strong>du</strong>ction de l'in<strong>du</strong>strie gazière dans l'Europe de l'Est et de<br />

l'Ouest. Problèmes de transport <strong>du</strong> gaz sur de grandes distances au moyen de<br />

canalisations. Consommation de gaz, par secteurs (foyers domestiques et usages<br />

économiques). Équilibre de l'offre et de la demande. Perspectives d'avenir.<br />

Économie <strong>du</strong> transport <strong>du</strong> gaz naturel. 1962. 83 p. 0,75 dollar, (ST/ECE/GAS/5)<br />

[Ej. Pr.] Moyens de transport que l'on peut envisager : navires-citernes, gazo<strong>du</strong>cs.<br />

Emmagasinage souterrain <strong>du</strong> gaz. Exploitation des stations de compression et<br />

application des télétransmissions à l'exploitation des réseaux de transport de gaz.<br />

Économie de l'emploi <strong>du</strong> propane, <strong>du</strong> butane et des gaz rési<strong>du</strong>aires de raffinerie en tant qu<br />

<strong>sources</strong> supplémentaires pour la pro<strong>du</strong>ction de gaz. 1962. 55 p. 0,75 dollar, (ST/ECE/<br />

GAS/6)<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Rapport de la Commission économique pour l'Europe. Res<strong>sources</strong><br />

fournies par ces différents gaz. Stockage et transport à faible distance <strong>du</strong> gaz de<br />

pétrole liquéfié. Utilisation, par l'in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> gaz, des gaz rési<strong>du</strong>aires de raffinerie<br />

et des gaz de pétrole liquéfiés.<br />

310


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

EUROPE : STATISTIQUES ET ENQUÊTES SUR LE LOGEMENT ET LA CONSTRUCTION<br />

Bulletin annuel de statistiques <strong>du</strong> logement et de la construction pour l'Europe : ig6i. 1962.<br />

54 p. 0,75 dollar. (62.11.10)<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Tableaux relatifs au logement et à l'activité dans le domaine de<br />

la construction. Dans la mesure <strong>du</strong> possible, les statistiques couvrent tous les pays<br />

d'Europe, y compris l'URSS. Elles présentent des données récentes, ainsi que des<br />

récapitulations pour les onze dernières années.<br />

Techniques d'enquête sur la situation nationale <strong>du</strong> logement et méthodes d'évaluation des<br />

besoins de logement actuels et futurs. 1962. 50 p. 0,50 dollar, (ST/ECE/HOU/6)<br />

[Pr. St. Dp.] Ce document présente, tout d'abord, un schéma type pour l'établissement<br />

de monographies nationales de caractère général. Puis, à titre d'application,<br />

il expose la situation <strong>du</strong> logement en Europe, en 1960-1961 (caractéristiques<br />

qualitatives et quantitatives), et fournit des analyses rétrospectives (dix<br />

dernières années) et prospectives (besoins futurs).<br />

AMÉRIQUE LATINE<br />

Administration <strong>du</strong> budget en Equateur. 1962. 73 p. (TAO/ECU/9)<br />

[Ej. Pr.] Rapport d'un expert de l'assistance technique. Aperçu général de la<br />

situation. <strong>Les</strong> points faibles. Recommandations. Programme de travail pour moderniser<br />

les services budgétaires <strong>du</strong> pays considéré. Programme de formation de<br />

fonctionnaires spécialisés.<br />

INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES<br />

ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL (OIT)<br />

STATISTIQUES DU TRAVAIL<br />

<strong>Les</strong> documents suivants ont été préparés en vue de la X e Conférence des statisticiens<br />

<strong>du</strong> travail (Genève, octobre 1962).<br />

Rapport général sur les statistiques <strong>du</strong> travail. 1962. 55 p.<br />

[Ej. Pr. Bl.] Évolution des statistiques nationales <strong>du</strong> travail au cours des cinq<br />

dernières années. Programme de l'OIT en la matière. Assistance technique fournie<br />

par le Bureau international <strong>du</strong> travail pour l'établissement des statistiques <strong>du</strong><br />

travail. Aperçu des activités de différentes autres organisations internationales en<br />

ce qui concerne ces statistiques. En annexe, liste des publications récentes <strong>du</strong> BIT<br />

consacrées aux statistiques <strong>du</strong> travail.<br />

Statistiques des accidents <strong>du</strong> travail. 1962. 75 p.<br />

[Ej. Pr.] Examen détaillé des problèmes que soulèvent la définition, le rassemblement<br />

et la classification des données statistiques relatives aux accidents <strong>du</strong> travail.<br />

Projet de résolution proposant de <strong>nouvelles</strong> normes internationales en la matière.<br />

Statistiques de la <strong>du</strong>rée <strong>du</strong> travail. 48 p. 1962.<br />

[Ej. Pr.] Utilisations diverses et objet des statistiques de la <strong>du</strong>rée <strong>du</strong> travail. Définitions<br />

auxquelles on se réfère, dans les divers pays, pour établir les statistiques<br />

des heures de travail. Principaux problèmes qui se posent au sujet <strong>du</strong> rassemblement,<br />

de l'élaboration et de la présentation des données statistiques concernant la <strong>du</strong>rée<br />

<strong>du</strong> travail. Suggestions en vue de la solution de ces problèmes.<br />

311


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

Calcul des indices des prix à la consommation (problèmes particuliers). 1962. 163 p.<br />

[Ej. Pr. BL] Évolution récente dans ce domaine, sur le plan national et international.<br />

Concepts et définitions sur lesquels s'appuient les indices des prix à la<br />

consommation. Méthodologie et technique qui ont actuellement cours dans les<br />

différents pays. Points qui pourraient faire l'objet d'un accord relatif à l'intro<strong>du</strong>ction<br />

de principes et de méthodes uniformes. Résolution. En annexe, liste de<br />

publications techniques.<br />

TRAVAIL FÉMININ<br />

L'emploi à temps partiel des femmes dans les pays in<strong>du</strong>strialisés, par François Bruntz.<br />

Extrait de la Revue internationale <strong>du</strong> travail. Novembre 1962. 19 p.<br />

[Ej. Pr.] Après avoir évalué l'importance de l'emploi de la main-d'œuvre féminine<br />

à temps partiel, l'auteur compare les inconvénients et les avantages de cette<br />

formule.<br />

CHANTIERS DE JEUNESSE<br />

<strong>Les</strong> chantiers de travail et de formation pour les jeunes gens dans les pays en voie de développement.<br />

Extrait de la Revue internationale <strong>du</strong> travail. Septembre 1962. 28 p.<br />

[Ej. Pr.] Moyens envisagés ou adoptés aujourd'hui par les gouvernements de<br />

nombreux pays en voie de développement pour utiliser les énergies de la jeunesse<br />

en faveur de l'exécution de travaux d'intérêt national. Systèmes obligatoires et<br />

volontaires. Organisation. Résultats.<br />

CONSÉQUENCES SOCIALES DE L'ÉVOLUTION DES INDUSTRIES GRAPHIQUES<br />

Étude générale <strong>du</strong> développement des in<strong>du</strong>stries graphiques et problèmes qui résultent de<br />

développement. 1962. 101 p.<br />

[Ej. Pr. St.] Caractéristiques de l'imprimerie et des in<strong>du</strong>stries connexes. Inventaire<br />

des modifications profondes qui ont été intro<strong>du</strong>ites dans les procédés et les équipements<br />

utilisés pour la pro<strong>du</strong>ction des imprimés. Problèmes nouveaux en matière<br />

de préparation professionnelle. Autres conséquences sociales.<br />

PROBLÈMES SOCIAUX EN ASIE<br />

Le BIT a fait paraître une série d'études à l'occasion de la V e Conférence régionale<br />

asienne <strong>du</strong> travail (Melbourne, novembre-décembre 1962). Voici les principaux<br />

éléments de cette documentation :<br />

Rapport <strong>du</strong> directeur général de l'Organisation internationale <strong>du</strong> travail à la V e Confére<br />

régionale asienne. 1962. 175 p. 1,75 dollar.<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Aspects sociaux des problèmes économiques qui se posent aux pays<br />

d'Asie en voie de développement. Évaluation de la mesure dans laquelle ceux-ci<br />

ont réussi à les résoudre. Tendances démographiques. Volume et composition de<br />

la main-d'œuvre. Place des programmes de développement des res<strong>sources</strong> humaines<br />

dans les plans généraux de développement. Activités de l'OIT en Asie, dans le<br />

contexte de la coopération économique et technique internationale.<br />

Service administratif pour l'amélioration des relations professionnelles et le règlemen<br />

conflits <strong>du</strong> travail. 1962. 106 p.<br />

[Dp. Ej. Pr.] Brève analyse des systèmes nationaux de prévention et de règlement<br />

des conflits <strong>du</strong> travail dans les différents pays d'Asie. Possibilités d'instituer un<br />

ensemble plus complet de services. Méthodes suivies dans des pays appartenant<br />

à d'autres régions <strong>du</strong> monde. En annexe, rapport <strong>du</strong> séminaire régional asien sur<br />

312


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

la prévention et le règlement des conflits <strong>du</strong> travail (Kuala-Lumpur,<br />

7-19 décembre 1961).<br />

Formation professionnelle et perfectionnement des cadres dirigeants. 1962. 136 p.<br />

[Ej. Pr.] Le problème est étudié en fonction des divers secteurs d'activité (agriculture,<br />

in<strong>du</strong>strie, artisanat, etc.) et à la lumière des expériences faites en Asie.<br />

Développement de l'emploi, en particulier dans les régions rurales, compte tenu des normes<br />

et des objectifs sociaux de VOIT. 1963. 151 p.<br />

[Dp. Ej. Pr.] Tableau de la situation de l'emploi dans les pays d'Asie. Politiques<br />

qui ont été ou pourraient être adoptées en vue d'améliorer cette situation. Examen<br />

détaillé des mesures destinées à développer l'emploi dans les régions rurales. Rôle<br />

de l'OIT.<br />

MODIFICATIONS DE LA STRUCTURE DE LA MAIN-D'ŒUVRE EN ASIE<br />

Population et main-d'œuvre en Asie, ig§o-ig8o. Extrait de la Revue internationale <strong>du</strong><br />

travail. 21 octobre 1962.<br />

[Dp. Ej. Pr. St.] Indications statistiques sur l'importance <strong>du</strong> problème que la canalisation<br />

de la main-d'œuvre vers les secteurs non agricoles de l'économie pose pour<br />

les divers pays d'Asie. Perspectives d'avenir. <strong>Les</strong> pays sont groupés en quatre<br />

régions : Extrême-Orient, Asie méridionale, Asie <strong>du</strong> Sud-Est, Asie <strong>du</strong> Sud-Ouest.<br />

CHOMAGE ET SOUS-EMPLOI EN ASIE<br />

Chômage et sous-emploi en Inde, en Indonésie, au Pakistan et aux Philippines. Extrait de la<br />

Revue internationale <strong>du</strong> travail. Octobre 1962, 22 p.<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] État des connaissances statistiques sur le chômage et le sousemploi<br />

dans les quatre pays considérés.<br />

INDUSTRIE COTONNIÈRE EN INDE<br />

<strong>Les</strong> conditions de travail dans l'in<strong>du</strong>strie cotonnière de l'Inde. Extrait de la Revue internationale<br />

<strong>du</strong> travail. Novembre 1962. 23 p.<br />

[Ej. Pr.] Principaux aspects sociaux de l'organisation <strong>du</strong> travail dans cette in<strong>du</strong>strie<br />

(composition de la main-d'œuvre, salaires et autres gains, conditions de travail,<br />

relations professionnelles, sécurité sociale, conditions de vie et services sociaux).<br />

Évolution depuis la fin de la guerre. Appréciation des progrès réalisés. Perspectives<br />

de développement.<br />

SÉCURITÉ SOCIALE EN URSS<br />

IM sécurité sociale en URSS, par Mikhaïl Semyonovitch Lantsev. Extrait de la Revue<br />

internationale <strong>du</strong> travail. Novembre 1962. 16 p.<br />

[Ej. Pr.] Aperçu de la protection sociale dont jouissent les citoyens de l'Union<br />

soviétique, qu'ils travaillent dans des entreprises et administrations de l'État ou dans<br />

des coopératives agricoles. Nature et montant des prestations. Mode de financement<br />

<strong>du</strong> régime.<br />

INDIENS DES ANDES<br />

L'emploi de promoteurs sociaux à la base de Puno, dans le cadre <strong>du</strong> programme pour les<br />

Indiens des Andes. Extrait de la Revue internationale <strong>du</strong> travail. Septembre 1962. 16 p.<br />

[Ej. Pr.] Aperçu de la formation que reçoivent les chefs que se sont donnés les aborigènes<br />

des hauts plateaux andins pour diriger leurs activités de développement<br />

économique et social.<br />

313


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ALIMENTATION ET<br />

L'AGRICULTURE (FAO)<br />

CAMPAGNE CONTRE LA FAIM<br />

* Programme <strong>du</strong> Congrès mondial de l'alimentation (Washington 4.-18juin 1363). 1962<br />

43 P-<br />

[Ej. Pr. Org.] Objectifs et portée de la campagne contre la faim. Rôle <strong>du</strong> congrès<br />

dans cette campagne. Choix des participants. Ordre <strong>du</strong> jour des commissions<br />

(technique, économique et sociale, é<strong>du</strong>cation, recherche, propagande, action populaire).<br />

Propositions en vue de la convocation de conférences nationales.<br />

COOPÉRATION<br />

La formation et la vulgarisation en matière de coopération. 1962. 86 p. 1 dollar.<br />

[Ej. Pr.] Cet ouvrage s'appuie, pour une bonne part, sur des expériences faites en<br />

milieu rural, particulièrement en Inde. Il expose les méthodes employées pour la<br />

formation des coopérateurs. En annexe, repro<strong>du</strong>ctions d'affiches choisies pour leur<br />

efficacité dans le domaine de la vulgarisation.<br />

STATISTIQUES, CONJONCTURE, PROSPECTIVE<br />

Pro<strong>du</strong>its agricoles : projections pour îgyo. 1962. 204 p. y compris annexe. 2 dollars.<br />

(E/CN. 13 /48 /ccp.62 /5)<br />

[Dp. Ej. Pr. St.] Cette étude a été faite en vue de dégager les principaux problèmes<br />

qui risquent de surgir dans le domaine des pro<strong>du</strong>its agricoles d'ici une dizaine<br />

d'années. Elle traite des perspectives de la pro<strong>du</strong>ction et de la demande de denrées<br />

alimentaires, compte tenu de la nécessité d'améliorer l'alimentation des populations<br />

à faible revenu, et de la possibilité d'utiliser les excédents potentiels de pro<strong>du</strong>its alimentaires<br />

des pays à revenu élevé. <strong>Les</strong> pays ont été divisés en trois groupes : pays à<br />

revenu élevé, pays à revenu faible, zone sino-soviétique. <strong>Les</strong> projections portent sur<br />

une période de douze années, dont trois sont déjà écoulées.<br />

Rapport de la FAO sur les pro<strong>du</strong>its: 1963. 1962. 147 p. 1,50 dollar, (E/CN. 13/47 cep.62/4)<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Deuxième rapport annuel sur les pro<strong>du</strong>its agricoles et alimentaires<br />

(pro<strong>du</strong>ction, échanges, consommation, stocks, prix). Évolution des marchés internationaux<br />

en 1961 et au début de 1962. Perspectives de la fin de la campagne 1961-<br />

1962 et de la campagne 1962-1963. Chapitres spéciaux sur les consultations et<br />

ententes intergouvernementales.<br />

Annuaire statistique des pêches : Pro<strong>du</strong>ction (ig6i), vol. XIV. 1962. 394 p. 4,50 dollars.<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Tableaux statistiques sur les quantités pêchées et débarquées dans<br />

le monde (en poids et en valeur) et sur l'utilisation <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it de ces pêches (conserves,<br />

etc.). Un glossaire et un index complètent le volume.<br />

ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (OMS)<br />

STATISTIQUES<br />

Rapport épidémiologique et démographique. 1962 ; vol. 15, n° 8, 33 p., 1,25 dollar ;<br />

vol. 15, n° 9, 15 p., 0,60 dollar ; vol. 15, n° 10, 47 p., 1,25 dollar.<br />

[Ej. Pr. Dp. St.] Fascicules d'un recueil permanent de statistiques relatives au<br />

mouvement de la population et aux effets des diverses maladies et causes de décès,<br />

dans le monde entier. A signaler, dans ces numéros, des études récapitulatives sur<br />

les taux annuels de mortalité (sénilité, accidents, suicides, homicides et blessures de<br />

314


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

guerre, malformations congénitales) pour 1955-1960, et des tableaux spéciaux sur<br />

les maladies quarantenaires et infectieuses.<br />

CANCER<br />

Bulletin de l'OMS, vol. 27, n° 3, 1962. 108 p., 2,25 dollars.<br />

[Ej. Pr.] Ce numéro contient, notamment, une étude sur les « Différences géographiques<br />

dans la distribution des tumeurs malignes », <strong>du</strong>e à A. V. Chaklin : différents<br />

types de cancer, en fonction de leur répartition géographique et climatique et<br />

de leur fréquence ; recherches à poursuivre et à entreprendre ; valeur des statistiques<br />

de morbidité et de mortalité par cancer, dans les divers pays.<br />

PALUDISME<br />

Bulletin de l'OMS, vol. 27, n° 2, 1962. 120 p. 2,25 dollars.<br />

[Pr. St. Dp.] Numéro consacré aux campagnes antipaludiques. Études diverses sur<br />

l'administration massive de médicaments et de désinfectants antipaludiques.<br />

SANTÉ MENTALE<br />

L'enseignement de la psychiatrie, n° 9 des Cahiers de santé publique, 1962. 201 p. 2 dollars.<br />

[Ej. Pr.] Améliorations à intro<strong>du</strong>ire dans l'enseignement de la psychiatrie et de<br />

l'hygiène mentale pour tenir compte <strong>du</strong> progrès des connaissances. « Rapports de<br />

la psychiatrie et de la protection de la santé mentale avec la médecine clinique<br />

et les sciences de l'homme» (par E. E. Krapf). «La formation <strong>du</strong> médecin »<br />

(par E. S. Turrell). «L'enseignement de la psychologie et de la sociologie médicales»<br />

(par S. Lebovici).<br />

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ÉDUCATION, LA<br />

SCIENCE ET LA CULTURE (UNESCO)<br />

ACTIVITÉS DE L'UNESCO<br />

L'évolution de l'<strong>Unesco</strong> de ig6o à ig62. Bilan et perspectives. Octobre 1962. 18 p. (12/0/9,<br />

première partie)<br />

[Org.] Brochure contenant un rapport <strong>du</strong> Directeur général par intérim, destiné<br />

à la Conférence générale de l'<strong>Unesco</strong>, à l'occasion de sa douzième session. Traits<br />

saillants de l'évolution récente des activités de l'<strong>Unesco</strong>. Développements à envisager.<br />

Évaluation d'ensemble des grands faits de la période ig6o-ig6s et analyse détaillée fondée sur<br />

les rapports des États membres et les rapports <strong>du</strong> Directeur général par intérim. Octobre<br />

1962. 69 p. (i2c/g, 2 e partie)<br />

[Org.] Cette deuxième partie <strong>du</strong> document 12C/9, destiné à la Conférence générale<br />

de l'<strong>Unesco</strong>, contient une analyse détaillée des rapports des États membres et des<br />

rapports <strong>du</strong> Directeur général par intérim sur les activités de la période i960-1962.<br />

Elle passe en revue les principales catégories d'activités de l'<strong>Unesco</strong> au cours de<br />

cette période, en fournissant des indications sur les mesures prises dans les divers<br />

États membres pour en favoriser le succès.<br />

LOGIQUE ET TECHNIQUE DE LA CLASSIFICATION<br />

Étude sur les catégories générales applicables aux classifications et codifications documentaires,<br />

par Eric de Grolier. 262 p. 1962. 3 dollars.<br />

[Pr. Se. Dp. Bl.] Depuis la dernière guerre, les classifications utilisées par les services<br />

de documentation et de bibliographie ont beaucoup évolué, en relation surtout avec<br />

315


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

l'invention de machines électroniques diverses. L'ouvrage dont il s'agit ici fait le<br />

point des différentes expériences tentées pour rapprocher les multiples formules<br />

employées, et traite <strong>du</strong> problème de la mise au point d'un système unifié, fondé sur<br />

les notions les plus générales qui se retrouvent dans tous les domaines d'études :<br />

concepts logiques et morphologiques, espace et temps, position et mouvement.<br />

ÉDUCATION<br />

XXV e Conférence internationale de l'instruction publique : igÔ2. 189 p. 196a. 1,75 do<br />

(Publication conjointe <strong>du</strong> Bureau international d'é<strong>du</strong>cation et de l'<strong>Unesco</strong>,<br />

n° 244.)<br />

[Org. Ej. Pr.] La conférence a réuni à Genève, <strong>du</strong> 2 au 13 juillet 1962, les représentants<br />

de 90 États. Elle a donné lieu à une large discussion sur les progrès réalisés<br />

dans les divers pays en matière d'é<strong>du</strong>cation ; les participants ont voté deux recommandations<br />

détaillées, après avoir pris connaissance d'un certain nombre de documents<br />

préparatoires. La première de ces recommandations se rapporte à la planification<br />

de l'é<strong>du</strong>cation, la seconde au perfectionnement des maîtres primaires en<br />

exercice. Le volume dont il s'agit contient des renseignements sur l'organisation de<br />

la conférence, ainsi que les procès-verbaux des séances plénières et le texte des<br />

deux recommandations précitées.<br />

Compulsory e<strong>du</strong>cation in Australia, 1962. 117 p. 2 dollars.<br />

[Ej. Pr. BL] Réédition (en langue anglaise seulement), partiellement revisée,<br />

d'une brochure qui avait été publiée pour la première fois en 1951 {L'enseignement<br />

obligatoire en Australie) et qui s'est révélée fort utile. Elle fait partie d'une collection<br />

d'études comparatives sur les diverses formes d'enseignement obligatoire (pays<br />

centralisés et décentralisés, in<strong>du</strong>strialisés et peu in<strong>du</strong>strialisés, etc.). On y trouve<br />

un historique de l'enseignement obligatoire en Australie et un exposé de la structure<br />

et <strong>du</strong> fonctionnement actuels de cet enseignement.<br />

Rapport sur la réunion d'experts sur l'adaptation des programmes de l'enseignement géné<br />

<strong>du</strong> second degré en Afrique (Tananarive, 2-13 juillet ig62). Octobre 1962. 56 p. (UNESCO/<br />

ED/196)<br />

[Ej. Pr.] Une cinquantaine d'experts, venant de 29 pays d'Afrique, ont pris part<br />

à la réunion. Ils se sont donné pour tâche de tracer le cadre général d'une réforme<br />

des programmes <strong>du</strong> second degré, applicable à l'Afrique. Le rapport expose les<br />

objectifs de l'enseignement secondaire, les réformes à entreprendre, donne des<br />

exemples concrets, analyse les méthodes d'action et indique les diverses phases à<br />

prévoir pour les réformes.<br />

CAMPAGNE MONDIALE D'ALPHABÉTISATION<br />

Campagne mondiale contre l'analphabétisme : demande adressée à l'<strong>Unesco</strong> par l'Assemb<br />

générale des Nations Unies à sa seizième session. Octobre 1962. 63 p. (12C/PRG/3)<br />

[Ej. Dp. Org. Pr. St.] Ce document a été préparé à l'intention de la Conférence<br />

générale de l'<strong>Unesco</strong> (douzième session), qui a examiné les moyens d'accélérer la<br />

régression de l'analphabétisme. Il donne les résultats d'une enquête sur le taux<br />

actuel d'analphabétisme dans les différents pays et sur l'évolution récente des<br />

méthodes employées pour les campagnes d'alphabétisation, en soulignant les<br />

relations qui existent entre cette évolution et le développement économique.<br />

On y trouve des propositions concrètes en vue d'un renforcement des mesures prises<br />

à l'échelon national et international. (Il s'agit, notamment, de mettre en œuvre des<br />

programmes de planification de l'enseignement.)<br />

316


BOURSES D'ÉTUDES, ÉCHANGES<br />

DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

Études à l'étranger. XIV : ¡g6g. 1962. 745 p. 3 dollars. Trilingue : anglais, français,<br />

espagnol.<br />

[Pr. Dp. St. Org.] Cette dernière édition <strong>du</strong> répertoire international des bourses<br />

et échanges contient des renseignements sur environ 130000 possibilités de séjours<br />

d'études, dans plus de 100 pays. Ces renseignements sont classés par genres d'études,<br />

organismes donateurs (institutions internationales, gouvernements, etc.) et pays<br />

de séjour. Le recueil se termine par une liste d'organismes prêts à conseiller et à<br />

aider les personnes qui désirent faire des études à l'étranger et par des statistiques<br />

très complètes sur les étudiants inscrits dans des universités de pays autres que le<br />

leur, en 1960-1961.<br />

MUSÉES ET PROGRÈS CULTUREL<br />

Stage d'études régional (Asie et Pacifique) sur « Le musée en tant que centre culturel, son rôle<br />

dans le développement de la collectivité» (Japon, 4-30 septembre ig6o). Rapport de<br />

Robert P. Griffing Jr., directeur <strong>du</strong> stage. Juillet 1962. 45 p. (UNESCO/CUA/U7)<br />

[Pr.] Le musée doit être un centre d'animation de la vie culturelle <strong>du</strong> peuple. Le<br />

rapport expose les problèmes qui se posent à cet égard en Asie et dans le Pacifique,<br />

et forme un résumé des discussions <strong>du</strong> stage, avec le texte des recommandations<br />

adoptées. <strong>Les</strong> participants venaient d'une vingtaine de pays.<br />

LA FEMME TURQUE<br />

L'émancipation de la femme turque, par le D r A. Afetinan. 1962. 70 p. 1 dollar.<br />

[Ej.] L'évolution <strong>du</strong> statut de la femme, en Turquie, a été considérable à partir<br />

de 1920 environ. L'<strong>Unesco</strong> a demandé à une femme qui a joué un grand rôle<br />

dans cette révolution sociale d'en faire l'historique. L'étude traite de la femme<br />

turque avant l'islam et dans l'islam, de la période des grandes transformations<br />

contemporaines, et de la situation actuelle, notamment dans les domaines politique,<br />

juridique et professionnel.<br />

SIGNIFICATION DES ABRÉVIATIONS CONVENTIONNELLES UTILISÉES<br />

Bl. : Contient une bibliographie développée.<br />

Dp. : Le document décrit les faits pays par pays (ou région par région).<br />

Ej. : Fournit aux é<strong>du</strong>cateurs et aux journalistes qui traitent de questions sociales<br />

les éléments d'un bon exposé documentaire.<br />

Org. : Particulièrement utile pour se tenir au courant des activités de l'organisme<br />

international intéressé.<br />

Pr. : Peut fournir d'utiles indications concrètes aux praticiens (é<strong>du</strong>cateurs,<br />

fonctionnaires, membres d'organisations internationales, d'institutions<br />

économiques et sociales, etc.) dont les activités sont en rapport avec la<br />

question traitée.<br />

Se. : Mérite de retenir l'attention des personnes qui ont en chantier des travaux<br />

scientifiques dans le domaine considéré.<br />

St. : Contient des statistiques.<br />

317


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE<br />

ARON, Raymond. Dimensions de la conscience historique. Paris, Pion, 1961.<br />

341 pages. (Recherches en sciences humaines, n° 16.)<br />

De l'Intro<strong>du</strong>ction à la philosophie de l'histoire à Paix et guerre entre les na<br />

le problème de la conscience historique en ses dimensions multiples<br />

constitue, sans doute, le thème central de l'œuvre de Raymond Aron ;<br />

il marque également les divers essais qu'il a écrits dans l'intervalle et qui<br />

ont été recueillis dans le volume dont il s'agit ici. Cet ouvrage est particulièrement<br />

représentatif d'une démarche intellectuelle qui consiste en une<br />

perpétuelle confrontation de l'événement, de l'évolution historique et de<br />

leur horizon permanent.<br />

Il commence et s'achève par des considérations sur la situation <strong>du</strong> philosophe<br />

devant l'histoire. La première partie (comprenant l'essai sur « La<br />

philosophie de l'histoire», qui date de 1946, et l'essai sur « La notion <strong>du</strong><br />

sens de l'histoire», qui date de 1957) concerne la dimension la plus profonde<br />

et la plus spécifique de la conscience historique, à savoir le sens que<br />

l'homme accorde au devenir de l'humanité ; c'est ce problème que reprendra,<br />

en conclusion, l'étude sur « La responsabilité sociale <strong>du</strong> philosophe »<br />

qui, définissant la situation <strong>du</strong> philosophe par l'oscillation ou le dialogue<br />

entre l'universel et le particulier, entre les fins et les moyens, montre com-<br />

,ment la dimension historique donne un sens nouveau à ce dialogue en le<br />

projetant dans la <strong>du</strong>rée. Mais cette dimension nouvelle ne supprimerait<br />

le dialogue ou ne le « transformerait radicalement que si le dialecticien<br />

était autorisé à confondre un camp, un parti, un régime, avec la fin de<br />

l'histoire». Que cette confusion lui soit interdite, c'est ce que montrent<br />

dans les deux premiers articles la réflexion philosophique et la polémique<br />

idéologique : elles amènent à constater la montée des philosophies pluralistes<br />

de l'histoire et le déclin des philosophies unitaires <strong>du</strong> progrès, et à<br />

opposer aux formes simultanément et contradictoirement providentialistes<br />

et déterministes de ces dernières — dans leurs versions existentialiste et<br />

marxiste •— à la fois l'analyse de l'événement sub specie eeternitatis, dans le<br />

style de Thucydide, et la foi active en une conception de la raison purement<br />

régulatrice et projetée vers un avenir indéfini, dans le style de Kant. Mais<br />

c'est aussi ce que démontrent l'analyse critique de la connaissance historique<br />

et l'analyse historique de la réalité contemporaine qui font l'objet<br />

de la deuxième et de la troisième partie <strong>du</strong> livre.<br />

Le plus remarquable est que les différents articles abordent les mêmes<br />

questions fondamentales. L'étude la plus méthodologique — « Évidence<br />

et ingérence» — tend à caractériser la problématique de l'historien :<br />

Comment les acteurs ont-ils vécu ? Pourquoi et comment est-ce arrivé ?<br />

Quelles sont les unités historiques ? Quels sont les modèles des transformations<br />

? Passant de la science à la philosophie de l'histoire, cette étude<br />

débouche sur le problème <strong>du</strong> sens qu'il convient d'accorder à l'histoire<br />

totale. L'étude consacrée à « L'objet de l'histoire » met en évidence les<br />

318


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

contradictions de la conscience historique, dont elle situe les éléments :<br />

conscience d'une dialectique entre tradition et liberté, effort pour saisir<br />

la réalité ou la vérité <strong>du</strong> passé, sentiment que la suite des créations humaines<br />

à travers le temps, loin d'être dépourvue de signification, concerne l'homme<br />

en ce qu'il a d'essentiel. La grande étude de la troisième partie, intitulée<br />

« Nations et empires », se rapproche sans doute d'une description de la<br />

réalité historique contemporaine et de sa structure ; elle s'ouvre, toutefois,<br />

sur une analyse de notre conscience <strong>du</strong> présent et sur le problème <strong>du</strong> découpage<br />

des ensembles, pour aboutir à la confrontation des interprétations<br />

monistes et pluralistes <strong>du</strong> devenir et à la détermination des aspects classiques<br />

et originaux de la conjoncture.<br />

Deux études méritent une mention spéciale parce qu'elles abordent<br />

d'une manière particulièrement frappante les problèmes de l'action humaine<br />

et des forces profondes, des situations originales et des tendances permanentes<br />

; ce sont : « Thucydide et le récit historique » et « L'aube de l'histoire<br />

universelle ». La première s'attache à l'œuvre de Thucydide, qui met<br />

en lumière, mieux que toute autre, l'opposition de la nature humaine<br />

permanente et de l'événement imprévisible ; la seconde insiste sur la <strong>du</strong>alité<br />

entre l'évolution impersonnelle des techniques et des sociétés et les jeux<br />

imprévisibles de la politique, reprenant ainsi le thème central des premiers<br />

chapitres des Guerres en chaîne et certains aspects d'un développement nécessaire<br />

des sociétés soulignés dans La société in<strong>du</strong>strielle et la guerre.<br />

Ainsi les différentes études <strong>du</strong> recueil contribuent à situer avec précision,<br />

dans le cadre d'une analyse politico-historique, la question essentielle<br />

<strong>du</strong> sens de la condition humaine telle qu'elle s'exprime dans la société.<br />

Ce sens est-il dans le drame ou le procès ? Dans la nature éternelle de la<br />

politique ou dans le déroulement significatif de l'histoire ? La question<br />

reste ouverte sur le plan philosophique, qu'elle doive faire place à un choix<br />

ou qu'elle prélude à une synthèse dans un mouvement dialectique. Dans<br />

sa conclusion, Raymond Aron souligne le dialogue <strong>du</strong> particulier et de<br />

l'universel ; il semble considérer le sens nouveau que la dimension historique<br />

donne à ce dialogue en le projetant dans la <strong>du</strong>rée comme un apport<br />

authentique qui, cependant, n'altère pas l'essentiel ; il pose ainsi le difficile<br />

problème des rapports entre philosophie politique et philosophie de<br />

l'histoire.<br />

DAHL, Robert A. ; HAIRE, Mason ; LAZARSFELD, Paul F. Social science<br />

research on business: pro<strong>du</strong>ct and potential. New York, Columbia University<br />

Press, 1959. xu + 185 p. Bibliogr.<br />

Plusieurs disciplines peuvent intro<strong>du</strong>ire des points de vue nouveaux dans<br />

l'étude de la vie des affaires. Cette étude, sauf sous certains de ses aspects,<br />

a peu tenté jusqu'ici les spécialistes de la science politique; cependant,<br />

plusieurs problèmes qui se posent dans le cadre de la vie des entreprises<br />

relèvent plus ou moins directement de cette science : les processus de prise<br />

de décisions à l'intérieur de chaque firme, les relations entre grandes firmes,<br />

l'influence de la forme d'organisation des entreprises sur les « structures<br />

319


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

<strong>du</strong> pouvoir » dans un pays, l'influence de telle société ou tel groupe financier<br />

sur le pouvoir, etc. Même ce problème des relations entre les affaires et<br />

l'ordre politique aux États-Unis a été encore trop peu exploré. Sans doute<br />

la science politique a-t-elle pu définir, avec une précision relative, les<br />

techniques d'influence des puissances <strong>commercial</strong>es et in<strong>du</strong>strielles sur le<br />

gouvernement, et vice versa, mais l'éten<strong>du</strong>e de cette influence est beaucoup<br />

plus difficile à mesurer. La signification politique des motivations, attitudes,<br />

idéologies commence à préoccuper les spécialistes de la science politique,<br />

et cette préoccupation s'étend également à l'étude de la vie des<br />

affaires. <strong>Les</strong> relations entre une « civilisation d'affaires » et l'ordre politique<br />

ont donné lieu à une abondante littérature, mais, là encore, certains<br />

problèmes n'ont pas été résolus et d'autres se sont posés depuis. A toutes<br />

ces questions, les spécialistes de la science politique cherchent à apporter<br />

une réponse.<br />

Il existe une étroite relation entre l'étude de la vie des affaires et les<br />

sciences <strong>du</strong> comportement ; le psychologue analyse les problèmes de pro<strong>du</strong>ction<br />

en termes de motivations indivi<strong>du</strong>elles des pro<strong>du</strong>cteurs, les problèmes<br />

de gestion et de contrôle en termes de leadership, de communications,<br />

de relations de groupes, etc. Le domaine de la psychologie in<strong>du</strong>strielle<br />

paraît souvent inaccessible à l'homme d'affaires ; néanmoins, celui<br />

qui étudie la vie des entreprises est un behavioral scientist, et la vie des affaires<br />

constitue un domaine particulièrement fructueux pour des recherches<br />

interdisciplinaires. Trois sortes d'approches peuvent être utilisées pour<br />

des études de psychologie in<strong>du</strong>strielle : l'approche de la psychologie indivi<strong>du</strong>elle,<br />

celle de la sociologie in<strong>du</strong>strielle appliquée aux relations humaines<br />

(human engineering), celle, enfin, de la psychologie sociale in<strong>du</strong>strielle. Du<br />

domaine de la sociologie in<strong>du</strong>strielle, d'autre part, relève l'étude des<br />

groupes — une distinction étant faite entre grands et petits groupes ;<br />

enfin, les questions de motivation et de communication ont été décisives<br />

dans le développement de la sociologie in<strong>du</strong>strielle. Dans tous ces domaines,<br />

il reste beaucoup à faire, particulièrement en ce qui concerne l'analyse<br />

des processus de décision et de la prise de risques, l'élaboration de théories<br />

de l'organisation, l'examen des questions de rôles et statuts dans une hiérarchie<br />

organisée, etc. Pour toutes ces recherches, plus encore que par le<br />

passé, le chercheur devra faire appel aux méthodes et aux acquisitions de la<br />

psychologie et des sciences <strong>du</strong> comportement.<br />

<strong>Les</strong> sociologues américains ont traditionnellement méconnu l'intérêt<br />

que peut présenter pour eux l'étude de la vie des affaires ; on peut pourtant<br />

considérer le domaine des affaires comme un système social, avec, à une<br />

extrémité, les dirigeants d'entreprise et, à l'autre, les consommateurs.<br />

Que l'on adopte une « approche distributive » •— quels choix sont faits ?<br />

quelles décisions prises ? par quels indivi<strong>du</strong>s ou quels groupes ? à quels<br />

moments ? — une « approche morphologique » — de quelle façon est<br />

prise telle décision ? quels sont les différents moyens par lesquels le même<br />

but peut être atteint ? — ou une « approche analytique » — quelle est la<br />

part de tel déterminant dans tel choix ou telle décision ? — toute une<br />

320


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

série de problèmes offrent une ample matière à analyse : les processus de<br />

choix (consommateurs) et de décision (managers), la nature et les déterminants<br />

des décisions prises à tous les stades de la hiérarchie des entreprises,<br />

les motivations des dirigeants, leur rôle dans la vie des affaires et,<br />

plus encore, l'influence que pourraient avoir les développements d'une<br />

nouvelle forme de gestion des affaires sur la structure socio-politique des<br />

États-Unis.<br />

HAGEN, Everett E. On the theory of social change. Homewood (111.), The<br />

Dorsey Press, 1962. xvu + 557 p.<br />

L'étude <strong>du</strong> processus historique <strong>du</strong> développement économique à travers les<br />

siècles montre assez clairement que les causes historiques, géographiques ou<br />

économiques ne peuvent expliquer seules le schéma de la croissance économique<br />

dans les diverses régions <strong>du</strong> monde; en effet, le passage de l'économie<br />

arriérée d'une société traditionnelle à une économie de croissance — processus<br />

qui se déroule encore sous nos yeux dans certaines régions <strong>du</strong> monde —<br />

s'opère gra<strong>du</strong>ellement, porte sur plusieurs générations et exige non seulement<br />

des transformations d'ordre technologique, mais également des bouleversements<br />

dans le domaine social ; différentes théories économiques ont été<br />

élaborées à partir de la constatation de l'échec <strong>du</strong> développement de certains<br />

pays qui semblaient présenter les conditions requises ; mais, prises<br />

isolément, ces théories sont impuissantes à englober tous les aspects de la<br />

réalité ; l'étude de sociétés traditionnelles montre assez l'importance de<br />

facteurs d'ordre sociologique et psychologique dans le déroulement <strong>du</strong> processus<br />

de croissance. Dans une société traditionnelle, en effet, la rigidité des<br />

structures sociales, la nature des relations entre élites et masses paysannes, la<br />

psychologie de défense et, en même temps, d'agressivité contre tout élément<br />

extérieur à l'ordre établi — en particulier contre l'étranger — les conflits à<br />

l'intérieur même des élites pour s'emparer <strong>du</strong> pouvoir ou pour le conserver,<br />

sont autant d'obstacles à une évolution ; et cette évolution n'apparaîtra<br />

qu'avec une transformation des personnalités, si grande est l'interdépendance<br />

qui existe entre personnalité et structure sociale. On peut schématiser<br />

deux types de personnalité, particulièrement contrastés, caractéristiques,<br />

l'un, d'une société traditionnelle, l'autre d'une société évolutive : on pourrait<br />

appeler le premier la personnalité « autoritaire » et le second la personnalité<br />

« innovatrice ». Leur différence essentielle réside dans l'attitude<br />

adoptée en face <strong>du</strong> monde extérieur : l'indivi<strong>du</strong> de type « autoritaire » aura<br />

spontanément une attitude de réserve, de repliement, se sentira sans<br />

« prise » sur la réalité extérieure, adaptera aux événements les schémas<br />

d'analyse hérités des générations précédentes ; l'indivi<strong>du</strong> « créateur » ou<br />

« innovateur », au contraire, cherchera à ré<strong>du</strong>ire la réalité à des problèmes<br />

qu'il peut résoudre par lui-même et trouvera dans l'inatten<strong>du</strong> un stimulant<br />

à sa réflexion et à son action. Plus qu'aux caractéristiques proprement indivi<strong>du</strong>elles<br />

et acquises à la naissance, il semble bien que c'est à l'influence de<br />

l'environnement, <strong>du</strong> milieu familial et social, que soit <strong>du</strong>e cette qualité<br />

« autoritaire » ou « innovatrice » de chaque indivi<strong>du</strong> — ainsi, bien enten<strong>du</strong>,<br />

321


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

que toutes les nuances entre ces deux extrêmes que comporte chaque cas<br />

particulier. Cette influence de l'environnement se manifeste d'une façon<br />

décisive dès l'enfance, comme le démontrent toutes les théories contemporaines<br />

de la formation de la personnalité, et ceci est particulièrement net<br />

dans une société traditionnelle, où le poids de la hiérarchie familiale et<br />

sociale est considérable ; les conflits de l'enfance ne sont pas absolument<br />

transposables à l'âge a<strong>du</strong>lte, mais l'aptitude d'un indivi<strong>du</strong> à réagir à un événement<br />

fortuit et contraignant dépend, dans une large mesure, de l'aptitude<br />

à dominer la réalité extérieure, qu'il a pu développer, étant enfant ; les<br />

méthodes d'é<strong>du</strong>cation varient selon les civilisations et les cultures, mais les<br />

modes de relations entre parents et enfants restent fondamentalement les<br />

mêmes dans toute société traditionnelle, et les types de personnalité qui<br />

résultent de ces rapports sont également les mêmes ; des observations approfondies,<br />

faites à Java et en Birmanie, confirment cette constatation. Seules<br />

des forces puissantes bouleverseront la stabilité de structure et de fonctionnement<br />

d'une société traditionnelle — au premier chef, la conviction,<br />

acquise par une partie des membres de tel ou tel groupe social, que le but<br />

de leur vie ou les valeurs en lesquelles ils ont foi ne sont pas respectés par<br />

d'autres groupes sociaux qu'eux-mêmes respectent et dont ils attendent<br />

l'estime, ce qui les amènera à mettre en cause la structure sociale elle-même.<br />

Dans ce domaine, l'intrusion de la civilisation occidentale dans un certain<br />

nombre de sociétés traditionnelles a été un élément déterminant de bouleversement.<br />

Mais, souvent, la mise en cause de l'ordre établi — c'est-à-dire<br />

l'amorce d'un processus d'évolution — n'est pas immédiate : elle est précédée,<br />

dans bien des cas, d'un phénomène de repliement de l'indivi<strong>du</strong> devant<br />

la réalité extérieure — phénomène qui s'étendra parfois sur plusieurs générations,<br />

avant d'engendrer des germes d'évolution en faisant apparaître des<br />

valeurs favorables au développement d'une créativité technologique, source<br />

de toute croissance économique. Ces hypothèses sont vérifiables, aussi bien<br />

dans le cas de l'Angleterre préin<strong>du</strong>strielle que dans celui d'un certain<br />

nombre de pays tels que le Japon, la Colombie et l'Indonésie. Le cas des<br />

pays colonisés est particulier, car il s'y ajoute, en général, les effets des réactions<br />

psychologiques à la colonisation — effets qui ont, dans l'ensemble,<br />

renforcé les obstacles au développement économique, en accentuant le<br />

repliement de l'indivi<strong>du</strong> devant la vie sociale, le renforcement <strong>du</strong> ritualisme,<br />

etc. Mais, là aussi, de cette période de repliement peuvent naître, à plus<br />

ou moins long terme, une fois la décolonisation achevée, les éléments innovateurs<br />

qui rendront possible la croissance économique ; la manière un peu<br />

chaotique dont s'amorce le développement économique de la Birmanie, en<br />

dépit des efforts de ses dirigeants, peut s'expliquer, dans une large mesure,<br />

par l'influence de la législation coloniale sur la société birmane traditionnelle.<br />

Ces schémas d'interprétation ne prétendent pas indiquer quels sont<br />

les délais dans lesquels les sociétés encore traditionnelles amorceront leur<br />

processus d'évolution ; mais ils établissent, sans aucun doute possible, que ce<br />

processus est prévisible dans tous les cas.<br />

322


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

JOHNSON, John J., ed. The role of the military in underdeveloped countries, Princeton<br />

(N.J.), Princeton University Press, 1962. vin + 423 p.<br />

L'importance <strong>du</strong> rôle des militaires est une donnée fondamentale de la vie<br />

politique dans les pays sous-développés, en particulier en Amérique <strong>du</strong> Sud ;<br />

au début <strong>du</strong> xix e siècle, les généraux de la guerre d'indépendance prennent<br />

le pouvoir, appuyés sur les grands propriétaires terriens ; au cours d'une<br />

seconde période, qui va jusqu'à la première guerre mondiale, le militarisme,<br />

conçu comme l'intervention des cadres militaires dans la vie politique,<br />

connaît une éclipse relative ; après 1929, la crise économique facilite le<br />

retour au pouvoir des régimes militaires, dont le trait commun est l'importance<br />

qu'ils attachent au développement in<strong>du</strong>striel. Après 1950, enfin, on<br />

note une recrudescence <strong>du</strong> militarisme latino-américain, qui freine l'évolution<br />

sociale, aussi souvent qu'il l'accélère ; même lorsqu'il agit dans le<br />

sens <strong>du</strong> réformisme, il s'arrête généralement en deçà de la réforme agraire,<br />

qui constituerait, cependant, le facteur décisif <strong>du</strong> progrès dans cette région<br />

<strong>du</strong> monde. Pour que cette réforme soit réalisée, il faut que l'armée elle-même<br />

soit vaincue par une révolution populaire, comme cela a été le cas à<br />

Cuba.<br />

L'Asie <strong>du</strong> Sud-Est constitue un autre terrain d'action pour le militarisme<br />

contemporain. L'Indonésie offre l'exemple d'un pays où la faillite <strong>du</strong> régime<br />

représentatif et l'adoption <strong>du</strong> système de « démocratie dirigée » ont donné à<br />

l'armée une très large place dans la direction de l'État. En Birmanie, les<br />

cadres militaires de l'après-guerre, placés devant les difficiles problèmes <strong>du</strong><br />

sous-développement dans une nation ethniquement hétérogène, se sont<br />

bientôt trouvés en perte de vitesse, ce qui explique la facilité avec laquelle le<br />

général Ne Win a ren<strong>du</strong> le pouvoir aux civils après les élections de i960. En<br />

Thaïlande — seul pays de l'Asie <strong>du</strong> Sud-Est à avoir toujours échappé au<br />

régime colonial — les cadres de l'armée ont la même origine sociale que<br />

l'administration, ce qui est une des causes fondamentales de l'importance<br />

des militaires dans la vie politique et dans la hiérarchie sociale ; les nombreux<br />

coups d'État s'expliquent, avant tout, par un phénomène de perte de<br />

contact entre l'armée et le chef qu'elle a porté au pouvoir.<br />

Au Moyen-Orient, l'apparition d'une classe moyenne salariée est un phénomène<br />

relativement récent, dont la portée révolutionnaire est considérable<br />

; l'action politique de l'armée, prototype et avant-garde de cette<br />

classe, s'exerça pour la première fois en Turquie, au début <strong>du</strong> xx e siècle ;<br />

dans les pays musulmans, en revanche, il faut attendre l'échec de la guerre de<br />

Palestine, en 1948, pour voir l'armée intervenir de façon décisive dans la vie<br />

politique : coup d'État égyptien en 1952, fusion syro-égyptienne, révolution<br />

irakienne, prise en charge <strong>du</strong> gouvernement pakistanais par l'armée, événements<br />

de Khartoum. Le Soudan est d'ailleurs le seul État africain au sud<br />

<strong>du</strong> Sahara à posséder un régime militaire ; dès avant son indépendance, en<br />

effet, les administrateurs britanniques avaient doté le pays d'une armée<br />

nationale qui allait constituer l'armature la plus moderne et la plus efficace<br />

<strong>du</strong> nouvel État. Dans les autres régions de l'Afrique, au contraire, l'armée<br />

était généralement au stade embryonnaire, lors de l'accession à l'indépen-<br />

323


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

dance ; le cas <strong>du</strong> Congo ex-belge témoigne de la difficulté qu'éprouve une<br />

armée non encadrée à jouer le rôle d'armature politique. Le cas d'Israël est<br />

très particulier, car les conditions qui permettent ailleurs aux forces armées<br />

d'être l'élément le plus moderne de l'État ne se retrouvent pas ici : les militaires<br />

ne se distinguent pas de la nation, et il est significatif qu'au Moyen-<br />

Orient c'est cette armée si efficace qui intervient le moins dans la vie<br />

politique.<br />

Il apparaît donc établi qu'il y a, dans certaines conditions, un rapport de<br />

cause à effet entre le sous-développement et l'influence des cadres militaires<br />

dans la vie nationale ; nombreuses sont les raisons qui font de l'armée, dans<br />

un pays sous-développé, la structure sociale moderne la plus facile à mettre<br />

sur pied, et, une fois mise sur pied, un facteur de modernisation globale de la<br />

société. Mais l'armée, agent de développement, peut-elle résister à la tentation<br />

de dominer l'État ?<br />

LIPSET, Seymour Martin ; LOWENTHAL, Leo, eds. Culture and social character:<br />

the work of David Riesman reviewed. New York, The Free Press of Glencoe,<br />

1961. xiv + 466 p.<br />

Cet ouvrage collectif appartient à la série « Continuities in social research »,<br />

qui s'attache à commenter la méthode et la signification des œuvres qui font<br />

date dans les sciences sociales américaines. Après The American soldier et The<br />

authoritarian personality, le livre de David Riesman, The lonely crowd, est le<br />

troisième ouvrage qui ait l'honneur d'une telle étude. <strong>Les</strong> articles rassemblés<br />

dans le volume dont il s'agit ici l'abordent sous des angles très variés,<br />

pour en faire des critiques parfois radicalement opposées entre elles. <strong>Les</strong><br />

trois points principaux qui font l'objet de commentaires sont : la méthode de<br />

The lonely crowd et sa signification par rapport à l'ensemble de la littérature<br />

sociologique ; la valeur de la catégorie centrale d' « other-directedness » ;<br />

et l'interprétation riesmanienne de la société américaine. La méthode de<br />

Riesman est baptisée, par Paul Keksemeti, <strong>du</strong> nom de « sociologie interprétative<br />

» et, par Leo Lowenthal, de celui de « méthode humaniste ».<br />

Lipset et Lowenthal, dans leur préface, et Eric Larrabee ( « David Riesman<br />

and his readers ») soulignent l'ambiguïté <strong>du</strong> succès que cette œuvre a dû<br />

précisément à son caractère technique. Messinger et Clark (« Indivi<strong>du</strong>al<br />

character and social constraint : a critique of David Riesman's theory of<br />

social con<strong>du</strong>ct»), d'une part, Robert Entman et Dennis Wrong (« David<br />

Riesman's typology of character»), de l'autre, reprochent à son auteur de<br />

mêler les critères psychologiques et sociologiques. Ils rejoignent par là la critique<br />

de la notion d' « other-directedness ». Certains l'attaquent, comme<br />

inspirée trop exclusivement par la société américaine (ainsi, Margaret<br />

Mead : « National character and the science of anthropology ») ; d'autres<br />

louent Riesman d'avoir découvert un trait général de l'homme des sociétés<br />

in<strong>du</strong>strielles (Lowenthal, ainsi que Quentin Bell, qui retrouve l'évolution de<br />

1' « inner-directedness » à 1' « other-directedness », génératrice de conformisme,<br />

dans le domaine des arts). Parmi les études empiriques présentées,<br />

l'une, celle d'Elaine Graham Solex (« Inner-direction, other-direction and<br />

3 2 4


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

autonomy : a study of college students»), accepte et confirme la typologie<br />

riesmanienne ; l'autre, celle de Riley, Riley et Moore ( « Adolescent values<br />

and the Riesman typology: an empirical analysis »), dégage l'existence d'un<br />

type à la fois « inner-directed » et « other-directed », les deux orientations<br />

ne semblant pas contradictoires dans une société relativement intégrée.<br />

Arthur Brodbeck reproche â Riesman d'avoir été trop sévère pour l'homme<br />

« other-directed », et Ralph Dahrendorf de ne pas l'avoir été assez. On<br />

aboutit ici à un jugement sur la société américaine actuelle : alors que<br />

Dahrendorf, qui se rattache à la tradition tocquevillienne, y voit l'avènement<br />

de la « démocratie sans liberté », Talcott Parsons et Winston White<br />

(« The link between character and society») interprètent le phénomène<br />

appelé par Riesman « other-directedness » dans un sens optimiste, et y<br />

voient l'accord de l'indivi<strong>du</strong> et de la société américaine à l'intérieur d'un<br />

progrès vers des valeurs qui, contrairement à la thèse de The lonely crowd,<br />

sont restées les mêmes. Seymour Martin Lipset lui aussi («A Changing<br />

American character ? ») croit à une permanence <strong>du</strong> caractère national américain,<br />

et il rattache Riesman à la tradition des critiques <strong>du</strong> xix e siècle.<br />

D'autres articles portent sur des points particuliers : celui d'Easton et Hess<br />

sur la jeunesse devant le système politique, celui de W . Kornhauseret celui<br />

de N. Birnbaum sur la vision riesmanienne de la politique américaine, qui<br />

est opposée à celle de C. Wright Mills. Dans leur conclusion, D. Riesman et<br />

son collaborateur N. Glazer reconnaissent la validité de beaucoup des critiques<br />

formulées et indiquent les points assez nombreux sur lesquels leur<br />

propre position a évolué.<br />

ZAHN, Ernest. Soziologie der Prosperität. Köln-Berlin, Kiepenheuer und<br />

Witsch, i960. 228 p.<br />

La notion de prospérité était le plus souvent rapportée jusqu'à présent à la<br />

situation économique d'un pays ; E. Zahn l'étudié dans le cadre de la<br />

société moderne prise dans son ensemble.<br />

A l'origine, cette étude sociologique de la prospérité n'avait pas été<br />

conçue de manière systématique ; c'est après un certain nombre de conférences<br />

et de discussions allant de pair avec des travaux de recherche positive<br />

qu'elle a donné lieu à une présentation ordonnée des problèmes posés<br />

à la société future par l'accroissement de la prospérité. L'ouvrage repose<br />

sur quelques options théoriques, qui devraient con<strong>du</strong>ire à une vue plus<br />

moderne de la politique économique, sociale et culturelle ; il ne suffit pas,<br />

en effet, de disposer de méthodes de recherche éprouvées pour concevoir les<br />

problèmes comme il convient.<br />

Le besoin, dans lequel Schopenhauer voyait le « fléau <strong>du</strong> peuple »,<br />

n'existe plus dans le monde occidental : le pain quotidien n'entre plus guère<br />

en compte dans la politique économique, et les statistiques révèlent un<br />

développement appréciable qui bouleverse les structures économiques et<br />

sociales.<br />

<strong>Les</strong> problèmes sociaux, naguère posés par la pauvreté, le sont aujourd'hui<br />

par la richesse. Il ne s'agit plus d'économiser, mais d'investir. Le jeu de<br />

325


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

l'offre et de la demande constitue désormais l'expression d'un besoin<br />

d'expansion jusqu'ici jamais atteint. <strong>Les</strong> loisirs sont devenus une forme<br />

d'existence, spécifique de la société moderne, et ils agissent maintenant sur<br />

le monde <strong>du</strong> travail et de la technique. Liés à la consommation, comme le<br />

travail est lié à la pro<strong>du</strong>ction, ils posent des problèmes inatten<strong>du</strong>s de la<br />

même façon que certains aspects des révolutions in<strong>du</strong>strielles au xix e siècle.<br />

L'auteur examine l'ensemble des problèmes qui résultent d'une pareille<br />

situation. Il estime que l'homme doit faire ses preuves face à la prospérité,<br />

comme autrefois face aux exigences <strong>du</strong> « totalen Marktes » (marché global).<br />

La vieille conception <strong>du</strong> citoyen reprend vie aujourd'hui, avec la situation<br />

qui est celle de l'indivi<strong>du</strong> membre d'un ensemble économique. Au consom­<br />

mateur qui se flatte d'avoir découvert la stratégie de la vente, il reste encore<br />

à se découvrir lui-même et, critiquant la prospérité, à prendre conscience<br />

des moyens qu'il possède de la diriger.<br />

LIVRES REÇUS<br />

ABDEL-MALEK, Anouar. Egypte, société militaire. Éditions <strong>du</strong> Seuil, Paris, 1962.<br />

Bilan de dix ans de régime militaire, fondé sur une analyse menée à partir d'une<br />

expérience personnelle vécue. L'auteur reprend le concept de « société hydraulique».<br />

Il examine la nature sociale <strong>du</strong> régime, les problèmes démographiques<br />

qu'il doit affronter, l'in<strong>du</strong>strialisation <strong>du</strong> pays et l'idéologie de l'armée (caractérisée<br />

par le neutralisme positif, le nationalisme arabe et un socialisme coopérativiste,<br />

qui serait plutôt une planification dirigiste d'État).<br />

BAILEY, Sydney D. The Secretariat of the United Nations. New York, Carnegie Endowment<br />

for International Peace, 1962. 22 cm, vi + 113 p. Tabl. 3,50 dollars.<br />

(United Nations study n° 11.)<br />

Exposé des différentes conceptions de ce que devrait être le rôle <strong>du</strong> secrétaire<br />

général des Nations Unies : la conception de M. Hammarskjoeld, les propositions<br />

soviétiques de « troïka », la contradiction entre la nécessité d'un fonctionnariat<br />

international indépendant et la tendance actuelle à la « politisation » des travaux<br />

<strong>du</strong> Secrétariat.<br />

BAILEY, Sydney D. The troika and the future of UN. New York, Advance Printing<br />

Co. 1962. 20 cm, 64 p. 0,35 dollar. (International Conciliation. Carnegie Endowment<br />

for International Peace, n° 538, mai 1962.)<br />

Conflit entre le développement d'un fonctionnariat indépendant aux Nations<br />

Unies et les efforts soviétiques pour « politiser » la représentation des États au<br />

secrétariat de l'Organisation —• efforts qui se sont exprimés dans la proposition<br />

de « troïka » présentée par M. Khrouchtchev.<br />

BANERJEA, Benoyendra Nath. Intro<strong>du</strong>ction to politics, 8 e édition. Calcutta, Jijnasa,<br />

1962. 22 cm, vi + 152 p. Index.<br />

Aperçu de tous les problèmes relatifs à l'organisation sociale, à l'insertion de<br />

l'indivi<strong>du</strong> dans la société, à la vie des institutions politiques, à l'ordre international.<br />

326


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

BASU, S. K. In<strong>du</strong>strial finance in India : a study in investment, banking and State-aid to<br />

in<strong>du</strong>stry, with special reference to India. Calcutta, University of Calcutta, 1961.<br />

25 cm, xxiv + 493 p. Tabl., bibliogr., index. 18 roupies.<br />

Cet ouvrage présente une analyse financière de l'aide apportée à l'in<strong>du</strong>strie indienne<br />

— en particulier de l'aide étatique — et une étude des relations entre les banques<br />

et l'in<strong>du</strong>strie. Le problème <strong>du</strong> financement à long terme y est particulièrement<br />

examiné.<br />

Bibliographie de l'entreprise (une sélection d'ouvrages commentés...). Liège, 1962. 21 cm,<br />

95 p. (Université de Liège. Institut de sociologie. Sciences sociales et administration<br />

des affaires, 6.)<br />

Cette bibliographie sélectionne une centaine de livres publiés en français, parus<br />

pour la plupart, depuis 1952, et traitant de la gestion des entreprises. Chaque<br />

ouvrage est analysé en une vingtaine de lignes.<br />

BOYLE, Kay. Breaking the silence: why a mother tells her son about the Nazi era. New<br />

York, Institute of Human Relations Press, 1962. 23 cm, 40 p. (American Jewish<br />

Committee. Institute of Human Relations Press. Pamphlet series.)<br />

A l'occasion de la retransmission, à la télévision, <strong>du</strong> procès Eichmann, une mère<br />

explique à son fils les circonstances qui ont amené les nazis au pouvoir en Allemagne<br />

et les crimes qui ont accompagné leur domination. Le but de cette histoire<br />

est de prouver aux parents combien il est important d'éclairer leurs enfants sur cette<br />

période tragique de l'histoire contemporaine.<br />

CAMPO URBANO, Salustiano del. La sociología científica moderna. Madrid, Gráficas<br />

Uguina, 1962. 21 cm, 329 p. Tabl., 185 pesetas. (Instituto de Estudios Políticos.<br />

Colección Estudios de sociología.)<br />

Cet ouvrage de caractère didactique comprend trois parties principales. La première<br />

traite de l'histoire de la sociologie et <strong>du</strong> développement de la théorie sociologique<br />

; la seconde présente les concepts de base de la sociologie actuelle et ses<br />

objets principaux ; la dernière expose les méthodes de cette discipline.<br />

CURIEN, Gilles. La morale en politique. Paris, Pion, 1962. 21 cm, 183 p. 8,65 francs.<br />

Dans la première partie, qui est descriptive, l'auteur examine successivement<br />

les diverses tentatives qui ont été faites au cours des âges pour appliquer une morale<br />

dans la politique — morales des sociétés primitives, morales des pharisiens et des<br />

zélotes, essais de politique chrétienne, conceptions de Machiavel, etc. Sur la base<br />

de ces observations, il établit, dans la seconde partie, qui se veut « constructive »,<br />

que les seules directives acceptables pour l'action politique sont celles <strong>du</strong> message<br />

chrétien, et cherche ensuite à définir les critères de l'action politique éclairée par<br />

cette morale.<br />

DELAFONS, John. Land-use controls in the United States. Cambridge (Mass.), 1962.<br />

28 cm, vi + 3 + 100 + L ff. (Joint Center for Urban Studies of the Massachusetts<br />

Institute of Technology and Harvard University.)<br />

Politique américaine en matière de contrôle de l'urbanisme et de l'aménagement<br />

<strong>du</strong> territoire : historique et contexte socio-économique <strong>du</strong> système, objectifs de la<br />

planification et méthodes de contrôle, utilité et efficacité <strong>du</strong> système et comparaison<br />

avec le cas britannique.<br />

DOMINIQUE, Pierre. <strong>Les</strong> polémistes français depuis i~¡8g, Paris, La Colombe, 1962.<br />

21 cm, 448 p. 18 francs. (Choix de textes, VI.)<br />

Une quarantaine de polémistes français, de Mirabeau à Céline, sont présentés,<br />

l'un après l'autre, à travers des extraits de leurs œuvres.<br />

Droit familial (Le) [Porodicno pravo]. Beograd, Savez udruzenja pravnika jugo-<br />

327


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

slavije, 196a. 30 cm, 68 p. (Institut de <strong>droit</strong> comparé. Recueil des lois de la RPF<br />

de Yougoslavie, IV.)<br />

Texte des lois concernant le mariage, l'adoption, la tutelle et les rapports entre<br />

parents et enfants qui ont été promulguées en Yougoslavie en 1946 et 1947.<br />

Estudios sociológicos (sociología del trabajo y del ocio). Decimosegundo Congreso Nac<br />

de Sociología, JQ6I. México, Universidad del Estado de México, 1962. 24 cm,<br />

573 p. Fig., portr. h. t., bibliogr. (Instituto de Investigaciones Sociales de la<br />

Universidad Nacional Autónoma de Mexico. Asociación Mexicana de Sociología,<br />

correspondiente de la Asociación Internacional de Sociología de la <strong>Unesco</strong>.)<br />

Actes <strong>du</strong> XII e Congrès mexicain de sociologie, consacré à la sociologie <strong>du</strong> travail<br />

et des loisirs et à l'étude des possibilités de planification dans ce domaine.<br />

Exécution des sanctions pénales (V) [Izvräenje krivicnik sankcija]. Beograd, Savez<br />

udruzenja pravnika jugoslavije, 1962. 20 cm, 84 p. (Institut de <strong>droit</strong> comparé.<br />

Recueil des lois de la RPF de Yougoslavie, V.)<br />

Textes législatifs et réglementaires relatifs à l'exécution des sanctions pénales et des<br />

peines privatives de liberté en Yougoslavie. Un avant-propos montre que le but de<br />

ces dispositions est d'é<strong>du</strong>quer et de corriger les délinquants.<br />

GEIGER, Theodor. Arbeiten zur Soziologie. Methode, moderne Grossgesellschaft, Rechts<br />

soziologie, Ideologiekritik. Textes choisis et préfacés par von Paul Trappe. Neuwied/<br />

Rhein, Berlin, H. Luchterhand, 1962. 20 cm, 484 p. Fig., tabl., dépl., bibliogr.,<br />

index. (Soziologische Texte, 7.)<br />

On trouvera ici rassemblés quelques travaux <strong>du</strong> grand sociologue allemand, concernant<br />

les méthodes de la sociologie, les théories sur la société de masse, la sociologie<br />

<strong>du</strong> <strong>droit</strong> et divers courants idéologiques.<br />

GERSDORFF, Ralph von. Saving, credit and insurance in Brazil: their contribution t<br />

economic development. Barbados (West Indies), Government Printing Office, 1962.<br />

25 cm, iv + 250 + XLii p. Tabl., bibliogr., index. (Government of Barbados.<br />

Economic Planning Unit. Series of economic surveys, 1.)<br />

Description critique des divers modes de formation <strong>du</strong> capital et des méthodes de<br />

financement au Brésil ; comment l'épargne privée devrait être stimulée pour<br />

répondre aux besoins d'investissements <strong>du</strong> pays. Gersdorff estime que cette analyse<br />

<strong>du</strong> cas brésilien est applicable à la plupart des pays sous-développés.<br />

GOODY, Jack. Death, property and the ancestors : a study of the mortuary customs of the<br />

Lodagaa of West Africa. Stanford (Calif), Stanford University Press, 1962. 23 cm,<br />

xii + 452 p. Fig., bibliogr., index. 8,50 dollars.<br />

Fondée sur une enquête qui a <strong>du</strong>ré deux ans et qui a porté sur la partie nord <strong>du</strong><br />

Ghana, cette description des rites mortuaires, dans une société tribale particulière,<br />

constitue une contribution importante à notre connaissance théorique de la structure<br />

sociale et de la religion.<br />

Growing up in River City, par Robert J. Havighurst, Paul Hoover Bowman, Gordon P.<br />

Liddle, Charles V. Matthews... New York, London, J. Wiley, 1962. 24 cm,<br />

xiv + 189 p. Tabl., index. (The University of Chicago. Committee on Human<br />

Development.)<br />

Étude d'un groupe de jeunes Américains de onze à vingt ans, vivant à River City,<br />

petite ville <strong>du</strong> Middle West des États-Unis. L'objet de cette étude est d'évaluer dans<br />

quelle mesure le contexte social et les caractéristiques indivi<strong>du</strong>elles ont, dans<br />

chaque cas, déterminé la réussite professionnelle <strong>du</strong> sujet et son adaptation à la<br />

société.<br />

GUMPLOWICZ, Ludwig. Outlines of sociology [Grundriss der Soziologie]. Préparé,<br />

328


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

préfacé et annoté par Irving L. Horowitz. New York, Paine-Witman Publishers,<br />

1963. 23 cm, 336 p. Tabl. (Paine-Whitman studies in social science and social<br />

theory.)<br />

Cet ouvrage classique, édité pour la première fois en Allemagne, en 1885, offre<br />

une présentation systématique de certains domaines de recherche en sociologie —<br />

sociologie des groupes, psychologie sociale, sociologie politique, sociologie de la<br />

connaissance — et étudie l'histoire de la théorie sociale au xrx e siècle. L'intro<strong>du</strong>ction<br />

est une étude précise de la pensée de L. Gumplowicz.<br />

HARDT, Robert H. ; BODINE, George E. A delinquency profile of Syracuse and Onondaga<br />

county, JV. T., ig6i. Syracuse (N.Y.), Syracuse University Youth Development<br />

Center, 1962. 28 cm, 29 p. 0,50 dollar. Multigr.<br />

Troisième rapport d'information sur les délinquants juvéniles <strong>du</strong> comté d'Onondaga<br />

— les deux premiers portant sur les années 1957-1958 et 1959-1960. L'intérêt<br />

en est purement descriptif, l'interprétation des données devant faire l'objet de<br />

recherches ultérieures.<br />

HARRISON, Ira E. A selected, annotated bibliography on store-front churches and other religious<br />

writings. Syracuse (N.Y.), Syracuse University Youth Development Center, 1962.<br />

28 cm, 29 p. 0,25 dollar. Multigr.<br />

<strong>Les</strong> ouvrages englobés dans cette bibliographie ne traitent pas seulement des « storefront<br />

churches » des quartiers populaires des villes américaines, mais également de<br />

problèmes plus généraux de sectes et de cultes.<br />

HEINTZ, Peter. Einführung in die soziologische Theorie. Stuttgart, F. Enke Verlag, 1962.<br />

25 cm, vin + 275 p. Bibliogr.<br />

Cette intro<strong>du</strong>ction aux théories sociologiques a pour objet de donner aux jeunes<br />

sociologues une vue d'ensemble de l'évolution de leur discipline.<br />

HEISTER, Matthias. Rentabilitätsanalyse von Investitionen : ein Beitrag zur Wirtschaftlichkeitsrechnung.<br />

Köln, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1962. 24 cm, xii + 156 p.<br />

Fig., bibliogr. index. (Beiträge zur betriebswirtschaftlichen Forschung, 17.)<br />

Traitant de la comptabilité économique en général, l'auteur procède à une analyse<br />

de la rentabilité des investissements — problème qui tient une large place dans la<br />

recherche économique.<br />

HERBST, P. G. Autonomous group functioning : an exploration in behaviour theory and<br />

measurement. London, Tavistock Publications, 1962. 23 cm, xiv + 271 p. Fig., tabl.<br />

bibliogr., index.<br />

Partant de l'examen minutieux d'un cas particulier — un groupe de mineurs essayant<br />

une formule nouvelle d'organisation <strong>du</strong> travail — l'auteur pose une série de problèmes<br />

en rapport avec la théorie <strong>du</strong> fonctionnement des groupes — élaboration<br />

d'échelles de mesure, techniques d'analyse des données — et en tire les éléments<br />

de la formulation d'une théorie des groupes.<br />

HOFMANN, Werner. Ideengeschichte der sozialen Bewegung des ig. und so. Jahrhunderts.<br />

Berlin, W . de Gruyter, 1962. 16 cm, 243 p. Bibliogr., index. (Sammlung Göschen,<br />

1205/1205 a.)<br />

En considérant les idées motrices <strong>du</strong> mouvement social aux xix e et xx e siècles, à<br />

l'époque <strong>du</strong> développement in<strong>du</strong>striel, en Angleterre, en France et en Allemagne,<br />

l'auteur se propose de faire mieux comprendre les « bouleversements » <strong>du</strong> monde<br />

actuel.<br />

KENNAN, George F. Russia and the West under Lenin and Stalin. New York, The New<br />

American Library, 1962. 18 cm, 384 p. Index. (Mentor book.)<br />

Histoire de la politique extérieure soviétique d'octobre 1917 à la fin de la deuxième<br />

329


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

guerre mondiale : Brest-Litovsk, l'intervention des Alliés en Russie en 1918, les<br />

purges de 1934-1936, le pacte germano-soviétique, les relations entre Staline et les<br />

Alliés en temps de guerre, etc.<br />

KINGET, G. Marian. La pratique, vol. II de Psychothérapie et relations humaines : théo<br />

et pratique de la thérapie non directive (par Carl Rogers et G. Marian Kinget). Louvain,<br />

Publications universitaires; Paris, B. Nauvelaerts, 1962. 25 cm, 264 p. Fig.,<br />

tabl., index. 24 francs. (Studia psychologica.)<br />

Le premier volume de cet ouvrage {Exposé général) contenait une description des<br />

attitudes et principes relatifs à la psychothérapie rogérienne ; ce deuxième volume<br />

se présente comme une démonstration, ou, tout au moins, comme une illustration<br />

de cette psychothérapie : mise en œuvre d'attitudes, « réponse-reflet », con<strong>du</strong>ite de<br />

l'interview, analyse de l'interaction et <strong>du</strong> processus dans un cas particulier, transfert<br />

et diagnostic. L'auteur conclut que le mérite spécifique de l'œuvre de Rogers réside<br />

non pas dans le fait que celui-ci a reconnu l'importance de certains idéaux et de<br />

certaines valeurs, mais dans le fait qu'il a donné à ces valeurs des formes concrètes,<br />

observables et susceptibles d'être intégrées effectivement aux situations et aux<br />

con<strong>du</strong>ites interhumaines les plus variées.<br />

KISER, Clyde V., ed. Research in family planning (papers presented at a Conference sponsor<br />

jointly by the Milbank Memorial Fund and the Population Council, held October 13-ig,<br />

ig6o, at the Carnegie Endowment International Center, New York City). Princeton (N.J.),<br />

Princeton University Press, 1962. 24 cm, xvi + 662 p. Tabl., index.<br />

Soixante-dix participants à une conférence internationale apportent une volumineuse<br />

documentation sur l'état de la recherche, dans divers pays, en ce qui concerne<br />

les problèmes de contrôle des naissances et de planification familiale. <strong>Les</strong> problèmes<br />

d'ordre psychologique, sociologique, etc., qui se posent, dans ce domaine, aux pays<br />

sous-développés font l'objet d'une mention particulière.<br />

KNOTT, James E., Jr. Freedom of association : a study of the role of international no<br />

governmental organizations in the development process of emerging countries. Brussels, 1<br />

21 cm, 93 p. (Union of International Associations. Publication 176. Documents,<br />

n.)<br />

Analyse des besoins des pays neufs en matière d'é<strong>du</strong>cation, et <strong>du</strong> rôle que peuvent<br />

jouer les organisations internationales non gouvernementales pour satisfaire ces<br />

besoins. L'auteur insiste également sur l'influence que peuvent avoir ces organisations<br />

sur le développement des pratiques démocratiques dans ces pays.<br />

LAUERHASS, Ludwig, Jr. Communism in Latin America : a bibliography. The postwar<br />

years (1945-1960). Compilé par Ludwig Lauerhass. Los Angeles, 1962. 22 cm,<br />

x + 78 p. (University of California. Center of Latin American studies.)<br />

Cette bibliographie rassemble près de quinze cents titres, classés selon l'ordre géographique<br />

: une section « générale » est suivie d'un certain nombre de sections, chacune<br />

d'entre elles étant consacrée à un pays de l'Amérique latine. <strong>Les</strong> livres, les publications<br />

officielles et les articles de périodiques sont groupés séparément à l'intérieur<br />

de chaque section. <strong>Les</strong> références sont très complètes, mais la plupart ne sont données<br />

que de seconde main. L'index est très bref.<br />

LiEFTiNCK, Pieter. Recent trends in international monetary polkies. Princeton (N.J.),<br />

1962. 23 cm, 22 p. (Princeton University. Department of Economics. Essays in<br />

international finance, 39, September 1962.)<br />

L'auteur se propose d'apporter des éléments de réponse à deux questions qui lui<br />

paraissent essentielles aujourd'hui, comme elles l'étaient déjà il y a trente ans : d'une<br />

part, les réserves monétaires actuelles sont-elles suffisantes, étant donné le volume<br />

des échanges? D'autre part, y a-t-il inévitablement, dans un système de libreéchange,<br />

conflit entre une politique monétaire tendant à la stabilité sur le plan<br />

330


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

extérieur et une politique monétaire ayant pour but l'équilibre intérieur, c'est-àdire<br />

un niveau des prix relativement stable, associé à un niveau élevé de l'emploi ?<br />

MACGAFFEY, Wyatt ; BARNETT, Clifford R. Cuba, its people, its society, its culture (en<br />

collaboration avec Jean Haiken et Mildred Vreeland). New Haven, HRAF Press,<br />

1962. 22 cm, xxii + 392 p. Cartes, carte h. t., tabl., bibliogr., index. 8,75 dollars.<br />

Cette étude, consacrée à Cuba, qui rassemble des données historiques, économiques,<br />

sociales, ethniques, politiques, etc., tend à replacer la révolution castriste dans le<br />

contexte national, en en examinant les précédents dans l'histoire cubaine et en la<br />

rattachant aux valeurs et aux problèmes de la population.<br />

MACHLUP, Fritz. Plans for reform of the international monetary system. Princeton (N.J.),<br />

1962. 23 cm, vi -+- 70 p. Tabl. (Princeton University. Department of Economics.<br />

International Finance Section. Special papers in international economics, n° 3,<br />

August 1962.)<br />

A la description des inconvénients de l'actuel système monétaire international<br />

succède l'examen d'un certain nombre de remèdes qui peuvent y être apportés :<br />

extension <strong>du</strong> gold exchange standard, mise au point d'une assistance mutuelle entre<br />

banques centrales, centralisation des réserves monétaires, augmentation <strong>du</strong> prix de<br />

l'or, etc.<br />

MANNING, Laurence A. Bibliography of the ionosphere: an annotated survey through ¡g6o.<br />

Stanford (Calif.), Stanford University Press, 1962. 26 cm, xvi + 613 p. Index.<br />

Bibliographie annotée de travaux se rapportant à l'étude de la ionosphère, qui ont<br />

été publiés jusqu'à la fin de i960 : propagation des rayons dans la ionosphère, physique<br />

de la ionosphère, étude de la haute atmosphère. L'ouvrage rassemble 4000<br />

titres de livres et d'articles.<br />

MARTINDELL, Jackson. Évaluation de gestion et jugement sur la valeur de l'entreprise :<br />

Guide pour une direction avisée et un placement éclairé des capitaux. [The appraisal of<br />

management.] Tra<strong>du</strong>it par M . Perineau. Neuilly, Hommes et techniques, 1962.<br />

25 cm, 175 p. Fig., tabl. 25 francs.<br />

Ce livre est destiné à la fois aux administrateurs et dirigeants des entreprises, qui<br />

y trouveront des critères d'évaluation de leur propre gestion, dans tous les domaines<br />

essentiels de la politique de l'entreprise, et aux investisseurs, à qui il permet d'établir<br />

une « valeur d'estimation » des entreprises, qui pourra leur servir de référence pour<br />

juger les cours de la Bourse.<br />

M A T O R É , Georges. L'espace humain : l'expression de l'espace dans la vie, la pensée et l'art<br />

contemporains. Paris, La Colombe, 1962. 21 cm, 301 p. Index (Sciences et techniques<br />

humaines, 2.)<br />

Procédant par analyse <strong>du</strong> contenu, l'auteur repère, dans la langue des journaux<br />

et de la vie artistique, littéraire ou publique, des métaphores qui se réfèrent<br />

à des termes tirés de la notion d'espace (plan, axe, volume...). Il analyse<br />

cette sorte de géométrie inconsciente et; la confronte à l'espace géométrique<br />

traditionnel.<br />

MEISTER, Albert. Principes et tendances de la planification rurale en Israël : problèmes posés<br />

par l'absorption de l'immigration de masse dans les villages coopératifs («moshveolim»),<br />

Paris, La Haye, Mouton, 1962. 24 cm, 148 p. Fig. (École pratique des hautes<br />

études. Sorbonne. VI e Section : Sciences économiques et sociales. Recherches<br />

coopératives, 1.)<br />

La première partie de ce rapport est consacrée aux principes et à l'exécution de la<br />

planification des villages et décrit les diverses activités de formation des nouveaux<br />

immigrants ; la seconde partie constitue, sur un plan plus général, un essai sur les<br />

changements apportés dans les colonies agricoles par la nouvelle immigration :<br />

331


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

facteurs différents de la participation à la vie nationale des deux communautés en<br />

présence (anciens et nouveaux immigrés), transformations intervenues dans la<br />

société considérée comme un tout, depuis la création de l'État d'Israël, effets de ces<br />

changements sociaux sur le développement rural <strong>du</strong> pays.<br />

MENDIETA Y NUÑEZ, Lucio. Sociologie <strong>du</strong> développement / Sociología del desarrollo<br />

Sociology of development. (ISA, 5th World Sociological Congress, Washington.<br />

b) Subject B : Sociology of development). México, 1962. 24 cm, 79 p. (Instituto<br />

de Investigaciones Sociales de la Universidad Nacional de México.)<br />

En confrontant pays développés et pays sous-développés, cet ouvrage, rédigé en<br />

français, en espagnol et en anglais, pose quelques jalons pour la recherche d'une<br />

sociologie <strong>du</strong> développement, fondée sur des éléments économiques, humains, juridiques<br />

et culturels.<br />

MÜLLER, K. Valentin. Die Manager in der Sowjetzone : eine empirische Untersuchung zur<br />

Soziologie der wirtschaftlichen und militärischen Führungsschicht in Mitteldeuts<br />

Köln, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1962. 24 cm, xn + 200 p. Tabl. (Schriftenreihe<br />

des Instituts für empirische Soziologie, 2.)<br />

Recherche de sociologie empirique concernant la dirigeants de l'armée et des<br />

affaires économiques dans la République démocratique allemande.<br />

MURPHY, Lois Barclay, et al. The widening world of childhood: paths toward mastery.<br />

New York, Basic Books, 1962. 24 cm, xvi + 399 p. Bibliogr., index.<br />

Cet ouvrage est le résultat de recherches, menées pendant plus de douze ans, auprès<br />

d'une trentaine d'enfants sélectionnés dans leur petite enfance comme étant « normaux<br />

». <strong>Les</strong> auteurs démontrent le caractère unique et indivi<strong>du</strong>el des réactions de<br />

chaque enfant aux situations <strong>nouvelles</strong> qu'il affronte tous les jours et aux crises,<br />

maladies, séparations qu'il est amené à subir.<br />

OSGOOD, Charles E. An alternative to war or surrender. Urbana, University of Illinois<br />

Press, 196a. 21 cm, 183 p.<br />

Dans cette analyse des relations internationales à l'âge nucléaire, le président de la<br />

Société américaine de psychologie présente un plan de désarmement contrôlé<br />

par étapes. Pour vaincre la méfiance des Soviets, les États-Unis devraient prendre<br />

l'initiative d'une offensive de paix.<br />

OSSOWSKI, Stanilaw. Die Klassenstruktur im sozialen Bewusstsein. Neuwied am Rhein,<br />

Berlin, H. Luchterhand, 1962. 20 cm, 300 p. Bibliogr., index. (Soziologische<br />

Texte, 11.)<br />

Une première partie traite de la structure des classes, des temps bibliques à la société<br />

moderne. Une seconde partie considère plus particulièrement l'interprétation de<br />

cette structure par rapport à la réalité sociale.<br />

PALERM, Angel. Observaciones sobre la reforma agraria en Italia. Washington, Organización<br />

de los Estados Americanos, 1962. 21 cm, vin + 114 p. (Unión Panamericana.<br />

Estudios y monografías, IV.)<br />

Notes sur la réforme agraire opérée en Italie depuis la fin de la seconde guerre<br />

mondiale. La première partie en décrit les aspects généraux. <strong>Les</strong> deux parties<br />

suivantes donnent un aperçu de certaines expériences régionales et locales. La<br />

dernière partie constitue une analyse critique de la réforme agraire italienne.<br />

PARSONS, Talcott. La struttura deU'azione sociale. Intro<strong>du</strong>ction de Gianfranco Poggi.<br />

Bologna, Il Mulino, 1962. 22 cm, xxxii + 976 p. Bibliogr. (Collezione di testi<br />

e di studi. Scienze sociali, 11.)<br />

Analyse critique de la pensée d'un certain nombre de sociologues qui ont apporté une<br />

contribution à la théorie sociale (essentiellement Pareto, Durkheim et Max Weber).<br />

332


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

PIHA, Kalevi. Asuntoyhteiso, sen muodostuminen ja rakenne. Sociologinen tutkimus asunnonhakijoista,<br />

uudelle asuntoalueele muuttaneiden käyttäytymismuutoksista ja naapuruussuhteiden<br />

jäsentymisestä turun kaupungissa. Turku, 1962. 21 cm, 297 p. Fig., bibliogr.<br />

(Turun yliopiston sosiologian laitos. Sarja B.3.)<br />

Cette étude, en trois parties, traite des conditions sociales <strong>du</strong> logement, des transformations<br />

de la société auxquelles celui-ci doit s'adapter et de la structure de<br />

l'habitation en copropriété.<br />

PITTMAN, David J. ; SNYDER, Charles R., éd. Society, culture and drinking patterns.<br />

New York, London, J. Wiley, 1962. 24 cm, XVIII + 616 p. Index.<br />

Cette série d'études sur le problème de l'alcoolisme dans diverses sociétés se présente<br />

comme une « synthèse critique » des apports de la sociologie, de l'anthropologie<br />

culturelle et de la psychologie sociale dans ce domaine.<br />

PONSIOEN, J. A. The analysis of social change reconsidered: a sociological study. 's-Gravenhage,<br />

Mouton, 1962. 25 cm, 170 p. Tabl., index. (Publications of the Institute<br />

of Social Studies. Series maior, IV.)<br />

L'auteur analyse les divers processus de changement social, dans les sociétés primitives<br />

comme dans les sociétés in<strong>du</strong>strielles modernes, et passe en revue les différentes<br />

théories qui, de Marx à Parsons, ont cherché à les expliquer.<br />

POWDERMAKER, Hortense. Copper town: changing Africa. The human stiuation of the<br />

Rhodesian copperbelt. New York, Evanston, Harper and Row, 1962. 22 cm, xxrv +<br />

392 p. PI., carte h. t., tabl., bibliogr., index. 7,95 dollars.<br />

A partir d'une enquête menée à Luanshya — petite ville de Rhodésie <strong>du</strong> Nord —<br />

l'auteur analyse les transformations indivi<strong>du</strong>elles et sociales qui se sont pro<strong>du</strong>ites<br />

dans le monde africain, <strong>du</strong> fait de l'intrusion d'une civilisation in<strong>du</strong>strielle dans<br />

une société primitive.<br />

SCHUTZ, Alfred. Collected papers. I, The problem of social reality. Revisé et présenté<br />

par Maurice Natanson. Préface de H. L. Van Breda. The Hague, M . Nijhoff,<br />

1962. 25 cm, L + 361 p. Portr. h. t., index. (Phaenomenologica, II.)<br />

Dans cette analyse critique des théories de Bergson, Scheler, Husserl et Sartre,<br />

l'auteur, phénoménologue viennois émigré aux États-Unis, s'interroge sur les<br />

problèmes méthodologiques des sciences sociales, les rapports de celles-ci avec la<br />

phénoménologie et les liens entre symbole, réalité et société.<br />

SNOW, C. P. Science and government. The Godkin lectures at Harvard University, ig6o.<br />

Avec un nouvel appendice. New York, The New American Library, 1962.<br />

18 cm, vni + 128 p. (Mentor book.)<br />

Dans ce récit <strong>du</strong> conflit qui opposa, pendant la dernière guerre, deux conseillers<br />

scientifiques <strong>du</strong> gouvernement anglais, le célèbre physicien C. P. Snow expose<br />

ses vues sur le rôle des savants en politique, à l'âge de l'atome.<br />

SOCIEDAD ESPAÑOLA DE PSICOLOGÍA. Actas y trabajos de la VI a reunión anual, g-13 mayo<br />

igßo. Madrid, 1962. 24 cm, 164 p. Fig. (Publicaciones de la Sociedad Española<br />

de Psicología, IV.)<br />

Texte des travaux de la sixième réunion annuelle de la Société espagnole de psychologie.<br />

<strong>Les</strong> travaux publiés se rapportent surtout à la psychologie scolaire, à la<br />

psychologie <strong>du</strong> travail et à la psychologie religieuse.<br />

Statistische Jahrbuch der Schweiz. Annuaire statistique de la Suisse, igÓ2. Bale, Birkhäuser,<br />

1962. 25 cm, x + 649 p. Tabl., index. 23,50 francs suisses. (Bureau fédéral de<br />

statistique.)<br />

La 70 e édition de VAnnuaire statistique de la Suisse contient des tableaux —<br />

non commentés — sur la population et l'activité helvétiques, et en particu-<br />

333


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

lier sur la répartition de la population selon des critères tels que l'âge et la<br />

religion.<br />

STOLL, Jean-Aimé. L'application et l'interprétation <strong>du</strong> <strong>droit</strong> interne par les juridic<br />

internationales. Bruxelles, 1962. 24 cm, 226 p. Bibliogr. 235 francs belges. (Université<br />

libre de Bruxelles. Institut de sociologie Solvay.)<br />

Étude systématique des problèmes en face desquels se trouve placé le juge international<br />

appelé à s'occuper <strong>du</strong> <strong>droit</strong> interne des États, ainsi que des solutions<br />

apportées par la jurisprudence internationale.<br />

TENBRUCK, Friedrich H. Jugend und Gesellschaft. Soziologische Perspektiven. Freiburg<br />

Rombach, 1962. 21 cm, 127 p. (Soziologie.)<br />

Analyse de la jeunesse moderne et de son comportement au sein de la société actuelle,<br />

dans une perspective sociologique.<br />

TERROU, Fernand. L'information. Paris, Presses universitaires de France, 1962.<br />

18 cm, 136 p. Bibliogr. 2,50 francs (Que sais-je ? 1000.)<br />

Examen, sur le plan institutionnel, des moyens d'information enten<strong>du</strong>s comme<br />

les techniques spécialement conçues et aménagées en vue de la diffusion, dans le<br />

public, des éléments de connaissance, de jugement et de divertissement. Histoire<br />

de l'information, des origines à nos jours, statut national et international des entreprises<br />

d'information, etc.<br />

Thomas Jefferson on constitutional issues. Selected writings, iy8y-i82¿. Richmon<br />

1962. 22 cm, vi + 43 P- (Virginia Commission on Constitutional Government.)<br />

Choix de lettres concernant les problèmes constitutionnels, écrites, entre 1787 et<br />

1825, par Thomas Jefferson à des hommes politiques ou à des juristes américains.<br />

THRUPP, Sylvia L., éd. Millennial dreams in action. Essays in comparative study. The<br />

Hague, Mouton, 1962. 26 cm, 229 p. Bibliogr., index. (Comparative studies in<br />

society and history. Supplement II.)<br />

Version définitive des rapports présentés à une conférence qui s'est tenue à l'Université<br />

de Chicago, en i960. L'objet de cette rencontre était de confronter les<br />

observations faites par des anthropologues, des sociologues et des historiens sur un<br />

certain nombre de mouvements religieux inspirés par l'idée d'un âge d'or ou d'une<br />

« terre promise ».<br />

VENESS, Thelma. School leavers. Their aspirations and expectations. Préface <strong>du</strong> profe<br />

seur C. A. Mace. London, Methuen, 1962. 22 cm, xxvi + 252 p. Fig., pi.,<br />

tabl., index. 25 shillings.<br />

Quelles sont les ambitions professionnelles et la conception de la vie des adolescents<br />

britanniques ? De nombreuses interviews, menées auprès des intéressés, sont analysées<br />

dans cet ouvrage.<br />

VERHAEGEN, P. Bibliographie de l'urbanisation de l'Afrique noire : son cadre, ses cau<br />

et ses conséquences économiques, sociales et culturelles. Bruxelles (4, rue <strong>du</strong> Commerc<br />

1962. 22 cm, xii + 387 p. Index. 300 francs belges. (Centre de documentation<br />

économique et sociale africaine : CEDESA. Enquêtes bibliographiques, 9.)<br />

Cet ouvrage rassemble plus de 2 500 articles, dont beaucoup comprennent un<br />

résumé de la publication mentionnée, et qui sont classés sous quatre grandes<br />

rubriques : le cadre et les causes ; l'urbanisation : le fait urbain, les migrations,<br />

études monographiques ; les conséquences sociales et économiques ; les mutations<br />

socio-culturelles.<br />

WASHBURNE, Norman F., ed. Decisions, values and groups. Vol. 2, Proceedings of a<br />

334


DOCUMENTS ET PUBLICATIONS<br />

conference held at the University of New Mexico. Patronné par l'Air-Force Office of<br />

Scientific Research. Oxford, Pergamon Press, 1962. 23 cm, 521 p. Fig., tabl.,<br />

bibliogr., index. 5 dollars.<br />

Un groupe de spécialistes américains des sciences sociales présente le résultat de<br />

ses travaux sur les problèmes <strong>du</strong> comportement et s'interroge sur certaines notions<br />

telles que l'intelligence, la décision, etc.<br />

WULKER, Gabriele. In Asien und Afrika: Soziale und soziologische Wandlungen, Stuttgart,<br />

Kreuz, 1962. 21 cm, 120 p.<br />

Analysant les changements sociaux et sociologiques en Afrique et en Asie, l'auteur<br />

examine la signification de l'aide apportée à ces pays, le problème <strong>du</strong> marché <strong>du</strong><br />

travail, la réforme agraire et les conséquences <strong>du</strong> développement économique.<br />

Un chapitre est réservé au développement de la population.<br />

ZUNKEL, Friedrich. Der Rheinisch-Westfälische Unternehmer 1834-187g : ein Beitrag<br />

zur Geschichte des deutschen Bürgertums im ig. Jahrhundert. Köln, Opladen, Westdeutscher<br />

Verlag, 1962. 24 cm, 284 p. Bibliogr., index. 28,50 Deutschmarks.<br />

(Dortmunder Schriften zur Sozialforschung, 19.)<br />

Cette étude, consacrée aux « entrepreneurs » de Rhénanie-Westphalie au xix e siècle,<br />

dépasse le cadre de l'histoire économique pour toucher à l'histoire politique et<br />

sociale, et constitue ainsi une contribution fondamentale à l'analyse de la bourgeoisie<br />

à l'époque considérée.<br />

SVORYKIN, A. A. ; OS'MOVA, N. I. ; CERNYSEV, V. I. ; SUHARDIN, S. V. Istorija tehniki.<br />

Moskva, Izdatel'stvo social'no-ekonomiceskoj literatury, 1962. 27 cm, 772 p.<br />

Fig., portr., tabl., bibliogr., index. (Akademija nauk SSSR. Institut istorii<br />

estestvoznanija i tehniki.)<br />

Selon le marxisme-léninisme, le progrès technique dépend étroitement <strong>du</strong> contexte<br />

social qui le suscite. Après avoir posé cette définition, les auteurs passent en revue,<br />

avec une grande précision, les inventions et les découvertes effectuées aux diverses<br />

époques de l'histoire, au cours d'étapes qui s'articulent autour de la naissance<br />

de la féodalité, de l'avènement <strong>du</strong> capitalisme et de la révolution d'Octobre.<br />

335


III. INFORMATIONS<br />

Ve CONGRÈS MONDIAL DE SOCIOLOGIE<br />

Washington, D. C, 2-8 septembre 1962<br />

L'Association internationale de sociologie (AIS) a tenu son cinquième<br />

congrès au Shoreham Hotel, à Washington (D.C.), <strong>du</strong> 2 au 8 septembre<br />

1962, sous les auspices de l'<strong>Unesco</strong> et en collaboration avec l'American<br />

Sociological Association ; 1 030 spécialistes originaires de 51 pays ont participé<br />

aux débats, qui portaient essentiellement sur trois grands thèmes :<br />

<strong>Les</strong> sociologues, les policy makers et le public ; La sociologie <strong>du</strong> développement<br />

; La nature et les problèmes de la théorie sociologique. Un grand<br />

nombre des 240 documents <strong>du</strong> travail, ainsi que les principaux documents<br />

présentés au cours des séances plénières, ont été publiés dans les Actes,<br />

dont les volumes I et II ont déjà paru. <strong>Les</strong> volumes III et IV, qui doivent<br />

paraître ce printemps, contiendront les comptes ren<strong>du</strong>s des débats, un<br />

choix représentatif des rapports les plus courts et la liste des participants.<br />

Grâce à une aide financière de l'American Council of Learned Societies,<br />

de la National Science Foundation et <strong>du</strong> Social Science Research Council,<br />

l'AIS a pu payer les frais de voyage de la plupart des participants les plus<br />

éminents, et offrir des places gratuites dans un avion spécialement affrété<br />

à 80 jeunes chercheurs de 20 nationalités différentes.<br />

<strong>Les</strong> comités locaux de l'AIS aux États-Unis ont organisé, sous la présidence<br />

de M . C. Taeuber et de M . P. F. Myers, une visite de New York<br />

(avant l'ouverture <strong>du</strong> congrès), un banquet, au cours <strong>du</strong>quel des allocutions<br />

ont été prononcées (notamment par l'invité d'honneur M . W . W . Rostow,<br />

conseiller et président <strong>du</strong> Policy Planning Council <strong>du</strong> Département<br />

d'État des États-Unis), un concert et une visite de la National Gallery of<br />

Art (Washington, D.C.), enfin, une présentation de films sociologiques.<br />

Diverses ambassades ont donné des réceptions à l'occasion <strong>du</strong> congrès et,<br />

après la fin des travaux, un certain nombre de participants ont fait une<br />

excursion de trois jours, organisée par leurs hôtes américains, qui leur a<br />

permis de visiter les installations de la Tennessee Valley Authority.<br />

Séance inaugurale<br />

A la séance d'ouverture, des allocutions ont été prononcées par le président<br />

de l'association et par les représentants de l'Organisation des Nations Unies,<br />

336


INFORMATIONS<br />

de P<strong>Unesco</strong>, de la National Science Foundation, de PAmerican Council<br />

on E<strong>du</strong>cation et de la National Association of Broadcasters.<br />

Dans son allocution inaugurale, le professeur T. H. Marshall, président<br />

de PAIS, a souligné l'importance particulière <strong>du</strong> fait que le congrès ait<br />

lieu aux États-Unis. En 1949, lorsque l'association a entrepris ses activités,<br />

elle risquait de devenir une organisation essentiellement européenne, bien<br />

que son premier président fût américain et que plusieurs éminents sociologues<br />

non européens eussent collaboré à ses travaux dès le début. Ses<br />

quatre premiers congrès se sont tenus en Europe, et il est évidemment<br />

commode que son siège soit situé en Europe, à proximité <strong>du</strong> secrétariat de<br />

P<strong>Unesco</strong> — organisation qui a été l'inspiratrice et la promotrice de sa<br />

création et dont elle dépendait, et dépend encore, financièrement. Mais,<br />

si PAIS était restée exclusivement, ou presque exclusivement, européenne,<br />

elle n'aurait pas rempli la mission que lui avaient assignée ses fondateurs.<br />

Il est indispensable que l'association obtienne le plein concours des sociologues<br />

des États-Unis, dont les travaux dépassent en abondance et en diversité<br />

ceux qui sont effectués dans n'importe quelle autre région d'éten<strong>du</strong>e<br />

comparable. Le nombre des sociologues américains qui assistent aux congrès<br />

de PAIS s'est régulièrement accru et, avec le cinquième congrès, on a<br />

atteint le stade de la fusion complète. Mais c'est surtout grâce à un labeur<br />

assi<strong>du</strong> et à la bonne volonté dont ses membres font preuve que PAIS donne<br />

l'exemple d'une véritable coopération internationale. Si l'on se fonde sur<br />

ces normes, elle peut sans aucun doute prétendre être la seule organisation<br />

de sociologues vraiment internationale.<br />

Le professeur Marshall a traité ensuite de la situation actuelle de la sociologie<br />

elle-même, qui le satisfait beaucoup moins. « La valeur de la sociologie<br />

n'est pas pleinement reconnue par le grand public, et nous en avons<br />

tous conscience. Pourtant, jamais les questions qu'étudient les sociologues<br />

n'ont suscité un intérêt aussi vif, et jamais il n'a été aussi urgent de résoudre<br />

les problèmes que pose la sociologie. Mais, pour quelque raison que ce soit,<br />

les sociologues ne parviennent pas à trouver des solutions assez vite. Ce<br />

n'est pas entièrement leur faute, car beaucoup de ces questions resteront<br />

insolubles tant que l'on ne disposera pas de connaissances plus précises et<br />

d'instruments plus perfectionnés. Cependant, le public est impatient et,<br />

ce qu'il nous soumet, ce sont souvent les difficultés qui restent après que les<br />

économistes, les spécialistes de la science politique et les psychologues ont<br />

résolu tous les problèmes moins ar<strong>du</strong>s... » Il est urgent de faire comprendre<br />

au public et aux hommes d'État l'œuvre accomplie par les sociologues, les<br />

objectifs qu'ils se proposent, leurs possibilités et leurs limites — ce qui<br />

explique le choix <strong>du</strong> premier thème <strong>du</strong> congrès.<br />

Séances de travail<br />

Une séance plénière a été consacrée à l'étude <strong>du</strong> premier thème (<strong>Les</strong> sociologues,<br />

les policy makers et le public), qui a été divisé en deux parties :<br />

337


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

« Communications entre sociologues et policy makers » et « Communications<br />

entre les sociologues et le public ». Un groupe de travail a été constitué.<br />

La séance plénière, placée sous les auspices de l'Association américaine<br />

de sociologie et de l'Association internationale de sociologie, a été ouverte<br />

par les deux présidents, le professeur P. Lazarsfeld et le professeur T. Marshall,<br />

qui représentaient, respectivement, ces deux organisations. Le professeur<br />

Lazarsfeld a souligné que les sociologues doivent s'exprimer de<br />

manière à se faire mieux comprendre des non-spécialistes, et encourager<br />

les hommes politiques et les policy makers à faire appel à la sociologie et à<br />

utiliser les données sociologiques pour résoudre les grands problèmes politiques.<br />

M . H. Friis (Copenhague), organisateur de la séance, a exprimé<br />

l'espoir que les orateurs ne se borneraient pas à parler des relations entre<br />

les sociologues, les policy makers et le public, mais s'efforceraient aussi de<br />

formuler des suggestions concrètes concernant les moyens de faire mieux<br />

connaître les conclusions des recherches sociologiques et les perspectives<br />

qu'elles ouvrent.<br />

Le congrès a examiné les rapports nationaux ci-après, qui, sur la base<br />

d'exemples concrets, illustrent le rôle <strong>du</strong> sociologue dans la société actuelle :<br />

A. Sauvy (France) : Sociologues et politiques ; exposé intro<strong>du</strong>ctif.<br />

D. Ghosh (Inde) : The sociologist and the policy-maker in India.<br />

R. Weitz (Israel) : The sociologists and the policy-makers : case study of<br />

agricultural settlement in Israel.<br />

A. Vratusa (Yougoslavie) : The sociologists and the policy-makers in<br />

Yugoslavia.<br />

R. Treves (Italie) : Sociologists and policy-makers in Italy.<br />

E. Hughes (États-Unis) : The sociologists and the public : intro<strong>du</strong>ctory<br />

essay.<br />

F. Fernandes (Brésil) : Sociologues et grand public au Brésil.<br />

J. Hochfeld (Pologne) : Sociology and the public in present-day Poland.<br />

T. Agersnap (Danemark) : Sociology and the public in the Scandinavian<br />

countries.<br />

S. Groenman (Pays-Bas) : The sociologists and the public : observations<br />

concerning the Dutch situation.<br />

Le second thème (La sociologie <strong>du</strong> développement) a été étudié au cours<br />

de deux séances plénières, tenues le deuxième et le dernier jour <strong>du</strong> congrès<br />

et consacrées respectivement aux deux sujets suivants : « <strong>Les</strong> premières<br />

étapes de la croissance » et « Comment entretenir la croissance ». Cinq<br />

groupes de travail ont été chargés d'examiner les questions ci-après : La<br />

rupture avec la tradition : études de cas ; Religion et développement ; <strong>Les</strong><br />

transformations observées dans les régions urbaines et dans les régions<br />

rurales ; Le citoyen et le pouvoir politique ; Élites traditionnelles et élites<br />

modernes. Le choix de ce thème était presque inévitable, étant donné<br />

l'immense intérêt que les spécialistes de toutes les branches des sciences<br />

sociales manifestent à l'heure actuelle pour cette question. <strong>Les</strong> principaux<br />

338


INFORMATIONS<br />

documents présentés à la séance plénière tenue le deuxième jour contenaient<br />

des analyses et des études comparatives des premiers stades de la<br />

croissance dans les pays occidentaux déjà développés ou en voie de développement<br />

et traitaient, en particulier, des facteurs économiques, culturels et<br />

politiques antérieurs ou consécutifs au développement. Une attention<br />

spéciale a été accordée aux sujets suivants :<br />

S. Kuznets (États-Unis d'Amérique) : Economie Requirements of modem<br />

in<strong>du</strong>strialization.<br />

J. D. Reynaud (France) : L'éthique traditionnelle <strong>du</strong> travail ; création de<br />

Yhomo economicus.<br />

R. Clémens (Belgique) : La mentalité d'entrepreneur aux premières phases<br />

<strong>du</strong> développement.<br />

A. Pizzorno (Italie) : Développement économique et urbanisation.<br />

R. Behrendt (Suisse) : The emergence of new élites and new political<br />

integration forms and their influence on economic development.<br />

B. Hoselitz (États-Unis) : The Development of a labor market in the<br />

process of economic growth.<br />

Cette étude s'est poursuivie <strong>du</strong>rant la séance plénière <strong>du</strong> dernier jour, au<br />

cours de laquelle les documents ci-après ont été présentés :<br />

J. Maquet (Belgique) : L'intégration culturelle dans les sociétés en croissance.<br />

J. Stoetzel (France) : Problèmes de l'intégration culturelle en Afrique<br />

noire.<br />

S. M. Lipset (États-Unis) : The United States — the first new nation.<br />

M . Crozier (France) : Administration et bureaucratie; le problème des<br />

moyens organisationnels <strong>du</strong> développement.<br />

W . E. Moore et A. S. Feldman (États-Unis) : In<strong>du</strong>strialization and in<strong>du</strong>strialism<br />

: Convergence and differentiation.<br />

Ces documents traitent des différents aspects généraux de la croissance<br />

dans les pays développés et les pays en voie de développement, ainsi que<br />

des facteurs qui favorisent l'intégration nationale et internationale.<br />

Cinq grands rapports ont été consacrés au troisième thème (La nature et<br />

les problèmes de la théorie sociologique) :<br />

R. König (République fédérale d'Allemagne) : The nature and problems<br />

of sociological theories ; intro<strong>du</strong>ctory note.<br />

P. Sorokin (États-Unis) : Theses on the role of historical method in the<br />

social sciences.<br />

H. Lefebvre (France) : Marx et la sociologie : la pensée de Marx en 1844.<br />

E. Gellner (Royaume-Uni) : Concepts and society.<br />

A. K. Saran (Inde) : Some aspects of positivism in sociology.<br />

A la suite de cette séance, quatre groupes de travail se sont réunis pour<br />

examiner les questions suivantes : Études historiques et comparées ; Le<br />

339


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

fonctionnalisme ; Le marxisme ; Modèles et élaboration des théories. Au<br />

cours de ces débats, les participants se sont efforcés d'expliquer et d'évaluer<br />

l'état actuel de la théorie sociologique, et de faire l'inventaire des facteurs<br />

historiques pertinents.<br />

En liaison avec l'étude de ces grands thèmes, plusieurs séances ont été<br />

consacrées à la sociologie de la connaissance, et les comités de recherche<br />

de l'AIS ont organisé des séances sur les questions suivantes : Sociologie<br />

<strong>du</strong> travail ; Sociologie de la famille ; Sociologie urbaine et rurale ; Information<br />

; Sociologie politique ; Sociologie psychiatrique ; Sociologie des<br />

religions ; Sociologie des loisirs et culture populaire. En outre, plusieurs<br />

réunions non officielles ont eu pour thèmes la sociologie <strong>du</strong> <strong>droit</strong>, la sociologie<br />

de la médecine et la sociologie de l'é<strong>du</strong>cation.<br />

<strong>Les</strong> comités de recherche ont apporté à ces débats une contribution très<br />

précieuse. Il est certain que de tels comités peuvent beaucoup faire pour<br />

rendre les travaux des sociologues plus fructueux, et pour leur donner un<br />

caractère international ou interculturel. Ils présentent cet avantage qu'ils<br />

s'occupent tous de favoriser des recherches portant sur des aspects<br />

particulièrement importants de la vie contemporaine — c'est-à-dire des<br />

recherches <strong>du</strong> type le plus propre à résoudre les problèmes qui se posent au<br />

public et aux hommes d'État. Étant donné l'importance de leur rôle et la<br />

difficulté qu'ils éprouvent à se réunir, il a été décidé de leur réserver, <strong>du</strong>rant<br />

le congrès, une journée entière pendant laquelle ils pourraient organiser<br />

des discussions sur un ou plusieurs thèmes de leur choix, et de leur donner la<br />

possibUité de tenir des réunions de travail pour préparer leurs activités<br />

ultérieures.<br />

Réunions spécialisées<br />

Indépendamment <strong>du</strong> congrès, le Comité de recherches sur la sociologie<br />

de la famille de l'AIS a organisé à Washington (D.C.),), <strong>du</strong> 10 au 14 septembre,<br />

le VII e Stage international d'études sur la famille, cependant que<br />

le Comité de recherches sur la sociologie des religions tenait une réunion<br />

à Georgetown, les 8 et 10 septembre, en collaboration avec la Religions<br />

Research Association et la Society for the Scientific Study of Religion.<br />

Immédiatement après le congrès de Washington, un colloque international<br />

a eu lieu à Princeton, N.J. (10-13 septembre). Seize spécialistes,<br />

originaires de 10 pays d'Europe, d'Amérique <strong>du</strong> Nord et d'Amérique latine,<br />

y ont participé ; ils ont examiné la question de l'enseignement de la sociologie<br />

dans les universités et les instituts d'études supérieures, et ils ont<br />

adopté diverses suggestions et conclusions intéressantes à ce sujet. Un<br />

compte ren<strong>du</strong> des débats sera publié dans la Revue internationale des sciences<br />

sociales.<br />

340


Conseil et comité exécutif<br />

IN FORMATIONS<br />

Le conseil de l'AIS, composé de représentants des associations nationales,<br />

s'est réuni à Washington (D.C.), les 2 et 8 septembre. Le comité exécutif<br />

a siégé les I er , 6 et 8 septembre, M M . A. Métraux et S. Friedman représentaient<br />

l'<strong>Unesco</strong> à ces deux réunions.<br />

Le conseil a exprimé sa reconnaissance au professeur T. H. Marshall,<br />

président sortant, et il a désigné, comme président pour 1962-1963, le professeur<br />

R. König. La liste des autres membres <strong>du</strong> conseil pour cette même<br />

période s'établit comme suit :<br />

Vice-présidents : les professeurs H. Blumer (États-Unis d'Amérique) et<br />

G. Germani (Argentine).<br />

Membres : le professeur R. Aron (France), M . H. Friis (Danemark), les<br />

professeurs F. V. Konstantinov (URSS) et C. Madge (Royaume-Uni),<br />

le professeur K. Odaka (Japon), M . S. Rokkan (Norvège), les professeurs<br />

J. Szczepanski (Pologne) et R. Treves (Italie).<br />

Il a été décidé que le comité administratif fusionnerait avec le comité<br />

exécutif, et il a été proposé de charger un comité d'admission d'établir<br />

des suggestions concernant la politique générale à suivre en la matière et<br />

d'examiner toutes les demandes d'admission.<br />

Le conseil et le comité exécutif ont reçu des rapports sur les publications,<br />

les admissions, l'échelonnement des congrès mondiaux, l'organisation <strong>du</strong><br />

cinquième congrès et les comités de recherche de l'AIS. Deux nouveaux<br />

comités de recherche (sociologie <strong>du</strong> <strong>droit</strong>, et sociologie de l'é<strong>du</strong>cation) ont<br />

été officiellement constitués, ce qui porte à onze le nombre des comités de<br />

recherche de l'association.<br />

Le secrétariat de l'AIS est désormais chargé d'assurer la publication<br />

de La sociologie contemporaine.<br />

DOUZIÈME STAGE INTERNATIONAL<br />

DE CRIMINOLOGIE<br />

Jérusalem, 2-20 septembre 1962<br />

Israel DRAPKIN<br />

Étant à la fois les témoins et les acteurs de cette passionnante aventure qu'est<br />

l'évolution de la société humaine, nous aimerions croire que l'instabilité <strong>du</strong> monde<br />

qui nous entoure est propre à notre époque, et sans précédent dans l'histoire.<br />

Nous oublions que, plusieurs siècles avant Platon et Aristote, les philosophes présocratiques<br />

avaient déjà fait <strong>du</strong> mouvement ou <strong>du</strong> changement perpétuels le principe<br />

universel sur lequel repose toute manifestation de la vie et de la pensée. Puisque<br />

341


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

c'est là une observation valable pour le passé comme pour le présent, nous sommes<br />

amenés à admettre ce fait suprêmement paradoxal que l'élément le plus constant<br />

et le plus certain de la vie — dans notre monde instable et mouvant — est le changement<br />

lui-même.<br />

Tout changement provoque des perturbations : par sa nature même il nécessite<br />

des ajustements et des réadaptations, qui ne sont jamais faciles. En général,<br />

le changement est donc une expérience pénible et génératrice de tension, qui a de<br />

multiples incidences, parmi lesquelles figurent assez fréquemment la criminalité<br />

et diverses autres formes de pathologie sociale. Cependant, nous sommes très mal<br />

renseignés sur la dynamique de la criminogenèse ou sur la prévention de la criminalité<br />

dans le monde en pleine évolution où nous vivons. Nous avons quelque<br />

idée de l'importance effective des nombreuses transformations qui se pro<strong>du</strong>isent<br />

dans la société contemporaine, et de la violence de leurs répercussions sur les<br />

multiples aspects de la structure, de la société, ainsi que des organisations et des<br />

institutions sociales ; mais nous ne savons à peu près rien de la façon dont ces<br />

transformations influent sur la criminalité en tant que phénomène social et indivi<strong>du</strong>el.<br />

En fait, les participants au II e Congrès des Nations Unies pour la prévention<br />

<strong>du</strong> crime et le traitement des délinquants (Londres, août i960) ont souligné, au<br />

cours de l'étude <strong>du</strong> problème de la « prévention des formes de criminalité résultant<br />

des changements sociaux et accompagnant le progrès économique dans les pays peu<br />

développés », que « ce sujet n'a pas reçu l'attention qu'il mérite et que les données<br />

disponibles sont insuffisantes ; de ce fait, les conclusions et recommandations<br />

[<strong>du</strong> congrès] ne peuvent être que provisoires et sujettes à une vérification basée<br />

sur une recherche bien con<strong>du</strong>ite ». Ils ont également signalé « le besoin urgent de<br />

recherches en vue de déterminer les nombreux facteurs de l'évolution sociale qui<br />

sont des éléments susceptibles de contribuer à la criminalité, ainsi que de recherches<br />

en vue d'évaluer l'efficacité des mesures préventives ' ».<br />

Cinq ans plus tôt, le 18 septembre 1955, l'assemblée générale de la Société internationale<br />

de criminologie, réunie à Londres, avait exprimé le souhait que la<br />

recherche scientifique reçoive une impulsion par la « définition de projets spécifiques<br />

à réaliser par l'Institut international, tels que l'étude <strong>du</strong> développement<br />

de la criminalité dans les pays sous-développés, en fonction des transformations<br />

techniques 2 ».<br />

En conséquence, la Société internationale de criminologie a décidé de consacrer<br />

son XII e Stage international de criminologie à l'étude des problèmes relatifs aux<br />

« causes et à la prévention de la criminalité dans les pays en voie de développement».<br />

Ce stage a eu lieu non pas — comme tous les précédents — en Europe,<br />

mais à Jérusalem (Israël), <strong>du</strong> a au ao septembre 196a. Loin de supposer résolus<br />

les problèmes urgents qui se posent en matière de criminogenèse et de prévention<br />

de la criminalité, les organisateurs se proposaient simplement de fournir aux<br />

experts étrangers et israéliens l'occasion de se communiquer leurs idées et les leçons<br />

tirées de leur expérience, de comparer leurs techniques et leurs méthodes, et de<br />

présenter un aperçu des résultats de leurs recherches et de leurs projets — ce qui<br />

permettrait non pas un débat entre représentants d' « écoles » antagonistes dans<br />

un domaine donné, mais une confrontation d'idées reposant sur des conceptions<br />

différentes. C'est ainsi que des juges ont eu la possibilité de discuter amicalement<br />

et utilement avec des psychiatres, des sociologues avec des psychologues, des fonctionnaires<br />

chargés de l'application des lois avec des délégués à la liberté<br />

surveillée, etc. Vingt-quatre criminologues étrangers, dont certains ont une réputation<br />

mondiale, et ai criminologues israéliens ont fait 57 cours, dirigé 33 séances<br />

de travaux pratiques et, pour finir, participé à un colloque international de deux<br />

jours sur le même thème ; 43 étudiants originaires de 35 pays étrangers, et 25 étu-<br />

1. Voir Revue internationale de politique criminelle, n° 16, octobre i960, p. 96.<br />

a. Voir « Éléments d'une documentation en criminologie », Rapports et documents<br />

de sciences sociales (<strong>Unesco</strong>), n° 14, 1961, p. 17.<br />

342


IN FORMATIONS<br />

diants israéliens ont assisté aux cours et au colloque et ont pris tous une part active<br />

aux séances de travaux pratiques. La présence de ces no spécialistes venus de<br />

36 pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique et d'Europe a fait de ce XII e Stage le plus<br />

« international » de tous les stages de ce genre qui aient jamais été organisés.<br />

<strong>Les</strong> questions traitées dans les cours et les séances de travaux pratiques étaient<br />

très diverses, mais toutes se rattachaient au thème central <strong>du</strong> stage. Il serait trop<br />

long d'en donner ici un résumé détaillé ; cependant, il parait utile de mentionner<br />

quelques points importants. <strong>Les</strong> rapports présentés par des participants appartenant<br />

à divers pays permettent de dégager les conclusions suivantes :<br />

1. La criminalité existe dans les pays en voie de développement comme dans<br />

les pays développés, mais l'intérêt que suscitent les multiples problèmes de<br />

la criminalité va croissant dans tous les pays en voie de développement.<br />

2. <strong>Les</strong> formes que revêt la criminalité restent très diverses et de <strong>nouvelles</strong> formes<br />

apparaissent encore parfois. A cet égard, il se pose des problèmes particuliers,<br />

qui varient d'une tribu ou d'un groupe religieux à l'autre ; toutefois, il est<br />

probable que les différences qui subsistent entre les manifestations de la criminalité<br />

vont s'effacer progressivement.<br />

3. La misère, l'analphabétisme, la superstition et les conflits politiques sont les<br />

principales causes de la criminalité, de la délinquance et <strong>du</strong> récidivisme.<br />

4. Certains pays ont à faire face à des problèmes de criminalité qui résultent de<br />

l'immigration étrangère ; mais des problèmes analogues se posent presque<br />

partout <strong>du</strong> fait des migrations intérieures. La population se déplace vers les<br />

villes et les centres in<strong>du</strong>striels parce que les habitants des villages ne bénéficient<br />

pas des facilités de la vie moderne. Ces migrations affaiblissent la structure<br />

de la famille, et c'est la faiblesse (ou l'absence) de cette structure familiale<br />

et des autres groupes de contrôle primaires dans le nouveau milieu, bien plus<br />

que la migration elle-même, qui favorise la criminalité. <strong>Les</strong> <strong>nouvelles</strong> communautés<br />

n'ayant pas encore créé les services nécessaires pour faire face à cette<br />

situation, il est difficile de résoudre les conflits qui peuvent se pro<strong>du</strong>ire. Il faut<br />

donc s'efforcer d'améliorer les conditions de vie dans les campagnes et tenir<br />

compte, en élaborant les programmes de développement des communautés<br />

rurales et urbaines, des moyens de prévenir la criminalité.<br />

5. On manque de renseignements exacts (en particulier de statistiques) sur la<br />

criminalité, qui pourraient faire l'objet d'analyses et d'interprétations<br />

détaillées.<br />

6. Il conviendrait d'utiliser les moyens d'information pour inciter la population<br />

à adopter une attitude positive à l'égard des problèmes sociaux, car la situation<br />

se dégrade rapidement dans une atmosphère d'indifférence générale.<br />

7. Certaines infractions, jugées jadis sans importance, sont maintenant considérées<br />

comme graves, ce qui explique l'augmentation <strong>du</strong> nombre des délits<br />

signalés. Cette situation apparaît surtout dans les périodes de transition, lorsqu'un<br />

nouveau système de normes et de valeurs remplace les normes et les<br />

valeurs traditionnelles.<br />

8. Il faut que les nouveaux codes pénaux tiennent compte de l'évolution de la<br />

société et de la nécessité d'indivi<strong>du</strong>aliser la justice. Il conviendrait, notamment,<br />

de généraliser, dans toute la mesure <strong>du</strong> possible, le système des peines de<br />

<strong>du</strong>rée indéterminée.<br />

9. La police devrait se préoccuper de plus en plus de prévenir la criminalité au<br />

lieu de se contenter de la réprimer.<br />

10. Le régime pénitentiaire ayant démontré son inefficacité dans les pays très<br />

développés, il importe d'étudier la possibilité d'appliquer des systèmes qui ne<br />

reposent pas sur l'incarcération des délinquants, en procédant à une évaluation<br />

des autres moyens de prévenir la criminalité.<br />

<strong>Les</strong> stages internationaux de criminologie ne constituent pas des tribunes de discussion,<br />

et il n'est pas d'usage que les stagiaires adoptent des résolutions. Dans le cas<br />

particulier, cependant, les participants tenaient à tel point à exprimer leurs vœux<br />

343


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

qu'une exception a été faite à cette règle, et des résolutions ont été adoptées (toujours<br />

à l'unanimité).<br />

Une de ces résolutions traite des problèmes de « l'enseignement et la recherche ».<br />

Après avoir reconnu « la haute qualité de l'enseignement que donne déjà l'Université<br />

hébraïque de Jérusalem », les stagiaires expriment l'espoir « que l'Institut<br />

de criminologie de cette université pourra, grâce à une aide extérieure appropriée<br />

et sous les auspices de la Société internationale de criminologie, élargir ses activités<br />

de manière à dispenser une formation théorique et pratique aux étudiants<br />

originaires des pays en voie de développement qui le demandent. A cette fin,<br />

l'institut pourrait entrer en rapport, par l'intermédiaire des organismes israéliens<br />

compétents, avec l'Organisation des Nations Unies, la Société internationale de<br />

criminologie ou d'autres organisations internationales, selon le cas, pour déterminer<br />

les mesures à prendre en vue d'élargir son programme et de développer ses<br />

moyens et installations de façon à répondre aux besoins expressément manifestés. »<br />

Seul l'avenir nous dira dans quelle mesure il sera possible de satisfaire ces vœux<br />

et ces aspirations. Dans l'intervalle — « verba volant, scripta manent » — nous<br />

préparons la publication <strong>du</strong> compte ren<strong>du</strong> des travaux <strong>du</strong> stage, en nous efforçant<br />

de conserver quelque chose de leur substance, sinon de l'atmosphère inoubliable<br />

de chaleureuse camaraderie qui n'a cessé de régner entre tous les participants.<br />

Si ce stage peut contribuer, si peu que ce soit, à aider les nouveaux États et les<br />

pays en voie de développement à éviter les pénibles tâtonnements des sociétés déjà<br />

anciennes en matière pénale et criminologique, ainsi que les erreurs les plus flagrantes<br />

commises par d'autres pays, et leur permettre ainsi de tirer pleinement parti des<br />

meilleures méthodes et des expériences les plus fructueuses, en les adaptant à leurs<br />

besoins et à leurs possibilités propres, nous estimerons que les efforts et l'énergie<br />

que nous avons consacrés à son organisation n'auront pas été vains.<br />

QUATORZIÈME CONGRÈS DE L'AMERICAN<br />

ORTHOPSYCHIATRY ASSOCIATION<br />

Washington, 6-9 mars 1963<br />

Quelque 5 000 spécialistes américains et canadiens des sciences <strong>du</strong> comportement<br />

ont participé au quatorzième congrès annuel de l'American Orthopsychiatric<br />

Association, qui a eu lieu <strong>du</strong> 6 au 9 mars 1963, aux hôtels Shoreham et Sheraton<br />

Park, à Washington, D.C.<br />

C'est la première fois que l'American Orthopsychiatric Association se réunissait<br />

dans la capitale des États-Unis. Cette association occupe une place particulière<br />

parmi les organisations nationales de caractère professionnel, en raison de sa composition<br />

fort variée (elle compte, en effet, parmi ses membres des psychiatres, des<br />

anthropologues, des sociologues, des é<strong>du</strong>cateurs et des juristes) et de l'importance<br />

qu'elle attache à la collaboration de ces divers spécialistes pour l'étude et la thérapeutique<br />

<strong>du</strong> comportement humain et pour la prévention des troubles affectifs.<br />

Le D r Karl Menninger, de la Menninger Foundation, qui est un des membres<br />

fondateurs de l'association, a pris la parole au cours de la « séance présidentielle ».<br />

La séance inaugurale a été tenue conjointement avec la Fédération mondiale<br />

pour la santé mentale. Le D r Johann Galtung, de l'Institut de la recherche scientifique<br />

d'Oslo (Norvège), y a fait une communication très importante sur « l'application<br />

des sciences sociales à l'instauration de relations pacifiques entre les groupes<br />

344


INFORMATIONS<br />

et les nations » ; cette communication a été suivie d'un débat auquel ont participé<br />

le D r François Cloutier, directeur de la Fédération mondiale pour la santé mentale,<br />

Margaret Mead et sir Robert Watson-Watt, physicien spécialisé dans l'étude de<br />

la communication et auteur de Man's means to his end. La séance suivante a été<br />

consacrée à « la responsabilité sociale et éthique <strong>du</strong> spécialiste <strong>du</strong> comportement ».<br />

<strong>Les</strong> 26 séances de commission avaient pour thème général « La contribution des<br />

sciences <strong>du</strong> comportement à la survivance de l'espèce humaine». Parmi les sujets<br />

traités, citons : <strong>Les</strong> conflits et les tensions ; <strong>Les</strong> angoisses enfantines à l'époque<br />

nucléaire ; L'image de l'ennemi ; <strong>Les</strong> obstacles à la communication entre nations ;<br />

<strong>Les</strong> domaines ouverts aux recherches des spécialistes <strong>du</strong> comportement ; La dissuasion<br />

par la peur ; <strong>Les</strong> moyens de grande information devant l'anxiété générale ;<br />

Le désarmement, ses répercussions économiques et sociales et ses incidences sur la<br />

structure des services sociaux ; Le corps des « volontaires de la paix » ; La résolution<br />

des conflits par voie de négociations et de conférences, et les recherches sur la<br />

résolution des hostilités entre groupes ; <strong>Les</strong> tensions internationales et leurs effets<br />

sur la personnalité — ainsi que plusieurs autres importantes questions d'actualité.<br />

Parmi les personnalités qui ont pris la parole au cours de ces séances, citons :<br />

James Avery Joyce, avocat anglais, chargé de cours sur les questions internationales ;<br />

Howland Sargeant, de Radio Liberty ; Dore Schary ; Ithiel de Sola Pool ; Arthur<br />

Waskow et Donald Michael, <strong>du</strong> Peace Research Institute ; Gerald Piel, éditeur <strong>du</strong><br />

Scientific American ; les D r B Charles Osgood, Jules Masserman, Bryant Wedge,<br />

Ray Birdwhistell, Robert North, Viola Bernard et Sibylle Escalona. Mentionnons<br />

encore : Launor F. Carter, chef des services scientifiques de l'Armée de l'air des<br />

États-Unis ; Ida Merriam, de la Division of Program Research, de la Social Security<br />

Administration ; Vincent Rock, de 1'Institute for Defense Analyses ; Oscar<br />

Schachter, directeur de la Division des questions juridiques générales de l'ONU ;<br />

Ralph Garrett, chef des services scientifiques de l'Office of Civil Defense ; le major<br />

Vincent Sweemey, <strong>du</strong> Surgeon General Office, et beaucoup d'autres hauts fonctionnaires<br />

qui s'occupent des problèmes liés à la survivance de l'espèce humaine.<br />

Au programme des journées suivantes figuraient de très nombreuses questions<br />

concernant la santé physique et mentale. <strong>Les</strong> principales séances ont été consacrées<br />

à la problématique, à la thérapeutique et à la recherche dans les domaines suivants :<br />

les lésions cérébrales chez l'enfant, les enfants schizophrènes, la délinquance,<br />

l'adolescence, les méthodes familiales et collectives, le placement des enfants, le<br />

divorce, l'école et la santé mentale, les enfants retardés, la santé mentale dans les<br />

établissements préuniversitaires, etc.<br />

Le programme comportait également une séance commune avec la section de<br />

santé mentale de 1'American College Health Association, ainsi que la constitution<br />

d'un groupe d'étude sur les problèmes cliniques des « colleges », d'un groupe de<br />

travail sur les jeunes étudiants, et d'autres groupes de travail avec le concours de<br />

l'American Association for Children's Residential Centers et de la Section de santé<br />

mentale de l'American Public Health Association.<br />

Trois grandes commissions se sont occupées spécialement de l'activité gouvernementale<br />

dans le domaine de la santé mentale. Trois membres <strong>du</strong> President's Panel<br />

on Mental Retardation — Leonard Mayo (president de cet organisme), George<br />

Tarjan (vice-président) et Victor Weingarten (consultant pour les relations avec<br />

le public) — ont présenté des communications à la première de ces commissions,<br />

présidée par le D r Reginald S. Lourie, lui aussi membre <strong>du</strong> President's Panel on<br />

Mental Retardation. La deuxième a examiné les problèmes que soulèvent les recommandations<br />

de la Joint Commission on Mental Illness and Health et les plans destinés<br />

à leur donner effet ; parmi les orateurs inscrits, citons : le D r Robert Felix,<br />

<strong>du</strong> National Institute of Mental Health, Wilbur S. Cohen, <strong>du</strong> Department of<br />

Health, E<strong>du</strong>cation and Welfare, et James Fogarty, membre <strong>du</strong> Congrès des États-<br />

Unis. La troisième commission, qui s'occupait des jeunes délinquants, a enten<strong>du</strong><br />

une communication de Bernard Rüssel, membre <strong>du</strong> President's Committee on<br />

Juvenile Deliquency and Youth Crime.<br />

345


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

Le comité que l'association a chargé d'étudier les problèmes propres aux minorités<br />

a consacré une importante séance au thème suivant : « La santé sociale et mentale<br />

dans la vie quotidienne des Indiens ; comment tra<strong>du</strong>ire en programmes d'action<br />

les leçons des sciences sociales. » L'un des principaux orateurs inscrits était Philleo<br />

Nash, commissaire aux affaires indiennes.<br />

Le sous-comité « Droit et psychiatrie » de l'association a organisé, de son côté,<br />

une séance sur l'adoption, avec la participation <strong>du</strong> juge Justine Polier, de Shad<br />

Polier, et des D r e Samuel Ritvo et Viola Bernard.<br />

Trente-cinq grandes commissions, 16 comités et 33 groupes de travail ont étudié<br />

des problèmes cliniques extrêmement variés : santé mentale des personnes vivant<br />

en collectivité, difficultés nées de la vie en milieu urbain, problèmes d'espace, difficultés<br />

propres aux familles de militaires, conséquences <strong>du</strong> divorce, et problèmes<br />

affectifs de l'enfance (depuis les difficultés d'ordre scolaire et les programmes d'action<br />

préventive jusqu'aux recherches concernant les troubles mentaux et affectifs<br />

graves et les traitements à leur appliquer).<br />

L'organisation matérielle <strong>du</strong> congrès était dirigée par M m e Ruth I. Knee,<br />

1275 Arlington Boulevard, Fairfax (Virginia), et le D r Morton A. Seidenfeld,<br />

5410 Connecticut Avenue, N. W . , Washington 15 (D.C.). Le président de l'American<br />

Orthopsychiatric Association est le D r Edward D. Greenwood, de la Menninger<br />

Foundation.<br />

SIXIÈME STAGE D'ÉTUDES<br />

SUR LES SCIENCES ÉCONOMIQUES<br />

organisé sous le patronage de l'Association américaine de sciences économiques,<br />

Université <strong>du</strong> Colorado, Boulder (Colorado)<br />

27 juin - 28 août 1963<br />

Ce stage est organisé chaque été à l'intention des étrangers qui ont été admis à<br />

faire des études de sciences économiques ou d'économie agricole <strong>du</strong> niveau <strong>du</strong> doctorat<br />

dans les universités et collèges universitaires des États-Unis. Il a pour objet<br />

d'aider les intéressés à compléter leur préparation, afin de pouvoir tirer meilleur<br />

parti de ce séjour d'études aux États-Unis.<br />

Le programme comprend une étude approfondie des théories micro-économiques<br />

et macro-économiques, un cours théorique et pratique de formation accélérée<br />

portant sur l'anglais parlé et écrit, un cours de perfectionnement en matière<br />

de mathématiques et une intro<strong>du</strong>ction générale à l'étude de l'économie et de la<br />

société des États-Unis. L'enseignement est adapté aux besoins des étudiants, en<br />

fonction des résultats de tests initiaux.<br />

Le stage est ouvert aux étudiants qui sont aux États-Unis depuis moins d'un<br />

semestre, ainsi qu'à ceux qui se trouvent actuellement à l'étranger. Pour être admis<br />

définitivement, les candidats doivent prouver qu'ils ont été autorisés à faire des<br />

études <strong>du</strong> niveau <strong>du</strong> doctorat dans une université des États-Unis pendant l'année<br />

universitaire qui suivra le stage.<br />

Pour obtenir des formules de demande ainsi que pour tous renseignements<br />

concernant les bourses, prière de s'adresser à : The Institute of International<br />

E<strong>du</strong>cation, 800 Second Avenue, New York 17, N.Y., ou au président <strong>du</strong> département<br />

de sciences économiques de l'université où l'étudiant fera des études <strong>du</strong><br />

niveau <strong>du</strong> doctorat au cours de l'année qui suivra le stage.<br />

346


INFORMATIONS<br />

PUBLICATIONS<br />

DU GROUPE D'ETHNOLOGIE SOCIALE<br />

Le Groupe d'ethnologie sociale dirigé par M . Chombart de Lauwe a publié, sous<br />

les auspices <strong>du</strong> Centre national de la recherche scientifique (France), un certain<br />

nombre d'ouvrages relatifs à la famille et à son habitat. A un moment où la sociologie<br />

de la famille tend à se renouveler et alors qu'une sociologie de l'habitation<br />

prend naissance, il a paru utile de regrouper les volumes publiés par ce groupe.<br />

Sciences humaines et conception de l'habitation, par Paul Chombart de Lauwe et M . J.<br />

Chombart de Lauwe, Louis Couvreur, D. Dubois-Taine, P. Labat, P. Madaule,<br />

L. Marcu, O. Miret, F. Fichet Poitrey. In-4 0 , 224 p. 14 h.-t., 24 dessins au trait.<br />

18 francs ; franco : 20 francs.<br />

Après certaines études effectuées à l'étranger et plusieurs enquêtes menées par leur<br />

équipe, les auteurs se sont tournés vers l'histoire de l'architecture fonctionnelle<br />

pour y chercher certaines explications. Ils ont alors mis en évidence les relations<br />

qui existent entre les notions anciennes et les tendances <strong>nouvelles</strong> des architectes<br />

qu'ils ont interviewés. L'ouvrage se termine sur une conclusion de M . Paul Chombart<br />

de Lauwe qui concerne la libération des hommes par l'habitation et met à la<br />

fois les architectes et les représentants des sciences humaines devant leurs responsabilités<br />

à l'égard des transformations sociales qui s'opèrent sous nos yeux.<br />

Un essai d'observation expérimentale, par Paul Chombart de Lauwe et J. Jenny, L. Couvreur,<br />

P. Labat, J. Retel, J. Charazac, M . J. Chombart de Lauwe, G. Rocher,<br />

D. Dubois-Taine, E. Parroy. In-4 0 , 33^ P-> 9 h.-t. 24 francs ; franco : 25,40 francs.<br />

De nombreuses enquêtes sur des groupes locaux restreints ont abouti à la constitution<br />

d'un matériel documentaire important qu'il a paru intéressant d'exploiter<br />

et de développer de façon originale. Entre l'enquête éten<strong>du</strong>e, portant sur un échantillon<br />

représentatif de très larges populations, et l'étude de petits échantillons stratifiés,<br />

permettant des comparaisons significatives sur la base d'hypothèses préalables,<br />

les auteurs ont choisi délibérément la seconde formule. Cette méthode leur a permis<br />

de pousser leurs observations plus loin dans le détail et d'établir une relation entre<br />

les observations qualitatives et les analyses quantitatives.<br />

<strong>Les</strong> trois cités <strong>nouvelles</strong> choisies comme terrain d'expérimentation — la Maison<br />

radieuse, construite par Le Corbusier à Nantes, la cité de la Benauge, à Bordeaux,<br />

et la cité de la Plaine, au Petit-Clamart, près de Paris — constituent, chacune<br />

dans leur genre, des solutions intéressantes, à la fois <strong>du</strong> point de vue architectural<br />

et <strong>du</strong> point de vue sociologique. L'évolution de l'habitation paraît, en effet, liée<br />

directement à l'évolution des structures sociales. <strong>Les</strong> transformations matérielles<br />

ne peuvent être envisagées que comme l'expression d'une civilisation.<br />

En conclusion, P. Chombart de Lauwe souligne qu'une phase ultérieure de l'étude<br />

consisterait à pratiquer une intervention expérimentale, c'est-à-dire à intervenir<br />

plus directement sur les données mêmes de l'expérience. Celles-ci seraient définies<br />

en fonction des hypothèses établies par les travaux précédents. L'objet des recherches<br />

futures sera donc non plus seulement de connaître, mais aussi d'expérimenter<br />

— ou de soumettre à des tests — de <strong>nouvelles</strong> formes de relations dans la vie sociale.<br />

Psychopathologie sociale de l'enfant inadapté, par M m e M . J. Chombart de Lauwe, attachée<br />

de recherches au CNRS. 18 x 23 cm, 276 p. 16 francs ; franco : 18 francs.<br />

La première partie de l'ouvrage donne un aperçu général de l'écologie des populations<br />

étudiées, une place spéciale étant réservée au problème <strong>du</strong> logement et de<br />

l'espace. La deuxième partie —• « Le milieu social et le milieu familial» — traite<br />

à la fois de l'influence <strong>du</strong> niveau économique de la famille, de la profession <strong>du</strong> père,<br />

347


REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES<br />

des conséquences <strong>du</strong> travail professionnel de la mère et de plusieurs questions relatives<br />

à la dissociation <strong>du</strong> couple. Certains aspects démographiques sont également<br />

étudiés dans cette partie. Chacun des points est traité en liaison avec les autres.<br />

Cette partie s'achève par une analyse des tendances psychopathiques au sein des<br />

familles des enfants — point délicat, mais important, qui sert naturellement de<br />

transition à l'étude des questions physiologiques, notamment <strong>du</strong> développement<br />

physique des enfants. Cette troisième partie montre combien le développement de<br />

l'enfant et son type physique dépendent de toutes les variables observées. L'interaction<br />

constante de l'hérédité et <strong>du</strong> milieu se précise et devient matière d'observation.<br />

L'auteur conclut non seulement à la présence d'une hérédité sociale, mais à la<br />

possibilité de modifications physiologiques sous l'influence de cette hérédité, qui<br />

est elle-même conditionnée par le milieu.<br />

La vie quotidienne des familles ouvrières : recherche sur les comportements sociaux de cons<br />

mation, par P. Chombart de Lauwe. 2 e éd., in-4 0 , 308 p. : 15 francs ; franco :<br />

16,40 francs.<br />

L'intérêt des recherches sur la vie quotidienne des familles ouvrières n'est pas seulement<br />

de montrer la situation particulièrement difficile et souvent alarmante de ces<br />

familles. Comme le dit l'auteur, les familles ouvrières sont « le récepteur le plus<br />

sensible aux perturbations économiques et aux déséquilibres sociaux». L'étude<br />

scientifique de leurs comportements de consommation en liaison avec la conjoncture<br />

économique apporte une importante contribution aux recherches de psychologie<br />

sociale sur les motivations. En même temps, ces recherches doivent rendre les plus<br />

grands services aux économistes, aux urbanistes, aux services d'hygiène sociale, aux<br />

syndicalistes, pour définir les besoins des populations ouvrières.<br />

VINGTIÈME CONGRÈS<br />

DE L'INSTITUT INTERNATIONAL DE SOCIOLOGIE<br />

Le comité d'organisation <strong>du</strong> vingtième congrès de l'Institut international de sociologie<br />

annonce que cette réunion, qui devait se tenir <strong>du</strong> 12 au 28 septembre 1962,<br />

a été renvoyée à l'année 1963 pour qu'elle coïncide avec la célébration <strong>du</strong> 350 e anniversaire<br />

de la fondation de l'Université nationale de Cordoba (Argentine),<br />

Le programme <strong>du</strong> congrès, élaboré en étroite liaison avec les manifestations<br />

prévues à cette occasion, sera distribué aussi rapidement que possible. On tiendra<br />

compte, pour l'établir, des suggestions que les membres ou associés de l'Institut<br />

international de sociologie voudront bien faire parvenir au président <strong>du</strong> comité<br />

d'organisation, M . le professeur Alfredo Poviña (Trejo 241, Cordoba, Argentine),<br />

ou au président de l'Institut international de sociologie, M . le professeur Corrado<br />

Gini (via Adige 39, Rome, Italie).<br />

348


LA REVUE<br />

DE DROIT INTERNATIONAL<br />

DE SCIENCES DIPLOMATIQUES<br />

ET POLITIQUES<br />

(THE INTERNATIONAL LAW REVIEW)<br />

fondée à Genève en 1923 par ANTOINE SOTTILE<br />

est la SEULE revue paraissant en Suisse en matière de <strong>droit</strong> international,<br />

de sciences diplomatiques et politiques. Elle préconise la rénovation <strong>du</strong><br />

<strong>droit</strong> international, la renaissance de la justice mondiale, la souveraineté<br />

effective <strong>du</strong> <strong>droit</strong>, la solidarité internationale, la morale dans la politique<br />

internationale, le développement de l'esprit international, le règlement<br />

pacifique des conflits internationaux, la défense des <strong>droit</strong>s des petits<br />

Etats pour autant que la soi-disant liberté de presse et les devoirs de neutralité<br />

le consentent. Paraissant au siège européen de l'Organisation des<br />

Nations Unies, la REVUE DE DROIT INTERNATIONAL est à même<br />

de faire rapidement connaître et apprécier avec sûreté les règles que<br />

stipule la communauté des nations.<br />

La Revue de <strong>droit</strong> international paraît tous les trois mois, en livraisons<br />

de 90 à 135 pages. <strong>Les</strong> articles sont publiés dans la langue de leurs auteurs.<br />

Numéro spécimen (arriéré) contre envoi de 5,90 FS net. ABONNE­<br />

MENT: Union postale, 70,50 FS net. — Suisse, 69,50 FS net. Tous<br />

les abonnements sont annuels et partent <strong>du</strong> numéro de janvier. Toute<br />

commande faite par l'intermédiaire de librairies peut être augmentée<br />

de 20 %. (La revue est honorée de souscriptions de gouvernements.)<br />

Directeur : ¡y Juris Antoine Sottile<br />

c. d. Envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, consul, lie. en philos.,<br />

anc. docent de <strong>droit</strong> international à l'Université de Genève,<br />

membre de la Société américaine de <strong>droit</strong> international, de l'Association<br />

internationale de <strong>droit</strong> pénal et de l'Académie diplomatique internationale.


Published in August 1962<br />

Vol. 6, fase. 1-2 (special issue):<br />

Approaches to the study of political participation<br />

acta<br />

sociológica<br />

Scandinavian Review of Sociology<br />

Skandinavische Zeitschrift für Soziologie<br />

Revue Scandinave de sociologie<br />

Stein Rokkan: Intro<strong>du</strong>ction. Angus Campbell: The passive citizen. Sidney<br />

Verba: Political participation and strategies of influence: a comparative study.<br />

W. Hartenstein and K. Liepelt: Party members and party voters in West<br />

Germany. L. W. Milbrath and W. W. Klein: Personality correlates of political<br />

participation. Eric Allardt: Community activity, leisure use and social structure.<br />

Ulf Himmelstrand: A theoretical and empirical approach to depoliticization<br />

and political involvement. Stein Rokkan and Henry Valen: The mobilization of<br />

the periphery: data on turnout, party membership and candidate recruitment<br />

in Norway. Ulf Torgersen: The trend towards political consensus: The case<br />

of Norway.<br />

Book Announcements.<br />

ACTA SOCIOLÓGICA is published quarterly in English and occasionally in German and French.<br />

Write for free sample pages to ACTA SOCIOLÓGICA, 10, Julius Thomsens Plads, Copenhagen V,<br />

Denmark. Subscriptions are by one volume only. Orders should be made to Ejnar Munksgaard, 6,<br />

Norregade, Copenhagen K, Denmark, or to any international bookseller. The subscription is<br />

Danish kr. 60 (appr. $9) per volume.<br />

THE EASTERN<br />

ANTHROPOLOGIST<br />

A QUARTERLY RECORD OF ETHNOGRAPHY, FOLK CULTURE AND GENERAL<br />

ANTHROPOLOGY<br />

PUBLISHED BY THE ETHNOGRAPHIC AND FOLK CULTURE SOCIETY, U.P.<br />

Editor: D. N. Majumdar<br />

Foreign Editor: Professor C. von Furer-Haimendorf<br />

V O L U M E XII, No. 1<br />

Notes and Comments<br />

Social Uses of Funeral Rites . . . . by David C Mandelbaum<br />

Features of Kinship in an Asur Village . by R. K. Jain<br />

'Long Breath' and 'Taking Fire': Cultural<br />

Survivals in Games of Chase . . . . by Paul G. Brewester<br />

Caste and Occupation in a Malwa Village . by K. S. Mathur<br />

Research News and Views<br />

Book Reviews<br />

Rates: Rs.15, Available from:<br />

£1.5s. or $4 The Ethnographic and Folk Culture Society, U.P., Department<br />

per year. of Anthropology, Lueknow University (India).


ORGANISATION<br />

DES<br />

ÉTATS AMÉRICAINS<br />

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL<br />

PUBLICATIONS SUR LES SCIENCES SOCIALES<br />

REVISTA INTERAMERICANA DE CIENCIAS SOCIALES<br />

A quarterly journal, distributed throughout the Americas,<br />

focusing on the social sciences applied to the socio-economic<br />

and cultural development of Latin America.<br />

MONOGRAPHS, TECHNICAL MANUALS, AND DIREC­<br />

TORIES<br />

Irrigation Civilizations: A Comparative Study. (1955, 78 pp.)<br />

US$0.50. Report of a symposium, by J. H. Steward, K. A.<br />

Wittfogel and others. Also in Spanish.<br />

Studies in Human Ecology. (1957, 138 pp.) US$1.00. A series<br />

of lectures given at the Anthropological Society of Washington.<br />

Also in Spanish.<br />

Plantation Systems of the New World. (1959, 212 pp.) US$1.00.<br />

Papers and discussion summaries of the seminar held in San<br />

Juan, Puerto Rico. Also in Spanish.<br />

Additional titles in the general catalogue of publications (English,<br />

French, Spanish, and Portuguese), available upon request.<br />

UNION PANAMÉRICAINE, Secrétariat général<br />

de l'Organisation des États américains — Washington 6, D.C.


RIVISTA INTERNAZIONALE DI<br />

SCIENZE SOCIALI<br />

VOL. LXXI. FASC. I-II GENNAIO-FEBBRAIO 1963<br />

MAHZO-APHILE 1963<br />

F. VITO, Premessa.<br />

F. MARINONE, LO sviluppo del sistema distributivo italiano.<br />

G. CARONE, L'organizzazione délia distribuzione in Italia : servizi.<br />

L. SANT'AMBROGIO, Il controllo dei costi délia distribuzione.<br />

P. SAVINI, Le nuove forme di distribuzione : i grandi magazzini, i magazzini a<br />

prezzo único, i supermercati e i negozi a catena.<br />

G. GALIZZI, L'organizzazione délia distribuzione in Italia : l'agricoltura.<br />

S. VACCA', Intro<strong>du</strong>zione allô studio dei rapporti in<strong>du</strong>stria-distribuzione nei mercati<br />

dei béni di consumo.<br />

L. FREY, Il finanziamento délie imprese agricole.<br />

S. SANTOLI, La lotta contro l'inflazione nella recente esperienza austriaca.<br />

Abbonamento annuo per Vitalia L. 3 000; per F estero L. 6 000;<br />

ovvero l'équivalente in valuta estera.<br />

A bbonamento sostenitore L. 20 000<br />

Redazione e Amministrazione: Largo A. Gemelli, 1, MILANO (Italia).<br />

Dinámica<br />

Social<br />

DINÁMICA SOCIAL, publication <strong>du</strong><br />

Centro de Estudios Económico-Sociales<br />

(Centre d'études économiques et<br />

sociales), paraît mensuellement en<br />

espagnol et en italien à Buenos Aires,<br />

calle Libertad 1050.<br />

DINÁMICA SOCIAL, qui est entrée en septembre 1962 dans sa douzième<br />

année d'existence, est devenue depuis peu une revue largement illustrée,<br />

avec une section de caractère technique, in<strong>du</strong>striel et scientifique, à<br />

côté de ses pages politiques et littéraires habituelles.<br />

Dans cette nouvelle section ont été jusqu'à maintenant présentées de<br />

grandes entreprises in<strong>du</strong>strielles comme Pirelli, Fiat, Cinzano, Italmar,<br />

Celulosa Argentina, Lepetit, Montecatini, E.N.I., Ansaldo, etc.


A Canadian Quarterly<br />

INTERNATIONAL JOURNAL<br />

The current issue includes:<br />

CANADIAN EXTERNAL POLICIES SINCE 1945<br />

by John W. Holmes<br />

ROOSEVELT THROUGH STALIN'S SPECTACLES<br />

by Robert H. McNeal<br />

CUBA: THE BIBLIOGRAPHY OF A REVOLUTION<br />

by John D. Harbron<br />

CANADA'S IMMIGRATION POLICY, 1957-1962<br />

by David Corbett<br />

Subscription rates:<br />

One year: $ 3.00 ($ 2.50 to teachers and students)<br />

Three years: $7.50<br />

CANADIAN INSTITUTE OF INTERNATIONAL AFFAIRS<br />

230 Bloor Street West Toronto 5, Ontario, Canada<br />

An interdisciplinary journal for<br />

behavioural and social scientists<br />

who wish to keep abreast of research<br />

concerned with the problem of<br />

peace and international relations<br />

The Journal of<br />

RESOLUTION<br />

A quarterly for research<br />

related to war and peace<br />

Annual subscription: $5.50<br />

per copy: $2.00<br />

Published by The Center for Research on Conflict Resolution<br />

8ao East Washington, University of Michigan, Ann Arbor, Michigan


PHYLON<br />

A Review of Race and Culture<br />

ONLY PUBLICATION DIRECTED EXCLUSIVELY TO TRENDS<br />

AND EVENTS IN RACIAL AND CULTURAL RELATIONS ON THE<br />

WORLD SCENE<br />

Subscription rates: $3.00 per year; a two-year subscription or two subscriptions,<br />

$5.00. Canada and foreign, $3.50 per year, two years,<br />

$6.00.<br />

Indexed in the International Index to Periodicals, Psychological Abstracts, Bulletin<br />

of Public Affairs Information Service, Sociological Abstracts and Index to Selecte<br />

Periodicals.<br />

Microfilms beginning with Volume XVII are available to regular subscribers<br />

from University Microfilms, 313 N. First Street, Ann Arbor, Michigan.<br />

PUBLISHED BY ATLANTA UNIVERSITY, ATLANTA, GEORGIA<br />

Address all correspondence to: Phylon, Atlanta University, Atlanta 14,<br />

Georgia<br />

Centre d'études de politique étrangère, 54, rue de Varenne, Paris-7 e<br />

POLITIQUE ÉTRANGÈRE<br />

La grande revue des questions internationales<br />

N° 2, 1962<br />

Henry A. KISSINGER L'évolution de la doctrine stratégique aux<br />

États-Unis.<br />

Charles SALZMANN La défense civile aux États-Unis.<br />

Barbara W A R D Problèmes africains.<br />

Jacques MAYOUX <strong>Les</strong> problèmes agricoles de l'Europe après<br />

l'accord de Bruxelles.<br />

Mario LEVI Sur la 'compétition pacifique'.<br />

Le numéro : 4,80 F France 25 F<br />

Étranger 33,50 F<br />

Adresser les abonnements au Centre d'études de politique étrangère,<br />

54, rue de Varenne, Paris-7 e — C. C. P. 1865-41 Paris.


THE INDUSTRIAL REVOLUTION COMES TO THE MIDDLE EAST<br />

INDUSTRIALIZATION IN THE MIDDLE EAST<br />

The study is divided into two sections:<br />

By K. Grunwald and J. O. Ronall<br />

Section I deals with in<strong>du</strong>strialization problems on a regional basis and with basic<br />

issues in the area's growth and development. It covers such topics as social and<br />

economic changes <strong>du</strong>ring the last 100 years; population, labour, pro<strong>du</strong>ctivity,<br />

urbanization; natural re<strong>sources</strong>; petroleum; transport and communications;<br />

government development plans; monetary re<strong>sources</strong> and financial requirements;<br />

development and in<strong>du</strong>strial banks.<br />

Section II discusses in<strong>du</strong>strial development, its problems and outlook, for each<br />

of the following countries: Afghanistan, Cyprus, Egypt, Ethiopia, Iran, Iraq,<br />

Israel, Jordan, Lebanon, Saudi Arabia, Sudan, Syria, Turkey, and the Persian<br />

Gulf sheikhdoms. Comprehensive surveys are presented on the various branches<br />

of in<strong>du</strong>stry (textile, food, chemical, metallurgical, etc.), on electric power,- mining<br />

and private enterprise.<br />

Maps, bibliography, index. Price $7.00<br />

COUNCIL FOR MIDDLE EASTERN AFFAIRS PRESS<br />

2061 Belmont Avenue, Elmont, N.Y.<br />

SOCIOMETRY<br />

A JOURNAL OF RESEARCH<br />

IN SOCIAL PSYCHOLOGY<br />

Sociometry is concerned with the entire range of interests and problems<br />

represented by research in social psychology. It is concerned with the<br />

socialization process and with the study of the interrelationships of<br />

social structure and personality, as well as with studies of group<br />

process; it is concerned with conceptualization as well as with measurement.<br />

It is as concerned with studies of behaviour in natural settings<br />

as with contrived experiments.<br />

Sociometry seeks to represent the significant research interests of<br />

investigators who are concerned with giving the field of social<br />

psychology dieoretical structure and reporting research which is<br />

clearly focused, well designed and competently con<strong>du</strong>cted.<br />

$9 per year for four issues - Special rate to members: $4.50<br />

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THE AMERICAN SOCIOLOGICAL ASSOCIATION<br />

New York University<br />

Washington Square, New York 3, New York


THE MIDDLE EAST INSTITUTE<br />

announces<br />

The XVIIth Annual Conference on Middle Eastern Affairs<br />

DEVELOPMENTAL REVOLUTION IN THE MIDDLE EAST<br />

Among the speakers:<br />

May 2, 3 and 4, 1963<br />

Gaston Hall<br />

Georgetown University<br />

Washington, D.C.<br />

Walt W. Rostow, Counsellor, Department of State and Chairman, Policy<br />

Planning Council<br />

Lucius Battle, Assistant Secretary of State for Cultural Affairs<br />

Chester Bowles, The President's Special Representative<br />

Proceedings will be published<br />

Please direct inquiries to: Conference Office, Middle East Institute,<br />

1761 N Street, N.W., Washington 6, D.C.<br />

PARLIAMENTARY AFFAIRS<br />

The Quarterly Journal of the Hansard Society<br />

for Parliamentary Government<br />

The Summer issue includes articles on :<br />

PARLIAMENTARY DEVELOPMENTS—MARCH TO MAY 1962.<br />

THE OLD HOUSE OF COMMONS AND ITS MEMBERS (C. 1783-1832). By A. Aspinall.<br />

THE FRENCH REFERENDUM OF APRIL 1962. By Philip M. Williams and Martin<br />

Harrison.<br />

THE MINISTERIAL HIERARCHY—I. By D. J. Heasman.<br />

REPRESENTATION, GENERAL ELECTIONS AND DEMOCRACY. By Robert E. Dowse.<br />

A THREAT TO PARLIAMENTARY GOVERNMENT IN THE U.S.A. By F. B. Schick.<br />

THE CHOICE OF SPEAKER IN AUSTRALIAN PARLIAMENTS. By Geoffrey Bolton.<br />

CHARLES FOX AND THE LONDON PRESS. By Loren Reid.<br />

BOOK REVIEWS.<br />

Single Copies 7s. 6


Die von RUDOLF PECHEL herausgegebene<br />

DEUTSCHE<br />

RUNDSCHAU<br />

darf nach dem zweiten Weltkrieg das Verdienst für sich in<br />

Anspruch nehmen, zur politischen und kulturellen Selbsterkenntnis<br />

unseres Volkes einen wertvollen Beitrag geleistet<br />

zu haben.<br />

Wenn es die vornehmste Aufgabe einer kulturkritischen<br />

Zeitschrift ¡st, ihre <strong>Les</strong>er nicht nur zu unterhalten und zu<br />

unterrichten, sondern sie auch zur Selbsterkenntnis, zu einer<br />

eigenen Urteilsbil<strong>du</strong>ng zu erziehen, so hat die DEUTSCHE<br />

RUNDSCHAU in ihren letzten Jahrgängen diese Aufgabe<br />

in vorbildlicher Weise erfüllt.<br />

Sowohl in der eigentlichen RUNDSCHAU, die den <strong>Les</strong>er<br />

mit aussen- und innenpolitischen, mit sozial- und kulturpolitischen<br />

Problemen vertraut macht, wie in der reichhaltigen<br />

Auswahl an literarkritischen, philosophischen und<br />

schöngeistigen Beiträgen bietet die DEUTSCHE RUND­<br />

SCHAU ihren <strong>Les</strong>ern ein umfassendes Bild unseres gegenwärtigen<br />

politischen und geistigen Lebens, immer unter<br />

dem Generalaspekt einer radikalen Neubesinnung, die wir als<br />

Volk und als Mitglied der westlichen Völkerfamilie zu leisten<br />

haben, wenn wir nicht an den unbewältigten und unbereinigten<br />

Komplexen unserer jüngsten Vergangenheit weiter<br />

leiden und, bei aller Prosperität und scheinbaren Gesundheit<br />

an der Oberfläche, von der Wurzel unseres Wesens her<br />

absterben wollen.<br />

Die DEUTSCHE RUNDSCHAU<br />

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la politique internationale dans<br />

l'analyse objective des événements<br />

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la politique étrangère italienne.<br />

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RELAZIONI<br />

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Hebdomadaire de politique étrangère<br />

24 pages : 200 lires<br />

Abonnement pour l'étranger : 11 500 lires<br />

Publié par :<br />

PER GLI STUDI Dl<br />

POLÍTICA INTERNAZIONALE<br />

M i l a n o (Italie)<br />

rural sociology<br />

Volume s8 - March 1963 - Number 1<br />

A Perspective for Rural Sociology (Presidential Address)<br />

Harold F. Kaufman<br />

Interaction and Collective Identification in a Rural Locality<br />

Peter A. Munch and Robert B. Campbell<br />

Church Affiliation and Attitudes Toward Public Decisions in a Typical Midwest County<br />

Victor Obenhaus<br />

and W . Widick Schroeder<br />

Kentucky Mountain Migration and the Stem-Family: an American Variation on a<br />

Theme by Le Play<br />

James S. Brown, Harry K. Schwarzweller<br />

and J. Mangalam<br />

The Utility of Residence for Differentiating Social Conservatism in Rural Youth<br />

Fern K. Willitis and Robert C. Bealer<br />

Role Consensus and Satisfaction of Extension Advisory Committee Members<br />

Bond L. Bible and Emory J. Brown<br />

Book Reviews—Bulletin Reviews—News Notes—Revised Constitution<br />

Subscriptions to: Editorial Communications to:<br />

Dr. Howard M . Sauer, Secretary-Treasurer Dr. Sheldon G. Lowry, Editor<br />

Rural Sociological Society Rural Sociology<br />

Rural Sociology Department Sociology and Anthropology<br />

South Dakota State College Michigan State University<br />

Brookings, South Dakota East Lansing, Michigan<br />

S8.00 per year, Domestic and Foreign


Kölner Zeitschrift<br />

für Soziologie<br />

und Sozialpsychologie<br />

begründet <strong>du</strong>rch Leopold von Wiese,<br />

herausgegeben im Auftrage des Forschungsinstituts für Sozial- und<br />

Verwaltungswissenschaften in Köln von Prof. Dr. René König.<br />

Der Jahrgang umfaßt 4 Hefte im Gesamtumfang von ca. 700 Seiten<br />

Einzelheft DM 15,50; jährlich DM 56,— ; bei Vorauszahlung bis zum I. 2.<br />

des Laufender Jahrgangs DM 58,65,—.<br />

Die Zeitschrift wurde im Jahre 1921 von Prof. Dr. Leopold von Wiese begründet.<br />

Sie erschien zunächst als „ Kölner Vierteljahreshefte für Soziologie", in der neuen<br />

Folge unter dem Titel „Kölner Zeitschrift für Soziologie". Mit Jahrgang 7 der neuen<br />

Folge wurde eine Titelerweiterung notwendig. Von den Jahrgängen der neuen<br />

Folge sind Einzelhefte z. T. lieferbar. Vollständige Jahrgänge können in Leinen<br />

gebunden bezogen werden.<br />

Als einziges selbständiges Organ der soziologischen Wissenschaft in Deutschland<br />

umfasst die „KZfSuS" alle Zweige der Soziologie, Beiträge zur Betriebssoziologie,<br />

Pädagogik und Sozial psychologie. Jedes Heft enthält ausserdem Besprechungen<br />

aus der deutschen und fremdsprachigen Fachliteratur, Berichte über Tagungen,<br />

Kongresse usw.<br />

Ferner erscheint jährlich ein Sonderheft, das den Abonnenten zum<br />

Vorzugspreis geliefert wird.<br />

Bisher sind erschienen :<br />

„ Soziologie der Gemeinde ",<br />

232 Seiten, DM 15.<br />

„ Soziologie der Jugendkriminalität ",<br />

188 Seiten, DM 14.<br />

„ Probleme der Medizin-Soziologie ",<br />

336 Seiten, DM 19.<br />

„ Soziologie der Schule "<br />

200 Seiten, DM 14.<br />

„ Soziale Schichtung und soziale Mobilität",<br />

346 Seiten, DM 21.<br />

„ Probleme der Religions-Soziologie ",<br />

320 Seiten, DM 17,50.<br />

Westdeutscher Verlag — Köln und Opladen


REVUE FRANÇAISE DE SOCIOLOGIE<br />

publiée par les soins <strong>du</strong> Centre d'études sociologiques<br />

avec le concours <strong>du</strong> Centre national de la recherche scientifique<br />

Directeur : J. STOETZEL<br />

Vol. IV, n° 1, JANVIEB-MAHS 1963<br />

ARTICLES<br />

Everett K. WILSON L'influence de Durkheim aux États-Unis. Recherches<br />

empiriques sur le suicide<br />

Joffre DUMAZEDIER Contenu culturel <strong>du</strong> loisir ouvrier dans six villes d'Europe<br />

Jacques MAÎTRE Représentation logarithmique de phénomènes religieux<br />

David VICTOROFF Persuasion collective et image de soi.<br />

CRITIQUE<br />

Joffre DUMAZEDIER OÙ en est la sociologie <strong>du</strong> loisir et de la culture populaire?<br />

et Aline RIPERT<br />

Dans chaque numéro, ACTUALITÉ DE LA RECHERCHE, BIBLIOGRAPHIE,<br />

REVUE DES REVUES.<br />

Résumés des articles en anglais, en allemand, en espagnol, en russe.<br />

Direction, rédaction : Centre d'études sociologiques, 82, rue Cardinet, PARIS-17*<br />

Administration, abonnements : JuUiard, 30-34, rue de l'Université, PARIS-7 4<br />

4 numéros de 128 pages par an.<br />

Abonnement : France, 18 F (le numéro, 5,10 F); Étranger, 22 F; USA, $4.50<br />

international journal<br />

of comparative sociology<br />

A journal devoted to research, especially in the problems of social change arising out of<br />

urbanization, in<strong>du</strong>strialization and cross-cultural contacts.<br />

A special number devoted to: Family and Marriage<br />

J.H. Mogey, Guest Editor, Vanderbilt University, U.S.A.<br />

K. Ishwaran, Editor, Karnatak University, Dharwar.<br />

Contents of Vol. Ill, No. i:<br />

I, Articles<br />

Editorial.<br />

Intro<strong>du</strong>ction John Mogey.<br />

The joint family: a terminological classification T. N. Madan.<br />

The Nayar family in a disintegrating matrilineal system. . Chie Nakane.<br />

Marriage, matriUny and social structure among the Yao of<br />

Southern Nyasaland J. Clyde Mitchell.<br />

Family organization in plantations in British Guiana . . Chandra J ay a warden a.<br />

On Portuguese family structure Emilio Willems.<br />

Secondary group relationships and the pre-eminence of the<br />

family Norman Dennis.<br />

On mate selection Georg Karlesson.<br />

Mate selection in open marriage systems Peter Jacobsohn and<br />

Adam Matheny.<br />

A cross-cultural comparison of attitudes towards marital<br />

infidelity Harold T. Christensen.<br />

Nuclear family support and power structure in Sinhalese, Tamil,<br />

and Burgher students Murray A. Straus and<br />

Solomon Cytrynbaum.<br />

//. Notes and News<br />

The Journal is published twice a year (March and September) by the Department of Social Anthropology,<br />

Karnatak University, Dharwar (India).<br />

Annual subscription rates: $8.00 or equivalent in other currencies.<br />

Order from: E. J. Brill, Leiden (Holland).


IL POLITICO<br />

RIVISTA TRIMESTRALE<br />

DI SCIENZE POLITICHE<br />

DIRETTA DA<br />

BRUNO LEONI<br />

DICEMBRE 1962<br />

B. LEONI. Oggetto e limiti délia scienza política<br />

F. GROSS. Classification of Tension Areas<br />

Le aree di tensione: classificazione<br />

NOTE E DISCUSSIONI<br />

L. DION. <strong>Les</strong> origines sociologiques de la thèse de la fin des idéologies<br />

A. RIVKIN. The emerging economic entities of Africa<br />

I nascenti sistemi economici in Africa<br />

O. DE HABSBOURG. La vérité sur l'Angola<br />

J. ZIEGLER. <strong>Les</strong> Nations Unies au Congo<br />

A. T. BOUSCAREN. Crisis in Laos<br />

La crisi nel Laos<br />

R. W . KING. Peace in this technological world<br />

La pace in questo mondo tecnológico<br />

Attività degli istituli.<br />

Recensioni e segnalazioni<br />

Indice generale delVanno<br />

A N N O X X V I I N. 4<br />

Subscriptions for 1963 (4 issues) : Students (foreign) $4.00 + $1.00 postage ;<br />

Foreign (regular) $6.00 + $1.00 postage.<br />

ISTITUTO DI SCIENZE POLITICHE<br />

UNIVERSITÀ DI PA VIA, PA VIA (ITALY)


HUMAN<br />

ORGANIZATION<br />

Vol. 20 Spring 1961<br />

SOCIAL SCIENCE APPLIED TO PRACTICAL PROBLEMS<br />

Success and Failure in Technical Assistance<br />

Culture Change in Laos and Serbia.<br />

Supervision and Group Process.<br />

Chiropractic: A Deviant Theory of Disease<br />

The Indian and Mestizaje in Peru.<br />

A Yugoslav Workers' Council.<br />

A Persisting Clique of Chronic Mental Patients<br />

Anthropologists in the Federal Government<br />

Institutional Types and Sociological Research<br />

Quarterly Journal<br />

of the Society<br />

for Applied Anthropology<br />

No. 1<br />

James W. Green<br />

Joel M. Halpem<br />

Philip M. Marcus<br />

Thomas McCorkle<br />

Jacob Fried<br />

Jiri Kolaja<br />

William R. Morrow<br />

Margaret Lantis<br />

William R. Rosengren<br />

H U M A N ORGANIZATION is available through membership in the<br />

Society for Applied Anthropology, New York School of In<strong>du</strong>strial and Labor<br />

Relations, Cornell University, Ithaca, New York. Active Membership,<br />

$8; Subscribing Membership, $8; Student Membership, $4. Monograph<br />

series free to members.<br />

bollettino<br />

delle<br />

ncerche<br />

sociali<br />

revue bimestrielle<br />

de la recherche sociale<br />

en Italie<br />

dans chaque numéro :<br />

revue de recherches dans les<br />

différents domaines des sciences<br />

sociales<br />

présentation de centres de<br />

recherches<br />

informations sur l'enseignement des<br />

sciences sociales<br />

discussions sur le développement<br />

de la recherche sociale en Italie<br />

chronique et bibliographies<br />

Abonnement annuel : 30 F ou $7<br />

Adresser les abonnements et toute correspondance à :<br />

Società Editrice II Mulino, Via Gramsci 5, BOLOGNA (Italie).


L'INSTITUT ROYAL DES RELATIONS INTERNATIONALES<br />

publie tous les deux mois, sur environ 120 pages, la<br />

CHRONIQUE DE<br />

POLITIQUE ÉTRANGÈRE<br />

Cette revue, d'une objectivité et d'une indépendance<br />

renommées, assemble et analyse les documents et les<br />

déclarations qui sont à la base des relations internationales<br />

et des institutions internationales.<br />

Juillet-novembre 1958 : PROBLÈMES DE L'AFRIQUE NOIRE,<br />

300 p., 300 FB<br />

Septembre-novembre 1959 : La ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE,<br />

395 p., 300 FB<br />

Juillet-novembre 1960 : LA CRISE CONGOLAISE : JANVIER 1959 -<br />

AOÛT 1960, 611 p., 300 FB<br />

Janvier-mai 1961 : ÉVOLUTION POLITIQUE DE L'AFRIQUE : la Communauté<br />

française, la République de Guinée, l'indépendance<br />

de la Somalie, 485 p., 300 FB<br />

Septembre-novembre 1961 : ÉVOLUTION DE LA CRISE CONGOLAISE DE<br />

SEPTEMBRE 1960 A AVRIL 1961,123 documents, 600 p. 300 FB<br />

Janvier 1962 : La pondération de l'influence des États dans les Organismes<br />

internationaux ; la République populaire de Chine<br />

en 1961 ; A propos des emprunts congolais ; Le <strong>droit</strong> de<br />

l'espace ; La 50 e session de l'Institut de <strong>droit</strong> international.<br />

Mars 1962 : Le problème des transports en Europe ; l'État d'Israël<br />

en 1961 ; La politique extérieure suisse en 1961 ; La<br />

situation politique et économique de Chypre en 1961.<br />

Mai 1962 : La Convention de sauvegarde des <strong>droit</strong>s de l'homme et<br />

des libertés fondamentales et le fonctionnement des juridictions<br />

belges ; L'Occident et les pays en voie de développement<br />

; Britain and the Common Market ; The Commonwealth<br />

and the Common Market ; Évolution de la politique<br />

américaine en 1961 ; La politique extérieure <strong>du</strong> Japon<br />

en 1961.<br />

Autres publications :<br />

LA BELGIQUE ET L'AIDE ÉCONOMIQUE AUX PAYS SOUS-DÉVELOPPÉS,<br />

534 p., 460 FB<br />

CONSCIENCES TRIBALES ET NATIONALES EN AFRIQUE NOIRE,<br />

444 p., 400 FB<br />

FIN DE LA SOUVERAINETÉ BELGE AU CONGO. RÉFLEXIONS ET DOCU­<br />

MENTS, par W. Canshof van der Meersch, 600 p., 300 FB<br />

Abonnement annuel : 300 FB. Vente an numéro : 150 FB.<br />

A verser au numéro de CCP de l'Institut royal des relations internationales<br />

(88, avenue de la Couronne, Bruxelles 5, Belgique) : Bruxelles, 0.20; Paris, 0.03;<br />

Milan, c/c/1/35590; Köln, Pschk. 160.860; Den Haag, Giro 82.58 ; Bern,<br />

III 19585.


REVUE INTERNATIONALE<br />

DES SCIENCES ADMINISTRATIVES<br />

SOMMAIRE DU VOLUME XXVIII (1962), N° 4<br />

P. KASTARI, L'Ombudsman parlementaire et le Chancelier de justice en Finlande.*<br />

D. C. ROWAT, L'institution Scandinave de l'Ombudsman doit-elle être transplantée<br />

?*<br />

C. A. van POELJE, Le Conseil d'État néerlandais, un exemple pour les États<br />

nouveaux.<br />

P. TAMMELIN, La rationalisation dans l'administration suédoise.*<br />

H. BUCH, Gouvernement et administration.<br />

Y. P. DuGGAL, Organisation et fonctionnement des entreprises publiques aux<br />

Pays-Bas (avec une intro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> professeur J. Tinbergen).*<br />

S. M. DANA MONTANO, La nécessité d'un contrôle technique, surtout juridique,<br />

dans le régime démocratique.*<br />

L. M. SHORT, La planification économique gouvernementale dans la République<br />

de Corée.*<br />

* Article rédigé en anglais ou en espagnol, mais suivi d'un résumé détaillé en<br />

français.<br />

Recensions et comptes ren<strong>du</strong>s bibliographiques (89 notices) ; informations et<br />

<strong>nouvelles</strong>, chronique de l'institut.<br />

Abonnement annuel: 400 FB (ou $8.00) Numéro isolé: 125 FB (ou $2.50)<br />

INSTITUT INTERNATIONAL DES SCIENCES ADMINISTRATIVES<br />

25, rue de la Charité, Bruxelles 4 (Belgique)<br />

SOCIAL RESEARCH<br />

Revue trimestrielle internationale fondée en 1934 et publiée par la<br />

GRADUATE FACULTY OF POLITICAL AND SOCIAL SCIENCE<br />

de la New School for Social Research, New York<br />

Contents for Winter 1962 (Volume 29, No. 4)<br />

Cultural nationalism: the idea of historical destiny<br />

in Spanish America (Part I) Cesar Grana<br />

Ethnogenesis and Negro-Americans today. . . L. Singer<br />

Urbanization, ethnic groups, and social segmentation<br />

John S. MacDonald and<br />

Leatrice D. MacDonald<br />

Community-Power studies: A Critique. . . . Sethard Fisher<br />

Power cliques in bureaucratic society (Note). J. Bensman and A. Vidich<br />

Trusts and competition: a note on John Bates<br />

and John Maurice Clark Benjamin J. Klebaner<br />

Book reviews<br />

Revue publiée au printemps, en été, en automne et en hiver.<br />

Abonnement annuel : $7.50; étranger : $8; l'exemplaire : $2.<br />

66 WEST 12TH STREET, NEW YORK 11, N.Y.


ÉCONOMIE<br />

APPLIQUÉE<br />

Tome XIV, n° 2-3 Avril-septembre 1961<br />

F. RUSSO, Intro<strong>du</strong>ction.<br />

J. FOURASTIÉ, Remarques sur l'intro<strong>du</strong>ction de la notion de progrès<br />

technique dans la science économique.<br />

W . G. WAFFENSCHMIDT, Recherche-développement et pro<strong>du</strong>ction.<br />

R. PRÊ, Des interconnexions de la recherche et des processus de développement<br />

dans les pays in<strong>du</strong>strialisés.<br />

F. MACHLUP, L'offre d'inventeurs et d'inventions.<br />

F. MACHLUP, Invention et recherche technique.<br />

P. JACQUEMIN, Élaboration d'un programme de recherches.<br />

B. R. WILLIAMS, Conditions de l'innovation in<strong>du</strong>strielle.<br />

B. R. WILLIAMS, Variations par secteurs de l'effort de recherche-développement<br />

en Grande-Bretagne.<br />

J. SCHMOOKLER, La répartition des inventions dans l'in<strong>du</strong>strie.<br />

Ch. SADRON, Recherche scientifique pure et recherche appliquée à leurs<br />

relations.<br />

F. ROBIN, Recherche officielle et recherche privée.<br />

Général GUÉRIN, Recherche militaire et économie.<br />

L. ESTRANGIN, Stratégie de la propagation de l'information technique<br />

dans les milieux agricoles.<br />

R. L. MEIER, La théorie économique de l'é<strong>du</strong>cation dans les sociétés en voie<br />

de développement.<br />

D. B. HERTZ, La recherche-développement considérée comme facteur de<br />

pro<strong>du</strong>ction.<br />

S. S. SENGUPTA, La stratégie et l'économique de la recherche.<br />

J. GUILLOT, Le développement économique de l'Algérie (Cahier F-15).<br />

G. LEDUC, Y. LE PORTZ, Y. OULID AISSA, G. de BERNIS, M. FILALI,<br />

P. BAUCHET, A. BENKIRANE, M. CAPET, G. d'ARBOUSSIER,<br />

L. REY, LE THANH KHOI, K. SAMPHAN, L'investissement dans les<br />

pays d'outre-mer (Cahier F-16).<br />

J. LACROIX, G. GRANGER, H. LEFEBVRE, R. BOIREL, F. MEYER,<br />

S. LANTIERI, J. POIRIER, K. E. BOULDING, F. PERROUX,<br />

V. MARRAMA, P. LAMBERT, Le Progrès (Cahier M-9).<br />

ÉCONOMIE APPLIQUÉE<br />

ET CAHIERS DE L'iNSTITUT DE SCIENCE ÉCONOMIQUE APPLIQUÉE<br />

Directeur : François PERROUX; Secrétaire général : H. BONJOUR<br />

(ISEA, 35, boulevard des Capucines, Paris-2 e )


Conditions d'abonnement :<br />

UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES<br />

INSTITUT DE SOCIOLOGIE (fondé par Ernest Solvay)<br />

Revue de<br />

l'Institut de sociologie<br />

Rédaction-administration :<br />

Institut de sociologie, parc Leopold, Bruxelles 4.<br />

Revue trimestrielle (Éditions de l'Institut de sociologie) :<br />

400 FB pour la Belgique.<br />

450 FB pour le Congo et l'étranger.<br />

125 FB pour le fascicule.<br />

250 FB pour le numéro double.<br />

Articles de fond : Science politique, économie politique, économie sociale,<br />

sociologie <strong>du</strong> travail, sociologie africaine, psychologie sociale, sociographie, etc.<br />

Chronique <strong>du</strong> mouvement scientifique.<br />

Notes et documents, comptes ren<strong>du</strong>s critiques. Notices bibliographiques.<br />

Acquisitions de la bibliothèque.<br />

Chronique de l'institut.<br />

Informations.<br />

ECONÓMICA<br />

P U B L I S H E D Q U A R T E R L Y<br />

by the London School of Economics and Political Science<br />

Houghton Street, Aldwych, London, W.C.2<br />

FEBRUARY 1963, Volume XXX, No. 117<br />

The Robinsonian Model of Accumulation Ronald Findlay<br />

A Survey of the Theory of Process-Innovations . . . . M. Blaug<br />

Power and Influence in the Federal Reserve System. . . C. R. Whittlesey<br />

Malthus on Emigration and Colonization: Letters to Wilmot-<br />

Horton R. N. Ghosh<br />

Some Effects of Protection in the World Sugar In<strong>du</strong>stry . R. H. Snape<br />

National-Income and Domestic-Income Multipliers and then-<br />

Application to Foreign-Aid Transfers Douglas Dosser<br />

A Note on the Strong Axiom of Revealed Preference . . Denzo Kamiya<br />

Annual subscription 30/- Single copy 10/-


The American<br />

Psychological Association<br />

announces<br />

publication of<br />

Some views<br />

on<br />

Soviet psychology<br />

Raymond A. Bauer, Editor<br />

Well-known American psychologists report on trends in<br />

Russian psychology, conversations with psychologists and visits<br />

to psychological laboratories in the Soviet Union <strong>du</strong>ring the<br />

summer of I960. Contributors, covering a wide range of<br />

interests, are Alexander Mintz, Walter R. Reitman, Urie Bron-<br />

fenbrenner, Otto Klineberg, Henry P. and Tema S. David,<br />

Yvonne Brackbill, Edwin A. Fleishman, Neal E. Miller, Carl<br />

Pfaffmann, Harold Schlosberg, and Gardner and Lois Murphy.<br />

They describe past and present viewpoints and practices in<br />

Soviet psychology.<br />

Order from<br />

American Psychological Association, Inc.<br />

1333 Sixteenth Street, N.W.<br />

Washington 6, D. C.<br />

Price : $3.75


international journal<br />

oí sociometry<br />

& sociatry<br />

A quarterly, edited by J. L. Moreno. It contains reports from all<br />

over the world, with a therapeutic, biological, cultural and political<br />

orientation. Emphasis is upon action and group research. It<br />

focuses particularly on building scientific bridges between East<br />

and West, the USA and USSR, the USA and the Near and the<br />

Far East. It tries to show ways to overcome the fatal dilemma<br />

between capitalism and communism as forms of government<br />

and ways of life.<br />

Subscription rati: $7 per annum in USA ; all others $8 per annum.<br />

Published by: BEACON HOUSE INC., PO BOX 311,<br />

BEACON, N.Y. (USA).<br />

revue tiers monde<br />

problèmes des pays sous-développés<br />

Directeur : François PERROUX<br />

Articles Sommaire <strong>du</strong> tome IV, n° 13 (janvier-mars 1963)<br />

Séance inaugurale de l'IEDES <strong>du</strong> 18 octobre 1962.<br />

Le destin biologique de l'homme, par Jean RQSTAND.<br />

L'avenir biologique de l'homme, par Henri LAUGIEB.<br />

Alexandre NOVICKI <strong>Les</strong> contradictions de la croissance et le sous-développement d'après<br />

l'ouvrage de Paul A. Baran.<br />

Hubert BÉGUIN Aspects structurels <strong>du</strong> commerce extérieur des pays sous-développés.<br />

Bakary KAMIAN <strong>Les</strong> villes dans les nouveaux États d'Afrique occidentale.<br />

F. ROSENFELD L'évaluation économique des projets spécifiques d'investissement.<br />

Documentation<br />

Alain MEDAM Propositions de principe pour l'étude des niveaux de vie dans une<br />

économie de développement.<br />

Jean DELVERT L'économie cambodgienne et son évolution actuelle.<br />

Général NGUYEN CHI THANH Situation de l'agriculture nord-vietnamienne.<br />

Chronique internationale<br />

Sylvain LOUKIÉ Le problème <strong>du</strong> recrutement <strong>du</strong> personnel de la coopération<br />

technique internationale.<br />

Gérard BARTHÉLÉMY Le nouveau franc C.F.A. et la Banque centrale des États de<br />

Bibliographie l'Afrique de l'Ouest.<br />

Pierre AUGER Tendances actuelles de la recherche scientifique.<br />

François PERROUX L'économie des jeunes nations.<br />

Bernard OHGELS Contribution à 1 étude des problèmes agricoles de la Syrie.<br />

Direction, rédaction : Institut d'étude <strong>du</strong> développement économique et social,<br />

58, boulevard Arago, Paris-13 e . GOB. 28-01.<br />

Abonnements et ventes : P.U.F., 1, place Paul-Painlevé, Paris-5 e . ODÉ. 64-10.<br />

Le numéro : 7 F. Abonnement : France et Communauté : 22 F ; étranger : 26 F.


SUMARIO DEL N.° 124 (julio-agOStO I962)<br />

Estudios y notas<br />

Gerard LEIBHOLZ. La soberanía de los Estados y la integración europea.<br />

Carie C. ZIMMERMAN. El auge de la intelligentsia.<br />

Salvador GINER. De la alienación y el pensamiento social.<br />

Elias DÍAZ. Sentido político del yusnaturalismo.<br />

Eusebio Jaime BONEU FARRE. Castelar y la fórmula del progreso.<br />

Tomás MESTRE VIVES. Sociedad y nación en Sales y Ferré.<br />

Fr. W . von RAUCCHAUPT. El derecho divino y el derecho natural en el<br />

derecho vigente.<br />

Mundo hispánico<br />

Félix G. FERNÁNDEZ-SHAW. Evolución del interamericanismo hispánico.<br />

Emilio M A Z A . Castro, la Revolución cubana y la autodeterminación de los<br />

pueblos.<br />

Sección bibliográfica<br />

Notas y réplicas. Recensiones. Noticias de libros. Libros recibidos. Revista<br />

de revistas.<br />

Bibliografía: Sobre la Unión de Africa del Sur.<br />

Noticias e informaciones.<br />

Precios:<br />

Numero suelto : 45 ptas. Subscripción annual .' España : 175 ptas. Portugal, Iberoamérica,<br />

Filipinas : 200 ptas. Otros países : 335 pta9.<br />

INSTITUTO DE ESTUDIOS POLÍTICOS, plaza de la Marina Española, 8-Madrid (España)<br />

THE PAKISTAN<br />

DEVELOPMENT REVIEW<br />

VOLUME II WINTER 1962 NUMBER 4<br />

SPECIAL ISSUE ON ASIAN TRADE<br />

Economic Theory and Regional Economic Integration<br />

of Asia Professor H. Kitamura<br />

Trade Co-operation within the ECAFE Region . . D. T. Lakdawala<br />

Regional Trade Co-operation among Asian Countries . Lim Tay Boh<br />

Effects of In<strong>du</strong>strial Growth on Hong Kong Trade . . Ronald Hsia<br />

Problems of Philippine Foreign Trade . . . . Amado A. Castro<br />

Structure of Japan's Export Trade and its Problems . Shigeru Fujii<br />

Summary of Selected Articles<br />

Selected Bibliography<br />

Published four times a year—Spring, Summer, Autumn and Winter. Subscription: $4 per annum or<br />

equivalent in other currencies; indivi<strong>du</strong>al copies: Si each.<br />

All communications to be addressed to the Editor, The Pakistan Development Review, Old Sind<br />

Assembly Building, Bunder Road, Karachi i, Pakistan.


Announcing the February ig6j issue of<br />

the journal of politics<br />

Liberalism and Democracy in<br />

Thought of Raymond Aron . ROY PIERCE<br />

Mass Parties and National Integration:<br />

the Case of the Ivory<br />

Coast ARISTIDE R. ZOLBERG<br />

The Politics of Catholic Parochial<br />

Schools STANLEY ROTHMAN<br />

The Role of the Lobbyist: the<br />

Case of Oklahoma SAMUEL C. PATTERSON<br />

Politics in Voteless Washington. MARTHA DERTHICK<br />

Elections and Community Power DAVID A. BOOTH and CHARLES R. ADRIAN<br />

The Panama Canal and Political<br />

Partnership MERCER D. TATE<br />

The French Experience of<br />

Exception Powers: 1961 . . . MARTIN HARRISON<br />

Published Quarterly<br />

by the Southern Political Science Association<br />

Peabody Hall, University of Florida<br />

Gainesville, Florida (USA)<br />

Subscription and Membership Fee<br />

$5.00 USA, $5.50 Foreign, $3.00 Student<br />

INTERNATIONAL<br />

ORGANIZATION<br />

Contains in Volume iy. Number 1, Winter 1963<br />

I. Articles<br />

Expenses of the United Nations for Peace-keeping<br />

Operations: the Advisory Opinion of the International<br />

Court of Justice Leo Gross.<br />

The Organization of American States and United<br />

States Policy John C. Dreier.<br />

Some Management Problems of <strong>Unesco</strong> . . . Luther Evans.<br />

French Elite Perspectives on the United Nations . Daniel Lerner and<br />

Marguerite Kramer.<br />

II. Comprehensive Summaries<br />

Recent activities of United Nations organs and of the Specialized<br />

Agencies<br />

Recent activities of major regional and functional organizations<br />

III. Selected Bibliography<br />

Pertinent books and articles in American and foreign periodicals<br />

$6.00 a year WORLD PEACE FOUNDATION Student rate<br />

$2.00 a copy 40 Mt. Vernon Street $4.00 a year<br />

Boston 8, Mass. (USA)


REVISTA MEXICANA<br />

DE SOCIOLOGÍA<br />

Publicada por el Instituto de Investigaciones Sociales<br />

de la Universidad Nacional Autónoma de México<br />

Director: Dr. Lucio Mendieta y Núñez<br />

Se publica un ejemplar cada cuatro meses;<br />

contiene colaboraciones inéditas de los más<br />

prestigiados sociólogos latinoamericanos,<br />

norteamericanos y europeos<br />

Precio del ejemplar suelto: $1.20<br />

Precio de la suscripción anual: $3.00<br />

Instituto de Investigaciones Sociales de la Universidad Nacional<br />

Autónoma de México, Ciudad Universitaria, Edificio de Humanidades,<br />

5. 0 piso, Villa A. Obregón 20, México D.F.<br />

DER STAAT<br />

Zeitschrift für Staatslehre<br />

Öffentliches Recht und Verfassungsgeschichte<br />

Herausgegeben von<br />

Gerhard Oestreich, Werner Weber, Hans J. Wolff<br />

Heft 1/1963<br />

Ernst Nolte Max Weber vor dem Faschismus<br />

Hans Ryffel Der Mensch als politisches Wesen (Gegenwartsaspekte)<br />

Manfred Riedel Der Staatsbegriff der deutschen Geschichtsschreibung<br />

des 19. Jahrhunderts<br />

in seinem Verhältnis zur Klassisch-politischen<br />

philosophie<br />

Heinrich Herrfaardt Parlament und Krone im heutigen Japan<br />

Hermann Schmidt Der Nomosbegriff bei Carl Schmitt<br />

Die Zeitschrift erscheint viermal jährlich. Jedes Heft hat einen Umfang von 128 Seiten.<br />

Bezugspreis halbjährlich D M 32,—.<br />

DUNCKER & HUMBLOT BERL I N - MÜNCHEN


PUBLICATIONS DE L'UNESCO : AGENTS GÉNÉRAUX<br />

AFGHANISTAN : Panuzai, Press Department, Royal<br />

Afghan Ministry of E<strong>du</strong>cation, KABUL.<br />

ALBANIE : N. Sh. Botimeve Nairn Frasheri, TIRANA.<br />

ALLEMAGNE (République fédérale) : R. Oldenbourg<br />

Verlag, <strong>Unesco</strong>-Ver trieb für Deutschland, Rosenheimerstrasse<br />

145, MÜNCHEN 8.<br />

ANTILLES FRANÇAISES : Librairie J. Bocage, rue<br />

Lavoir, B. P. 208, FORT-DE-FRANCE (Martinique).<br />

ANTILLES NÉERLANDAISES : G.C.T. Van Dorp<br />

& Co. (Ned. Ant.) N. V., WILLEMSTAD (Curaçao, N. A.).<br />

ARGENTINE : Editorial Sudamericana, S. A., Alsina<br />

500, BUENOS AIRES.<br />

AUSTRALIE : Melbourne University Press, 369 Lonsdale<br />

Street, MELBOURNE CI (Victoria).<br />

AUTRICHE : Verlag Georg Fromme & Co., Spengergasse<br />

39, WIEN V.<br />

BELGIQUE : Office de publicité, S.A., 16, rue Marcq,<br />

BRUXELLES I. N. V. Standaard Boekhandel, Belgiëlei<br />

151, ANTWERPEN.<br />

Pour « Le Courrier * : Louis de Lannoy, 22, place de<br />

Brouckère, BRUXELLES.<br />

BIRMANIE : Burma Translation Society, 361 Proine<br />

Road, RANGOON.<br />

BOLIVIE : Librería Universitaria, Universidad de San<br />

Francisco Xavier, apartado 212, SUCRE.<br />

BRÉSIL : Fundaçâo Getúlio Vargas, 186 praia de<br />

Botafogo, caixa postal 4081, Rio DE JANEIRO.<br />

BULGARIE : Raznoïznos, 1 Tzar Assen, SOFIA.<br />

CAMBODGE : Librairie Albert Portail, 14, avenue<br />

Boulloche, PHNOM-PENH.<br />

CANADA : L'Imprimeur de la Reine, OTTAWA (Ont.).<br />

CEYLAN : Lake House Bookshop, P.O. Box 244, Lady<br />

Lochore Building, 100 Parsons Road, COLOMBO 2.<br />

CHILI : Editorial Universitaria, S.A., avenida B.<br />

O'Higgins 1058, casilla 10220, SANTIAGO.<br />

Pour %he Courrier* : Comisión Nacional de la <strong>Unesco</strong><br />

en Chile, calle San Antonio 255, 7. 0 piso, SANTIAGO.<br />

CHINE : The World Book Co., Ltd., 99 Chungking<br />

South Road, section 1, TAIPEH, Taiwan (Formosa).<br />

COLOMBIE : Librería Central, carrera 6-A n.° 14-32,<br />

BOGOTÁ. Librería Buchholz Galería, avenida Jiménez<br />

de Quesada 8-40, BOGOTÁ. J. Germán Rodríguez<br />

N., oficina 201, Edificio Banco de Bogotá, apartado<br />

nacional 83, GIRARDOT. Librería Caldas Ltda.,<br />

carrera 22, n.° 26-44, MANIZALES (Caldas).<br />

Pour * Le Courrier*: Pío Alfonso García, carrera 40,<br />

n.° 21-11, CARTAGENA.<br />

CONGO : La Librairie, Institut politique congolais,<br />

B.P. 2307, LÉOPOLDVILLE.<br />

CORÉE : Korean National Commission for <strong>Unesco</strong>,<br />

P.O. Box Central 64, SEOUL.<br />

COSTA RICA : Imprenta y Librería Trejos, S.A.,<br />

apartado 1313, SAN JOSÉ.<br />

Pour * Le Courrier » ; Carlos Valerin Sáenz & Co. Ltda.,<br />

«El Palacio de las Revistas », apartado 1924, SAN JOSÉ.<br />

CUBA : ECODALD, Neptuno 406, entre Manriquez y San<br />

Nicolas, LA HABANA.<br />

DANEMARK : Ejnar Munksgaard, Ltd., Prags Boulevard<br />

47, KOBENHAVN S.<br />

RÉPUBLIQUE DOMINICAINE : Librería Dominicana,<br />

Mercedes 49, apartado de correos 656, SANTO DO­<br />

MINGO.<br />

EQUATEUR : Casa de la Cultura Ecuatoriana, Núcleo<br />

del Guayas, Pedro Moncayo y 9 de Octubre, casilla de<br />

correo 3542, GUAYAQUIL.<br />

ESPAGNE : Librería Científica Medinaceli, Duque de<br />

Medinaceli 4, MADRID 14.<br />

Pour «.Le Courrier*; Ediciones Iberoamericanas, S. A.,<br />

calle de Oñate 15, MADRID.<br />

ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE : <strong>Unesco</strong> Publications<br />

Center, 317 East 34th Street, N E W YORK 16, N.Y.;<br />

el, sauf pour les périodiques: Columbia University<br />

Press, 2960 Broadway, N E W YORK 27, N.Y.<br />

ETHIOPIE : International Press Agency, P.O. Box 120,<br />

ADDIS ABABA.<br />

FINLANDE : Akateeminen Kirjakauppa, 2 Keskuskatu,<br />

HELSINKI.<br />

FRANCE : Librairie de l'<strong>Unesco</strong>, place de Fontenoy,<br />

PARIS-7». CCP 12598-48.<br />

GHANA : Methodist Book Depot Limited, Atlantic<br />

House, Commercial Street, P.O. Box 100, CAPE<br />

COAST.<br />

GRÈCE : Librairie H. Kauflmann, 28, rue <strong>du</strong> Stade.<br />

ATHÈNES.<br />

GUATEMALA : Comisión Nacional de la <strong>Unesco</strong>.<br />

5, B Calle 6-79, zona 1 (Altos), GUATEMALA.<br />

HAITI : Librairie t A la Caravelle », 36, rue Roux, B. P.<br />

ni, PORT-AU-PRINCE.<br />

HONG-KONG : Swindon Book Co., 64 Nathan Road,<br />

KOWLOON.<br />

HONGRIE : Kultura, P.O. Box 149, BUDAPEST 62.<br />

INDE : Orient Longmans Ltd. : 17 Chittaranjan Avenue,<br />

CALCUTTA 13; Nicol Road, Ballard Estate, BOMBAY I;<br />

36A Mount Road, MADRAS 2; Kanson House,<br />

1/24 Asaf Ali Road, N E W DELHI I.<br />

Sous-dépôts: Indian National Commission for cooperation<br />

with <strong>Unesco</strong>, Ministry of E<strong>du</strong>cation,<br />

N E W DELHI 3; Oxford Book & Stationery Co.: 17 Park<br />

Street, CALCUTTA 16 et Scindia House, N E W DELHI.<br />

INDONÉSIE : P. N. Fadjar Bhakti, Djalan Nusantara<br />

22, DJAKARTA.<br />

IRAK : McKenzie's Bookshop, BAGHDAD.<br />

IRAN : Commission nationale iranienne pour l'<strong>Unesco</strong>,<br />

avenue <strong>du</strong> Musée, TÉHÉRAN.<br />

IRLANDE : The National Press, 2 Wellington Road,<br />

Ballsbridge, DUBLIN.<br />

ISRAEL : Blumstein's Bookstores Ltd., 35 Allenby Road<br />

et 48 Nahlat Benjamin Street, TEL AVIV.


ITALIE : Librería Zanichelli, Portici del Pavaglione,<br />

BOLOGNA. Librería Commissîonaria Sansoni (Agente<br />

generale), via Gino Capponi 26, casella postale 552,<br />

FIRENZE. Hnepli, via Ulrico Hoepli, 5, MILANO.<br />

Librería Internationale Rizzolî, Galería Colomia, Largo<br />

Chigi, ROMA. Librería Internazionale Modernissima,<br />

via délia Mercede 43, 45, ROMA. Librairie française,<br />

piazza Castello 9, TORINO.<br />

JAMAÏQUE : Sangster's Book Room, 91 Harbour Street,<br />

KINGSTON. Knox E<strong>du</strong>cational Services, SPALDINGS.<br />

JAPON : Maruzen Co., Ltd., 6, Tori-Nichome, Nihonbashi,<br />

P.O. Box 605, Tokyo Central, TOKYO.<br />

JORDANIE : Joseph I. Bahous & Co., Dar-ul-Kutub,<br />

Salt Road, P.O. Box 66, AMMAN.<br />

KENYA : ESA Bookshop, P.O. Box 30167, NAIROBI.<br />

LIBAN : Librairie Antoine, A. Naufal et Frères, B.P.<br />

656, BEYROUTH.<br />

LIBÉRIA : Cole & Yancy Bookshops, Ltd., P.O. Box<br />

286, MONROVIA.<br />

LUXEMBOURG : Librairie Paul Brück, 22, Grand-<br />

Rue, LUXEMBOURG.<br />

MALAISIE (FÉDÉRATION DE) et SINGAPOUR :<br />

Federal Publications, Ltd., Times House, River Valley<br />

Road, SINGAPORE.<br />

MALTE : Sapienza's Library, 26 Kingsway, VALLETTA.<br />

MAROC : Centre de diffusion documentaire <strong>du</strong> BEPI,<br />

B.P. 211, RABAT.<br />

ILE MAURICE : Nalanda Co., Ltd., 30 Bourbon Street,<br />

PORT-LOUIS.<br />

MEXIQUE : Editorial Hermes, Ignacio Mariscal 41,<br />

MEXICO, D.F.<br />

MONACO : British Library, 30, boulevard des Moulins,<br />

MONTE-CARLO.<br />

NICARAGUA : Librería Cultural Nicaragüense, calle 15<br />

de Septiembre y avenida Bolivar, MANAGUA.<br />

NIGERIA : CMS (Nigeria) Bookshops, P.O. Box 174,<br />

LAGOS.<br />

NORVÈGE : A. S. Bokhjornet, Lille Grensen 7, OSLO.<br />

NOUVELLE-ZÉLANDE : The Government Printing<br />

Office, WELLINGTON. The Government Bookshop,<br />

WELLINGTON, AUCKLAND, CHRISTCHURCH, DUNEDIN.<br />

OUGANDA : Uganda Bookshop, P. O.Box 145, KAMPALA.<br />

PAKISTAN : The West-Pak Publishing Co, Ltd.,<br />

<strong>Unesco</strong> Publications House, P.O. Box 374, 56-N<br />

Gulberg In<strong>du</strong>strial Colony, LAHORE.<br />

PANAMA : Cultural Panameña, avenida 7.* n.° Ti-49,<br />

apartado de correos 2018, PANAMA.<br />

PARAGUAY : Agencia de Librerías de Salvador Nizza,<br />

Yegros, entre 25 de Mayo y Meal. Estigarribia,<br />

ASUNCIÓN,<br />

PAYS-BAS : N. V. Martinus Nijhoff, Lange Voorhout 9,<br />

'S-GRAVENHAGE.<br />

PÉROU : Distribuidora INCA S.A., Ayacucho 154,<br />

casilla 3115, LIMA.<br />

PHILIPPINES : The Modern Book Co., 508 Rizal<br />

Avenue, MANILA.<br />

BONS DE LIVRES UNESCO<br />

POLOGNE : Osrodek Rozpowszechniania Wydawnictw<br />

Naukowych PAN, Palac Kultury i Nauki, WARSZAWA.<br />

l'ORTO RICO : Spanish English Publications, apartado<br />

1912, HATO RKY.<br />

PORTUGAL : Dias & Andrade, Lda., Livraria Portugal,<br />

rua do Carmo 70, LISBOA.<br />

RÉPUBLIQUE ARABE UNIE : La Renaissance<br />

d'Egypte, 9 Sh. Adly Pasha, CAIRO (Egypte).<br />

FÉDÉRATION DE RHODÉSIE ET DU NYASSA-<br />

LAND : The Book Centre, First Street, SALISBURY<br />

(Southern Rhodesia).<br />

ROUMANIE : Cartimex, Str. Aristide Briand 14-18,<br />

P.O. Box 134-135, BUCURESTI.<br />

ROYAUME-UNI : H.M. Stationery Office, P.O. Box<br />

569, LONDON, S.E. I.<br />

SALVADOR : Profesor Federico Cárdenas Ruano,<br />

Librería « La Luz », 6.» avenida Norte n.° 103, SAN<br />

SALVADOR.<br />

SÉNÉGAL : La Maison <strong>du</strong> livre, 13, avenue Roume,<br />

DAKAR.<br />

SINGAPOUR : Voir Malaisie (Fédération de)<br />

SOUDAN : AI Bashir Bookshop, P.O. Box 1118,<br />

KHARTOUM.<br />

RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE : Van Schaik's<br />

Bookstore (Pty.), Ltd., Libri Building, Church Street,<br />

P.O. Box 724, PRETORIA.<br />

SUEDE : A/B C. E. Fritzes Kungl. Hovbokhandel,<br />

Fredsgatan 2, STOCKHOLM 16.<br />

Pour *Le Courrier*: Svenska <strong>Unesco</strong>radet, Vasagatan<br />

15-17, STOCKHOLM C.<br />

SUISSE : Europa Verlag, Rämistrasse 5, ZÜRICH.<br />

Payot, 40, rue <strong>du</strong> Marché, GENÈVE.<br />

TANGANYIKA : Dar es Salaam Bookshop, P.O. Box<br />

9030, DAR ES SALAAM.<br />

TCHÉCOSLOVAQUIE : Artia, Ltd., 30 Ve Smeckách,<br />

PRAHA 2.<br />

THAÏLANDE : Suksapan Panit, Mansion 9, Rajdamnern<br />

Avenue, BANGKOK.<br />

TUNISIE : Société nationale d'édition et de diffusion,<br />

10, rue de Russie, TUNIS.<br />

TURQUIE : Librairie Hachette, 469 Istiklal Caddesi,<br />

Beyoglu, ISTANBUL.<br />

URSS : Mezh<strong>du</strong>narodnaja Kniga, MOSKVA G-200.<br />

URUGUAY : Oficina de Representación de Editoriales,<br />

plaza Cagancha 1342, 1." piso, MONTEVIDEO.<br />

VENEZUELA : Librería Politécnica, calle Villaflor,<br />

local A, al lado General Electric, Sabana Grande,<br />

CARACAS. Librería Cruz del Sur, Centro Comercial del<br />

Este, local n, apartado 10223, Sabana Grande, CARA­<br />

CAS. Braulio Gabriel Chacares, apartado 8260, CARA­<br />

CAS. Librería Fundavac C.A., apartado del Este 5843,<br />

CARACAS. Librería Selecta, Avenida 3, n.° 23-23,<br />

M É RIDA.<br />

VIET-NAM : Librairie-papeterie Xuàn-Thu, 185-193,<br />

rue Tu-Do, B.P. 283, SAIGON.<br />

YOUGOSLAVIE Jugoslovenska Knjiga, Terazije 27,<br />

BEOGRAD.<br />

Utilisez les bons de livres <strong>Unesco</strong> pour acheter des ouvrages et des périodiques de caractère é<strong>du</strong>catif, scientifique<br />

ou culturel. Pour tout renseignement complémentaire, veuillez vous adresser au Service des bons <strong>Unesco</strong>,<br />

place de Fontenoy, Paris-7 e .

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