La guerre des Malouines dans les relations internationales

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Seizième partie - Les conséquences pour les deux belligérants Celle-ci devait être restaurée après les élections. Elle doit pour se consolider, aborder les questions de fond : clarification du problème des « disparus » et jugement des responsables de la répression ; lutte contre la corruption et démantèlement de l'appareil répressif et des services de renseignement militaires (encore intacts) ; restructuration des forces armées ; démocratisation du mouvement syndical et application d'un plan économique d'urgence (pour attaquer les privilèges de l'oligarchie, des « mafias » locales et des entreprises multinationales qui ont prospéré pendant la dictature). La prophétie du Prix Nobel de la paix, Adolfo Pérez Esquivel 5 devrait inopinément s'accomplir : « Les militaires vont rendre le gouvernement par nécessité, parce qu'ils n'en peuvent plus et ont besoin de le donner aux civils pendant deux ou trois ans, pour refaire ensuite un autre coup d'État. C'est ce que, nous autres Argentins, vivons depuis cinquante ans. 6 » Les balbutiements de la démocratie argentine Le 30 octobre 1983, lors des élections présidentielles, 52% des Argentins exprimaient leur confiance à Raúl Alfonsín. Son gouvernement s’installe le 10 décembre 1983. Après sept ans et demi d'humiliation militaire, l'Argentine abordait l'année 1984 dans l'espérance de la démocratie. Le leader de la gauche du Parti radical avait promis de « remettre debout » le pays. Assurant qu’il allait mettre fin à la corruption économique et à la défaite militaire de la guerre des Malouines. L’élection d'Alfonsín a mis fin à la dictature militaire mais aussi à quarante ans d'hégémonie péroniste sur la vie politique argentine. Peu après l'euphorie de la démocratie retrouvée, les Argentins doivent faire face à l'évidence d'une brutale réalité : celle d'une République argentine en banqueroute. Comparée à la situation économique existante avant l'arrivée des militaires au pouvoir, qui n'était pas particulièrement brillante, celle dont a hérité le gouvernement démocratique est bien plus désastreuse encore. Aussi, pour ce nouveau gouvernement, un autre problème de politique intérieure se posait : les militaires restaient toujours bien présents. 5 Il a reçu le Prix Nobel de la paix en octobre 1980 pour son travail de défense des Droits Humains. Lors de la réception de cette distinction, il déclara : « J’accepte ce Prix Nobel au nom des peuples d’Amérique Latine et en particulier au nom des plus pauvres et au nom de tous ceux qui se sont engagés avec leurs peuples...». 6 En octobre 1980, extrait de son discours lors de la remise du Prix Nobel de la paix. 448

Seizième partie - Les conséquences pour les deux belligérants Fort conscient de cette situation, le gouvernement radical a tenté de réduire au minimum les possibilités d'affrontement entre les Forces armées et la population. Cela compte tenu du fait de la répression entre 1976 et 1983. Le président Alfonsín s'est ainsi opposé à la désignation par le Parlement d'une commission d'enquête sur la question des « disparus ». Par contre, il a proposé une loi qui a permis de faire juger par les tribunaux militaires eux-mêmes les membres de l'armée mis en accusation, avec possibilité de comparaître ultérieurement devant une instance civile. Mais le gouvernement ne peut empêcher la colère populaire, la presse révélant l'ampleur des crimes, alors que le processus judiciaire engagé présumait que les accusés allaient attendre encore longtemps avant d’être réellement inquiétés. En juin 1984, ce problème était en passe de devenir l'un des plus déstabilisants pour le gouvernement, coincé entre le malaise de l'armée et la pression de l'opinion publique. Le gouvernement a toutefois pris des mesures pour atténuer le pouvoir militaire. Dans un premier temps, il a placé sous autorité civile les industries militaires, dont notamment le plus gros holding du pays appelé « Fabricaciones militares », ce dernier contrôle tant la fabrication des armes, des bateaux et des avions qu'une partie de la sidérurgie et de la pétrochimie. Dans un deuxième temps, les civils ont également investi les commandes de la Commission nationale à l'énergie atomique et du Service d'Information De l'État (SIDE, le service de renseignements), véritable centre de la conspiration militaire. Sur le plan législatif, le gouvernement a présenté une loi dissuadant les coups d’Etat, en prévoyant des peines très lourdes contre toutes personnes ou groupes qui porteraient atteinte à l'ordre constitutionnel ; elle assimile aussi la torture à un homicide. Enfin, le gouvernement a engagé une rude bataille sur le front syndical. Mais en mars 1984, le président Alfonsín a essuyé son premier échec devant le Parlement, lorsque le Sénat a rejeté par 24 voix contre 22 le projet de loi de réorganisation syndicale. Cet échec est lié aux sénateurs péronistes qui ont surmonté leurs profondes divisions (conséquences de la défaite électorale) afin de s'unir contre le projet gouvernemental, ils craignaient de perdre l'hégémonie imposée depuis quarante ans au mouvement ouvrier par des moyens de moins en moins démocratiques. Alfonsín s'est également engagé devant le Parlement, se rendant bien compte que ce front là aussi était stratégique. En fait, le gouvernement argentin affrontait un seul et unique problème : le redémarrage économique était impossible sans négociation favorable avec le FMI, de même que la 449

Seizième partie - Les conséquences pour <strong>les</strong> deux belligérants<br />

Fort conscient de cette situation, le gouvernement radical a tenté de réduire au minimum <strong>les</strong><br />

possibilités d'affrontement entre <strong>les</strong> Forces armées et la population. Cela compte tenu du fait de<br />

la répression entre 1976 et 1983.<br />

Le président Alfonsín s'est ainsi opposé à la désignation par le Parlement d'une commission<br />

d'enquête sur la question <strong>des</strong> « disparus ».<br />

Par contre, il a proposé une loi qui a permis de faire juger par <strong>les</strong> tribunaux militaires eux-mêmes<br />

<strong>les</strong> membres de l'armée mis en accusation, avec possibilité de comparaître ultérieurement devant<br />

une instance civile.<br />

Mais le gouvernement ne peut empêcher la colère populaire, la presse révélant l'ampleur <strong>des</strong><br />

crimes, alors que le processus judiciaire engagé présumait que <strong>les</strong> accusés allaient attendre<br />

encore longtemps avant d’être réellement inquiétés.<br />

En juin 1984, ce problème était en passe de devenir l'un <strong>des</strong> plus déstabilisants pour le<br />

gouvernement, coincé entre le malaise de l'armée et la pression de l'opinion publique.<br />

Le gouvernement a toutefois pris <strong>des</strong> mesures pour atténuer le pouvoir militaire.<br />

Dans un premier temps, il a placé sous autorité civile <strong>les</strong> industries militaires, dont notamment le<br />

plus gros holding du pays appelé « Fabricaciones militares », ce dernier contrôle tant la<br />

fabrication <strong>des</strong> armes, <strong>des</strong> bateaux et <strong>des</strong> avions qu'une partie de la sidérurgie et de la<br />

pétrochimie.<br />

Dans un deuxième temps, <strong>les</strong> civils ont également investi <strong>les</strong> comman<strong>des</strong> de la Commission<br />

nationale à l'énergie atomique et du Service d'Information De l'État (SIDE, le service de<br />

renseignements), véritable centre de la conspiration militaire.<br />

Sur le plan législatif, le gouvernement a présenté une loi dissuadant <strong>les</strong> coups d’Etat, en<br />

prévoyant <strong>des</strong> peines très lour<strong>des</strong> contre toutes personnes ou groupes qui porteraient atteinte à<br />

l'ordre constitutionnel ; elle assimile aussi la torture à un homicide.<br />

Enfin, le gouvernement a engagé une rude bataille sur le front syndical. Mais en mars 1984, le<br />

président Alfonsín a essuyé son premier échec devant le Parlement, lorsque le Sénat a rejeté par<br />

24 voix contre 22 le projet de loi de réorganisation syndicale. Cet échec est lié aux sénateurs<br />

péronistes qui ont surmonté leurs profon<strong>des</strong> divisions (conséquences de la défaite électorale) afin<br />

de s'unir contre le projet gouvernemental, ils craignaient de perdre l'hégémonie imposée depuis<br />

quarante ans au mouvement ouvrier par <strong>des</strong> moyens de moins en moins démocratiques.<br />

Alfonsín s'est également engagé devant le Parlement, se rendant bien compte que ce front là<br />

aussi était stratégique.<br />

En fait, le gouvernement argentin affrontait un seul et unique problème : le redémarrage<br />

économique était impossible sans négociation favorable avec le FMI, de même que la<br />

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