La guerre des Malouines dans les relations internationales

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06.07.2013 Views

Quatrième partie - Les gouvernements britannique et argentin en 1982 : les raisons intérieures d’une guerre entre les deux états ? convergence des courants d'opposition qui se dessinait. Difficile en effet de s'opposer à la satisfaction d'une revendication territoriale indéniablement légitime, aux yeux de l'histoire comme de la géographie. Difficile également de résister à un sentiment nationaliste d'autant plus puissant qu'il est un besoin profondément ressenti dans une nation encore en formation, majoritairement composée de fils d'immigrants de la première ou deuxième génération. Il entama aussi une politique « plus populiste ». Il tenta d’être plus proche du peuple, en devenant plus sociable, en faisant des « bains de foules » improvisés, il embrassait des bébés, serrer hardiment les mains de vieillards. Il faisait des apparitions informelles, en février 1882, notamment, il invita quelque 13 000 convives à un barbecue. Outre cette politique intérieure populiste qui détonnait avec les années de répression, sa politique extérieure était hardiment plus vigoureuse, notamment pour le canal de Beagle. En 1979, la Junte fut proche d’une guerre avec le Chili pour ce problème territorial. En avril 1981, l’Argentine ferma sa frontière avec le Chili en réponse aux « provocations » chiliennes, c’est une négociation du Vatican qui résolut le problème (soulignons que cela montre l’importance du rôle de l’Eglise pour ces deux dictatures). Un conflit territorial pour assurer une légitimité à la Junte En rapport avec ce conflit territorial, il faut concéder que l’Amérique latine est relativement coutumière des conflits territoriaux, en même temps il faut souligner que les Argentins avaient très à cœur les îles, … de la à prétendre que la Junte a saisi cette opportunité pour s’assurer une légitimité… il n’y a qu’un demi-pas : « La récupération des "Malvinas" est un effet pour l'Argentine, un enjeu énorme, qu'on a du mal à saisir en Europe où l'on n'y voit qu'une revendication tiers-mondiste classique, alors qu'il s'agit de quelque chose de beaucoup plus profond, viscéralement enraciné dans le cœur des Argentins. En Amérique Latine, les conflits territoriaux ont une intensité qu'ils atteignent rarement ailleurs, certains ayant abouti à des guerres très meurtrières (en 1864, le Paraguay dut faire face à la triple alliance, du Brésil, de L'Argentine et de l'Uruguay; au bout de 6 ans de guerre, sa population était tombé d'un million à 200 000 d'habitants). […]Dès lors la tension du coup d'éclat international "truc classique" des gouvernements en difficultés, devient de plus en plus forte: reprendre ces îles, c'est se refaire à 130

Quatrième partie - Les gouvernements britannique et argentin en 1982 : les raisons intérieures d’une guerre entre les deux états ? bon compte une légitimité et assurer ainsi la pérennité du pouvoir des militaires 16 . » Nous pouvons donc souligner que ce projet relevait très certainement de la politique, puisqu’il émanait de la Junte… Les arguments avancés pour la mise en avant de ce projet étaient la personnalité même de Margaret Thatcher ; son aura de fermeté connue des Argentins, était atténuée par le fait que c’était une femme, une femme hésiterait donc à lancer son pays dans la guerre… Mais ce ne fut vraisemblablement pas l’argument qui importa aux yeux de la Junte, mais plutôt des faits un peu plus concrets, notamment le fait que la politique de défense de la Grande-Bretagne avait été réorientée sous l’impulsion de Margaret Thatcher. Les réunions de la Junte mirent donc en évidence que la flotte de surface était sacrifiée au profit des sous-marins stratégiques. De ce fait, le transport de troupes 17 à longue distance était devenu impossible. « La décision de Mme Thatcher de sacrifier la flotte de surface au renouvellement des sous-marins stratégiques impliquant la renonciation définitive à toute intervention outre-mer, le dernier livre blanc sur la défense n'en faisait d'ailleurs pas mystère. La Royal Navy n'avait plus de porte-avions conventionnels capables d'assurer la couverture aérienne de la flotte, plus assez de navires en amphibies et logistiques pour amener une force d'intervention à 14 000 kilomètres de ses bases.[…]L'élément déterminant de la décision argentine est là : la junte a vu qu'elle n'avait pas à redouter une riposte militaire massive ayant pour objectif la reconquête des Malouines. Tous les indices vont dans ce sens : si elle avait eu le moindre doute, elle n'aurait pas commis autant d'erreurs. Elle n'aurait pas fixé le débarquement au 2 avril, laissant aux britanniques le temps d'arriver avant les tempêtes de l'hiver austral. Elle n'aurait pas installé sur l'île une garnison entièrement composée de conscrits. Et probablement elle aurait encore attendu un an, le temps pour elle de compléter son armement (elle n'avait reçu que 5 des 14 Super-Etendard commandés et autant d'exocet; ses missiles antiaériens Roland n'étaient pas encore pleinement opérationnels) et pour son adversaire de perdre ses moyens d'action (le porte-aéronefs 16 Extrait de La question des Malouines (actes du colloque du 2 avril 1987), Union Latine, Paris, 1988, 124 pages. Pages 25 et 26. 17 Raison pour laquelle, par exemple, le paquebot Queen Mary II fut affrété pour le transport de troupes. 131

Quatrième partie - Les gouvernements britannique et argentin en 1982 : <strong>les</strong> raisons<br />

intérieures d’une <strong>guerre</strong> entre <strong>les</strong> deux états ?<br />

convergence <strong>des</strong> courants d'opposition qui se <strong>des</strong>sinait. Difficile en effet de s'opposer à la<br />

satisfaction d'une revendication territoriale indéniablement légitime, aux yeux de l'histoire<br />

comme de la géographie. Difficile également de résister à un sentiment nationaliste d'autant<br />

plus puissant qu'il est un besoin profondément ressenti <strong>dans</strong> une nation encore en formation,<br />

majoritairement composée de fils d'immigrants de la première ou deuxième génération.<br />

Il entama aussi une politique « plus populiste ». Il tenta d’être plus proche du peuple, en<br />

devenant plus sociable, en faisant <strong>des</strong> « bains de fou<strong>les</strong> » improvisés, il embrassait <strong>des</strong> bébés,<br />

serrer hardiment <strong>les</strong> mains de vieillards. Il faisait <strong>des</strong> apparitions informel<strong>les</strong>, en février 1882,<br />

notamment, il invita quelque 13 000 convives à un barbecue.<br />

Outre cette politique intérieure populiste qui détonnait avec <strong>les</strong> années de répression, sa<br />

politique extérieure était hardiment plus vigoureuse, notamment pour le canal de Beagle.<br />

En 1979, la Junte fut proche d’une <strong>guerre</strong> avec le Chili pour ce problème territorial.<br />

En avril 1981, l’Argentine ferma sa frontière avec le Chili en réponse aux « provocations »<br />

chiliennes, c’est une négociation du Vatican qui résolut le problème (soulignons que cela<br />

montre l’importance du rôle de l’Eglise pour ces deux dictatures).<br />

Un conflit territorial pour assurer une légitimité à la Junte<br />

En rapport avec ce conflit territorial, il faut concéder que l’Amérique latine est<br />

relativement coutumière <strong>des</strong> conflits territoriaux, en même temps il faut souligner que <strong>les</strong><br />

Argentins avaient très à cœur <strong>les</strong> î<strong>les</strong>, … de la à prétendre que la Junte a saisi cette<br />

opportunité pour s’assurer une légitimité… il n’y a qu’un demi-pas :<br />

« <strong>La</strong> récupération <strong>des</strong> "Malvinas" est un effet pour l'Argentine, un enjeu<br />

énorme, qu'on a du mal à saisir en Europe où l'on n'y voit qu'une<br />

revendication tiers-mondiste classique, alors qu'il s'agit de quelque chose<br />

de beaucoup plus profond, viscéralement enraciné <strong>dans</strong> le cœur <strong>des</strong><br />

Argentins. En Amérique <strong>La</strong>tine, <strong>les</strong> conflits territoriaux ont une intensité<br />

qu'ils atteignent rarement ailleurs, certains ayant abouti à <strong>des</strong> <strong>guerre</strong>s très<br />

meurtrières (en 1864, le Paraguay dut faire face à la triple alliance, du<br />

Brésil, de L'Argentine et de l'Uruguay; au bout de 6 ans de <strong>guerre</strong>, sa<br />

population était tombé d'un million à 200 000 d'habitants). […]Dès lors la<br />

tension du coup d'éclat international "truc classique" <strong>des</strong> gouvernements en<br />

difficultés, devient de plus en plus forte: reprendre ces î<strong>les</strong>, c'est se refaire à<br />

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