La guerre des Malouines dans les relations internationales

La guerre des Malouines dans les relations internationales La guerre des Malouines dans les relations internationales

theses.paris.sorbonne.fr
from theses.paris.sorbonne.fr More from this publisher
06.07.2013 Views

Quatrième partie - Les gouvernements britannique et argentin en 1982 : les raisons intérieures d’une guerre entre les deux états ? Depuis le coup d'État de 1976, leurs dirigeants - tout comme ceux du petit PC - n'avaient pourtant eu de cesse de négocier avec l'armée les aménagements qui leur auraient permis de retrouver leurs privilèges traditionnels. Ils étaient prêts pour cela à toutes les concessions. C'est ainsi que le leader radical Ricardo Balbin 12 dont le cynisme n’est plus à démontrer, déclara que « les disparus étaient morts » et qu'il fallait donc les oublier. Heureusement, la lutte obstinée des organisations de défense des droits de l'homme et surtout celle des « folles de mai 13 » empêchèrent que les militaires argentins soient absous de la « disparition » de plus de 20 000 opposants qu'ils avaient enlevés, torturés et assassinés clandestinement. De même, l'attribution en octobre 1980 du prix Nobel de la paix au militant des droits de l'homme Adolfo Perez Esquivel fut vivement ressentie par les militaires et concourut à donner un nouveau souffle à la lutte courageuse des « mères de la place de Mai » et des associations de défense des droits de l'homme 14 . Nous constatons qu’en fait, la politique de Galtieri associe une austérité économique à une politique populiste. Il assouplit sa politique dans la seconde partie de son programme, c’est-à- dire qu’il autorise la réapparition des partis politiques. Ces derniers avaient été supprimés en 1976, il y avait le « Partido Justicialista » ou parti péroniste, la « Union Civica Radical » ou le parti radical, le « Partido intransigente », le « Movimiento de integracion y desarrollo (le MID) » ou le Mouvement de l’intégration et du développement, le « Movimiento Cristino Democratico », le « Movimiento Socialista », l’ « Alianza Federalista » ou l’Alliance Fédéraliste ou encore le « Partido Comunista Argentino ». 12 Ricardo Balbin est le symbole même de la corruption intellectuelle de la classe politique argentine, décédé en 1981. 13 Créée le 22 août 1979, l’Association des mères de la place de Mai est née de la réunion spontanée et non partisane, le samedi 30 avril 1977 sur la place de Mai à Buenos Aires, de quatorze Argentines de toutes conditions sociales, s’étant connues au cours de recherches de leurs proches arrêtés après le coup d’État du 24 mars 1976. La marche des Mères coiffées de langes blancs, tous les jeudis à 15 h 30 sur cette place centrale, manifeste la résistance et la mémoire face aux disparitions forcées de personnes commises par le régime militaire (1976-1983). Elles ont été connues et soutenues à l’étranger à partir de l’organisation de la Coupe du monde de football de 1978 en Argentine. La notoriété internationale de ces 14 femmes s’accroît en 1979, lorsqu’elle partent revendiquer leur cause à l’étranger (États-Unis, Italie, Vatican). L’autre élément déterminant a été la visite en Argentine de la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour recueillir des témoignages sur la répression. Ces Mères au péril de leur vie, ont largement, mais indirectement, contribué à la condamnation des hauts responsables militaires en 1985 après le retour de la démocratie. 14 Ce sont les diplomates soviétiques qui devant la commission des droits de l'homme de l'ONU en février 1980, ont pesé de tout leur poids pour empêcher une condamnation de la dictature de Videla (1925- ) sur les questions des violations des droits de l'homme et des « disparus ». 128

Quatrième partie - Les gouvernements britannique et argentin en 1982 : les raisons intérieures d’une guerre entre les deux états ? Ces 8 partis avaient été supprimés par la Junte afin d’éliminer toute opposition. L’agitation se fait aussi sentir du côté des syndicats et de la classe ouvrière argentine, la plus importante du sous-continent. Malgré la répression, la nouvelle génération de militants syndicaux combatifs s'affirme, comme en témoignent les nombreuses grèves qui ont jalonné l'année 1980 et les durs conflits des ouvriers de l'automobile à la mi-1981. Mais le processus de changement voulu par la population s’annonce long. Car, même si en mars 1981, le gouvernement du général Viola qui a pris la succession de Videla, paraissait incapable de faire face aux problèmes du pays, c'est bien l'armée qui reste encore la seule force politique - et économique - organisée. Parallèlement, le général Galtieri tentait de s’assurer ses propres bases, en se garantissant une place au sein du gouvernement et de l’armée, il amorça donc une transition politique en introduisant des règles constitutionnelles. En décembre 1981, il réussit à accomplir son souhait puisqu’il devint le président de la Junte. Dans son désir de popularité auprès du peuple, Galtieri tenta de faire preuve de bonne volonté, il promit de reverser son salaire au « trésor fiscal », cela afin de contraster avec les autres hommes politiques qui s’enrichissaient personnellement 15 . Mais malgré ces mesures, la contestation fut persistante, le gouvernement était secoué par l'opposition des directions syndicales. Profondément corrompues et compromises avec le régime, celles-ci se voyaient contraintes, pour conserver un semblant de légitimité, de tenir compte de la colère de leurs bases face au plan d'austérité de M. Aleman. Et le 30 mars 1982, 30 000 personnes manifestaient encore à Buenos Aires à l'appel de la CGT. Le général Galtieri donnait à la troupe ordre de charger. Le bilan fut de plusieurs morts et blessés et de quelque 2 000 arrestations. Le sentiment nationaliste et la mise en œuvre d’une politique populiste C'est dans ce climat de débâcle politique et économique qu'intervint ce qui pouvait passer pour un coup de génie : le 2 avril 1982, l'armée argentine envahissait et reconquérait les îles Malouines. Même si l'immense majorité des Argentins n'était pas dupe de la manœuvre, celle-ci parvint toutefois pendant quelques mois à désamorcer efficacement la 15 Cela est un fait notoire en Argentine, encore aujourd’hui les hommes politiques sont pour la plupart des hommes d’affaires multimillionnaires, qui ont des salaires faramineux, c’est-à-dire jusqu’à 120 000 euros par mois, alors que le « Smic » est à 80 euros. 129

Quatrième partie - Les gouvernements britannique et argentin en 1982 : <strong>les</strong> raisons<br />

intérieures d’une <strong>guerre</strong> entre <strong>les</strong> deux états ?<br />

Ces 8 partis avaient été supprimés par la Junte afin d’éliminer toute opposition.<br />

L’agitation se fait aussi sentir du côté <strong>des</strong> syndicats et de la classe ouvrière argentine, la plus<br />

importante du sous-continent. Malgré la répression, la nouvelle génération de militants<br />

syndicaux combatifs s'affirme, comme en témoignent <strong>les</strong> nombreuses grèves qui ont jalonné<br />

l'année 1980 et <strong>les</strong> durs conflits <strong>des</strong> ouvriers de l'automobile à la mi-1981.<br />

Mais le processus de changement voulu par la population s’annonce long. Car, même si en<br />

mars 1981, le gouvernement du général Viola qui a pris la succession de Videla, paraissait<br />

incapable de faire face aux problèmes du pays, c'est bien l'armée qui reste encore la seule<br />

force politique - et économique - organisée.<br />

Parallèlement, le général Galtieri tentait de s’assurer ses propres bases, en se garantissant une<br />

place au sein du gouvernement et de l’armée, il amorça donc une transition politique en<br />

introduisant <strong>des</strong> règ<strong>les</strong> constitutionnel<strong>les</strong>.<br />

En décembre 1981, il réussit à accomplir son souhait puisqu’il devint le président de la Junte.<br />

Dans son désir de popularité auprès du peuple, Galtieri tenta de faire preuve de bonne volonté,<br />

il promit de reverser son salaire au « trésor fiscal », cela afin de contraster avec <strong>les</strong> autres<br />

hommes politiques qui s’enrichissaient personnellement 15 .<br />

Mais malgré ces mesures, la contestation fut persistante, le gouvernement était secoué par<br />

l'opposition <strong>des</strong> directions syndica<strong>les</strong>. Profondément corrompues et compromises avec le<br />

régime, cel<strong>les</strong>-ci se voyaient contraintes, pour conserver un semblant de légitimité, de tenir<br />

compte de la colère de leurs bases face au plan d'austérité de M. Aleman. Et le 30 mars 1982,<br />

30 000 personnes manifestaient encore à Buenos Aires à l'appel de la CGT. Le général<br />

Galtieri donnait à la troupe ordre de charger. Le bilan fut de plusieurs morts et b<strong>les</strong>sés et de<br />

quelque 2 000 arrestations.<br />

Le sentiment nationaliste et la mise en œuvre d’une politique populiste<br />

C'est <strong>dans</strong> ce climat de débâcle politique et économique qu'intervint ce qui pouvait<br />

passer pour un coup de génie : le 2 avril 1982, l'armée argentine envahissait et reconquérait<br />

<strong>les</strong> î<strong>les</strong> <strong>Malouines</strong>. Même si l'immense majorité <strong>des</strong> Argentins n'était pas dupe de la<br />

manœuvre, celle-ci parvint toutefois pendant quelques mois à désamorcer efficacement la<br />

15 Cela est un fait notoire en Argentine, encore aujourd’hui <strong>les</strong> hommes politiques sont pour la plupart <strong>des</strong><br />

hommes d’affaires multimillionnaires, qui ont <strong>des</strong> salaires faramineux, c’est-à-dire jusqu’à 120 000 euros par<br />

mois, alors que le « Smic » est à 80 euros.<br />

129

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!