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Version à imprimer - Ordre des comptables agréés du Québec

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Leverage<br />

Levier, effet de levier, effet multiplicateur, achat adossé, etc.<br />

Vol. 2, n° 20 (juin 1988)<br />

Emprunté au vocabulaire de la mécanique, le mot leverage s'est avéré très fécond dans le domaine de la<br />

finance. Il nous apparaît donc utile de faire l'inventaire <strong>des</strong> divers sens de ce terme et <strong>des</strong> expressions<br />

auxquelles il a donné naissance pour situer les notions et faire le point sur les ressources dont le français<br />

dispose pour les décrire, et éventuellement y mettre un peu d'ordre. Notons en passant l'origine de leverage,<br />

dérivé <strong>du</strong> mot anglais lever, lui-même issu directement d'un mot de vieux français qui nous est parvenu sous<br />

les deux formes de lever (verbe) et levier (nom). Notons également que si lever a donné leverage, le mot<br />

levier quant <strong>à</strong> lui est désespérément stérile et ne se prête <strong>à</strong> aucune dérivation.<br />

* * *<br />

«Donnez-moi un point d'appui et avec un levier je soulèverai le monde», disait Archimède. Le levier est en<br />

effet un instrument qui permet d'amplifier la force (si on l'exerce sur le bras le plus long) ou le mouvement<br />

(si on l'exerce sur l'autre bras). C'est l'idée d'amplification transmise par le mot leverage qui lui a permis de<br />

faire fortune dans le domaine financier. On verra aussi que certaines expressions <strong>du</strong> monde <strong>des</strong> affaires<br />

mettent plus particulièrement en évidence la notion de point d'appui.<br />

Operating leverage<br />

Lorsque l'exploitation d'une entreprise comporte surtout <strong>des</strong> frais fixes, il s'ensuit une «amplification de la<br />

réponse <strong>du</strong> bénéfice d'exploitation <strong>à</strong> une variation <strong>du</strong> volume <strong>des</strong> ventes 1 ». Si les ventes sont faibles, la<br />

perte sur chaque unité ven<strong>du</strong>e est importante. Par contre, une fois que le volume <strong>des</strong> ventes permet<br />

d'atteindre le seuil de rentabilité, toute unité ven<strong>du</strong>e supplémentaire contribue au bénéfice de façon<br />

beaucoup plus importante que si les frais de fabrication étaient surtout <strong>des</strong> frais variables. Ce phénomène<br />

constitue un effet de levier (leverage), appelé levier d'exploitation (operating leverage (US) ou gearing<br />

(UK)).<br />

1 Jean-Marie Gagnon et Nabil Khoury, Traité de gestion financière, Chicoutimi, Gaëtan Morin éditeur, 1982, p. 54.<br />

1 de 6


Financial leverage<br />

L'effet de levier financier (financial leverage, capital leverage, gearing) a d'abord été défini comme<br />

«l'effet, sur le bénéfice et le rendement <strong>des</strong> actions, d'un financement par emprunt plutôt que par émission<br />

d'actions ordinaires 2 ». Il y a effet de levier «lorsque le recours <strong>à</strong> l'endettement permet d'augmenter la<br />

rentabilité <strong>des</strong> capitaux propres de l'entreprise 3 ». L'entreprise se sert de la totalité <strong>des</strong> capitaux (ceux qu'elle<br />

a empruntés et les siens propres) pour gagner <strong>des</strong> pro<strong>du</strong>its. Une fois qu'elle a atteint le niveau requis pour<br />

assurer le service de la dette (que l'on suppose <strong>à</strong> taux fixe), tous les pro<strong>du</strong>its supplémentaires reviennent aux<br />

actionnaires. La rentabilité de l'investissement de ces derniers se trouve alors amplifiée puisque le niveau<br />

d'activité est supérieur <strong>à</strong> ce qu'il aurait été avec les seuls capitaux propres. Cette analyse a donné lieu <strong>à</strong> la<br />

naissance <strong>des</strong> expressions «société fortement endettée», «société caractérisée par un fort degré<br />

d'endettement» et «société largement financée par emprunt», pour highly leveraged company.<br />

Les choses se sont toutefois compliquées avec l'émergence de titres de propriété <strong>à</strong> rémunération fixe et de<br />

titres d'emprunt dont la rémunération est liée aux bénéfices. Il est de moins en moins possible aujourd'hui de<br />

décrire l'effet de levier financier en termes de rapport entre les capitaux empruntés et les capitaux propres,<br />

et l'on doit se rabattre sur <strong>des</strong> définitions plus générales, telle la suivante :<br />

«Financial leverage occurs when the firm employs funds obtained at fixed or contractual rates that<br />

do not vary with the rate of return obtained by the use of the firm's assets 4 .»<br />

Malheureusement, la présence de titres de nature hybride dans la structure <strong>du</strong> capital d'une entreprise rend<br />

techniquement inexactes les expressions fondées sur le mot endettement mentionnées précédemment. Nous<br />

proposons donc d'utiliser l'expression SOCIÉTÉ À FORT LEVIER FINANCIER qui ne présente pas cet<br />

inconvénient et convient donc pour toutes les highly leveraged companies. De même, SOCIÉTÉ À LEVIER<br />

FINANCIER conviendra <strong>à</strong> toutes les leveraged companies 5 … ou presque.<br />

Leveraged investment company<br />

Ou presque, disions-nous, car il y a une exception, ou plutôt une demi-exception dans le cas de la leveraged<br />

investment company. Downes et Goodman définissent ainsi les deux sens de cette expression :<br />

«1. open-end investment company, or mutual fund, that is permitted by its charter to borrow capital<br />

from a bank or other lender.»<br />

«2. <strong>du</strong>al-purpose investment company, which issues both income and capital shares. Holders of<br />

income shares receive dividends and interest on investments, whereas holders of capital shares<br />

receive all capital gains on investments. In effect each class of shareholder leverages the other 6 .»<br />

2<br />

Fernand Sylvain et coll., Dictionnaire de la comptabilité et <strong>des</strong> disciplines connexes, Toronto, L’Institut Canadien <strong>des</strong> Comptables<br />

Agréés, 1982, p. 291, sous l'entrée leverage 1.<br />

3 e<br />

Pierre Conso, et coll., Dictionnaire de gestion financière, 3 éd., Paris, Dunod, 1986, p. 262.<br />

4 e<br />

James E. Wert et Charles L. Prather, Financing Business Firms, 5 éd., Homewood (Illinois), Richard D. Irwin, Inc., 1975, p. 57.<br />

5<br />

À noter que dans la langue courante l'expression leveraged company est souvent utilisée comme synonyme de highly leveraged<br />

company.<br />

6<br />

John Downes et Jordan Elliot Goodman, Barron's Finance and Investment Handbook, New York, Barron's, 1986, p. 325.<br />

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La leveraged investment company de la première partie de la définition est tout simplement une société<br />

d'investissement <strong>à</strong> capital variable (SICAV) 7 qui a le droit de s'endetter. On pourra donc la décrire, en<br />

termes généraux, comme une SICAV <strong>à</strong> levier financier et, si elle a utilisé abondamment ce droit, comme<br />

une SICAV <strong>à</strong> fort levier financier (highly leveraged investment company).<br />

Le deuxième type de leveraged investment company présente toutefois un cas particulier de l'application <strong>du</strong><br />

concept de levier. Les porteurs <strong>des</strong> actions donnant droit aux bénéfices (income shares) profitent <strong>des</strong><br />

dividen<strong>des</strong> provenant tant de leur propre investissement que de celui <strong>des</strong> actionnaires de l'autre catégorie.<br />

Ces derniers, qui détiennent les actions donnant droit aux plus-values (capital shares), profitent <strong>des</strong><br />

plus-values provenant de l'ensemble <strong>des</strong> placements. On pourrait décrire ce type de société comme une<br />

société de placement avec répartition <strong>des</strong> gains par nature.<br />

* * *<br />

On retrouve l'idée de l'utilisation de l'argent <strong>des</strong> autres pour amplifier le poids <strong>du</strong> capital que l'on possède<br />

(idée inhérente au concept de levier financier) dans les expressions leveraged lease et leveraged buyout.<br />

Mais, l<strong>à</strong>, le point d'appui devient important puisque ces deux expressions décrivent <strong>des</strong> situations où l'on se<br />

procure <strong>des</strong> biens en s'appuyant sur la valeur de ces biens eux-mêmes.<br />

Leveraged lease<br />

Le leveraged lease est un type particulier de contrat de location-financement ou de location-vente qui fait<br />

intervenir les parties habituelles, <strong>à</strong> savoir le vendeur, le bailleur et le preneur, plus un prêteur. Le bailleur<br />

acquiert un bien, principalement grâce <strong>à</strong> l'argent emprunté au prêteur, et loue ce bien au preneur. L'emprunt<br />

est garanti <strong>à</strong> la fois par le bien loué et par les loyers futurs. Le preneur paie donc un loyer au bailleur qui,<br />

lui, en reverse immédiatement la majeure partie au prêteur. Cet arrangement permet au bailleur de jouir de<br />

certains avantages fiscaux en tant que propriétaire <strong>du</strong> bien loué.<br />

Sylvain propose de rendre leveraged lease par «financement spéculatif d'un bien loué» en faisant valoir que<br />

«le financement est spéculatif en ce sens que le bailleur emprunte généralement une très forte proportion<br />

<strong>des</strong> fonds dont il a besoin pour acquérir un bien qu'il louera subséquemment 8 ». Certains reprochent <strong>à</strong> cet<br />

équivalent d'insister outre mesure sur l'aspect spéculatif de l'opération. L'expression «bail portant sur un<br />

bien financé par emprunt» pourrait dépanner, mais elle est bien longue et manque de force expressive. Le<br />

Comité préfère donc explorer la possibilité d'étendre l'utilisation de l'expression «crédit-bail adossé» qui<br />

connaît déj<strong>à</strong> un certain usage en Europe. Cette expression s'utilise actuellement dans le cas «où une<br />

entreprise vend <strong>du</strong> matériel qu'elle fabrique <strong>à</strong> une société de crédit-bail qui le laisse <strong>à</strong> sa disposition par un<br />

contrat de crédit-bail. L'entreprise pro<strong>du</strong>ctrice devenue locataire de ses propres pro<strong>du</strong>ctions sous-loue<br />

ensuite le matériel <strong>à</strong> ses clients utilisateurs 9 .»<br />

7 Encore appelée «(société de) fonds mutuel» dans certains textes canadiens.<br />

8 Fernand Sylvain, op. cit., p. 291.<br />

9 Georges Deplanes, Gestion financière de l'entreprise, 8 e éd., Paris, Éditions Sirey, 1983, p. 424.<br />

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Si l'on compare ce crédit-bail adossé avec le leveraged lease décrit ci-<strong>des</strong>sus, on constate que la seule<br />

différence est que dans un cas le bailleur achète le bien qu'il donne en location et, dans l'autre, il se le<br />

procure en ayant recours au crédit-bail. Du point de vue de la substance économique, <strong>à</strong> laquelle les<br />

principes <strong>comptables</strong> nous font donner la primauté, les situations sont identiques. Par ailleurs, l'expression<br />

«crédit-bail adossé» est courte, maniable et assez parlante puisque le mot «adossé» y rend bien l'idée de<br />

point d'appui. Nous proposons donc CRÉDIT-BAIL ADOSSÉ pour leverage leasing et BAIL ADOSSÉ ou<br />

CONTRAT DE LOCATION ADOSSÉE pour leveraged lease.<br />

Leveraged buyout<br />

Le leveraged buyout 10 est défini de la façon suivante par Downes et Goodman :<br />

«Takeover of a company, using borrowed funds. Most often, the target company's assets serve as<br />

security for the loans taken out by the acquiring firm, which repays the loans out of cash flow of the<br />

acquired company. Management may use this technique to retain control by converting a company<br />

from public to private 11 .»<br />

Dans un leveraged buyout, l'acquisition de l'entreprise se fait donc grâce <strong>à</strong> <strong>des</strong> emprunts que l'acheteur<br />

obtient en se servant de la capacité d'emprunter de l'entreprise qu'il acquiert. Précisons que, bien souvent, le<br />

prêteur est rémunéré non seulement par le versement d'intérêts, mais aussi par l'octroi d'une participation<br />

dans l'entreprise acquise. Lorsque l'opération se fait contre le gré de cette dernière, l'effet de levier utilisé<br />

par les acheteurs fait penser <strong>à</strong> celui que l'on utilise pour ouvrir une huître... avant de la gober.<br />

Le Glossaire de la Banque mondiale 12 propose, pour leveraged buyout, «prise de contrôle par recours <strong>à</strong><br />

l'emprunt». Lorsque les acheteurs sont les cadres de l'entreprise (leveraged management buyout), on<br />

pourrait proposer dans la même veine «rachat de l'entreprise par les cadres avec financement par emprunt».<br />

Mais, on le constate, ces expressions françaises sont incomplètes. Par ailleurs, si l'on essaie de remédier <strong>à</strong> ce<br />

défaut en ajoutant les éléments manquants, on aboutit <strong>à</strong> <strong>des</strong> définitions plutôt qu'<strong>à</strong> <strong>des</strong> expressions<br />

maniables. Il est donc tentant d'innover en s'inspirant de l'expression étudiée précédemment. Le Comité<br />

propose donc les néologismes ACHAT ADOSSÉ ou PRISE DE CONTROLE ADOSSÉE pour leveraged<br />

buyout et RACHAT ADOSSÉ pour management buyout. A noter que cette dernière expression pourra<br />

convenir pour un rachat par d'autres personnes que les cadres, notamment le R.E.S. (rachat de l'entreprise<br />

par les salariés) que prévoit la législation française.<br />

* * *<br />

10 Aussi orthographié leverage buyout et leveraged buy out.<br />

11 Supra, note 6, p. 325.<br />

12 Banque internationale pour la reconstitution et le développement/Banque mondiale, The World Bank Glossary / Glossaire de la<br />

Banque mondiale, vol. 1, Washington (D.C.), The World Bank, 1986, p. 128.<br />

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Une autre série d'utilisations <strong>du</strong> mot leverage insiste surtout sur le fait que, dans certaines circonstances, un<br />

petit capital permet d'avoir barre sur un capital plus grand :<br />

«In finance, the term leverage is applied to the control of a large amount of money by a small<br />

amount of money. For example a warrant or long call controls a large amount of money with a<br />

small amount 13 .»<br />

Le Glossaire de la Banque mondiale 14 propose de rendre cette notion de leverage par la locution «exercer<br />

une influence». On notera que ce concept et celui <strong>du</strong> levier financier se rejoignent dans l'expression<br />

leveraged stock utilisée pour désigner <strong>des</strong> actions achetées <strong>à</strong> crédit, habituellement sur marge. On y<br />

retrouve en effet <strong>à</strong> la fois les notions d'influence et d'endettement. Et il s'agit bien <strong>du</strong> cas type où l'effet de<br />

levier peut permettre de s'enrichir rapidement, mais où, en contrepartie, les retours de manivelle peuvent<br />

être particulièrement douloureux.<br />

* * *<br />

Mentionnons pour terminer l'utilisation <strong>du</strong> mot leverage dans le domaine de l'analyse économique. Selon<br />

Kohler 15 , on appelle en effet leverage la réaction en chaîne qu'une dépense ou un investissement pro<strong>du</strong>it<br />

dans l'économie et qui se répercute dans le pro<strong>du</strong>it national brut. Cet effet multiplicateur, plus souvent<br />

appelé en anglais multiplier effect, est souvent exprimé par un multiple <strong>du</strong> montant initial.<br />

13<br />

Allan H. Pessin et Joseph A. Ross, More Words of Wall Street: 2,000 Investment Terms Defined, Homewood (Illinois),<br />

Dow Jones-Erwin, 1986, p. 154.<br />

14<br />

Supra, note 12, p. 128.<br />

15 e<br />

Eric L. Kohler, A Dictionary for Accountants, 5 éd., Englewood Cliffs (N.J.), Prentice-Hall Inc., 1975, p. 291.<br />

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LEXIQUE<br />

capital leverage syn. de financial leverage<br />

capital shares actions donnant droit aux plus-values<br />

(voir leveraged investment company 2)<br />

financial leverage levier financier<br />

gearing (UK) syn. de financial leverage et operating leverage<br />

highly leveraged company société <strong>à</strong> fort levier financier<br />

société fortement endettée ∗<br />

société caractérisée par un fort degré d'endettement *<br />

highly leveraged investment company SICAV <strong>à</strong> fort levier financier<br />

income shares actions donnant droit aux bénéfices<br />

(voir leveraged investment company 2)<br />

leverage 1 effet de levier<br />

leverage 2 influence (exercée sur un grand capital au moyen d'un petit capital)<br />

leverage 3 (écon.) effet multiplicateur<br />

leverage buyout syn. de leveraged buyout<br />

leveraged buyout (ou buy out) achat adossé (néol. )<br />

prise de contrôle adossée (néol.)<br />

leveraged company 1 société <strong>à</strong> levier financier<br />

leveraged company 2 syn. de highly leveraged company<br />

leveraged investment company 1 SICAV <strong>à</strong> levier financier<br />

leveraged investment company 2 société de placement avec répartition <strong>des</strong> gains par nature<br />

leveraged lease bail adossé (néol.)<br />

leveraged leasing crédit-bail adossé<br />

contrat de location adossée (néol.)<br />

leveraged management buyout rachat adossé (néol. )<br />

leveraged stock actions achetées <strong>à</strong> crédit<br />

operating leverage levier d'exploitation<br />

∗ Uniquement dans le cas où les titres d'emprunt et de propriété sont de nature traditionnelle.<br />

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