L'album, emblème de l'évolution du livre pour enfants - BnF
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L’album, <strong>emblème</strong> <strong>de</strong> l’évolution <strong>du</strong> <strong>livre</strong> <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong><br />
Jeux <strong>de</strong> l’image et <strong>du</strong> texte<br />
Dans l’histoire <strong>du</strong> <strong>livre</strong> <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong>, la place <strong>de</strong> l’image est prépondérante. Chaque<br />
renouvellement passe par elle… quand elle n’en est pas à l’origine. On l’observe facilement<br />
en prenant <strong>pour</strong> exemple ce qui se passe avec l’album, qui se différencie <strong>du</strong> <strong>livre</strong> illustré<br />
par l’utilisation qui est faite <strong>de</strong> l’image. Dans le <strong>livre</strong>, l’image illustre une scène <strong>du</strong> récit<br />
dans un espace limité à la page, tandis qu’elle se libère dans l’album, envahissant le texte<br />
et le concurrençant dans ses fonctions narratives et didactiques. Elle ne se contente plus<br />
d’illustrer, elle complète, précise, explique, ou apporte un contrepoint. L’écrit lui-même<br />
<strong>de</strong>vient image quand l’art graphique joue avec la typographie. Le support éclate dans<br />
<strong>de</strong>s formats variés, carrés, oblongs ou démultipliés par <strong>de</strong>s pages en accordéon. Cependant,<br />
la frontière est mince entre le <strong>livre</strong> d’images et l’album et, selon les époques, les éditeurs<br />
eux-mêmes entretiennent l’ambiguïté.<br />
Aujourd’hui, et <strong>de</strong> façon grandissante <strong>de</strong>puis<br />
la fin <strong>de</strong>s années 1960, l’album <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong><br />
est <strong>de</strong>venu un champ <strong>de</strong> création littéraire<br />
et artistique d’une extraordinaire richesse<br />
où auteurs, <strong>de</strong>ssinateurs, peintres,<br />
graphistes exercent leurs talents,<br />
réinventant sans cesse les associations<br />
<strong>de</strong> l’image et <strong>du</strong> texte.<br />
Maurice Sendak<br />
Max et les maximonstres<br />
Delpire, 1967<br />
BNF, Littérature et Art, 4-Y2-<br />
8826 (7)<br />
© Delpire Éditeur<br />
André Hellé<br />
Le Petit Elfe Ferme-l’œil<br />
A. Tolmer, 1924, D. R.<br />
BNF, Estampes et Photographie, TB-492-4<br />
Livre-objet, ce coffret contient le <strong>livre</strong>t écrit d’après un conte d’An<strong>de</strong>rsen,<br />
décoré par Hellé, et la partition musicale <strong>de</strong> Florent Schmitt. L’histoire<br />
raconte en dix tableaux les rêves <strong>du</strong> petit Hialmar qui découvre – grâce au<br />
petit elfe qui l’a endormi – un mon<strong>de</strong> merveilleux où les animaux parlent, où<br />
les jouets et les lettres s’animent, et où sa puissance est gran<strong>de</strong> : il peut<br />
rapetisser <strong>pour</strong> aller aux noces <strong>de</strong>s souris, se promener à travers un<br />
tableau, sauver une princesse…
Histoire <strong>de</strong> l’album en quelques dates<br />
Pour réaliser un survol historique <strong>de</strong> l’album, on<br />
<strong>pour</strong>rait pointer quelques créations qui seraient<br />
comme <strong>de</strong>s bornes indiquant les tournants sur<br />
le chemin <strong>de</strong> son évolution, en partant <strong>de</strong>s<br />
années 1820, où le terme apparaît et désigne un<br />
recueil <strong>de</strong> gravures ou <strong>de</strong> lithographies. Il s’agit<br />
à cette époque <strong>de</strong> « porte-feuilles » reliés,<br />
composés <strong>de</strong> repro<strong>du</strong>ctions <strong>de</strong> portraits ou<br />
caricatures, <strong>de</strong> paysages, monuments ou<br />
œuvres d’art… <strong>livre</strong>s-ca<strong>de</strong>aux à regar<strong>de</strong>r en<br />
famille. Ceux <strong>de</strong>stinés aux étrennes <strong>de</strong>s <strong>enfants</strong><br />
privilégiés reprennent les classiques<br />
(La Fontaine en estampes, Contes <strong>de</strong> fées<br />
en estampes…), ou abor<strong>de</strong>nt en images <strong>de</strong>s<br />
histoires à visée instructive et é<strong>du</strong>cative<br />
(vie <strong>de</strong>s hommes illustres, histoire naturelle,<br />
métiers, etc.). Chaque gravure est suivie<br />
d’un commentaire didactique ou édifiant.<br />
Années 1860 : <strong>de</strong>s frontières encore floues<br />
Dans les années 1860, l’apparition <strong>de</strong>s<br />
collections dans l’édition jeunesse dynamise la<br />
pro<strong>du</strong>ction. Hachette lance les « Albums Trim »<br />
avec Pierre l’ébouriffé, joyeuses histoires et<br />
images drolatiques, adapté par Louis Ratisbonne<br />
(Trim) <strong>du</strong> Struwwelpeter que Heinrich Hoffmann,<br />
un psychiatre allemand, avait écrit <strong>pour</strong> son fils.<br />
En 1862, c’est au tour d’Hetzel d’inaugurer<br />
la collection dont il sera le principal auteur,<br />
les « Albums Stahl », avec La journée <strong>de</strong> Mlle Lili,<br />
illustrée par Lorenz Frœlich (1820-1908) qui en<br />
sera le <strong>de</strong>ssinateur ve<strong>de</strong>tte. Cette collection<br />
vise un public enfantin élargi aux petits <strong>de</strong><br />
3à6ans. Le format oblong <strong>de</strong>s albums<br />
<strong>de</strong> l’époque romantique est remplacé par<br />
un format vertical, la couleur apparaît,<br />
le cartonnage s’anime. L’image n’est<br />
plus isolée, mais s’associe au texte<br />
<strong>pour</strong> raconter une histoire.<br />
Quand les peintres<br />
s’en mêlent<br />
À partir <strong>de</strong>s années 1880, les<br />
formes <strong>de</strong> l’album se diversifient<br />
et <strong>de</strong>s peintres connus apportent<br />
un souffle nouveau. Ainsi Maurice<br />
Vieilles chansons et ron<strong>de</strong>s <strong>pour</strong> les petits <strong>enfants</strong>,<br />
notées avec <strong>de</strong>s accompagnements faciles<br />
Illustrations <strong>de</strong> Louis-Maurice Boutet <strong>de</strong> Monvel<br />
Librairie Plon-Nourrit, [1883]<br />
BNF, Estampes et Photographie, KA-378-4<br />
Boutet <strong>de</strong> Monvel (1851-1913) met en images<br />
les Vieilles chansons et ron<strong>de</strong>s <strong>pour</strong> les petits<br />
<strong>enfants</strong>, chez Plon, en insérant les pavés <strong>de</strong><br />
texte dans ses tableaux. Influencé par les<br />
Symbolistes, son trait simplifié et ses aplats <strong>de</strong><br />
couleurs douces offrent une vision réaliste <strong>de</strong><br />
l’enfant dans son quotidien et en même temps<br />
idéalisent l’univers enfantin. Ce type d’ouvrages<br />
artistiques, souvent <strong>de</strong> grand format, paraît dans<br />
<strong>de</strong>s éditions <strong>de</strong> luxe, <strong>de</strong> même que les albums<br />
historiques <strong>pour</strong> les plus âgés, illustrés <strong>de</strong><br />
gran<strong>de</strong>s planches, dont la série la<br />
plus célèbre est celle réalisée<br />
par Georges Montorgueil avec<br />
<strong>de</strong>s aquarelles <strong>de</strong> Job consacrée<br />
aux gloires nationales.<br />
En 1911, les Drôles <strong>de</strong> bêtes d’André Hellé<br />
(1871-1949), chez Tolmer, signent<br />
l’investissement <strong>de</strong> l’album par la création<br />
artistique : Hellé est en effet l’auteur <strong>du</strong><br />
texte, <strong>de</strong> sa graphie, <strong>de</strong>s images et <strong>de</strong> la mise<br />
en pages. Il innove encore avec La Boîte à<br />
joujoux (1913), ballet <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong> dont il écrit<br />
l’argument et conçoit le décor, les costumes<br />
et la mise en scène, et qui sera mis en musique<br />
par Debussy. Il réitère cette expérience avec<br />
Le Petit Elfe Ferme-l’œil, ballet d’après le conte<br />
Edy-Legrand, Macao et Cosmage<br />
ou l’expérience <strong>du</strong> bonheur<br />
NRF [1919]<br />
BNF, Réserve <strong>de</strong>s <strong>livre</strong>s rares,<br />
Rés. FOL NFR 103<br />
Edy-Legrand © Adagp, Paris, 2008<br />
d’An<strong>de</strong>rsen sur une musique <strong>de</strong> F. Schmitt, que<br />
Tolmer publiera sous la forme d’un <strong>livre</strong>-objet,<br />
faisant ainsi entrer le spectacle dans l’univers<br />
<strong>du</strong> <strong>livre</strong> <strong>de</strong> jeunesse.<br />
L’influence <strong>de</strong>s courants artistiques<br />
Au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> 14-18, la<br />
pro<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> masse qui va envahir le marché<br />
<strong>du</strong> <strong>livre</strong>, entraînant sa standardisation,<br />
n’empêchera pas les créations originales <strong>de</strong><br />
trouver leur place ni les courants novateurs<br />
d’influencer l’édition. La première publication<br />
<strong>pour</strong> la jeunesse <strong>de</strong> la NRF (1919) est un coup<br />
<strong>de</strong> maître : Macao et Cosmage ou l’expérience<br />
<strong>du</strong> bonheur, d’Edy-Legrand (1892-1970),<br />
renouvelle totalement l’album, tant par son sujet<br />
que par sa conception graphique et son grand<br />
format carré. Le sujet : les méfaits <strong>de</strong> la<br />
civilisation in<strong>du</strong>strielle apportée sans<br />
ménagement par la colonisation dans une île<br />
vierge <strong>de</strong> toute technologie. La réalisation<br />
graphique : l’image envahit la page, voire la
Benjamin Rabier, Gédéon<br />
Garnier frères, 1923<br />
BNF, Estampes et Photographie, Rés. KA-418-4<br />
Benjamin Rabier © Adagp, Paris, 2008<br />
double-page, la place <strong>du</strong> texte en majuscules<br />
manuscrites étant ré<strong>du</strong>ite à <strong>de</strong>s petits cadres,<br />
le <strong>de</strong>ssin expressionniste d’influence japonaise<br />
est rehaussé à la main <strong>de</strong> couleurs intenses<br />
dans un style Art déco. Une conclusion<br />
pru<strong>de</strong>nte et ambiguë modère cependant le<br />
propos contestataire <strong>de</strong> l’image, laissant<br />
entendre que l’in<strong>du</strong>strialisation a <strong>du</strong> bon (ou est<br />
inévitable ?). C’est encore Tolmer qui publie en<br />
1920 un ouvrage original <strong>pour</strong> les tout-petits<br />
avec <strong>de</strong>s personnages détachables, La Croisière<br />
blanche, dont les <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> Jack Roberts,<br />
colorés au pochoir, évoquent le rythme <strong>du</strong> jazz<br />
et rappellent l’affiche créée en 1925 par<br />
Paul Colin <strong>pour</strong> la Revue Nègre.<br />
Benjamin Rabier (1864-1939), dont le coup <strong>de</strong><br />
crayon rapi<strong>de</strong> et malicieux mo<strong>de</strong>rnise l’image<br />
dans l’album <strong>de</strong> jeunesse <strong>de</strong>puis le début <strong>du</strong><br />
siècle, verse son expérience <strong>de</strong>s films animés<br />
dans <strong>de</strong> nouvelles créations qui traverseront<br />
les époques, comme le canard Gédéon (né en<br />
1923) : il décompose les mouvements <strong>de</strong><br />
ses animaux en plusieurs <strong>de</strong>ssins, aboutissant<br />
à <strong>de</strong>s techniques narratives proches <strong>de</strong> la<br />
ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée. Les animaux <strong>de</strong>s Fables <strong>de</strong><br />
La Fontaine rafraîchies par le pinceau <strong>de</strong> Félix<br />
Lorioux (1872-1964) sont d’un<br />
anthropomorphisme beaucoup plus radical.<br />
Ce coloriste exceptionnel ajoute à l’illustration<br />
une dimension fantastique, tempérée par une<br />
fantaisie pleine d’humour. En 1926, il donne une<br />
interprétation joyeuse <strong>de</strong>s Contes <strong>de</strong> Perrault.<br />
Un nouveau dialogue texte-image<br />
Un tournant décisif dans l’histoire <strong>de</strong> l’album<br />
s’amorce en 1930. La NRF publie le premier<br />
ouvrage d’une artiste d’origine russe, Nathalie<br />
Parain (1897-1958), proche <strong>de</strong>s milieux avantgardistes.<br />
Édition <strong>de</strong> luxe, Mon chat est ven<strong>du</strong><br />
relié ou en planches pouvant être accrochées<br />
dans la chambre <strong>de</strong> l’enfant. Le texte d’André<br />
Beucler, en gros caractères manuscrits, n’est<br />
plus qu’un commentaire <strong>de</strong> l’image dont la<br />
puissance narrative monopolise à elle seule<br />
l’attention. Les <strong>de</strong>ssins flottent dans un espace<br />
sans perspective, transgressant toutes les<br />
règles <strong>de</strong> mise en page. L’année suivante voit<br />
l’apparition <strong>de</strong> l’Histoire <strong>de</strong> Babar le petit<br />
éléphant, publiée par les éditions <strong>du</strong> Jardin <strong>de</strong>s<br />
Mo<strong>de</strong>s, œuvre d’artiste conçue entièrement<br />
(graphisme, texte manuscrit, image, mise en<br />
page) par le peintre-décorateur Jean <strong>de</strong> Brunhoff<br />
(1899-1937) d’après <strong>de</strong>s histoires que son<br />
épouse racontait à ses fils. Comme N. Parain,<br />
il investit complètement l’espace <strong>de</strong> la page<br />
ou <strong>de</strong> la double-page, supprimant les marges, et<br />
mêlant texte et image. La simplicité <strong>du</strong> <strong>de</strong>ssin<br />
<strong>de</strong>s personnages, l’utilisation <strong>de</strong> couleurs<br />
éclatantes, la précision dans les détails <strong>du</strong><br />
décor, la mise en page transforment<br />
le paysage graphique <strong>de</strong> l’album.<br />
Poursuivis et enrichis par Laurent<br />
<strong>de</strong> Brunhoff, les Albums Babar,<br />
édités par Hachette à partir <strong>de</strong><br />
1937, remporteront auprès <strong>de</strong>s<br />
<strong>enfants</strong> un succès international<br />
qui ne se démentira pas au fil <strong>de</strong>s<br />
années.<br />
Avec les albums <strong>du</strong> Père Castor, créés<br />
par Paul Faucher chez Flammarion, c’est la<br />
conception même <strong>de</strong> l’album qui est remise en<br />
question. Paul Faucher redéfinit la fonction <strong>du</strong><br />
<strong>livre</strong> en lui donnant une valeur affective propre<br />
à stimuler la créativité <strong>de</strong> l’enfant (voir encadré).<br />
La position <strong>du</strong> Père Castor reste longtemps<br />
prédominante par la qualité <strong>de</strong> ses albums,<br />
comparée à la pro<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> masse d’aprèsguerre<br />
(Petits Livres d’or, Albums Roses<br />
d’Hachette, etc.).<br />
Toujours plus d’images et plus d’audace<br />
À la fin <strong>de</strong>s années 1950, c’est d’Amérique<br />
que vient le souffle nouveau. L’influence en<br />
particulier <strong>du</strong> Push Pin Studio <strong>de</strong> Milton Glaser<br />
se fait sentir sur les graphistes français. Robert<br />
Delpire, un éditeur qui privilégie l’esthétique<br />
et l’originalité <strong>de</strong> l’image dans le choix <strong>de</strong><br />
ses publications, édite le <strong>livre</strong>-objet d’André<br />
François (1915-2005), grand nom <strong>de</strong>s arts<br />
graphiques, Larmes <strong>de</strong> crocodile, qui annonce<br />
une nouvelle ère. Il transforme cet essai en<br />
1967 avec Max et les maximonstres, tra<strong>du</strong>ction<br />
d’un ouvrage <strong>de</strong> l’Américain Maurice Sendak (né<br />
en 1928), qui surprend autant par son contenu<br />
que par sa présentation : l’image progresse<br />
<strong>de</strong> page en page, jusqu’à chasser le texte<br />
et recouvrir la double-page centrale — apogée<br />
<strong>du</strong> défoulement <strong>de</strong> Max dans la « fête<br />
épouvantable » avec les monstres —, puis laisse<br />
peu à peu l’écrit revenir dans la secon<strong>de</strong> moitié.<br />
L’histoire et les illustrations, expression <strong>de</strong><br />
l’inconscient enfantin se vengeant <strong>de</strong> la punition<br />
infligée par la mère, choquèrent. On reprocha<br />
à Sendak ses images violentes et sa<br />
contestation <strong>de</strong> l’autorité parentale…<br />
L’album, régulièrement réédité par l’École<br />
<strong>de</strong>s loisirs, est aujourd’hui<br />
une référence. Tout comme<br />
Les Trois Brigands, <strong>de</strong><br />
Tomi Ungerer (né en 1931),<br />
édité en 1968 par l’École<br />
<strong>de</strong>s loisirs, dont le graphisme<br />
et l’humour étonnèrent.<br />
À la même époque apparaissent les<br />
éditions Harlin Quist où François Ruy-Vidal met<br />
en œuvre une politique éditoriale en réaction<br />
contre les pro<strong>du</strong>ctions infantilisantes qui<br />
s’adressent à l’enfant comme à un petit être<br />
fragile, et s’attaque aux tabous et aux<br />
contraintes psychopédagogiques qui pèsent sur<br />
l’album, abordant <strong>de</strong>s thèmes évités jusque-là.<br />
Il fait appel à <strong>de</strong>s auteurs reconnus <strong>de</strong> la<br />
littérature <strong>pour</strong> a<strong>du</strong>ltes (Duras, Ionesco, etc.),<br />
et laisse entière liberté à <strong>de</strong>s artistes non<br />
spécialistes <strong>du</strong> <strong>livre</strong> <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong> (Clau<strong>de</strong><br />
Lapointe, Nicole Claveloux, Bernard Bonhomme,<br />
Étienne Delessert, Patrick Couratin, etc.) qui<br />
réalisent <strong>de</strong>s images fortes, teintées <strong>de</strong><br />
surréalisme. Les albums Harlin Quist ont surpris,<br />
parfois choqué les prescripteurs, mais ils ont<br />
ouvert <strong>de</strong> nouveaux horizons sur ce que pouvait<br />
Nathalie Parain, planche originale<br />
<strong>pour</strong> Mon chat (p. 5)<br />
Texte d’André Beucler<br />
Gallimard, 1930<br />
BNF, Estampes et Photographie, Tf-309 pet. fol.<br />
© Nathalie Parain 1930<br />
© Association André Beucler
être un <strong>livre</strong> <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong>. Parmi trente-six titres<br />
remarquables : les contes <strong>de</strong> Ionesco illustrés<br />
par Delessert, Pierre l’ébouriffé illustré par<br />
Lapointe, Ah ! Ernesto <strong>de</strong> Duras illustré<br />
par Bonhomme, etc.<br />
Le Sourire qui mord, maison d’édition fondée en<br />
1975 par Christian Bruel avec le collectif « Pour<br />
un autre merveilleux », émanation <strong>de</strong> mai 1968,<br />
se place dans le sillon tracé par Ruy-Vidal :<br />
l’objectif est <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s <strong>livre</strong>s qui rompent<br />
avec la mièvrerie ambiante, suscitent la<br />
réflexion <strong>de</strong> l’enfant et répon<strong>de</strong>nt aux questions<br />
qui le préoccupent. Le premier titre, Histoire<br />
<strong>de</strong> Julie qui avait une ombre <strong>de</strong> garçon, d’Anne<br />
Bozellec, Christian Bruel et Anne Galand,<br />
marque bien la volonté <strong>de</strong> l’éditeur d’être à<br />
l’écoute <strong>de</strong> l’enfant, en n’hésitant pas à abor<strong>de</strong>r<br />
ses angoisses existentielles. Des illustrateurs<br />
inventifs, comme Nicole Claveloux, Thierry<br />
Dedieu ou Pef, collaborent au Sourire qui mord,<br />
Clau<strong>de</strong> Ponti, L’Album d’Adèle<br />
© Gallimard, 1986<br />
BNF, Estampes et photographie, KA-2363-4<br />
Un vent <strong>de</strong> folie s’empare <strong>de</strong>s images<br />
qui volent à travers la page. Ponti met<br />
au service <strong>du</strong> tout-petit sa fantaisie<br />
débridée, son coup <strong>de</strong> crayon cocasse<br />
et poétique, <strong>pour</strong> lui offrir <strong>de</strong>s objets<br />
à nommer et <strong>de</strong>s personnages<br />
à faire rêver, dans un mon<strong>de</strong> rempli<br />
<strong>de</strong> poussins coquins.<br />
qui sera repris en 1996 par Gallimard Jeunesse.<br />
Le secteur Jeunesse <strong>de</strong> Gallimard, créé en 1972<br />
par Pierre Marchand et Jean-Olivier Héron, se<br />
diversifie très vite en <strong>de</strong> multiples collections,<br />
qui ne cesseront <strong>de</strong> croître. Gallimard Jeunesse<br />
édite à partir <strong>de</strong> 1975 <strong>de</strong>s albums illustrés et<br />
ouvre notamment la collection « Enfantimages »<br />
(1978), qui a <strong>pour</strong> ambition <strong>de</strong> faire lire <strong>de</strong><br />
grands auteurs aux <strong>enfants</strong> <strong>de</strong> 7 à 10 ans.<br />
Des textes courts d’An<strong>de</strong>rsen, Twain, Giono,<br />
Le Clézio, James Joyce, Tolstoï, ou <strong>de</strong> poètes<br />
comme Prévert, Desnos, Tardieu sont<br />
accompagnés d’images superbement colorées<br />
d’artistes comme Delessert, Lapointe, Blachon,<br />
Bour, Lemoine, etc. Albums ou <strong>livre</strong>s illustrés ?<br />
Depuis les années 1980, où l’édition jeunesse<br />
a proliféré <strong>de</strong> manière exponentielle, <strong>de</strong><br />
nombreuses petites maisons d’édition, plus<br />
ou moins éphémères, œuvrent dans un esprit <strong>de</strong><br />
création artistique et expérimentent <strong>de</strong>s voies<br />
Jean <strong>de</strong> Brunhoff, Le voyage<br />
<strong>de</strong> Babar<br />
Dessin original, don <strong>de</strong><br />
Thierry <strong>de</strong> Brunhoff<br />
BNF, Réserve <strong>de</strong>s <strong>livre</strong>s<br />
rares, Rés. Gr. fol. NFR. 24<br />
© Librairie Hachette 1939<br />
Babar and © Nelvana<br />
Jointly licensed by Nelvana<br />
Limited and the Clifford Ross<br />
Company, Ltd<br />
nouvelles (éditions <strong>du</strong> Rouergue, éditions <strong>du</strong><br />
Sorbier, Thierry Magnier, Rue <strong>du</strong> Mon<strong>de</strong>, etc.).<br />
L’album est aujourd’hui un espace <strong>de</strong> création<br />
ouvert aux artistes qui y expriment leur<br />
formidable inventivité, où se côtoient <strong>de</strong>s styles<br />
d’une extraordinaire diversité et <strong>de</strong>s thèmes<br />
multiples. C’est le lieu <strong>pour</strong> apprendre le mon<strong>de</strong><br />
avec fantaisie, poésie, drôlerie, tendresse.<br />
Sources<br />
Noesser, Laura, « Le <strong>livre</strong> <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong> », Histoire<br />
<strong>de</strong> l’édition française, tome IV.<br />
Parmegiani, Clau<strong>de</strong>-Anne, « Naissance <strong>de</strong> l’album<br />
mo<strong>de</strong>rne », et « L’illustration <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong> », dans<br />
La Revue <strong>de</strong>s <strong>livre</strong>s <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong>, respectivement<br />
automne 1984 et printemps 1989.<br />
Renonciat, Annie, « Origines et naissance <strong>de</strong> l’album<br />
mo<strong>de</strong>rne », dans le catalogue <strong>de</strong> l’exposition.<br />
Vié, François, « Une aventure et plusieurs révolutions »,<br />
dans La Revue <strong>de</strong>s <strong>livre</strong>s <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong>, automne 1984.
Le temps <strong>de</strong>s révolutions<br />
Paul Faucher, le Père Castor<br />
Les Albums <strong>du</strong> Père Castor renouvellent<br />
complètement le <strong>livre</strong> <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong> en<br />
France, tant dans son aspect que dans son<br />
contenu, son graphisme, ses images, ses<br />
textes. La collection a été fondée en 1931<br />
chez Flammarion par un jeune homme<br />
passionné <strong>de</strong> <strong>livre</strong>s et <strong>de</strong> pédagogie,<br />
qui avait obtenu son brevet d’instituteur<br />
en 1916 avant <strong>de</strong> partir faire la guerre.<br />
Entré en 1921 chez Flammarion comme<br />
commis libraire, Paul Faucher est, l’année<br />
suivante, gérant <strong>du</strong> département Beaux<br />
Livres à Lyon. Il s’intéresse au mouvement<br />
d’É<strong>du</strong>cation nouvelle, animé en France<br />
par Roger Cousinet, et fréquente, à<br />
Genève, l’équipe <strong>de</strong> l’Institut Jean-Jacques<br />
Rousseau, école <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong><br />
l’é<strong>du</strong>cation (Claparè<strong>de</strong>, Bovet, Piaget), et le<br />
Bureau international d’é<strong>du</strong>cation. Il fon<strong>de</strong><br />
en 1924, à Paris, le Bureau français<br />
d’é<strong>du</strong>cation, qui organise réunions,<br />
conférences d’é<strong>du</strong>cateurs étrangers,<br />
visites d’écoles nouvelles, expositions,<br />
et crée en 1927, chez Flammarion, la<br />
collection « É<strong>du</strong>cation » ayant <strong>pour</strong> objectif<br />
<strong>de</strong> publier <strong>de</strong>s ouvrages d’initiation à<br />
l’É<strong>du</strong>cation nouvelle. Lors <strong>du</strong> congrès <strong>de</strong><br />
la Ligue internationale <strong>pour</strong> l’É<strong>du</strong>cation<br />
nouvelle <strong>de</strong> 1927, il rencontre l’instituteur<br />
tchèque Frantisek Bakulé, qui a longtemps<br />
travaillé avec <strong>de</strong>s <strong>enfants</strong> handicapés et<br />
a fondé un institut autogéré qui applique<br />
<strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s pédagogiques intégrant une<br />
approche artistique : ainsi a-t-il créé une<br />
chorale dont les <strong>enfants</strong> sont auteurs<br />
et interprètes. Pour Paul Faucher, Bakulé<br />
et ses petits chanteurs sont « la preuve<br />
vivante, bouleversante, miraculeuse <strong>du</strong><br />
pouvoir <strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation ». Dès lors, son<br />
action <strong>de</strong> propagan<strong>de</strong> d’idées abstraites lui<br />
semble inefficace et il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> toucher<br />
les <strong>enfants</strong> eux-mêmes « en leur apportant<br />
<strong>de</strong>s ferments <strong>de</strong> libération et d’activité […]<br />
par le <strong>livre</strong> ». Travaillant avec <strong>de</strong>s groupes<br />
d’<strong>enfants</strong> à la Bibliothèque <strong>de</strong> l’Heure<br />
Joyeuse et à l’œuvre <strong>de</strong> l’« Enfance<br />
Heureuse », il observe les réactions <strong>de</strong>s<br />
<strong>enfants</strong>, le rôle <strong>de</strong>s images, les pièges<br />
<strong>du</strong> texte, et élabore un catalogue anticipé<br />
Marie Colmont, Michka<br />
Images <strong>de</strong> F. Rojankovski<br />
© Flammarion, « Albums <strong>du</strong> Père Castor », 1941<br />
BNF, Estampes et Photographie, KA-340 (29)-4<br />
d’une centaine <strong>de</strong> sujets. Mais il s’aperçoit<br />
vite qu’il doit commencer par faire naître<br />
le goût <strong>de</strong> la lecture chez les petits en<br />
misant sur le pouvoir attractif <strong>de</strong>s images,<br />
qui <strong>de</strong>vront éclairer et prolonger le récit,<br />
et sur l’offre d’activités manuelles.<br />
Il choisit donc l’album illustré, avec<br />
l’intention <strong>de</strong> le transformer : « Plus<br />
d’albums lourds, épais, chers, cartonnés,<br />
d’un goût douteux, mais <strong>de</strong>s albums d’une<br />
riche substance assimilable, d’un format<br />
maniable, <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> pages, répondant à<br />
<strong>de</strong>s exigences artistiques scrupuleuses,<br />
et cependant d’un prix bas, afin <strong>de</strong> toucher<br />
le plus d’<strong>enfants</strong> possible. » Les <strong>de</strong>ux<br />
premiers titres sortis en 1931, Je découpe<br />
et Je fais mes masques, mettent en<br />
application le principe fondamental <strong>de</strong><br />
l’É<strong>du</strong>cation nouvelle : favoriser l’activité<br />
créatrice <strong>de</strong>s <strong>enfants</strong> ; c’est <strong>pour</strong>quoi les<br />
albums sont placés sous le signe <strong>du</strong><br />
castor. Les images <strong>de</strong> Nathalie Parain,<br />
artiste d’origine russe influencée par les<br />
constructivistes (Malevitch, Rodchenko),<br />
sont stylisées, épurées : elle utilise la<br />
technique <strong>de</strong>s papiers découpés ou <strong>de</strong>s<br />
aplats colorés plaqués sur la feuille<br />
blanche qui font ressortir la figure sur<br />
le fond. Elle crée ainsi un grand nombre<br />
d’albums-jeux, sans texte ni histoire,<br />
comportant seulement une préface mo<strong>de</strong><br />
d’emploi rappelant à l’a<strong>du</strong>lte son rôle<br />
<strong>de</strong> médiateur et expliquant le principe<br />
pédagogique <strong>du</strong> <strong>livre</strong>. Elle illustre<br />
également <strong>de</strong>s contes (Baba Yaga) <strong>pour</strong> les<br />
« albums <strong>de</strong> lecture ». L’extrême exigence<br />
portée par Paul Faucher à la conception<br />
graphique <strong>de</strong> ses albums est servie par<br />
une équipe d’illustrateurs inventifs, dont<br />
beaucoup d’émigrés russes, qui échangent<br />
leurs idées et enrichissent les publications<br />
<strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong> leur style.<br />
En 1934, paraît Panache l’écureuil, premier<br />
album <strong>de</strong> la série « Roman <strong>de</strong>s Bêtes ».<br />
Rojankovsky, créateur <strong>de</strong>s images, et Lida<br />
Durdikova, auteur <strong>du</strong> texte, ancienne<br />
collaboratrice <strong>de</strong> Bakulé et épouse <strong>de</strong> Paul<br />
Faucher, vont assurer la réalisation <strong>de</strong> la<br />
série. Rojankovsky (qui signe aussi Rojan)<br />
travaille d’après nature : il va jusqu’à<br />
élever dans son atelier coq,<br />
canard, lapin, écureuil <strong>pour</strong><br />
pouvoir les observer et les<br />
<strong>de</strong>ssiner. Si l’anthropomorphisme<br />
est toujours<br />
Jean-Michel Guilcher, La vie cachée <strong>de</strong>s fleurs<br />
Photos <strong>de</strong> Robert-Henri Noailles<br />
« L’atelier <strong>du</strong> Père Castor présente »<br />
© Flammarion, 1950<br />
BNF, La Joie par les Livres, T 6094<br />
présent dans la fiction, il ne l’est plus <strong>du</strong><br />
tout dans le <strong>de</strong>ssin très réaliste et précis<br />
<strong>de</strong>s animaux dans leur milieu naturel. En<br />
1936, Rojan crée L’ABC <strong>du</strong> Père Castor, un<br />
best-seller toujours édité aujourd’hui.<br />
Parmi bien d’autres participations, il faut<br />
citer son interprétation (1941) <strong>du</strong><br />
personnage <strong>de</strong> Marie Colmont, Michka, un<br />
ours en peluche qui, lassé d’être un jouet,<br />
part se promener la nuit <strong>de</strong> Noël. Autre<br />
création remarquable : Samivel réécrit Le<br />
Joueur <strong>de</strong> flûte <strong>de</strong> Hamelin dans un langage<br />
simple et l’illustre d’un trait sans<br />
fioritures, donnant néanmoins expressivité<br />
et vivacité à ses personnages.<br />
Les albums <strong>du</strong> Père Castor rattrapent le<br />
retard qu’avait pris la France, par rapport<br />
à l’Allemagne, la Pologne ou l’URSS, dans<br />
le domaine <strong>de</strong> la réflexion pédagogique sur<br />
le <strong>livre</strong> d’<strong>enfants</strong>. Leur puissance<br />
é<strong>du</strong>cative leur vaut d’être adoptés très<br />
vite par les écoles maternelles et les<br />
parents. Ils <strong>de</strong>viennent rapi<strong>de</strong>ment<br />
populaires. En 1946, Paul Faucher ouvre<br />
Paul-Émile Victor<br />
Apoutsiak le petit flocon <strong>de</strong> neige<br />
Dessin original, étu<strong>de</strong> <strong>pour</strong> la<br />
couverture [1948 ou avant]<br />
© Famille Victor /Éditions<br />
Flammarion<br />
Bibliothèque <strong>de</strong> l’Heure Joyeuse,<br />
G 919.8 VIC<br />
Cl. Bertrand Huet<br />
Cet ouvrage est régulièrement<br />
réédité avec succès par<br />
Flammarion (Les Albums<br />
<strong>du</strong> Père Castor), bien qu’il<br />
ne correspon<strong>de</strong> plus <strong>du</strong> tout<br />
à la réalité d’aujourd’hui.
l’Atelier <strong>du</strong> Père Castor, où travaillent sous<br />
sa férule les illustrateurs. C’est aussi un<br />
centre <strong>de</strong> recherches bibliopédagogiques<br />
où s’échangent et se vulgarisent les idées.<br />
En 1947, il fon<strong>de</strong> sur les principes <strong>de</strong><br />
l’É<strong>du</strong>cation nouvelle une école<br />
expérimentale qu’il installe sur les mêmes<br />
lieux, ainsi les <strong>de</strong>ssinateurs ont-ils sous<br />
leurs yeux <strong>de</strong>s modèles vivants et <strong>de</strong>s<br />
cobayes <strong>pour</strong> tester la réception <strong>de</strong> leurs<br />
images. Les élèves constituent un véritable<br />
comité <strong>de</strong> lecture. Sous le titre « L’atelier<br />
<strong>du</strong> Père Castor présente… », paraît une<br />
série <strong>de</strong> documentaires <strong>de</strong> sciences<br />
naturelles, ainsi La vie cachée <strong>de</strong>s fleurs,<br />
illustrée <strong>de</strong> photographies.<br />
La collection <strong>de</strong> documentaires<br />
ethnologiques, « Enfants <strong>de</strong> la Terre »,<br />
s’ouvre en 1948 avec l’ouvrage <strong>de</strong> Paul-<br />
Émile Victor Apoutsiak, chef-d’œuvre <strong>de</strong><br />
vulgarisation scientifique et <strong>de</strong> poésie.<br />
En 1951, Gerda Muller intègre l’équipe<br />
<strong>de</strong>s illustrateurs, apportant la précision<br />
et la joliesse <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ssins à <strong>de</strong>s textes<br />
<strong>de</strong> Marie Colmont (Marlaguette, 1952)<br />
ou J.-M. Guilcher (Le Singe et l’Hiron<strong>de</strong>lle,<br />
Premiers jeux, etc.) et à la série <strong>de</strong>s<br />
« Histoires en images ». Elle illustrera une<br />
quarantaine d’albums <strong>du</strong>rant treize années.<br />
La pro<strong>du</strong>ction s’accroît régulièrement<br />
et à la mort <strong>de</strong> Paul Faucher, en 1967,<br />
320 titres auront été édités sous sa<br />
direction et tra<strong>du</strong>its dans <strong>de</strong> nombreux<br />
pays. Son fils François lui succè<strong>de</strong> à la tête<br />
<strong>de</strong> la collection, qui va continuer<br />
à progresser et à se diversifier au sein <strong>de</strong>s<br />
éditions Flammarion.<br />
Sources<br />
Parmegiani, Clau<strong>de</strong>-Anne, « Castor <strong>de</strong>s années<br />
trente », dans La Revue <strong>de</strong>s <strong>livre</strong>s <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong>,<br />
mai-juin 1980.<br />
Noesser, Laura, « Le <strong>livre</strong> <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong> », dans<br />
Histoire <strong>de</strong> l’édition française, tome IV.<br />
Les Amis <strong>du</strong> Père Castor, amisperecastor.free.fr<br />
D’innovations en innovations<br />
L’École <strong>de</strong>s loisirs<br />
L’École <strong>de</strong>s loisirs est fondée en 1965 par<br />
Jean Fabre, éditeur <strong>de</strong> <strong>livre</strong>s scolaires, avec<br />
Jean Delas et Arthur Hubschmid,<br />
responsable <strong>de</strong> la ligne éditoriale. L’objectif<br />
<strong>de</strong> Jean Fabre est <strong>de</strong> publier <strong>de</strong>s albums qui<br />
soient avant tout divertissants, que l’enfant<br />
ait plaisir à regar<strong>de</strong>r, et qui é<strong>du</strong>quent son<br />
sens critique. Il se situe dans le sillage <strong>du</strong><br />
Père Castor, ouvrant à son tour <strong>de</strong>s voies<br />
nouvelles au <strong>livre</strong> <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong>.<br />
Les premières années, l’École <strong>de</strong>s loisirs<br />
publie <strong>de</strong>s <strong>livre</strong>s d’auteurs étrangers<br />
(américains, suédois, belges…), choisis<br />
à partir d’une réflexion sur l’analyse <strong>du</strong><br />
processus <strong>de</strong> lecture et <strong>du</strong> comportement<br />
<strong>du</strong> lecteur. À partir <strong>de</strong> 1968, face à la<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>, Arthur Hubschmid mène une<br />
politique d’auteurs, recherchant <strong>de</strong>s<br />
créateurs qui sachent raconter une histoire<br />
en images avec un <strong>de</strong>ssin simple, expressif<br />
et réaliste et qui touchent la sensibilité<br />
et l’imaginaire <strong>de</strong> l’enfant. Les auteurs<br />
travailleront dans ce sens en étroite<br />
collaboration avec les différents directeurs<br />
<strong>de</strong> collections. La plupart ont marqué <strong>de</strong><br />
Tomi Ungerer<br />
Les Trois Brigands<br />
© L’école <strong>de</strong>s loisirs, 1968<br />
BNF, La Joie par les Livres, T-4911<br />
Ungerer utilise toute la force symbolique<br />
<strong>de</strong> la couleur : la silhouette noire <strong>de</strong>s<br />
brigands aux yeux blancs, unis par un<br />
même trait comme s’ils n’en faisaient<br />
qu’un, se détache sur le fond bleu,<br />
et le jaune vif <strong>de</strong> la lanterne éclaire le<br />
contenu <strong>du</strong> coffre <strong>de</strong> la même couleur.<br />
leur empreinte singulière l’histoire <strong>de</strong><br />
l’illustration <strong>de</strong> l’album. Après Tomi Ungerer<br />
(Les Trois Brigands, Jean <strong>de</strong> la Lune, Le Géant<br />
<strong>de</strong> Zéralda, etc.) et Leo Lionni, dont Le petit<br />
Bleu et le petit Jaune est sans doute le<br />
premier <strong>livre</strong> <strong>pour</strong> <strong>enfants</strong> qui utilise<br />
l’abstraction <strong>pour</strong> distiller un message <strong>de</strong><br />
tolérance, bien d’autres créateurs seront<br />
publiés : Clau<strong>de</strong> Ponti, Yvan Pommaux,<br />
François Place, Grégoire Solotareff, Mario<br />
Ramos, Nadja, Clau<strong>de</strong> Boujon, Philippe<br />
Corentin, etc. Dans le souci <strong>de</strong> toujours<br />
rester au plus près <strong>de</strong> l’enfant, les éditeurs<br />
ont intégré les enseignants à leur réflexion<br />
et ont noué avec eux <strong>de</strong>s relations<br />
interactives.<br />
L’École <strong>de</strong>s loisirs s’est très vite diversifiée<br />
en <strong>de</strong> nombreuses collections couvrant<br />
tous les âges, <strong>de</strong>puis les moins <strong>de</strong> 3 ans<br />
— collection « Loulou et Cie » créée en 1994<br />
avec Solotareff — jusqu’aux adolescents<br />
avec la publication d’auteurs écrivant plus<br />
spécialement <strong>pour</strong> cette tranche d’âge<br />
(Geneviève Brisac, Agnès Desarthe, Marie<br />
Desplechin, Arnaud Cathrine, Marie-Au<strong>de</strong><br />
Murail, etc.).<br />
Leo Lionni (1910-1999)<br />
Le petit Bleu et le petit Jaune<br />
© L’École <strong>de</strong>s loisirs, 1970<br />
BNF, Littérature et Art, EL 8-Y-3542<br />
En s’unissant, Petit-Bleu<br />
et Petit-Jaune donnent<br />
naissance à Petit-Vert.