© Julien Lachaussée / Sony Music sono 46 • <strong>Spirit</strong> le CaraCtère Urbain
Daniel Darc + Greenshape, le 29.02, 20h30, Bikini, 23 e il cherchait un garçon, il semble avoir trouvé dieu. vieil animal punk blessé par les années dope, daniel darc avance plus aguerri que jamais dans La taille de mon âme, album aux accents gainsbouriens. L’ex-taxi girl revient plus chanteur que rockeur, et même un brin rieur… Propos recueillis par Stéphanie Pichon - Photo de Julien lachaussée la rédemptioN seLon danieL darc Sur la pochette, vous êtes agenouillé dans une église, une valise à vos côtés, comme arrivé d’un long voyage. Daniel Darc aurait-il enfin trouvé un endroit où poser son âme ? Non, je ne suis arrivé nulle part. La valise pour moi, c’est plutôt le symbole que je peux me barrer quand je veux. Il se trouve que je suis dans une église, mais, pour moi qui suis protestant, ça n’a rien de sacré, c’est juste un endroit que j’aime bien. Il y a tout de même beaucoup de références à la religion dans l’album. Pas très rockeur ça, non ? Je me fous de faire rockeur ou pas, j’ai donné assez de veines, de kilos, de sang, de stupre, de sperme, pour ne pas avoir besoin d’une crédibilité rock. Je ne sais pas ce que ça veut dire « rockeur ». Ces derniers temps ce mot est employé n’importe comment. En tournée dès que l’hôtel est un peu pourri, les mecs disent « c’est un peu rock’n roll ». Pour moi le rock c’est pas un truc foireux, c’est glam’. Quant aux références religieuses, oui, je suis croyant, et je me sens plus à l’aise à genoux en priant Dieu qu’à un concert de Judas Priest. On avait l’image d’un mec écorché, maudit, rescapé, et là, on découvre un chanteur, poète, au ton presque enjoué, drôle… Moi, ça ne me surprend pas. Laurent Marimbert qui a produit ce disque, a aussi été étonné. Il m’a dit « t’es fun, il faut qu’on s’en rende compte dans le disque. » Vous avez rencontré Laurent Marimbert par l’intermédiaire de Christophe. Est-ce que la confiance s’est instaurée tout de suite, sachant qu’il avait aussi produit les disques de Jennifer, de Sheila ou des 2be3 ? Le fait que Christophe me parle de lui, c’était déjà une caution. Et puis on s’est rencontré, il était timide, moi aussi, on n’a pas beaucoup parlé, il a joué un truc au piano que j’ai trouvé beau. Le lendemain j’étais dans son studio. Ça a commencé comme ça. Ce qui m’intéresse, c’est comment les gens se comportent avec moi, le reste je m’en fous. C’est le premier disque où je travaille vraiment 50/50, au point que sur le livret j’ai écrit « paroles et musiques Darc/Marimbert ». Il est intervenu sur les textes dont j’avais plein de versions, et que j’improvisais en studio. Et moi, j’ai suggéré des choses sur la musique. Il y a eu une vraie interaction. Le disque est très arrangé, on y entend des instruments de toutes sortes, des atmosphères qui donnent une couleur à chaque morceau. C’est sa patte ? On en est tous les deux responsables. En tout cas, il a eu la classe de ne jamais insister quand des choses ne me plaisaient pas. Et de m’écouter aussi. Mais les arrangements, c’est beaucoup lui. Pour la première fois, j’ai vu un orchestre jouer devant moi, avec lui qui écrivait la partition. C’était émouvant pour moi qui ne sais pas l’écrire, pas la lire non plus, ou alors à deux à l’heure. En écoutant cet album, on ne peut s’empêcher de penser à Gainsbourg. Ça vous étonne ? Non, ça me fait plaisir ! Ça me ferait flipper si on me disait : « j’ai pas pu m’empêcher de penser à Frédéric François ». Quand on a commencé à me le dire, ça m’étonnait. Je trouvais que c’était moins Gainsbourg que les albums précédents. Mais il se trouve qu’en France, il y a Gainsbourg. En Angleterre personne ne dit « ça fait Beatles » à chaque bon album… En France, qu’est-ce qu’on peut dire, à part Gainsbourg ? Pour moi, il y a encore Claude Nougaro, Jean-Claude Vannier, quelques autres … Mais c’est tout. Dans le morceau « La taille de mon âme » on retrouve aussi la voix d’Arletty dans Les enfants du paradis, et la référence à l’énumération du Mépris de Godard. Le cinéma vous inspire ? Hitchcock m’a beaucoup plus influencé que Pascal Obispo. Si je pouvais renaître dans la peau d’un autre artiste ayant existé, je serais Cassavetes, pour moi c’est ce qui se fait de mieux avec Hitchcock, Kitano, Leone. Et puis Wenders des Ailes du désir. Je crois surtout que la chanson c’est fini, ce n’est plus aussi important pour les jeunes de maintenant que pour nous. Bowie, et son glam rock, on se disait qu'il était en avance sur tout le reste. Et puis il y a eu le punk, pour moi ça a été une sorte d’acmé. Aujourd’hui, mes filleuls, dans la cour de récré, ils s’en foutent de la musique. Nous, on était obsédés par ça. Ce n’est pas vous qui vieillissez, tout simplement ? Bien sûr que c’est moi qui vieillis. J’ai 52 ans ! Je ne dis pas que c’est pire, mieux, ou moins bien, c’est différent. Pour moi Amy Winehouse était sublime, et malheureusement elle ne sera jamais une légende comme Janis Joplin. La musique n’a plus le même impact. Chanteur engagé, ça ne fait plus sens ? Pas plus aujourd’hui qu’hier. Je n’ai jamais voulu faire du Trust, j’ai toujours trouvé ça un peu ridicule. Je suis plutôt un chanteur dégagé. Mais dans le sens où Morrissey était un chanteur engagé avec un morceau comme Shoplifters of the World Unite, je le suis aussi. En tant que citoyen, je vote à gauche. Je viens de récupérer ma carte électorale qu’on m’avait enlevée parce que je suis passé par la prison. En 2012, j’irai voter parce que c’est plus possible de continuer avec ce gouvernement. Il faut vraiment faire du ménage. Vous seriez prêt à chanter entre les deux tours pour soutenir la gauche ? Hors de question. Peut-être que si on me payait énormément, je dirais oui. Alors que Sarkozy, même s’il payait beaucoup, ce serait non ! eN aNgleTeRRe PeRsONNe Ne DIT « ça fait beatles » à ChaQue bON album… eN FRaNCe, Qu’esT-Ce Qu’ON PeuT DIRe, à PaRT gaINsbOuRg ? le CaraCtère Urbain <strong>Spirit</strong> • 47